Compte-rendu des débats - Forum Santé Publique Sanofi

Les promesses
de la santé connectée :
La culture numérique peut-elle
améliorer les performances
de santé publique ?
Vendredi 21 novembre
2014
Introduction 03
Table ronde d’introduction - Les nouvelles technologies : 04
une révolution culturelle qui change notre rappor t à la santé.
Les Speechs
Open data, liberté pour les données ! 06
Numérique ou non, la confiance reste le princeps de la relation de soin 08
L'insight Patient, nouvelle source de progrès en santé publique 09
« Connais-toi toi-même » 10
Table ronde de conclusion - Comment accélérer le changement 11
de regard et de comportement des acteurs de santé publique ?
Conclusion 15
Plus de 200 acteurs français de la santé se sont réunis, sous l’égide
de Sano pour la 8ème année consécutive. Cette journée autour du thème
« Les promesses de la santé connectée » alternait tables rondes, keynotes
et démonstrations pratiques des outils de santé connectée.
A l’heure où les GAFAs (Google, Apple, Facebook, Amazon) viennent
bousculer l’ordre établi dans l’univers de la santé et où les patients
deviennent acteurs à part entière du système, Sano veut ainsi réafrmer
son rôle d’acteur de santé mais aussi d’entreprise citoyenne pour faire
avancer le débat sur les politiques de santé publique.
Marc-Antoine Lucchini, Président Directeur Général Sano France, dans
son allocution d’ouverture rappelle que « L’innovation fait partie de l’ADN de
Sano. Nous voulons être un acteur global de santé ».
Il souligne également qu’avec les promesses de la santé connectée viennent
de nombreuses questions notamment d’ordre éthique ou pratique, d’où
l’importance de réunir l’ensemble des acteurs de la société an de penser
et d’organiser cette santé de demain.
SOMMAIRE
- 3 -
« LA E-SANTÉ EST DÉJÀ UNE RÉALITÉ,
À NOUS D’EN FAIRE UNE CHANCE ! »
Patrick Mallea débute
ce débat en nous apportant
sa vision d’entrepreneur mais
aussi de citoyen. Il afrme que
depuis bien longtemps dans le
domaine de la santé nous ne
réagissons qu’à la demande.
Il faut anticiper les besoins
pour intervenir avant d’avoir
à consulter un médecin ou se
rendre aux urgences. L’enjeu
majeur de l’application des
technologies dans le domaine
de la santé est de faire en
sorte que nous n’ayons plus de
perte de chance causée par un
retard de prise en compte et de
traitement du besoin.
« Aujourd’hui nous pouvons
être les champions du monde
du curatif mais nous
n’acceptons pas de jouer dans
le champ du préventif »
.
Peu importe le progrès
technologique, quand nous
avons un besoin en matière
de santé il faut que cette
technologie puisse nous diriger
vers la bonne personne et
au bon moment. L’innovation
n’est pas le progrès technique.
Elle sera effective le jour où
la société acceptera de se
remettre en question pour
évoluer.
En ce qui concerne les GAFAs,
ils amènent de la simplicité où il
y a de la complication.
Yvanie Caillé s’exprime
à son tour sur l’utilisation
d’internet par les patients. La
principale conséquence est le
développement du partage des
connaissances, de l’information
et de l’expertise. C’est d’ailleurs
ce qui fait la force du web social
pour les patients selon elle car
« on y retrouve des pairs, on
parle le même langage »
.
Sur internet le patient
trouve des personnes qui lui
ressemblent et il se forme
une relation d’échanges et
d’entre-aide où la réalité de la
maladie est exprimée. C’est un
contexte bienveillant car des
personnes qui ont été aidées
renvoient l’ascenseur en aidant
à leur tour. De plus, les patients
expriment mieux les émotions
liées à leur maladie auprès
de leurs pairs. Grâce aux
technologies de l’information
et de la communication (TIC),
ils deviennent acteurs de leur
santé et parfois même experts
de leur maladie.
