hyperthermie d`effort

publicité
HYPERTHERMIE D’EFFORT
M. Aubert, O. Deslangles, Département d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital
d’Instruction des Armées A. Laveran, 13998 Marseille Armées, France.
INTRODUCTION
Le syndrome est caractérisé par une hyperthermie supérieure à 40° C, des
désordres neurologiques et une rhabdomyolyse d’intensité très variable. Il survient
chez des adultes jeunes en bon état physique, indemnes de toute tare cliniquement et
biologiquement décelable de façon simple, au cours d’un effort physique intense et
prolongé dans une ambiance climatique plus ou moins favorable. Ce syndrome a été
également appelé coup de chaleur d’exercice. Cette affection a une potentialité
maligne qui l’a fait dénommer en particulier par Poujol et Buffat « hyperthermie
maligne d’effort ». En France les publications sur ce thème proviennent
essentiellement des cas recensés en milieu militaire. La littérature Anglo-Saxonne a
fourni de nombreuses publications aussi bien civiles que militaires sous le terme
d’Exertional Heat Stroke.
Il est essentiel de distinguer le coup de chaleur d’exercice du coup de chaleur
classique. Ce dernier est lié essentiellement à une ambiance climatique très chaude,
il survient préférentiellement dans les âges extrêmes de la vie, en particulier chez les
personnes âgées et/ou polymédicamentées. Il se différencie également au plan
clinique par une moindre atteinte rénale et hépatique.
MAPAR 1997
1. EPIDEMIOLOGIE
L'hyperthermie d'effort (HE) survient au cours d'un exercice physique intense et
prolongé supérieur à 1 heure pendant lequel la production de chaleur à l'effort est
importante. La marche commando [1] (10 kilomètres avec une charge de 11 kg) est
le plus souvent mise en cause, plus rarement l'entraînement ou les manœuvres
militaires. En milieu civil, les épreuves physiques à l'origine d'une HE sont la course
à pied, le marathon, le semi-marathon [2, 3] ou les courses d'au moins
10 kilomètres [4]. Un cas mortel a été décrit par Tatekawa à l'issue d'un match de
rugby [5], un autre cas grave a été rapporté à l'occasion d'un entraînement de football. Le moment de l'accident est variable en fonction de la durée de l'épreuve : en
fin de course ou à l'arrivée lors des plus courtes, à partir du 13ème km lors des
marathons [2, 4].
Dans notre propre expérience sur une série de 200 cas, 56 % sont survenus au
cours d’une marche commando, 19 % au cours d’un footing intense, 23 % au cours
d’une marche forcée.
1.1. LE TERRAIN
Selon les études, les âges extrêmes se situent entre 11 et 67 ans [4]. La plus
grande série retrouvée dans la littérature porte sur 197 cas d'HE [4] avec une
moyenne d'âge de 23 ans pour les femmes (18 cas) et de 31 ans pour les hommes
(179 cas). La prédominance masculine n'est due qu'aux circonstances de survenue,
une grande partie des accidents ayant été décrite en milieu militaire. Il n'a pas été
mis en évidence de différence ethnique.
1.2. L'AMBIANCE CLIMATIQUE
La température ambiante est modérée dans un nombre important d'observations.
Certaines HE ont été décrites par temps froid. La chaleur a été parfois un facteur
déterminant, les épreuves physiques ayant lieu sous des températures de 31° C,
voire 39° C. L'humidité varie de 30 à 82 % avec une tendance moyenne entre 40 et
60 % [2, 5]. Un degré d'hygrométrie élevé supérieur à 75 % [4], l'absence de vent,
diminuent la capacité de sudation et d'évaporation, réduisant la thermolyse.
2. CLINIQUE
2.1. PRODROMES
Inconstamment rapportés dans 20 % des cas, ils peuvent survenir très
précocément, dès la douzième minute chez Sorensen [4], l'accident survenant une
heure plus tard. Ils sont le plus souvent négligés par le sportif qui continue l'épreuve.
