HYPERTHERMIE D’EFFORT M. Aubert, O. Deslangles, Département d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital d’Instruction des Armées A. Laveran, 13998 Marseille Armées, France. INTRODUCTION Le syndrome est caractérisé par une hyperthermie supérieure à 40° C, des désordres neurologiques et une rhabdomyolyse d’intensité très variable. Il survient chez des adultes jeunes en bon état physique, indemnes de toute tare cliniquement et biologiquement décelable de façon simple, au cours d’un effort physique intense et prolongé dans une ambiance climatique plus ou moins favorable. Ce syndrome a été également appelé coup de chaleur d’exercice. Cette affection a une potentialité maligne qui l’a fait dénommer en particulier par Poujol et Buffat « hyperthermie maligne d’effort ». En France les publications sur ce thème proviennent essentiellement des cas recensés en milieu militaire. La littérature Anglo-Saxonne a fourni de nombreuses publications aussi bien civiles que militaires sous le terme d’Exertional Heat Stroke. Il est essentiel de distinguer le coup de chaleur d’exercice du coup de chaleur classique. Ce dernier est lié essentiellement à une ambiance climatique très chaude, il survient préférentiellement dans les âges extrêmes de la vie, en particulier chez les personnes âgées et/ou polymédicamentées. Il se différencie également au plan clinique par une moindre atteinte rénale et hépatique. MAPAR 1997 1. EPIDEMIOLOGIE L'hyperthermie d'effort (HE) survient au cours d'un exercice physique intense et prolongé supérieur à 1 heure pendant lequel la production de chaleur à l'effort est importante. La marche commando [1] (10 kilomètres avec une charge de 11 kg) est le plus souvent mise en cause, plus rarement l'entraînement ou les manœuvres militaires. En milieu civil, les épreuves physiques à l'origine d'une HE sont la course à pied, le marathon, le semi-marathon [2, 3] ou les courses d'au moins 10 kilomètres [4]. Un cas mortel a été décrit par Tatekawa à l'issue d'un match de rugby [5], un autre cas grave a été rapporté à l'occasion d'un entraînement de football. Le moment de l'accident est variable en fonction de la durée de l'épreuve : en fin de course ou à l'arrivée lors des plus courtes, à partir du 13ème km lors des marathons [2, 4]. Dans notre propre expérience sur une série de 200 cas, 56 % sont survenus au cours d’une marche commando, 19 % au cours d’un footing intense, 23 % au cours d’une marche forcée. 1.1. LE TERRAIN Selon les études, les âges extrêmes se situent entre 11 et 67 ans [4]. La plus grande série retrouvée dans la littérature porte sur 197 cas d'HE [4] avec une moyenne d'âge de 23 ans pour les femmes (18 cas) et de 31 ans pour les hommes (179 cas). La prédominance masculine n'est due qu'aux circonstances de survenue, une grande partie des accidents ayant été décrite en milieu militaire. Il n'a pas été mis en évidence de différence ethnique. 1.2. L'AMBIANCE CLIMATIQUE La température ambiante est modérée dans un nombre important d'observations. Certaines HE ont été décrites par temps froid. La chaleur a été parfois un facteur déterminant, les épreuves physiques ayant lieu sous des températures de 31° C, voire 39° C. L'humidité varie de 30 à 82 % avec une tendance moyenne entre 40 et 60 % [2, 5]. Un degré d'hygrométrie élevé supérieur à 75 % [4], l'absence de vent, diminuent la capacité de sudation et d'évaporation, réduisant la thermolyse. 