Dans le cas de la relation de
soin, Yvanie Caillé avance que :
«Le temps gagné grâce aux
TIC doit être réinvesti dans la
relation médecin-patient pour
ne pas la déshumaniser
Selon Guillaume Marchand, qui
étudie des applications mobiles
de santé, la révolution est
principalement intellectuelle et
médiatique. Pour qu’il y ait une
révolution, il faut l’information
et la formation. Parallèlement
à l’éducation du patient,
le médecin aussi doit être
accompagné car son adoption
du numérique est plus lente que
celle des patients. En effet il se
montre plus méant.
Il n’y aura pas de révolution
culturelle tant que les
professionnels de santé au sens
large ne seront pas inclus dans
la boucle du numérique
.
Pour aboutir à une révolution
culturelle il faut aussi de la
pertinence dans l’offre. L’équipe
de Guillaume Marchand
recommande seulement 20%
des 900 applications étudiées.
C’est une réalité retrouvée dans
les Appstore car les applications
découlent le plus souvent de
besoins industriels et ne sont
pas construites à partir de
besoins terrains.
Guillaume Marchand,
médecin psychiatre, utilise
son expérience personnelle
pour passer un message :
«Travaillons les besoins
terrains, faisons émerger
les besoins au quotidien. Je
faisais de la pédopsychiatrie,
j’ai vingt idées d’applications
pour les enfants autistes, il
sufrait qu’on me demande »
.
Pour nir, la vraie révolution
culturelle n’est-elle pas dans
le décloisonnement et la
délégation entre les différents
professionnels de santé ?
Patients ou médecins utilisent
des applications chacun de leur
côté et Guillaume Marchand
se demande s’il n’y aurait
pas un lien à faire entre les
utilisateurs. Enn, pourquoi
le médecin ne devrait-il pas
devenir un ingénieur ? Il conclut
que l’innovation ne réside pas
dans la technologie mais dans
l’usage qui en sera fait.
Christine Ballagué en tant
qu’experte des TIC nous donne
son point de vue. Tout d’abord
nous sommes dans une société
totalement métamorphosée
par le numérique au quotidien
et dans tous les secteurs y
compris la santé. Elle énonce
LES NOUVELLES TECHNOLOGIES : UNE RÉVOLUTION
CULTURELLE QUI CHANGE NOTRE RAPPORT À LA SANTÉ.
TABLE-RONDE D’INTRODUCTION
PATRICK MALLEA
Directeur Stratégie
et Développement,
Société Accelis.
La e-santé est une révolution technologique mais aussi une révolution culturelle.
Elle transforme notre rapport à la santé et aux autres, aux autorités, au temps,
au monde et à l’homme.
dans son discours trois
aspects du changement liés au
numérique que nous retrouvons
dans tous les domaines.
Le premier aspect est une
modication de l’individu.
Le patient a une capacité
d’agir que nous appelons
l’empowerment. Il reçoit
de l’information qui accroît
sa capacité à connaître sa
maladie.
Depuis les années 2000 et la
création des réseaux sociaux
nous avons une production
par le patient d’information.
Des photos comme des textes
sont partagés massivement et
cette information dite profane
accompagne les patients au
quotidien dans leur maladie.
Ces derniers deviennent
acteurs de leur propre santé.
Le deuxième aspect du
changement lié au numérique
est la transformation du rôle
des institutions. L’asymétrie
d’information entre le patient et
son médecin diminue avec le
numérique, ce qui transforme
la relation patient-médecin. Le
rôle du médecin est transformé
et il doit s’adapter. Concernant
les institutions publiques,
un phénomène nouveau se
développe : non seulement
le patient partage et crée de
l’information mais surtout
« les
individus croient plus en leurs
pairs que dans les institutions».
C’est là un changement
fondamental.
Le troisième aspect de ce
changement est l’arrivée
des grandes plateformes
américaines qui ont une
capacité nancière considérable
et font du marché de la santé
leur priorité.
La e-santé a un potentiel
incroyable et deux enjeux
majeurs se dégagent. Les
enjeux éthiques car la santé
connectée conduit forcément
aux transferts de données.