On retrouve par ordre de fréquence décroissante : une asthénie marquée, des
sensations vertigineuses, des crampes musculaires, une soif intense, des frissons
avec horripilation, des troubles psychiques à type d'agressivité, d'hébétude et de
confusion, des céphalées, nausées, vomissements. Certains sujets victimes d'HE les
612
Réanimation et pathologie neuromusculaire
ont déjà ressentis lors de précédentes courses. Le plus souvent ces signes sont
absents, le sujet s'effondre, perd connaissance, à ce stade la température centrale est
supérieure à 39° C [4].
2.2. SYNDROME NEUROLOGIQUE
Il constitue un des trépieds du syndrome avec l'hyperthermie et la
rhabdomyolyse. Les désordres neurologiques sont variables tant dans leur
expression que dans leur durée et les complications qu'ils peuvent induire. Leur
gravité est souvent proportionnelle à l'hyperthermie [8].
Le coma peu profond est rapidement résolutif et sans séquelle dans les formes
bénignes [8], il est alors caractérisé par des troubles de conscience avec confusion,
apathie, désorientation et troubles du comportement, une amnésie antérograde sur la
fin de l'épreuve est parfois notée. Des comas de stade III et IV ont été décrits pour
les formes les plus graves, coma profond, trismus et opisthotonos, sans signe de
localisation, avec abolition des réflexes cornéens et mydriase aréactive bilatérale.
Des convulsions sont parfois associées, généralisées, transitoires. Les tableaux
neurologiques peuvent aussi être très variés avec prédominance des syndromes
cérébelleux. Il peut exister des syndromes focaux avec hémiparésie, syndrome
pyramidal uni ou bilatéral, syndrome méningé incitant à pratiquer une ponction
lombaire ramenant un liquide hypertendu avec une protéinorachie plus ou moins
élevée.
2.3. HYPERTHERMIE
La moyenne de l'hyperthermie se situe autour de 40,5° C [8] ; des extrêmes ont
été mentionnés à 44,8° C et même 46° C. La caractéristique de cette hyperthermie,
outre son degré élevé, est sa rapidité d'installation. Lorsqu'elle dépasse 42° C, son
intensité et sa durée sont un facteur de pronostic péjoratif. Souvent cette température
est mesurée dans le service de soins intensifs alors que l'intéressé a reçu les premiers
soins, faisant sous estimer la température initiale. Parfois elle reste élevée au dessus
de 38,5° C malgré plusieurs heures de réanimation intensive représentant un
mauvais pronostic [8]. Une réascension thermique modérée à 39° C a été constatée
dans certaines observations dans les 48 heures suivant l'accident [4], classiquement
lors de cette hyperthermie la peau est sèche, brûlante, érythrosique, en réalité elle
laisse souvent place à une sudation allant de la simple moiteur à des sueurs profuses.
Chez Richards [4] cette sudation est retrouvée dans 89 % des formes graves.
Certains auteurs notent des frissons.
2.4. RHABDOMYOLYSE
Des crampes, des myalgies sont souvent rapportées [2], elles peuvent être
diffuses ou localisées aux mollets qui sont durs et tendus, elles peuvent parfois
persister plusieurs semaines. Une rigidité des membres inférieurs a été rapportée [5]
lors d'un cas d'évolution mortelle. Cette rhabdomyolyse est confirmée
biologiquement par une élévation des créatinines phosphokinases. Cette élévation
n'a aucune valeur pronostique. Elle reflète uniquement l'importance de la
613
MAPAR 1997
rhabdomyolyse. Elle est en moyenne autour de 3 000 ui.l-1 avec des extrêmes variant
entre 300 et 100 000 ui/l-1 [8].
