Place de l assistance circulatoire lors de la défaillance cardiaque

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Place de l’assistance circulatoire
lors de la défaillance cardiaque aiguë
Cardiac Assistance during acute heart failure
G. Drobinski*
Mots-clés
Mots-clés : Insuffisance cardiaque - Choc cardiogénique Assistance ventriculaire gauche.
Keywords: Heart failure - Cardiogenic shock - Left ventricular assist devices.
a défaillance cardiaque aiguë peut relever de plusieurs
mécanismes au cours et au décours des syndro m e s
coronariens aigus et, bien sûr, de l’infarctus du myocarde. L’utilisation d’une assistance circulatoire peut être nécessaire quelques jours jusqu’au rétablissement partiel ou global de
la fonction ventriculaire gauche, à la mise en œuvre d’un traitement chirurgical, voire d’une greffe cardiaque : la contrepulsion
intra-aortique est alors l’outil de choix lors d’un choc cardiogénique dû à une lésion coronaire traitée par angioplastie, ou lors
d’une complication mécanique telles une dysfonction, une rupture de pilier de la mitrale ou une rupture du septum interventriculaire avec shunt droit gauche. En cas d’antécédent d’infarctus
myocardique de dimension importante ou de dilatation majeure
de la cavité ventriculaire gauche, le bénéfice de la contrepulsion
est plus difficile à démontrer, et l’intérêt possible d’autres techniques d’assistance circulatoire mérite d’être évalué.
L
PRINCIPES DE LA CONTREPULSION
INTRA-AORTIQUE
Le terme contrepulsion décrit le gonflage en diastole du ballon
dans l’aorte juste en aval de l’artère sous-clavière gauche, et son
d é go n fl agedurant la phase de contraction isométrique et le débu t
de l’éjection. En diastole, le sang est ainsi propulsé et la circula-
* Institut de cardiologie, CHU de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
La Lettre du Cardiologue - n° 377 - septembre 2004
tion améliorée en amont du ballon ve rs les troncs supra - a o rt i q u e s
et les vaisseaux coronaires, et en aval du ballon vers la circulation distale, et en particulier rénale, qu’il est important de préserver en évitant de placer le ballon en partie en regard des ostia
des artères rénales. En systole, l’écoulement du sang de l’aorte
ve rs la péri p h é rie est facilité par le dégonflage du ballon, qui
aspire le sang éjecté par le ventricule gauche et en diminue donc
la postcharge. Le rapport entre apports et besoins myocardiques
en oxygène est amélioré, essentiellement par la baisse de la postcharge, que l’on peut apprécier par la baisse de la pression systolique aortique et de la pression de re m p l i s s age ve n t ri c u l a i re
gauche qui en découle, et qui permettra une meilleure perfusion
sous-endocardique. Le débit sanguin coronaire dépend plus du
lit distal coronaire et de son degré de vasoconstriction, alors que
le go n flage du ballon en diastole a un effet sur le remplissage
c o ro n a i re épicardique et proximal. Le débit sanguin coro n a i re
p o u rra augmenter pro p o rtionnellement à l’augmentation de la
pression de perfusion uniquement en cas de vasodilatation maximale et en l’absence de sténose coronaire. Lorsque l’autorégulation du débit coronaire est fonctionnelle, ou en cas de sténose
coronaire ou d’obstruction des artérioles distales, le débit coronaire sera inchangé ou modifié de façon variable en fonction de
la charge du VG, qui pourra s’abaisser, et de la pression de perfusion post-sténotique, qui pourra rester inchangée. Des mesures
chez l’homme ont montré que la contrepulsion intra-aortique ne
permettait pas d’augmenter la pression de perfusion myo c a rd i q u e
post-sténotique ni de modifier le débit coronaire en cas de persistance d’une sténose coronaire significative (1).
INDICATIONS DE LA CONTREPULSION
INTRA-AORTIQUE
L’installation d’une contrepulsion intra-aortique par voie percutanée fémorale est une intervention facile, et dont l’indication de
mise en place est exceptionnellement limitée par des problèmes
techniques, essentiellement dus à une art é rite aorto-iliaque ou
fémorale. Cette technique est donc rapide à mettre en œuvre en
cas de choc cardiogénique, d’infa rctus myo c a rdique grave ou
d’angioplastie à très haut risque du fait de l’importance du territoire myocardique perfusé.