Nous pouvons nous demander
comment les sécuriser et à qui
y donner accès. Ce n’est pas
que par la régulation que nous
trouverons la solution mais
par la responsabilité de tous.
Aujourd’hui il y a un manque
important d’information de la
part des acteurs sur ce sujet.
Le deuxième enjeu est le
développement : il faut travailler
le développement du numérique
dans le domaine de la santé car
la France est en retard.
«Une volonté nationale et un
changement culturel de tous
les acteurs sont nécessaires.»
Elle ajoute que nous avons
peur des technologies car nous
ne les maitrisons pas. Nous
connaissons l’importance de
la littératie en santé et des
études notamment américaines
montrent que de nombreuses
informations ne sont pas
accessibles à la majorité des
patients auxquelles elles sont
destinées. Pour Christine
Ballagué l’éducation au
numérique doit se pratiquer dès
l’école et tout au long de la vie
car notre quotidien se numérise
et pas seulement la santé. C’est
un enjeu majeur pour éviter une
société à deux vitesses.
Pascal Picq, anthropologue,
afrme que nous sommes sur
des problématiques
évolutionnistes. Le numérique
participe à un nouvel enjeu
de société, ce qui fait le
progrès et la culture. Il cite
Descartes, Darwin, la médecine
évolutionniste jusqu’aux
réexions actuelles sur le
transhumanisme.
«La question n’est pas de vivre
plus longtemps mais de vivre
plus longtemps mieux.»
Selon lui le numérique est la
n des experts de la pensée
dominante développée depuis
50 ans et le moyen de se
réapproprier sa vie donc sa
santé. C’est aussi l’avènement
des compétences pour les
patients. Nous allons vers
l’extinction si nous utilisons
toutes ces technologies pour ne
plus être malade.
Nos systèmes immunologiques
ainsi que tout ce que nous
sommes sont la construction
de coévolutions pendant des
millénaires intégrant les choix
culturels de nos prédécesseurs.
« Il faut apprendre à
redevenir malade pour sauver
l’humanité»
.
Il nous met en garde sur le fait
de ne vouloir se focaliser que
sur des aspects technologiques
sans prendre en compte le
contexte anthropologique.
Du côté du médecin, il devra
redevenir le chaman, celui
qui écoute et accepte les
compétences de l’autre
pour apporter des solutions.
Ces nouvelles technologies
ne permettront jamais de
remplacer l’empathie
du médecin envers le patient.
Pascal Picq nous rappelle que
ces technologies nous viennent
des Etats Unis où l’obésité est
un vrai éau. En regardant
les données comme l’état de
l’éducation ou l’espérance de
vie des enfants, il associe les
Etats-Unis à un pays du tiers
monde. Ce n’est donc pas un
modèle acceptable pour la
France et l’Europe.
Enn, il note le retard de
la France en matière de
développement technologique
en santé mais en extrait une
note positive : l’avantage du
retard c’est que nous pouvons
prendre le temps d’observer.
YVANIE CAILLÉ
Directrice Générale
de l’association
Renaloo.
CHRISTINE BALAGUÉ
Présidente de la commission
services de Cap Digital,
Vice-présidente du Conseil
National du Numérique.
PASCAL PICQ
Paléoanthropologue au Collège
de France, spécialiste
de l’évolution de l’Homme,
des entreprises et des sociétés.
GUILLAUME MARCHAND
Médecin Psychiatre, Président
et co-fondateur de DMD Santé.
- 5 -
- 4 -
OPEN DATA :
LIBERTÉ POUR LES DONNÉES DE SANTÉ !
SPEECH 1
Thierry Marcou travaille
pour la fondation Internet
Nouvelle Génération et
s’intéresse à la manière dont
les usages du numérique
transforment notre
environnement ainsi qu’aux
dynamiques d’innovation
associées à ces usages.
Le monde de la santé est un
univers performant, productif
et porteur d’innovations. Ces
innovations sont techniques,
scientiques, médicales, et
performantes comme celle
de la prise en charge du patient.