2. CLINIQUE 2.1. PRODROMES Inconstamment rapportés dans 20 % des cas, ils peuvent survenir très précocément, dès la douzième minute chez Sorensen [4], l'accident survenant une heure plus tard. Ils sont le plus souvent négligés par le sportif qui continue l'épreuve. On retrouve par ordre de fréquence décroissante : une asthénie marquée, des sensations vertigineuses, des crampes musculaires, une soif intense, des frissons avec horripilation, des troubles psychiques à type d'agressivité, d'hébétude et de confusion, des céphalées, nausées, vomissements. Certains sujets victimes d'HE les 612 Réanimation et pathologie neuromusculaire ont déjà ressentis lors de précédentes courses. Le plus souvent ces signes sont absents, le sujet s'effondre, perd connaissance, à ce stade la température centrale est supérieure à 39° C [4]. 2.2. SYNDROME NEUROLOGIQUE Il constitue un des trépieds du syndrome avec l'hyperthermie et la rhabdomyolyse. Les désordres neurologiques sont variables tant dans leur expression que dans leur durée et les complications qu'ils peuvent induire. Leur gravité est souvent proportionnelle à l'hyperthermie [8]. Le coma peu profond est rapidement résolutif et sans séquelle dans les formes bénignes [8], il est alors caractérisé par des troubles de conscience avec confusion, apathie, désorientation et troubles du comportement, une amnésie antérograde sur la fin de l'épreuve est parfois notée. Des comas de stade III et IV ont été décrits pour les formes les plus graves, coma profond, trismus et opisthotonos, sans signe de localisation, avec abolition des réflexes cornéens et mydriase aréactive bilatérale. Des convulsions sont parfois associées, généralisées, transitoires. Les tableaux neurologiques peuvent aussi être très variés avec prédominance des syndromes cérébelleux. Il peut exister des syndromes focaux avec hémiparésie, syndrome pyramidal uni ou bilatéral, syndrome méningé incitant à pratiquer une ponction lombaire ramenant un liquide hypertendu avec une protéinorachie plus ou moins élevée. 2.3. HYPERTHERMIE La moyenne de l'hyperthermie se situe autour de 40,5° C [8] ; des extrêmes ont été mentionnés à 44,8° C et même 46° C. La caractéristique de cette hyperthermie, outre son degré élevé, est sa rapidité d'installation. Lorsqu'elle dépasse 42° C, son intensité et sa durée sont un facteur de pronostic péjoratif. Souvent cette température est mesurée dans le service de soins intensifs alors que l'intéressé a reçu les premiers soins, faisant sous estimer la température initiale. Parfois elle reste élevée au dessus de 38,5° C malgré plusieurs heures de réanimation intensive représentant un mauvais pronostic [8]. Une réascension thermique modérée à 39° C a été constatée dans certaines observations dans les 48 heures suivant l'accident [4], classiquement lors de cette hyperthermie la peau est sèche, brûlante, érythrosique, en réalité elle laisse souvent place à une sudation allant de la simple moiteur à des sueurs profuses. Chez Richards [4] cette sudation est retrouvée dans 89 % des formes graves. Certains auteurs notent des frissons. 2.4. RHABDOMYOLYSE Des crampes, des myalgies sont souvent rapportées [2], elles peuvent être diffuses ou localisées aux mollets qui sont durs et tendus, elles peuvent parfois persister plusieurs semaines. Une rigidité des membres inférieurs a été rapportée [5] lors d'un cas d'évolution mortelle. Cette rhabdomyolyse est confirmée biologiquement par une élévation des créatinines phosphokinases. Cette élévation n'a aucune valeur pronostique. Elle reflète uniquement l'importance de la 613 MAPAR 1997 rhabdomyolyse. Elle est en moyenne autour de 3 000 ui.l-1 avec des extrêmes variant entre 300 et 100 000 ui/l-1 [8]. 