2.5. TROUBLES HEMODYNAMIQUES
Lors des formes bénignes, il existe une tachycardie sinusale avec collapsus
rapidement corrigés par le remplissage vasculaire et la réfrigération. Seules les
formes malignes ont un tableau tranché évoluant en 2 temps. Les rares observations
documentées [9, 10] mettent en évidence un état hyperkinétique avec un index
cardiaque élevé, une chute des résistances artérielles systémiques, l'évolution peut se
faire vers un état hypokinétique avec effondrement de l'index cardiaque. L'atteinte
cardiaque peut se révéler le plus souvent par une élévation des iso-enzymes
accompagnant des troubles de la repolarisation à l'électrocardiogramme. Des auteurs
ont décrit d'authentiques nécroses myocardiques [9] à coronaires saines ainsi que
des hémorragies myocardiques. Tous les troubles du rythme et de la conduction ont
été rapportés, ils n'ont aucune spécificité si ce n'est qu'ils peuvent prendre une
intensité particulière lors du traitement par réfrigération.
2.6. AUTRES SIGNES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES
La déshydratation, si elle est constante est rarement au premier plan. Pour
Costrini [10], elle serait moindre que dans le coup de chaleur d'ambiance.
Cliniquement elle s'exprime essentiellement par une soif qui peut être intense chez
les sujets conscients [2]. Biologiquement elle se traduit par une hémoconcentration
avec élévation de l'hématocrite jusqu'à des valeurs égales à 64 % et une osmolalité
pouvant atteindre 322 mmol.l-1. Le ionogramme sanguin est extrêmement variable,
la natrémie est souvent normale ; la kaliémie est basse dans 50 % des cas traduisant
une déplétion potassique. Cette hypokaliémie est paradoxale dans le cadre de la
rhabdomyolyse et d'une éventuelle acidose métabolique par accumulation d'acide
lactique [2, 10] liée à l'état de collapsus, l'hypoxie, l'hyperthermie.
2.7. COMPLICATIONS VISCERALES
2.7.1. HEPATIQUES
L'atteinte hépatique est souvent corrélée à la gravité de l'HE [2]. Il existe une
cytolyse importante dans 10 % des cas d'HE. Les signes cliniques apparaissent à
partir de la 36ème heure sous la forme d'ictère ou d'une hépatomégalie douloureuse
pouvant évoluer vers une encéphalopathie parfois fatale en quelques jours [11]. La
cytolyse est importante avec des ASAT et des ALAT supérieurs à 4 000 ui/l [5, 11]
dans les formes mortelles. La cholestase est mixte avec une bilirubinémie totale
pouvant aller jusqu'à 350 µmol/l. L'insuffisance hépato-cellulaire est annoncée par
un effondrement précoce de la glycémie, une diminution significative du taux de
prothrombine. Lors des évolutions favorables, le bilan biologique peut mettre plus
d'un mois pour se normaliser. Les biopsies hépatiques pratiquées mettent en
évidence une nécrose centro-lobulaire hépatocytaire avec une régénération des
hépatocytes, une cholestase, une dilatation portale.
614
Réanimation et pathologie neuromusculaire
2.7.2. RENALES
L'oligurie est pratiquement constante avec des urines foncées. La protéinurie,
une myoglobinurie, la présence de sang sont inconstantes. Dans les formes bénignes
cette atteinte rénale n'est que fonctionnelle liée à la déshydratation, au collapsus.
Dans les formes malignes, elle a une étiologie multiforme liée au choc, à
l'hyperthermie, la rhabdomyolyse, une coagulopathie de consommation. L'évolution
se fait vers une insuffisance rénale aiguë oligo-anurique [2], rarement la diurèse est
conservée.
2.7.3. PULMONAIRES
Les atteintes pulmonaires primitives sont exceptionnelles. Kains a rapporté le
cas d'un patient qui développa une détresse respiratoire avec œdème pulmonaire.
Les gazométries pratiquées mettent en évidence une hypoxie variable [2].