Le monde de la santé fermé
sur lui-même est aujourd’hui
contesté : il est entré dans
une séquence disruptive.
Qu’est-ce que la santé
disruptive?
C’est l’arrivée dans un secteur
de nouveaux acteurs inattendus
qui se sont eux-mêmes invités.
Il cite les GAFAs ainsi que
les nombreuses startups. Il y
a toute une série de signaux
disruptifs et une volonté bien
afchée et médiatisée des
GAFAs de vouloir s’installer
dans le domaine de la santé
et en faire un nouvel axe de
croissance. On a aussi des
signaux disruptifs plus faibles
avec par exemple des « bio
hackerspace » et des réseaux
de patients. Ces deux types de
signaux s’affrontent.
C’est dans cette perspective là
que Thierry Marcou aborde la
notion de data.
Entre le numérique et la santé
c’est une vieille histoire. Il ne
s’agit pas d’enterrer l’ancienne
santé pour célébrer la nouvelle.
Tout d’abord nous avons
la voie standard comme
la télémédecine (qui a
démarré dans les années
50) et toute une série de
dispositifs qui s’inscrivent dans
l’informatisation de la santé.
Le numérique est en fait une
prolongation de l’informatisation
de la santé, des médecins, des
patients et des hôpitaux.
Bien qu’il y ait de nombreuses
réussites, il rappelle qu’il y a
aussi des échecs comme le
dossier médical personnel
qui ne fonctionne nulle part.
C’est un gouffre nancier et un
résultat honteux par rapport à
l’investissement. Le bilan de
cette voie standard est donc
contrasté.
A côté de cette voie standard
du numérique et de la santé il
y a de nouvelles perspectives
plus inattendues : nous voyons
arriver des non-médecins
s’intéressant à la santé.
L’expertise des médecins déjà
contestée par les patients
l’est aussi aujourd’hui par des
entrepreneurs qui investissent
dans ce qu’ils considèrent
être un nouveau marché pour
eux. Ce marché de la santé
comporte deux faces : la santé
des malades et celle des biens
portants (illness vs healthcare).
Les GAFAs mais aussi une
multitude de startups très
différentes sont à l’origine d’un
bouillonnement d’initiatives et
d’innovations avec toute une
série de promesses et une
problématique commune qui
est celle de la donnée (data).
Les principaux supports de
ces nouveaux arrivant dans
le monde de la santé sont
les données soit parce qu’ils
proposent l’objet connecté
qui va produire de nouvelles
données, soit parce qu’ils
se proposent d’exploiter des
données déjà existantes.
Ces deux voies constituent
le principal carburant de ces
disrupteurs de la santé.
Va-t-on vers une
« watsonisation »
de la santé ?
Watson est une plateforme
d’intelligence articielle d’IBM
qui a entre autre battu Garry
Kasparov, champion du monde
d’échec. Cette plateforme
fonctionne dans un certain
nombre d’établissement
hospitaliers américains. Elle
est en test dans le service des
urgences du principal hôpital
de Chicago, avec l’idée que
le volume des connaissances
médicales est tel qu’aujourd’hui
aucun médecin avec ses
seuls moyens naturels
n’est capable de maîtriser,
incorporer, mobiliser tous ces
éléments de connaissance.
C’est là le principal argument
développé par les promoteurs
des systèmes d’intelligence
articielle appliqués au domaine
de la santé. Cette idée de «
watsonisation » de la santé
est une belle perspective
d’innovation. Les plateformes
intelligentes pourraient être d’un
grand soutien dans le quotidien
d’un médecin à l’hôpital.
Big Data peut vouloir dire Better
Health ; c’est le slogan d’une
entreprise américaine qui a
recueilli des dizaines de millions
De la collecte des données au monitoring personnel, voyage au cœur de la e-santé
avec ceux qui l’observent et la construisent tous les jours.
de dollars d’investisseurs.