2.5. TROUBLES HEMODYNAMIQUES Lors des formes bénignes, il existe une tachycardie sinusale avec collapsus rapidement corrigés par le remplissage vasculaire et la réfrigération. Seules les formes malignes ont un tableau tranché évoluant en 2 temps. Les rares observations documentées [9, 10] mettent en évidence un état hyperkinétique avec un index cardiaque élevé, une chute des résistances artérielles systémiques, l'évolution peut se faire vers un état hypokinétique avec effondrement de l'index cardiaque. L'atteinte cardiaque peut se révéler le plus souvent par une élévation des iso-enzymes accompagnant des troubles de la repolarisation à l'électrocardiogramme. Des auteurs ont décrit d'authentiques nécroses myocardiques [9] à coronaires saines ainsi que des hémorragies myocardiques. Tous les troubles du rythme et de la conduction ont été rapportés, ils n'ont aucune spécificité si ce n'est qu'ils peuvent prendre une intensité particulière lors du traitement par réfrigération. 2.6. AUTRES SIGNES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES La déshydratation, si elle est constante est rarement au premier plan. Pour Costrini [10], elle serait moindre que dans le coup de chaleur d'ambiance. Cliniquement elle s'exprime essentiellement par une soif qui peut être intense chez les sujets conscients [2]. Biologiquement elle se traduit par une hémoconcentration avec élévation de l'hématocrite jusqu'à des valeurs égales à 64 % et une osmolalité pouvant atteindre 322 mmol.l-1. Le ionogramme sanguin est extrêmement variable, la natrémie est souvent normale ; la kaliémie est basse dans 50 % des cas traduisant une déplétion potassique. Cette hypokaliémie est paradoxale dans le cadre de la rhabdomyolyse et d'une éventuelle acidose métabolique par accumulation d'acide lactique [2, 10] liée à l'état de collapsus, l'hypoxie, l'hyperthermie. 2.7. COMPLICATIONS VISCERALES 2.7.1. HEPATIQUES L'atteinte hépatique est souvent corrélée à la gravité de l'HE [2]. Il existe une cytolyse importante dans 10 % des cas d'HE. Les signes cliniques apparaissent à partir de la 36ème heure sous la forme d'ictère ou d'une hépatomégalie douloureuse pouvant évoluer vers une encéphalopathie parfois fatale en quelques jours [11]. La cytolyse est importante avec des ASAT et des ALAT supérieurs à 4 000 ui/l [5, 11] dans les formes mortelles. La cholestase est mixte avec une bilirubinémie totale pouvant aller jusqu'à 350 µmol/l. L'insuffisance hépato-cellulaire est annoncée par un effondrement précoce de la glycémie, une diminution significative du taux de prothrombine. Lors des évolutions favorables, le bilan biologique peut mettre plus d'un mois pour se normaliser. Les biopsies hépatiques pratiquées mettent en évidence une nécrose centro-lobulaire hépatocytaire avec une régénération des hépatocytes, une cholestase, une dilatation portale. 614 Réanimation et pathologie neuromusculaire 2.7.2. RENALES L'oligurie est pratiquement constante avec des urines foncées. La protéinurie, une myoglobinurie, la présence de sang sont inconstantes. Dans les formes bénignes cette atteinte rénale n'est que fonctionnelle liée à la déshydratation, au collapsus. Dans les formes malignes, elle a une étiologie multiforme liée au choc, à l'hyperthermie, la rhabdomyolyse, une coagulopathie de consommation. L'évolution se fait vers une insuffisance rénale aiguë oligo-anurique [2], rarement la diurèse est conservée. 2.7.3. PULMONAIRES Les atteintes pulmonaires primitives sont exceptionnelles. Kains a rapporté le cas d'un patient qui développa une détresse respiratoire avec œdème pulmonaire. Les gazométries pratiquées mettent en évidence une hypoxie variable [2]. 2.7.4. HEMOSTASE Une coagulopathie de consommation est fréquemment retrouvée lors des formes graves, de façon retardée de quelques heures à quelques jours. Il s'agit de coagulation intra-vasculaire disséminée de traduction biologique, les manifestations hémorragiques ne sont pas exceptionnelles, la CIVD est au premier plan dans tous les cas d'HE d'évolution rapidement mortelle [8]. 