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Infarctus du myocarde sans choc cardiogénique
Depuis le travail du groupe d’étude randomisée sur la contrepulsion intra-aortique portant sur 182 patients, on sait que les
résultats de l’angioplastie à la phase aiguë de l’infarctus sont
améliorés par la mise en place d’une contrepulsion ( 2 ). Ce bénéfice s’exprime par une diminution au cinquième jour des récidives ischémiques (21 versus 4 %, p = 0,001), des redilatations
en urgence (11 ve rsus 2 %, p < 0,02) et des réocclusions de l’artère dilatée (21 versus 8 %, p < 0,03), sans différence significative pour les décès (2 versus 2 %) ou les réinfarctus (8 versus 3 %). Ce travail montre un bénéfice de la contrepulsion en
cas d’angioplastie réalisée selon les conditions prévalant en
1994, sans utilisation des nouveaux médicaments antiagr é ga n t s
plaquettaires (anti-GPIIb/IIIa et ticlopidine ou clopidogrel) ou
des endoprothèses. Ce bénéfice n’était pas ap p a rent lors des
études antérieures avec prise en charge de l’infarctus aigu sans
revascularisation et avec un retard important (3, 4). On ne dispose que de peu de données sur la circulation coronaire après
levée de l’occlusion, qui a pour effet principal la récupération
d’une onde diastolique. Le rétablissement d’un flux coronaire
satisfaisant dépend en fait de la qualité du flux distal et sousendocardique, qui a été mieux évalué par échographie myocardique que par la seule injection de produit de contraste iodé
intracoronaire. En cas de mauvaise reperfusion myocardique,
quel qu’en soit le mécanisme (agr é gation plaquettaire, thrombi,
vasoconstriction), la contrepulsion est bénéfique par la déch a rge
ventriculaire gauche qu’elle entraîne et qui peut permettre une
récupération retardée de la perfusion distale. Bien que l’apport
d’une contrepulsion en présence ou non des nouveaux traitements antiagrégants plaquettaires n’ait pas été étudié, il apparaît probable que les indications de la contrepulsion se limitent
actuellement aux angioplasties à très haut risque (tronc commun gauche avec occlusion coronaire dro i t e, tri t ro n c u l a i re s
sévères avec hypotension artérielle, dysfonction mécanique du
ventricule gauche).
Infarctus du myocarde avec choc cardiogénique
La contrepulsion intra-aortique doit être, le plus rapidement possibl e, mise en place chez les patients présentant un infa rctus du
myo c a rde avec choc cardiogénique. Plusieurs études ont bien mis
en évidence l’amélioration hémodynamique des patients, avec une
augmentation de l’index cardiaque de 500 à 800 ml/m2 et une diminution de la pression capillaire (5). Du fait de son action sur la postcharge, la pression art é rielle peut évoluer de façon va ri abl e,s ’ a m éliorant avec la fonction ve n t riculairega u che ou restant stabl e,vo i re
s’abaissant, en l’absence d’amélioration. La contrepulsion intraaortique améliore l’hémodynamique cardiova s c u l a i re sans augmenter les besoins myo c a rdiques en oxygène, et cette amélioration n’est pas corrélée à une amélioration de la fonction globale
ou segmentaire du ve n t ricule ga u ch e, même après une reperfusion
rapide ( 6 ) . Elle peut prévenir la dilat ation cavitaire et le re m o d el age ventriculaire ga u che dans les zones non infa rcies.
La meilleure strat é gie d’utilisation de la contrepulsion intra a o rtique est son association avec la désobstruction de l’art è re
occluse : cela a été démontré dans une étude randomisée multicentrique où le traitement post-dilatation comprenait un traitement habituel ou une contrepulsion pendant 48 h e u res (2). La
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contrepulsion a permis, à un terme de 5 à 10 jours, un taux signifi c at ivement plus élevé de flux TIMI 2-3 (91 ve rsus 71 %) de
l’artère reperfusée et une réduction du taux composite de décès,
accident vasculairecérébra l , réinfarctus, reva s c u l a ri s ation et récid ive isch é m i q u e, sans modifi c ation de la fraction d’éjection.
Citons enfi n , comme autre bienfait de la contrepulsion intra a o rt i q u e,une diminution des arythmies ventri c u l a i res réfractaires,
probablement due à la diminution de la tension ve n t ri c u l a i re
ga u che et à l’augmentation de la perfusion coronaire dans les
zones saines et reperfusées, rapportée pour un petit nombre de
patients (7).