Ginger.io fait le lien entre
ces bigs datas et la capacité
à en sortir des informations
intéressantes pour les patients.
L’écosystème de données
de la santé qui est le nôtre
aujourd’hui regroupe les
données que les gens collectent
eux-mêmes, les données
détenues par les établissements
médicaux, les données
environnementales… C’est un
véritable ux de données et
cette « Watsonisation » de la
santé est sans doute inévitable.
Pour conclure son propos
Thierry Marcou nous offre trois
perspectives d’innovation :
La première a pour sujet
le partage des données. Il
mentionne la pétition en ligne :
« liberté pour les données de la
santé ». Le mouvement vise le
Système National d’Information
Inter-Régimes de l’Assurance
Maladie (le SNIIRAM fait partie
des dix plus grandes bases de
données mondiales) et a pour
ambition de l’ouvrir. Il nous
présente ensuite Open street
map, association à but non
lucratif, concurrente directe
de google map. Ce sont des
milliers de développeurs,
des dizaines de milliers de
contributeurs et des dizaines
de millions d’utilisateurs qui
participent au développement
de cette association. Cette
communauté s’est faite
connaître lors du séisme en
Haïti. En deux jours Open
Street Map avait cartographié
les principales villes d’Haïti
pour faciliter le travail des
secouristes, alors que google
n’avait aucune donnée à
fournir sur cette zone. Un
accord innovant entre L’Institut
National de la Géographie
(IGN), La Poste et Open Street
Map sous l’égide d’Etalab a
été passé pour partager et
nourrir ensemble la même base
d’adresses. Thierry Marcou se
demande alors pourquoi ne
pas créer un open health map,
c’est-à-dire un dispositif public
et privé qui s’écarte du modèle
start up et GAFA pour offrir une
autre alternative. Par la suite,
la FING aimerait se lancer dans
une expérimentation inspiré
de Blue Button. Aujourd’hui,
150 millions d’américains
peuvent récupérer en un clic
leurs données de santé et les
partager comme ils le veulent.
La deuxième piste d’innovation
autour des données est le
programme « MesInfos » qui est
une expérimentation avec des
grandes entreprises (services,
banques, assurances... ).
Que se passe-t-il quand les
entreprises restituent à leurs
clients les données qu’elles
possèdent sur eux ?
D’un côté nous avons des
consommateurs dotés d’une
vision globale de leur identité
numérique auparavant
éparpillée, capables de
dialoguer d’égal à égal avec les
entreprises.
De l’autre côté nous avons
des organisations plus
transparentes et donc moins
soupçonnables de pratiques
douteuses.
Le programme « MesInfos »
explore la question des
Self Data, la production,
l’exploitation et le partage de
données personnelles par les
individus sous leur contrôle et
à leurs propres ns. Le but est
de mieux se connaître, prendre
de meilleures décisions, évaluer
ses décisions passées et se
faciliter la vie.
La troisième et dernière
perspective concerne le travail
de Nicolas Huchet, un homme
qui a perdu sa main dans un
accident du travail et a ensuite
croisé le chemin du FabLab de
Rennes. Il s’est librement et
gratuitement inspiré de la main
déjà existante de « Inmove »,
projet de robotique en open
source, pour l’adapter et en
faire une prothèse robotique.
C’est une grande réussite. A ce
jour il a reçu de nombreuses
récompenses.
L’ouverture des données :
« faire en sorte que ce que
je fais, quelqu’un d’autre puisse
le réutiliser ».
Pour nir, « La Paillasse »
est le premier bio-hackerspace
français. De jeunes chercheurs,
medecins, biologistes,
cognitivistes et autres
professions y travaillent main
dans la main dans le but
de « chercher autrement ».
Prochainement un Workshop
se tiendra à La Paillasse avec
des personnes d’Etalab
possédant des données tirées
du SNIIRAM. C’est une
avancée en matière de partage
de données.