3. EVOLUTION En schématisant cette affection nous pouvons distinguer 3 types d'évolution correspondant à des formes cliniques différentes : - Dans la forme mineure la plus fréquente, la durée des troubles de la conscience est inférieure à 1 heure. Ces troubles sont accompagnés dans 30 % des cas de convulsions. L'hyperthermie sous l'effet d'un traitement précoce régresse rapidement dans les 3 heures avec un retour à la normale dans les 24 heures. La rhabdomyolyse est d'intensité variable, il n'existe pas de séquelles. - Les formes graves avec troubles de la conscience, hyperthermie durable et atteinte multiviscérale peuvent laisser subsister des séquelles neurologiques, psychiques, musculaires avec des stigmates d'atteinte hépatique. Les patients décèdent parfois non des suites directes de l'hyperthermie mais de complications secondaires. - Les formes foudroyantes où le décès survient en moins de 24 heures, malgré une thérapeutique intense, avec défaillance multiviscérale et tableau majeur de coagulopathie intra-vasculaire disséminée. 4. TRAITEMENT Le pronostic dépend de sa précocité sur les lieux de l'accident. Le traitement des troubles de la conscience nécessite une mise en condition rapide et n'a rien de spécifique. 615 MAPAR 1997 La correction de l'hyperthermie exige une réfrigération immédiate, dans un lieu frais correctement ventilé, réfrigération essentiellement externe. Parallèlement un remplissage sera débuté pour corriger l'hypovolémie, basé à ce stade sur les signes cliniques. L'apport de glucosé hypertonique à 10 % sera systématique pour pallier à une éventuelle hypoglycémie associée. L'emploi de salicylés, de corticoïdes ou de drogues inotropes n'a aucune place à ce niveau, étant inefficace voire dangereux. L'évacuation médicalisée sera assurée immédiatement après ces premières mesures en service de réanimation. En milieu hospitalier la réfrigération sera intensive : réfrigération externe sous forme de tunnels réfrigérants avec ventilation d'un air refroidi par la glace. Un lit spécial a été mis au point dans certains centres : le Body Cooling Unit permettant par un système de vaporisation d'eau à 15° C, une déperdition calorique importante et rapide. L'immersion dans une baignoire peut être de réalisation difficile et dangereuse par la vasoconstriction et les troubles du rythme qu'elle peut créer si le différentiel de température patient-eau est supérieur à 3° C. La réfrigération peut se faire également par voie interne à l'aide de liquide de perfusion refroidi autour de 15°, à l'aide de lavages gastriques susceptibles cependant de générer des troubles du rythme du fait de la contiguité du muscle myocardique. La correction des autres troubles est purement symptomatique tant au plan hémodynamique, équilibre acido-basique ou coagulopathie de consommation. L'emploi du Dantrium (Dantrolène®) doit être plus nuancé. L'analogie clinique entre l'H.E et l'hyperthermie maligne anesthésique a conduit certains auteurs à recommander cette thérapeutique [12]. Les posologies sont variables de 1 à 2,5 mg.kg-1 renouvelées toutes les 6 heures jusqu'à 24 heures après la correction de l'hyperthermie. Ce traitement qui manque de recul ne doit pas être systématique, il est à réserver en milieu hospitalier aux formes foudroyantes ou graves d'emblée lorsque les mesures de réfrigération ne permettent pas de réduire rapidement l'hyperthermie en dessous de 40° C. 5. HYPOTHESES PHYSIOPATHOLOGIQUES L’élément principal de ce syndrome est centré sur l’hyperthermie appréciée par son intensité mais surtout sa durée. Cette hyperthermie est la résultante d’un déséquilibre du bilan thermique, il peut être lié à un dysfonctionnement du système nerveux central ou du système musculaire. L’approche faite ici reste incomplète, aucune théorie n’étant vraiment validée à ce jour. 5.1. ANOMALIE DE LA THERMOREGULATION Tous les facteurs qui vont participer au déséquilibre du bilan thermique soit en réduisant les pertes soit en