Contrepulsion intra-aortique dans l’angor instable
La comparaison entre les mécanismes du choc cardiogénique et
le risque des effets d’une ischémie myocardique au cours d’une
angioplastie constitue une base valable pour choisir les indications de mise en place d’une contrepulsion intra-aortique, qui est
justifiée si le risque de dysfonction ventriculaire gauche ischémique apparaît très grave et potentiellement la cause d’un cercle
vicieux conduisant à une hypotension cat a s t rophique qui fe ra
chuter la pression de perfusion coronaire. Même si le risque de
l ’ a n gioplastie a diminué grâce à l’utilisation des stents et des antiGPIIb/IIIa, il reste élevé en cas de dilatation du tronc commun
gauche, en particulier en cas de réseau gauche dominant ou de
lésion coronaire droite associée, chez les patients tritronculaires
ou ayant eu un pontage aort o c o ro n a i re, en particulier lorsque l’artère dilatée est la seule fonctionnelle, et chez les patients ayant
une dysfonction ventriculaire gauche majeure (fraction d’éjection inférieure à 30 %).
ASSISTANCE VENTRICULAIRE GAUCHE
PERCUTANÉE
La contrepulsion intra-aortique agit en déchargeant le ventricule
gauche et dépend de son activité résiduelle. Si celle-ci est altérée à un stade extrême, le bénéfice de la contrepulsion intra-aortique est quasi nul. L’ u t i l i s ation d’une assistance ve n t ri c u l a i re
gauche est alors indispensable pour gagner le temps nécessaire
pour la récupération ventriculaire gauche, ou comme pont vers
une solution chirurgicale (assistance chirurgicale, cœur artificiel
et greffe cardiaque). Les assistances ventriculaires gauches percutanées sont de deux types.
Les assistances veino-artérielles avec oxygénateurs, où le
prélèvement sanguin est réalisé au niveau de l’oreillette droite.
Dans une étude randomisée utilisant un tel système comparé à la
contrepulsion aortique chez des patients avec dysfonction ventriculaire gauche majeure (20 patients dans chaque groupe avec
une fraction d’éjection de 20 à 22 %), il n’y a eu aucune différence en termes de mortalité et de durée hospitalière de séjour (8).
Cependant, aucun des patients ne présentait un état de choc au
cours de l’angioplastie, et l’utilité d’un tel système d’assistance
c i rc u l a i reserait pro b ablement mieux ap p a rue dans de tels cas par
rap p o rt à la contrepulsion intra - a o rt i q u e, son fonctionnement
étant moins dépendant du rythme cardiaque et de la fonction ve ntriculaire gauche.
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Les assistances ga u ches de type Tandem Heart. Elles consistent à drainer du sang auriculaire gauche obtenu par cathétérisme
transseptal et réinjecté dans la circulation systémique au niveau
de l’artère fémorale. Cette technique s’est révélée performante
dans le choc cardiogénique : dans une série de 18 patients avec
choc cardiogénique postinfarctus, le taux de mortalité à 30 jours
était de 30 % (9). L’index cardiaque augmenta de 1,7 ± 0,3 à 2,4 ±
0,6 l/mn/m2, la pression art é rielle moyenne de 63 ± 8 à 80 ±
9 mmHg et, surtout, la pression capillaire pulmonaire diminua
de 21 ± 4 à 14 ± 4 mmHg, illustrant l’un des effets majeurs de
cette technique, qui est la diminution du remplissage ventricul a i re ga u che. La pression systémique est alors assurée sur un
mode presque continu par la pompe du système, qui peut fournir un débit allant jusqu’à 4 l/mn. Ce système de décharge ventriculaire gauche, en continuant d’assurer une circulation systémique convenable, favorise la récupération du patient après un
accident ischémique très grave. C’est ce système qui est utilisé
dans notre département de card i o l ogie médicale de la PitiéSalpêtrière. Ce type de décharge ventriculaire gauche, indépendante de la fonction résiduelle du ventricule gauche, est également utilisé pour les canules ve n t ri c u l a i res (Hemopompes) ou
artérielles (Impella, Reitan-Jomed) avec hélices rotatives endovasculaires, qui ne nécessitent pas de canule veineuse.
tension majeure, la défaillance contractile extrême, l’arythmie et
la tachy c a rd i e. Elle est pro b ablement sous-utilisée en Fra n c e.
E s p é rons que cela ne sera pas le cas pour les nouvelles tech n i q u e s
d’assistance circulatoire pouvant être mise en place par voie percutanée, qui devraient permettre de sauver de nombreux patients
parmi les plus gravement atteints.
CONCLUSION
7. Cowell RPW, Paul VE, Ilsley CDJ. The use of intraaortic counterpulsation in
La rapidité de décision et de mise en place des systèmes d’assistance circulatoire est primordiale dans la prise en charge des
patients avec syndrome coronarien aigu et dysfonction ventriculaire gauche importante. La contrepulsion intra-aortique est une
t e chnique largement re c o n nue et dont les limites sont l’hy p o-
8. Kaul U, Bahay S, Baul VK et al. Coronary angioplasty in high risk patients.
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