THIERRY MARCOU
Fondateur de la
Fondation Internet
Nouvelle Génération
- 7 -
- 6 -
NUMÉRIQUE OU NON, LA CONFIANCE
RESTE LE PRINCEPS DE LA RELATION DE SOIN
L’INSIGHT PATIENT, NOUVELLE SOURCE
DE PROGRÈS EN SANTÉ PUBLIQUE
SPEECH 2 SPEECH 3
Le choix de la conance
est un choix personnel qui
repose sur la conviction
suivante : numérique ou non,
la conance reste le princeps
de la relation de soin.
Sur un mapping réalisé dans
des focus groupe, parmi
les valeurs qui fondent la
conance, se détachent
l’honnêteté, la loyauté, la
franchise et la sincérité. Pour
le secteur de la santé, de
nouveaux termes ressortent
comme l’expérience, le
professionnalisme ou la
abilité. Antoine Vial cite Paul
Ricœur :
« La relation de soin est
une alliance thérapeutique,
un pacte de soin fondé
sur la conance. »
Paul Ricoeur est un
philosophe qui s’est intéressé
à la relation de soin. Il nous
dit que de l’alliance naît la
conance.
En revenant à nos origines, le
princeps du soin est retrouvé
dans la survie de l’espèce
humaine, dans la pulsion
de soin ou « parent care ».
Cette pulsion est apparue
chez l’homme à l’époque
paléo-mamifèrienne et reste
permanente et majeure dans
toute relation humaine, dans
tout acte de bienveillance à
autrui (soin ou non).
Elle s’exprime simplement :
« en faisant du bien à l’autre,
je me fais du bien » ce qui est
par dénition l’acte de soin.
Quelles sont les attentes en
termes de soin ?
Nous attendons de notre
société la preuve sociale et
institutionnelle du « parent
care » c’est-à-dire la sécurité
sociale, la formation et
labélisation des soignants,
l’encadrement et contrôle de
l’efcience des soins et aussi
l’équité dans la gestion de
sa santé (accès territorial,
numérique et économique).
Le patient attend de son
soignant l’expression
du « parent care » et la
réalisation d’un acte de soin
dont le bénéce est prouvé
et les effets négatifs maitrisés.
Hier la parole des médecins
n’était pas remise en cause.
Aujourd’hui, la conance
se gagne ou se perd. Dans
un monde bouleversé
par Internet et par la
mondialisation, les usagers
sont devenus exigeants,
participatifs et informés.
Antoine Vial nous invite à
regarder autrement le monde
dans lequel nous évoluons.
Si nous ne choisissons
pas la conance en termes
d’éthique et de déontologie
nous pouvons l’accepter par
nécessité. Notre société est
de plus en plus transparente
et les actes contre l’intérêt
des patients nissent toujours
par se savoir et les effets
sont désastreux en termes
économiques et industriels
entre autres.
Quel lien entre le soin et la
technique ?
Nous retrouvons la valeur
d’éthique, de bonnes
pratiques et de règles, mais
aussi l’échange et le partage.
Ce partage est rendu possible
grâce à la révolution du
numérique. Un exemple
est donné en imaginant
une comparaison de deux
dispositifs : un dispositif de
contrôle de glycémie co-
conçu par les diabétiques,
les caisses d’assurance
maladie et les industriels,
et un dispositif de contrôle
de glycémie élaboré en
laboratoire par des ingénieurs.
La question est la suivante :
lequel des deux le malade
diabétique va-t-il choisir ?
Le premier semble plus
inspirer la conance.
Une réponse est le Living
Lab, un dispositif nouveau
de concertation entre
les acteurs d’une lière,
incluant les usagers
naux et leur entourage,
pour imaginer, proposer
et tester des solutions
innovantes (technologies,
organisations, services et
communautés). Certaines
conditions sont nécessaires
pour que la démarche de
Living Lab fonctionne à
commencer par une meilleure
adéquation de la réponse
aux besoins (appropriation),
un raccourcissement des
délais de conception et de
développement donc une
réduction des coûts, une
diminution du prix et un accès
facilité. C’est pour ces raisons
que le forum des Living Labs
a été créé. Il réunit plus de
vingt Living Labs spécialisés
en santé et autonomie sur le
territoire français. Il a pour but
de fédérer et mutualiser les
réponses ainsi qu’harmoniser
la méthode (propriété
intellectuelle, santé publique,
éthique…).