2.7.4. HEMOSTASE
Une coagulopathie de consommation est fréquemment retrouvée lors des formes
graves, de façon retardée de quelques heures à quelques jours. Il s'agit de
coagulation intra-vasculaire disséminée de traduction biologique, les manifestations
hémorragiques ne sont pas exceptionnelles, la CIVD est au premier plan dans tous
les cas d'HE d'évolution rapidement mortelle [8].
3. EVOLUTION
En schématisant cette affection nous pouvons distinguer 3 types d'évolution
correspondant à des formes cliniques différentes :
- Dans la forme mineure la plus fréquente, la durée des troubles de la conscience est
inférieure à 1 heure. Ces troubles sont accompagnés dans 30 % des cas de
convulsions. L'hyperthermie sous l'effet d'un traitement précoce régresse
rapidement dans les 3 heures avec un retour à la normale dans les 24 heures. La
rhabdomyolyse est d'intensité variable, il n'existe pas de séquelles.
- Les formes graves avec troubles de la conscience, hyperthermie durable et atteinte
multiviscérale peuvent laisser subsister des séquelles neurologiques, psychiques,
musculaires avec des stigmates d'atteinte hépatique. Les patients décèdent parfois
non des suites directes de l'hyperthermie mais de complications secondaires.
- Les formes foudroyantes où le décès survient en moins de 24 heures, malgré une
thérapeutique intense, avec défaillance multiviscérale et tableau majeur de
coagulopathie intra-vasculaire disséminée.
4. TRAITEMENT
Le pronostic dépend de sa précocité sur les lieux de l'accident. Le traitement des
troubles de la conscience nécessite une mise en condition rapide et n'a rien de
spécifique.
615
MAPAR 1997
La correction de l'hyperthermie exige une réfrigération immédiate, dans un lieu
frais correctement ventilé, réfrigération essentiellement externe. Parallèlement un
remplissage sera débuté pour corriger l'hypovolémie, basé à ce stade sur les signes
cliniques. L'apport de glucosé hypertonique à 10 % sera systématique pour pallier à
une éventuelle hypoglycémie associée.
L'emploi de salicylés, de corticoïdes ou de drogues inotropes n'a aucune place à
ce niveau, étant inefficace voire dangereux. L'évacuation médicalisée sera assurée
immédiatement après ces premières mesures en service de réanimation.
En milieu hospitalier la réfrigération sera intensive : réfrigération externe sous
forme de tunnels réfrigérants avec ventilation d'un air refroidi par la glace. Un lit
spécial a été mis au point dans certains centres : le Body Cooling Unit permettant
par un système de vaporisation d'eau à 15° C, une déperdition calorique importante
et rapide.
L'immersion dans une baignoire peut être de réalisation difficile et dangereuse
par la vasoconstriction et les troubles du rythme qu'elle peut créer si le différentiel
de température patient-eau est supérieur à 3° C. La réfrigération peut se faire
également par voie interne à l'aide de liquide de perfusion refroidi autour de 15°, à
l'aide de lavages gastriques susceptibles cependant de générer des troubles du
rythme du fait de la contiguité du muscle myocardique.
La correction des autres troubles est purement symptomatique tant au plan
hémodynamique, équilibre acido-basique ou coagulopathie de consommation.
L'emploi du Dantrium (Dantrolène®) doit être plus nuancé. L'analogie clinique
entre l'H.E et l'hyperthermie maligne anesthésique a conduit certains auteurs à
recommander cette thérapeutique [12]. Les posologies sont variables de 1 à
2,5 mg.kg-1 renouvelées toutes les 6 heures jusqu'à 24 heures après la correction de
l'hyperthermie. Ce traitement qui manque de recul ne doit pas être systématique, il
est à réserver en milieu hospitalier aux formes foudroyantes ou graves d'emblée
lorsque les mesures de réfrigération ne permettent pas de réduire rapidement
l'hyperthermie en dessous de 40° C.
