La Lettre du Cardiologue - n° 377 - septembre 2004
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Infarctus du myocarde sans choc cardiogénique
Depuis le travail du groupe d’étude randomisée sur la contre-
pulsion intra-aortique portant sur 182 patients, on sait que les
résultats de l’angioplastie à la phase aiguë de l’infarctus sont
améliorés par la mise en place d’une contrepulsion ( 2 ). Ce béné-
fice s’exprime par une diminution au cinquième jour des réci-
dives ischémiques (21 versus 4 %, p = 0,001), des redilatations
en urgence (11 ve rsus 2% , p < 0,02) et des réocclusions de l’ar-
tère dilatée (21 versus 8 %, p < 0,03), sans différence signifi-
cative pour les décès (2 versus 2 %) ou les réinfarctus (8 ver-
sus 3 %). Ce travail montre un bénéfice de la contrepulsion en
cas d’angioplastie réalisée selon les conditions prévalant en
1 9 9 4 , sans utilisation des nouveaux médicaments antiagr é ga n t s
plaquettaires (anti-GPIIb/IIIa et ticlopidine ou clopidogrel) ou
des endoprothèses. Ce bénéfice n’était pas ap p a rent lors des
études antérieures avec prise en charge de l’infarctus aigu sans
revascularisation et avec un retard important (3, 4). On ne dis-
pose que de peu de données sur la circulation coronaire après
levée de l’occlusion, qui a pour effet principal la récupération
d’une onde diastolique. Le rétablissement d’un flux coronaire
satisfaisant dépend en fait de la qualité du flux distal et sous-
endocardique, qui a été mieux évalué par échographie myocar-
dique que par la seule injection de produit de contraste iodé
intracoronaire. En cas de mauvaise reperfusion myocardique,
quel qu’en soit le mécanisme (agr é gation plaquettaire, t h ro m b i ,
va s o c o n s t ri c t i o n ) , la contrepulsion est bénéfique par la déch a rge
ventriculaire gauche qu’elle entraîne et qui peut permettre une
récupération retardée de la perfusion distale. Bien que l’apport
d’une contrepulsion en présence ou non des nouveaux traite-
ments antiagrégants plaquettaires n’ait pas été étudié, il appa-
raît probable que les indications de la contrepulsion se limitent
actuellement aux angioplasties à très haut risque (tronc com-
mun ga u c he avec occlusion coro n a i r e dro i t e,t r i t ro n c u l a i re s
sévères avec hypotension artérielle,dysfonction mécanique du
ventricule gauche).
Infarctus du myocarde avec choc cardiogénique
La contrepulsion intra - a o rtique doit être, le plus rapidement pos-
s i b l e, mise en place chez les patients présentant un infa rctus du
myo c a rde avec choc card i og é n i q u e. Plusieurs études ont bien mis
en évidence l’amélioration hémodynamique des pat i e n t s , avec une
a u g m e n t a tion de l’index cardiaque de 500 à 800 m l / m
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et une dimi-
nution de la pression cap i l l a i re (5). Du fait de son action sur la post-
ch a r ge,la pression art é rielle peut évoluer de façon va ri abl e,s ’ a m é-
l i o r ant avec la fonction ve n t ri c u l a i re ga u che ou restant stabl e,vo i re
s ’ a b a i s s a n t , en l’absence d’amélioration. La contrepulsion intra -
a o r tique améliore l’hémodynamique card i o va s c u l a i re sans aug-
menter les besoins myo c a rdiques en ox y g è n e, et cette améliora-
tion n’est pas corrélée à une amélioration de la fonction globale
ou seg m e n t a i r e du ve n t ricule ga u ch e, même après une rep e r f u s i o n
rapide ( 6 ) . Elle peut prévenir la dilat ation cav i t a i r e et le re m o d e-
l age ve n t ri c u l a i re ga u che dans les zones non infa rcies.