accroissant les gains vont concourir au déterminisme de 616 Réanimation et pathologie neuromusculaire l’hyperthermie d’effort, nous les appellerons les facteurs favorisants. Ils sont retrouvés chez un certain nombre de nos patients. Les plus fréquemment rencontrées sont les maladies infectieuses fébriles, affections banales ayant pour effet d’augmenter le niveau basal de la température centrale et de réduire les capacités thermolytiques. La déshydratation induite par une sudation profuse, non compensée par le sportif entraîne une hypovolémie hyperosmolaire dont l’effet délétère va s’exercer sur la fonction cardiovasculaire et les capacités thermorégulatrices. Dans notre expérience, elle est rarement au premier plan, elle n’apparaît que pour des efforts intenses et très prolongés (au-delà d’une heure) dans un environnement climatique chaud (au-delà de 25° C). L’obésité peut induire un déséquilibre de la thermorégulation car elle s’accompagne d’une augmentation de la production calorique à effort imposé égal. 5.2. DYSFONCTIONNEMENT DU SYSTEME NERVEUX CENTRAL Cette hypothèse repose sur des signes cliniques et sur des constatations de lésions anatomiques chez l’homme. Il serait lié à un effet direct de l’hyperthermie sur les centres thermorégulateurs. D’autres hypothèses ont été évoquées s’appuyant sur des données expérimentales lors de l’hyperthermie : rôle de l’ischémie centrale, production de radicaux libres avec atteinte des aires de projection dopaminergique, action des cytokines lors des exercices intenses qui provoqueraient une endotoxinémie induisant cette réaction immunitaire. D’autres travaux expérimentaux sont en cours pour confirmer le bien-fondé de ces observations. 5.3. DYSFONCTIONNEMENT MUSCULAIRE Une première hypothèse était fondée sur certaines analogies cliniques entre l’hyperthermie d’effort et l’hyperthermie maligne anesthésique (HMA). Une autre hypothèse plus large est basée sur le fait qu’une myopathie infra-clinique serait susceptible d’entraîner une baisse du rendement mécanique global entraînant une perte d’énergie avec davantage de production de chaleur. Les travaux réalisés à Marseille par un groupe multidisciplinaire renforcent cette théorie et permettent d’expliquer un certain nombre de cas d’hyperthermie d’effort, 118 patients ont subi une biopsie musculaire [13, 14]. L’examen histologique a mis en évidence une anomalie spécifique d’une myopathie chez 16 % d’entre eux. Dans le même temps étaient réalisés des tests de contracture selon le protocole européen pour mettre en évidence une éventuelle susceptibilité l’HMA : 14 % d’entre eux sont susceptibles à l’HMA (sujet MHS) 10 % sont équivoques à l’halothane (MHEh), devant également en cas d’anesthésie, être considérés comme positifs. A ce jour il n’est pas possible de conclure qu’il s’agit pour ces patients de la même affection [15] en l’absence d’étude génétique, cependant dans 3 familles de sujets MHS coexistent des accidents d’anesthésie et une hyperthermie d’effort ; chez 3 autres sujets dont nous avons pu explorer les ascendants, nous retrouvions le caractère familial du trait MHS (1 parent MHS ou MHEh). 617 MAPAR 1997 5.4. SUJETS VICTIMES D’HE : EXPLORATIONS A CONSEILLER Des études réalisées sur la thermophysiologie au repos et à l’exercice chez des sujets victimes d’une HE, n’ont pas permis d’observer d’anomalies, que ces exercices aient été réalisés en ambiance climatique normale ou chaude. Les résultats centrés sur l’hypothèse musculaire nous incitent à recommander l’exploration de ces patients à 3 niveaux : - Etude du métabolisme énergétique musculaire par spectroscopie de résonance magnétique au 31 P. - Etude de la VO2 Max. - Biopsie musculaire pour étude histo-enzymatique et tests de contracture. Les examens doivent être précédés d’une étude clinique soigneuse à la recherche de circonstances favorisantes pouvant expliquer à elles seules le syndrome : surmotivation amenant le sujet à dépasser ses possibilités physiques, en poursuivant l’effort au plus près de sa VO2 Max ; fatigue accumulée ou manque de sommeil avant une épreuve sportive ; banale affection fébrile ; ambiance climatique inadaptée (température extérieure > 25° C et hygrométrie > 80 %). Prise de médicaments réduisant la capacité de sudation. 