5. HYPOTHESES PHYSIOPATHOLOGIQUES
L’élément principal de ce syndrome est centré sur l’hyperthermie appréciée par
son intensité mais surtout sa durée. Cette hyperthermie est la résultante d’un
déséquilibre du bilan thermique, il peut être lié à un dysfonctionnement du système
nerveux central ou du système musculaire. L’approche faite ici reste incomplète,
aucune théorie n’étant vraiment validée à ce jour.
5.1. ANOMALIE DE LA THERMOREGULATION
Tous les facteurs qui vont participer au déséquilibre du bilan thermique soit en
réduisant les pertes soit en accroissant les gains vont concourir au déterminisme de
616
Réanimation et pathologie neuromusculaire
l’hyperthermie d’effort, nous les appellerons les facteurs favorisants. Ils sont
retrouvés chez un certain nombre de nos patients.
Les plus fréquemment rencontrées sont les maladies infectieuses fébriles,
affections banales ayant pour effet d’augmenter le niveau basal de la température
centrale et de réduire les capacités thermolytiques.
La déshydratation induite par une sudation profuse, non compensée par le sportif
entraîne une hypovolémie hyperosmolaire dont l’effet délétère va s’exercer sur la
fonction cardiovasculaire et les capacités thermorégulatrices. Dans notre expérience,
elle est rarement au premier plan, elle n’apparaît que pour des efforts intenses et très
prolongés (au-delà d’une heure) dans un environnement climatique chaud (au-delà
de 25° C).
L’obésité peut induire un déséquilibre de la thermorégulation car elle
s’accompagne d’une augmentation de la production calorique à effort imposé égal.
5.2. DYSFONCTIONNEMENT DU SYSTEME NERVEUX CENTRAL
Cette hypothèse repose sur des signes cliniques et sur des constatations de
lésions anatomiques chez l’homme. Il serait lié à un effet direct de l’hyperthermie
sur les centres thermorégulateurs. D’autres hypothèses ont été évoquées s’appuyant
sur des données expérimentales lors de l’hyperthermie : rôle de l’ischémie centrale,
production de radicaux libres avec atteinte des aires de projection dopaminergique,
action des cytokines lors des exercices intenses qui provoqueraient une
endotoxinémie induisant cette réaction immunitaire. D’autres travaux
expérimentaux sont en cours pour confirmer le bien-fondé de ces observations.
5.3. DYSFONCTIONNEMENT MUSCULAIRE
Une première hypothèse était fondée sur certaines analogies cliniques entre
l’hyperthermie d’effort et l’hyperthermie maligne anesthésique (HMA). Une autre
hypothèse plus large est basée sur le fait qu’une myopathie infra-clinique serait
susceptible d’entraîner une baisse du rendement mécanique global entraînant une
perte d’énergie avec davantage de production de chaleur.
Les travaux réalisés à Marseille par un groupe multidisciplinaire renforcent cette
théorie et permettent d’expliquer un certain nombre de cas d’hyperthermie d’effort,
118 patients ont subi une biopsie musculaire [13, 14]. L’examen histologique a mis
en évidence une anomalie spécifique d’une myopathie chez 16 % d’entre eux. Dans
le même temps étaient réalisés des tests de contracture selon le protocole européen
pour mettre en évidence une éventuelle susceptibilité l’HMA : 14 % d’entre eux
sont susceptibles à l’HMA (sujet MHS) 10 % sont équivoques à l’halothane
(MHEh), devant également en cas d’anesthésie, être considérés comme positifs. A
ce jour il n’est pas possible de conclure qu’il s’agit pour ces patients de la même
affection [15] en l’absence d’étude génétique, cependant dans 3 familles de sujets
MHS coexistent des accidents d’anesthésie et une hyperthermie d’effort ; chez
3 autres sujets dont nous avons pu explorer les ascendants, nous retrouvions le
caractère familial du trait MHS (1 parent MHS ou MHEh).