Benjamin Pitrat
travaille avec les chercheurs
et les praticiens de la Pitié
Salpétrière pour étudier ce
que le recueil des données
en vie réelle et l’insight patient
peuvent apporter
à la recherche.
Il nous présente un tour
d’horizon des données en
vie réelle en dénissant
l’insight patient. Il évoque des
obstacles qui peuvent brouiller
le message de l’insight patient
ou brouiller l’utilisation des
données en vie réelle pour la
recherche.
L’insight patient désigne
le ressenti du patient sur
sa maladie au sens large
incluant les variations
symptomatologiques,
l’efcacité de ses traitements,
les éventuels effets
secondaires, et même les
données physiologiques avec
des capteurs embarqués.
L’insight patient est
fondamental pour comprendre
le patient et l’efcacité de son
traitement.
Pendant des décennies un
carnet papier était utilisé pour
relever des données réelles
au plus proche du patient
mais cette méthode n’était
pas able. Depuis quelques
années, nous assistons à
l’explosion de la pénétration
du smartphone (60% de la
population) et des objets
connectés qui au début n’était
que des capteurs d’actimétrie
ou de poids. Maintenant
ces objets vont aller
récolter toutes les données
physiologiques possibles voir
même, prochainement, les
données biologiques.
Les données en vie réelle et
l’insight patient c’est aussi les
big datas avec les données du
SNIIRAM ou les données des
sites communautaires comme
PatientsLikeMe.
Les données en vie réelle
et les nouvelles technologies
nous promettent un avenir
radieux mais avec un
certain nombre d’obstacles.
Celui des personnes
âgées polypathologiques
et technophobes sera
vite dépassé car elles
commencent à s’équiper
d’objet connectés, et la
génération qui va vieillir
va emporter avec elle son
utilisation des nouvelles
technologies.
Benjamin Pitrat identie trois
obstacles :
Tout d’abord un obstacle
technique en se demandant à
qui appartient la donnée. La
révolution technologique est
menée par des individus, des
startups, des multi nationales,
qui sont tous des acteurs
privés. Comment rendre la
donnée accessible à des
acteurs de la santé publique
dans le but de faire avancer la
recherche ?
Le deuxième obstacle
est le solutionnisme et le
technocentrisme : à une
problématique complexe
(comme l’obésité ou encore
les troubles du sommeil)
une solution très simple
et technologique peut être
apportée (par exemple
l’actimétrie). Réduire une
pathologie complexe à
un signal brouille notre
compréhension du ressenti
du patient et nous empêche
d’avancer.
Le dernier obstacle est
l’hypermédicalisation avec
une population entière qui
va nir par se mesurer à
outrance et se dire qu’elle
n’est pas dans la norme.
« Le propos de cette
automesure continuelle est
nalement celle du bien
portant qui n’est autre qu’un
malade qui s’ignore »
Un exemple concret est celui
des 10 000 pas à réaliser
chaque jour pour être en
bonne santé. Pour lui cette
mesure n’est pas une marque
de bonne santé.
Benjamin Pitrat nous propose
une solution, les smart datas.
Il s’agit de corréler le patient
empowerment et les nouvelles
technologies.
Il faut que les chercheurs,
cliniciens et laboratoires
pharmaceutiques se
saisissent de ces nouvelles
technologies pour les mettre
au service des pathologies de
manière pertinente.
Nous avons là une formidable
opportunité si le monde
académique se sert de ces
nouveaux progrès pour
obtenir des smart datas
et faire avancer la santé
publique.
ANTOINE VIAL
Expert en santé
publique, cofondateur
du forum Living Lab
BENJAMIN PITRAT
Cofondateur de la société Ad Scientiam,
incubateur e-santé de l’Institut du
Cerveau et de la Moelle Épinière
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