5.4.1 SPECTROSCOPIE DE RESONANCE MAGNETIQUE AU 31 P Cet examen a permis de déterminer un certain nombre de profils métaboliques à partir des paramètres mesurés ou calculés sur les spectros au cours de 2 protocoles d’exercice en normoxie et sous ischémie : dysfonctionnement oxydatif, hyperactivation de la glycogénolyse, déficit glycogénolytique, rhabdomyolyse persistante. Cet examen actuellement ne permet pas un diagnostic précis mais nous sert d’orientation vers une éventuelle pathologie tout en appréciant les possibilités musculaires du patient. 5.4.2. ETUDE DE LA VO2 MAX Cet examen qui permet d’aborder les voies énergétiques sur l’organisme dans son ensemble nous donne une idée précise des capacités sportives du sujet. Il permet de juger la puissance développée, l’adaptation cardiovasculaire, le seuil ventilatoire et la mesure du lactate, de l’ammoniémie et de la créatinine phosphokinase avant et après effort. 5.4.3. BIOPSIE MUSCULAIRE Réservée aux « cas problématiques » elle permet l’étude anatomo-pathologique et celle des principales voies métaboliques au niveau de la glycolyse et du processus oxydatif [13]. Elle permet également la réalisation des tests de contracture que nous avons évoqués ci-dessus. 6. PREVENTION Elle doit être fondée sur des mesures de bon sens et sur une éducation de l’environnement sportif. La sélection des compétiteurs permet d’identifier les individus ayant des antécédents médicaux à risque tels les anomalies cutanées 618 Réanimation et pathologie neuromusculaire (ichtyose) réduisant la sudation, les anomalies musculaires constitutionnelles ou les intolérances à l’effort, les patients prenant des médicaments interférant avec la thermorégulation (anticholinergiques, neuroleptiques...) les obèses et les gens surmenés ou peu entraînés. Le respect de l’adéquation effort-environnement est à prendre en compte. Tout examen ou compétition doit être adapté aux contraintes de l’environnement en particulier à l’ambiance climatique. Le vêtement doit être adapté, il n’est pas rare de voir des gens pratiquer des sports d’endurance avec des vêtements imperméables pour « transpirer » alors que le seul effet est de diminuer le mécanisme de sudationévaporation qui reste le plus efficace régulateur thermolytique. L’information sur cette pathologie doit être largement diffusée, elle est trop souvent ignorée, sous-estimée ou mal traitée. Une preuve en est l’absence d’étude épidémiologique en France, excepté le milieu militaire, alors qu’elle est bien évaluée dans les pays anglo-saxons. CONCLUSION Cette pathologie n’a certainement pas une seule étiologie. L’hypothèse du dysfonctionnement musculaire est satisfaisante car elle est étayée par des éléments objectifs même s’il convient d’aller plus loin en particulier dans l’étude génétique. L’étiologie est multifactorielle si nous prenons en compte les circonstances favorisantes qui à elles seules peuvent expliquer dans certains cas ce syndrome. Une prévention plus rigoureuse doit permettre de réduire cette pathologie qui entraîne chaque année plusieurs décès. Un traitement immédiat et bien conduit permet de stopper cet « emballement » thermique. 619 MAPAR 1997 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Leterrier F, Bourdon L, Curé M. 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