617
MAPAR 1997
5.4. SUJETS VICTIMES D’HE : EXPLORATIONS A CONSEILLER
Des études réalisées sur la thermophysiologie au repos et à l’exercice chez des
sujets victimes d’une HE, n’ont pas permis d’observer d’anomalies, que ces
exercices aient été réalisés en ambiance climatique normale ou chaude.
Les résultats centrés sur l’hypothèse musculaire nous incitent à recommander
l’exploration de ces patients à 3 niveaux :
- Etude du métabolisme énergétique musculaire par spectroscopie de résonance
magnétique au 31 P.
- Etude de la VO2 Max.
- Biopsie musculaire pour étude histo-enzymatique et tests de contracture.
Les examens doivent être précédés d’une étude clinique soigneuse à la recherche
de circonstances favorisantes pouvant expliquer à elles seules le syndrome :
surmotivation amenant le sujet à dépasser ses possibilités physiques, en poursuivant
l’effort au plus près de sa VO2 Max ; fatigue accumulée ou manque de sommeil
avant une épreuve sportive ; banale affection fébrile ; ambiance climatique
inadaptée (température extérieure > 25° C et hygrométrie > 80 %). Prise de
médicaments réduisant la capacité de sudation.
5.4.1 SPECTROSCOPIE DE RESONANCE MAGNETIQUE AU 31 P
Cet examen a permis de déterminer un certain nombre de profils métaboliques à
partir des paramètres mesurés ou calculés sur les spectros au cours de 2 protocoles
d’exercice en normoxie et sous ischémie : dysfonctionnement oxydatif,
hyperactivation de la glycogénolyse, déficit glycogénolytique, rhabdomyolyse
persistante. Cet examen actuellement ne permet pas un diagnostic précis mais nous
sert d’orientation vers une éventuelle pathologie tout en appréciant les possibilités
musculaires du patient.
5.4.2. ETUDE DE LA VO2 MAX
Cet examen qui permet d’aborder les voies énergétiques sur l’organisme dans
son ensemble nous donne une idée précise des capacités sportives du sujet. Il permet
de juger la puissance développée, l’adaptation cardiovasculaire, le seuil ventilatoire
et la mesure du lactate, de l’ammoniémie et de la créatinine phosphokinase avant et
après effort.
5.4.3. BIOPSIE MUSCULAIRE
Réservée aux « cas problématiques » elle permet l’étude anatomo-pathologique
et celle des principales voies métaboliques au niveau de la glycolyse et du processus
oxydatif [13]. Elle permet également la réalisation des tests de contracture que nous
avons évoqués ci-dessus.
6. PREVENTION
Elle doit être fondée sur des mesures de bon sens et sur une éducation de
l’environnement sportif. La sélection des compétiteurs permet d’identifier les
individus ayant des antécédents médicaux à risque tels les anomalies cutanées
618
Réanimation et pathologie neuromusculaire
(ichtyose) réduisant la sudation, les anomalies musculaires constitutionnelles ou les
intolérances à l’effort, les patients prenant des médicaments interférant avec la
thermorégulation (anticholinergiques, neuroleptiques...) les obèses et les gens
surmenés ou peu entraînés.
Le respect de l’adéquation effort-environnement est à prendre en compte. Tout
examen ou compétition doit être adapté aux contraintes de l’environnement en
particulier à l’ambiance climatique. Le vêtement doit être adapté, il n’est pas rare de
voir des gens pratiquer des sports d’endurance avec des vêtements imperméables
pour « transpirer » alors que le seul effet est de diminuer le mécanisme de sudationévaporation qui reste le plus efficace régulateur thermolytique.