La meilleure strat é gie d’utilisation de la contrepulsion intra -
a o rtique est son association avec la désobstruction de l’art è re
occluse : cela a été démontré dans une étude randomisée multi-
centrique où le traitement post-dilatation comprenait un traite-
ment habituel ou une contrepulsion pendant 48 h e u res ( 2 ) . L a
contrepulsion a permis, à un terme de 5 à 10 jours, un taux signi-
fi c at ivement plus élevé de flux T I M I 2-3 (91 ve rsus 71 %) de
l’artère reperfusée et une réduction du taux composite de décès,
accident va s c u l a i re cérébra l , r é i n f a r c t u s , reva s c u l a ri s ati on et réci-
d ive isch é m i q u e , sans modifi c ation de la fraction d’éjection.
Citons enfi n , comme autre bienfait de la contrepulsion intra -
a o rt i q u e,une diminution des arythmies ve n t ri c u l a i res réfra c t a i r e s ,
p r o b a blement due à la diminution de la tension ve n t ri c u l a i re
ga u che et à l’augmentation de la perfusion coro n a i r e dans les
zones saines et reperfusées, rapportée pour un petit nombre de
patients (7).
Contrepulsion intra-aortique dans l’angor instable
La comparaison entre les mécanismes du choc cardiogénique et
le risque des effets d’une ischémie myocardique au cours d’une
angioplastie constitue une base valable pour choisir les indica-
tions de mise en place d’une contrepulsion intra-aortique, qui est
justifiée si le risque de dysfonction ventriculaire gauche isché-
mique apparaît très grave et potentiellement la cause d’un cercle
vicieux conduisant à une hypotension cat a s t rophique qui fe ra
chuter la pression de perfusion coronaire. Même si le risque de
l ’ a n gioplastie a diminué grâce à l’utilisation des stents et des anti-
GPIIb/IIIa, il reste élevé en cas de dilatation du tronc commun
gauche, en particulier en cas de réseau gauche dominant ou de
lésion coronaire droite associée,chez les patients tritronculaires
ou ayant eu un pontage aort o c o ro n a i re, en particulier lorsque l’ar-
tère dilatée est la seule fonctionnelle,et chez les patients ayant
une dysfonction ventriculaire gauche majeure (fraction d’éjec-
tion inférieure à 30 %).
ASSISTANCE VENTRICULAIRE GAUCHE
PERCUTANÉE
La contrepulsion intra-aortique agit en déchargeant le ventricule
gauche et dépend de son activité résiduelle. Si celle-ci est alté-
rée à un stade extrême, le bénéfice de la contrepulsion intra-aor-
tique est quasi nul. L’ u t i l i s ati on d’une assistance ve n t ri c u l a i re
gauche est alors indispensable pour gagner le temps nécessaire
pour la récupération ventriculaire gauche,ou comme pont vers
une solution chirurgicale (assistance chirurgicale, cœur artificiel
et greffe cardiaque). Les assistances ventriculaires gauches per-
cutanées sont de deux types.
Les assistances veino-artérielles avec oxygénateurs,où le
prélèvement sanguin est réalisé au niveau de l’oreillette droite.
Dans une étude randomisée utilisant un tel système comparé à la
contrepulsion aortique chez des patients avec dysfonction ven-
triculaire gauche majeure (20 patients dans chaque groupe avec
une fraction d’éjection de 20 à 22 %), il n’y a eu aucune diffé-
rence en termes de mortalité et de durée hospitalière de séjour (8).
Cependant, aucun des patients ne présentait un état de choc au
cours de l’angioplastie,et l’utilité d’un tel système d’assistance
c i rc u l a i re serait pro b ablement mieux ap p a rue dans de tels cas par
rap p o rt à la contrepulsion intra - a o rt i q u e , son fo n c t i o n n e m e n t
étant moins dépendant du rythme cardiaque et de la fonction ve n-
triculaire gauche.
M
I S E A U P O I N T