1.5 Le développement et l’administration de la colonie jusqu’en 1760
La France au XVIe siècle, alors qu’elle était engagée dans des guerres coûteuses, a
été confrontée aux problèmes du financement du peuplement et de la colonisation
des territoires dont ses explorateurs avaient pris possession en son nom en
Amérique.
Le commerce des fourrures devenu très florissant permet de trouver la solution. En
retour d’un monopole exclusif accordé par l’État, une compagnie privée assumerait le
peuplement du territoire. Cette compagnie avait le pouvoir de commercer avec les
Aborigènes (Indiens) et de faire des lois et ordonnances. C’est ce qui fut fait et ses
pouvoirs ont été délégués à un lieutenant qui prend le titre de gouverneur en 1635.
La France, contrairement aux colonies britanniques, confinées par la chaîne de
montagnes au littoral atlantique, a pu se constituer un immense empire territorial
couvrant les trois quarts du continent, c’est-à-dire de l’Acadie vers le nord en passant
par Plaisance à Terre-Neuve, puis vers la baie d’Hudson et à l’ouest du lac Supérieur
en descendant en Louisiane, la Nouvelle-Orléans et Mobile jusqu’au golfe du
Mexique. Mais cette immensité avait la fragilité pour contrepartie. La France a tout au
plus réussi à prendre possession des territoires, sans les occuper, les habiter et les
contrôler. Si l’on fait exception des peuplements en périphérie destinés à la traite des
fourrures et l’approvisionnement en poissons, l’administration a tenu à concentrer la
population à Tadoussac, Québec, Trois-Rivières, Montréal et Sorel. Le régime
seigneurial ayant été retenu comme le meilleur moyen d’occuper et de gérer les terres
de la colonie, la vallée du Saint-Laurent, en 1700, comptait 80 seigneuries, plusieurs
cependant ayant été abandonnées. Toutefois, en 1663, la colonie étant toujours peu
peuplée (3215 habitants au 1er recensement en 1665) et dans un état précaire, il est
fait le constat que les compagnies qui se sont succédées, celles des Marchands, de
Caen, des Cent Associés, De Rouen et la Communauté des habitants, ont failli à la
tâche au fil du temps. Dès lors, Louis XIV, poussé par son ministre Colbert reprend en
main la colonisation française en Amérique et effectue une réorganisation
administrative. La Nouvelle-France acquiert alors ses institutions essentielles par la
nomination d’un gouverneur, d’un intendant et la création du Conseil souverain. Plus
précisément, ce conseil est sous l’autorité de deux chefs, le gouverneur et l’évêque.
Les autres membres sont l’intendant, le procureur général, le greffier et sept
conseillers. Cette double autorité, porteuse de conflits, emmena Mgr de Laval, qui
avait été nommé vicaire apostolique en 1658 à faire remplacer le gouverneur
d’Avaugour et lui choisir un successeur en Saffray de Mézy.
L’année 1665 est marquée de plusieurs événements dont l’arrivée des « filles du roi »
et l’obligation faite aux célibataires de se choisir une épouse parmi elles (jusqu’en
1673, il en vint 900), l’arrivée du lieutenant de Tracy et du régiment de Carignan-
Salières qui va réprimer l’Iroquoisie en 1666. La même année, Daniel de Rémy de
Courcelle est nommé gouverneur alors que Jean Talon, homme de confiance de
Colbert, devient le premier intendant de la Nouvelle-France. Elle se voit dotée d’un
gouvernement bicéphale : au gouverneur reviennent la direction des activités
militaires et les relations extérieures, incluant celles avec les Aborigènes (Indiens); à
l’intendant, la justice, la police et les finances. Dans un tel contexte, les compagnies
ne détiendront désormais que des monopoles commerciaux.
En 1672, Louis de Buade de Frontenac est nommé gouverneur de la Nouvelle-France
alors que Jean Talon quitte, déçu des réactions de la royauté et de son entourage qui
ne l’ont pas soutenu dans son objectif de bâtir un pays axé sur l’industrie et le
commerce en plus de l’agriculture et de la traite des fourrures.
Ce modèle d’administration de la colonie dure jusqu’en 1763. Cette période est
marquée par des hivers rigoureux, la pauvreté qui frappe les habitants, les disettes de
blé causées par la sécheresse ou les pluies excessives, les épidémies de chenilles, le
typhus. Ces calamités se succèdent à tous les deux ou trois ans.
Ainsi, en 1704, la colonie est au bord de la révolution et même les curés menacent
d’abandonner leurs ouailles. Philippe de Rigaud de Vaudreuil et Beauharnois,
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