L’information sur cette pathologie doit être largement diffusée, elle est trop
souvent ignorée, sous-estimée ou mal traitée. Une preuve en est l’absence d’étude
épidémiologique en France, excepté le milieu militaire, alors qu’elle est bien
évaluée dans les pays anglo-saxons.
CONCLUSION
Cette pathologie n’a certainement pas une seule étiologie. L’hypothèse du
dysfonctionnement musculaire est satisfaisante car elle est étayée par des éléments
objectifs même s’il convient d’aller plus loin en particulier dans l’étude génétique.
L’étiologie est multifactorielle si nous prenons en compte les circonstances
favorisantes qui à elles seules peuvent expliquer dans certains cas ce syndrome. Une
prévention plus rigoureuse doit permettre de réduire cette pathologie qui entraîne
chaque année plusieurs décès. Un traitement immédiat et bien conduit permet de
stopper cet « emballement » thermique.
619
MAPAR 1997
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
[1] Leterrier F, Bourdon L, Curé M. Les problèmes posés par l’hyperthermie d’effort en
milieu militaire. Dans hyperthermies malignes Bad Homburg Normed Verlag 1993:115-125
[2] Kains JP, Devit S, Close P, Melot C, Nageler J, Van-Rooy P. Exertional in heatstroke
patient. Aviat Space Environ Med 1983;38:315-323
[3] Lepape A, Sarron C, Grozel JM, Perdrix JP, Banssillon V. Une forme grave de coup de
chaleur chez un coureur de fond. Ann Fr Anesth Reanim 1986;5:441-444
[4] Richards R, Richards D. (1984) Exertion-induced heat exhaustion and other medical
aspects of the city-to-surf fun runs 1978-1984 Med J Aust 1984;141:799-805
[5] Tatekawas S, Nishi S, Li J and al. A case report of a serious heatstroke after a rugby
game. Hiroshima J Anesth 1983;54(suppl):9
[6] Sorensen JB, Ranek L. Exertional heatstroke: survival in spite of severe hypoglycemia
liver and kidney damage. J Sports Med Phys Fitness Mars 1988:108-110
[7] Aubert M, Pétrognani R, Deslangles O. Hyperthermie maligne d’effort. Dans
hyperthermies malignes Bad Homburg Normed Verlag 1993:5-14
[8] Aubert M, Kozak-Ribbens G, Cozzone P. Hyperthermie d’effort. Dans Congrès
National d’Anesthésie-Réanimation. Conférences d’actualisation Paris Masson Ed
1991:601-615
[9] Hart LE, Sutton JR. Environmental considerations for exercise. Cardio Clin 1987;5:245258
[10] Costrini AM, Pitt HA, Gustafson AB, Uddin DE. Cardiovascular and metabolic
manifestations of heat stroke and severe heat exhaustion. Am J Med 1979;66:296-302
[11] Bonsignour JP, Brinquin L, Diraison Y, Lereveille R. Coup de chaleur d’exercice et
atteinte hépatique. Problèmes diagnostiques et physiopathologiques. Gastro-entérol cliniq biol
1990;14:105
[12] Kozak-Reiss G, Coursange F et Aubert M. Hyperthermies malignes. Editions
techniques. Encyclopédie Méd Chir (Paris-France) Techniques chirurgicales
Anesthésie-réanimation 1991;364 12 E10:18
[13] Aubert M, Kozak-Ribbens G, Figarella-Branger D, Petrognani R et col. Exploration des
Hyperthermies d’effort (HE). 38ème Congrès national d’anesthésie et de réanimation. SFAR
1996;15,6:786
[14] Figarella-Branger D, Kozak-Ribbens G, Rodet L et al. Pathological findings in
165 patients explored for malignant hyperthermia susceptibility. Neuromuscular Disord
1993;3:553-556
[15] Hopkins PM, Ellis FR, Halsall PJ. Evidence for related myopathies in exertional
heatstroke and malignant hyperthermia. Lancet 1991;338:1491-1492
620
Téléchargement