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E-SANTÉ
PLONGÉE DANS LE FUTUR
À MONACO
Les 31 mai et 1er juin s’est tenue la deuxième édition du
Connected Health Monaco. L’occasion de découvrir les
dernières innovations technologiques en matière de santé
connectée, mais aussi de débattre avec des spécialistes
du sujet (professionnels de santé, industriels,
économistes…) sur les enjeux de la e-santé, ses atouts
mais aussi ses limites. PAR JEAN-PIERRE GRUEST
© Jean-Pierree Gruest/Kiné actualité
associé senior chez Mérieux Développement. “Difficile donc pour les
industriels de passer à côté de cette
révolution où il y aura de nombreux
candidats, mais peu d’élus.”
Si l’on trouve aujourd’hui “tout et
n’importe quoi” dans ce domaine,
certaines innovations apportent une
réelle plus-value. C’est notamment
le cas de la robotique et des nanotechnologies, dont l’utilisation révolutionne à la fois les diagnostics et
les traitements, comme l’ont affirmé,
exemples à l’appui, les participants
aux deux tables rondes qui leur étaient
consacrées, parmi lesquels des chercheurs de l’université israélienne
du Technion (photo). Si les robots
peuvent assister, voire remplacer les
professionnels de santé pour certaines
tâches ennuyeuses, difficiles ou dangereuses, “nous ne devons cependant
pas surestimer leur rôle”, estime JeanPierre Merlet, directeur de recherche
à l’INRIA [1].
De gauche à droite : le journaliste Anthony Morel ; Jean-Pierre Merlet, directeur de recherche à l’INRIA ;
Bertin Nahum, président-fondateur de Medtech ; Yoav Medan et Alon Wolf, chercheurs au Technion,
Institut israélien de technologie.
O
n a coutume de dire que
l’on n’arrête pas le progrès.
L’événement monégasque
consacré à la santé connectée l’a confirmé, au point de parfois
donner le vertige aux quelque 200
congressistes… Jusqu’à soulever des
questions d’ordre philosophique
quant aux limites à ne pas dépasser.
“La e-santé est l’enjeu le plus intéressant dans la galaxie technologique
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actuelle”, a d’emblée affirmé le journaliste spécialisé Anthony Morel, qui
animait les débats. Pour le géant des
télécommunications Ericsson, le
nombre d’objets connectés devrait
connaître une croissance annuelle de
23 % d’ici 2021 pour atteindre les
15,7 milliards d’unités à cette date !
“Rien qu’aux États-Unis, la e-santé
pèse 2,5 Mds $ par an, et ce n’est qu’un
début”, précise Thierry Chignon,
/ www.kineactu.com / n°1451 / Jeudi 16 juin 2016
Des avantages au bénéfice
du patient
Intervenant à la table ronde consacrée
à l’hôpital et au patient numériques,
Nicolas Ayache, membre de l’Académie des Sciences, a présenté la salle
d’intervention du futur, au CHU de
Strasbourg, avec simulation d’intervention en réalité virtuelle et utilisation de la réalité augmentée [2]. Pour
lui, “ces outils ont pour vocation à
transcender nos capacités, pas à nous
remplacer”. De son côté, Carlos Jaime,
chef de la division Santé et Équipements médicaux chez Samsung
France, affirme que “la numérisation de
l’hôpital permet de dégager du temps
sur certaines tâches au bénéfice de la
prise en charge du patient et de son
parcours de soins, mais aussi de générer des économies. Mais avec 29 Mds €
de dettes, les CHU peuvent-ils investir
dans l’innovation en santé ?”
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Adjoint au maire de Nice délégué à
la Santé, la Prévention et l’Accompagnement de la perte d’autonomie,
le Pr Olivier Guérin est lui aussi convaincu du caractère incontournable
de la santé numérique, notamment
pour les patients souffrant de maladies chroniques. “Dans ce contexte,
l’hôpital numérique seul ne sert à
rien. Il faut revoir le système dans sa
totalité et associer les professionnels
de santé libéraux, médicaux et paramédicaux, notamment pour mieux
partager les données de ces patients et
éviter les décompensations”, expliquet-il. “Cela suppose aussi de revoir le
système de rémunération de la médecine de ville, car la tarification à l’acte
n’est pas adaptée à une médecine
tournée vers la prévention !” En s’inspirant, pourquoi pas, de la ville de
Valence, en Espagne, où chaque
médecin dispose d’un budget annuel
de 1 800 € par patient en ALD.
De nombreux freins subsistent
Pour plusieurs intervenants, la e-santé
a entre autres avantages de permettre
au patient “de mieux s’approprier sa
maladie chronique, ce qui permet de
le rassurer et aussi d’améliorer l’observance des traitements”, explique
Eric Sabban, président de Visiomed
Group. “Or la non observance coûte
à la société 9 Mds € par an”, précise
Thierry Chignon, pour qui “les éco-
nomies réalisées pourraient permettre
la rémunération des professionnels de
santé”. Et notamment des masseurskinésithérapeutes, oubliés des débats,
qu’Alexia Sibony, une consœur coorganisatrice de l’événement, a positionné “comme un maillon essentiel
de la chaîne de soins du patient, au
même titre que le pharmacien”.
Alors comment expliquer que, en
dépit des multiples atouts exposés
durant ces deux jours, la e-santé peine
à décoller en France ? Au-delà des
questions de la cybersécurité et de la
confidentialité des données, ainsi que
du cadre législatif, “qui est en total
décalage avec la technologie”, selon
l’avocat Pierre Desmarais, l’une des
raisons tiendrait aussi à notre modèle
sanitaire. “Si les États-Unis représentent le marché le plus porteur, c’est
parce que les coûts de santé y sont
très chers et à la charge des patients
alors que, chez nous, tout est pris en
charge ou presque, sans que cela
n’impacte notre budget”, explique
Carlos Jaime. “La santé est gratuite
en France, alors comment facturer
quelque chose qui est gratuit ?”,
s’interroge Éric Sebban, pour qui
“l’enjeu de la monétisation de la santé
connectée représente un vrai sujet”. Et
de conclure : “Qui sera le bon payeur :
le patient, l’assurance, l’État ?” n
[1] Institut national de recherche en
informatique et automatique.
[2] La réalité augmentée désigne les
systèmes informatiques qui rendent
possible la superposition d’un modèle
virtuel 3D ou 2D à la perception que nous
avons naturellement de la réalité, ceci en
temps réel.
Un congrès à Angers en 2017 pour sensibiliser
les masseurs-kinésithérapeutes
Passionné de nouvelles technologies, Patrick Couny était aussi à Monaco en tant
que secrétaire adjoint à l’URPS-MK des Pays-de-la-Loire, dans la perspective d’un
congrès dédié aux nouvelles technologies qui se tiendra à Angers en novembre
2017. “Certaines peuvent s’avérer intéressantes dans le cadre de notre exercice,
comme les objets connectés qui permettent de recueillir des données sur nos patients
pour mieux les suivre, ou encore la réalité virtuelle, notamment en termes de formation. Le problème, c’est que la plupart de nos confrères sont bien trop occupés
pour s’y intéresser et en percevoir les potentiels bénéfices”, regrette-t-il. D’où ce
congrès ouvert à tous, et en particulier aux étudiants, pour tenter d’y remédier.
Jeudi 16 juin 2016 / n°1451 / www.kineactu.com /
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