L’e-santé pourrait également répondre efficacement à la difficulté actuelle à financer des
dépenses publiques qui croissent aujourd’hui plus fortement en France que le PIB. Ce
marché émergent constitue donc un secteur hautement stratégique sur lequel doit se
positionner l’ensemble des acteurs – pouvoirs publics, start-up, laboratoires
pharmaceutiques, mutuelles, assurances, hôpitaux, médecins libéraux.
Ainsi, le développement de la médecine prédictive via notamment la génomique, le boom
des outils connectés permettant de suivre ses constantes et de les télétransmettre à son
médecin, le déploiement des applications mobiles permettant la mise en place de politiques
de prévention créent un marché des risques data qui intéressent au premier plan assureurs
et mutuelles.
Des questions concrètes en suspens
En dépit de ces avancées, la question de l’intégration de la santé digitale dans notre
système financier de soins reste loin d’être résolue. Comment facturer les actes de
télémédecine ? Quelle prise en charge pour les outils connectés ?
L’Assurance-maladie et les complémentaires santé ne se sont que très peu emparées du
sujet. Et ce retard freine le développement d’un modèle économique propre à l’e-santé. Son
avenir reste donc essentiellement entre les mains d’acteurs privés de faible ampleur : ETI
(45 %), start-up (30 %) PME (20 %) et grands groupes (5 %), ce qui contraint d’autant son
déploiement.
Pour qu’un véritable big bang numérique se produise dans le secteur de la santé, il faudrait
une réelle incitation politique. Certes, au niveau communautaire, la Commission européenne
a adopté un plan d’action européen pour le développement de l’e-santé 2012-2020.
Il est inscrit au nombre des ambitions de l’Agenda numérique pour l’Europe et dans la
politique européenne d’e-santé votée par les États membres. La France avec la création de
l’ASIP Santé, l’Agence dédiée au développement de l’e-santé depuis 2009, son programme
de Territoire de Soins Numériques, ou encore le soutien financier qu’elle apporte à de
nombreuses initiatives en la matière n’est pas en reste.
Plus que des initiatives privées
Mais cet accompagnement doit être plus pérenne, plus complet et plus ambitieux. La santé
digitale pose de nombreux enjeux en termes d’éthique, de protection de l’information,
d’égalité de l’accès aux soins, etc. Il est essentiel qu’un cadre juridique ad hoc soit prévu par
le législateur.
Si les États-Unis ont mis en place un organisme officiel de régulation de l’e-santé, la France,
elle, n’en n’est pas dotée. L’Ordre national des médecins souhaite élaborer progressivement
des règles déontologiques spécifiques aux sites internet consacrés à la santé (***) pour
encadrer de tels enjeux.
À l’heure actuelle, ce sont encore des initiatives privées qui se développent, comme le
premier label français pour certifier la valeur scientifique des applications santé mis au point
par la start-up française DMD Santé. Les pouvoirs publics doivent se saisir pleinement de ce
chantier numérique s’ils veulent que la France soit à même d’apporter une offre compétitive
et éthique à l’ensemble des acteurs de la santé.
(*) Étude Xerfi Precepta, 2014
(**) Étude Pipame, "E-santé – Faire émerger l’offre française répondant aux besoins
presents et futurs", 2016
(***) Conseil National de l'Ordre des Médecins , "Les sécurités informatiques sont des
exigences déontologiques", publiée en ligne le 9 novembre 2009