Strasbourg, le 17 décembre 2010 CPT (2010) 100 REV COMITÉ EUROPÉEN POUR LA PRÉVENTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS OU DÉGRADANTS (CPT) _________ Comment aborder les cas de recours prolongé à des moyens de contention mécanique dans les établissements de santé mentale – Lignes directrices à l’intention des délégations qui effectuent des visites par Georg Høyer Comment aborder les cas de recours prolongé à des moyens de contention mécanique dans les établissements de santé mentale – Lignes directrices à l’intention des délégations qui effectuent des visites Préambule Selon les normes du CPT, le recours à des moyens de contention pendant des jours, sans interruption, peut être qualifié de mauvais traitement (Normes du CPT, CPT/Inf/E (2002)1 – Revisées 2010, page 54). Les lignes directrices ci-après sont destinées à aider les délégations lorsqu’elles évaluent des cas de recours prolongé à des moyens de contention mécanique. 1. Définitions 1.1 Contention Mesures employées pour entraver ou immobiliser le patient afin d’empêcher un danger immédiat ou imminent pour le patient lui-même ou pour autrui. 1.2 Contention mécanique Utilisation de sangles de cuir (ou d’autres instruments) pour entraver le patient sur son lit, d’une camisole de force, de courroies de cuir, de menottes ou d’autres moyens mécaniques servant à entraver les mouvements du patient ou à immobiliser celui-ci. 1.3 Recours prolongé Le recours à la contention devrait toujours être employé pendant la durée la plus brève possible et uniquement dans des situations de crise où des patients représentent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui. En général, de telles situations se règlent en quelques heures. Dans de rares cas, il peut arriver que des patients restent, de manière imprévisible et persistante, dangereux pendant plus longtemps. Quoi qu’il en soit, tous les patients soumis à l’emploi répété de moyens de contention et/ou à des épisodes durant plusieurs jours, sans interruption, doivent être considérés comme des patients soumis à un recours prolongé à des moyens de contention mécanique. En règle générale, les délégations doivent prendre pour principe directeur que tous les cas de recours à des moyens de contention mécanique pendant plus d’une journée doivent être qualifiés de recours prolongé à des moyens de contention mécanique. 2. Légalité du recours à des moyens de contention Vérifier si le recours à des moyens de contention est autorisé par la loi et, le cas échéant, les critères légaux pour l’utilisation de moyens de contention, qui peut ordonner celle-ci, et pendant combien de temps cette mesure peut être appliquée. Examiner les règles de l’établissement visité en ce qui concerne la contention. –2– 3. Enregistrement de données sur place 3.1 Vérifier comment le recours à des moyens de contention est consigné (cahiers de transmission, protocoles, dossier médical, etc.) Vérifier qui a ordonné le recours à des moyens de contention, pour combien de temps et pour quel motif. Demander au médecin qui a ordonné le recours à des moyens de contention. Si possible, ne pas hésiter à demander leur avis aux membres du personnel qui ne sont pas d’accord avec la manière dont le patient est soigné, si d’autres méthodes pourraient être appliquées. Retracer systématiquement tout l’historique du recours à des moyens de contention pour le patient en question. 3.2 Données provenant du dossier médical Rechercher les informations suivantes : Diagnostic Quel est le statut juridique du patient (volontaire ou hospitalisé d’office) Traitement préalable au recours à des moyens de contention et traitement actuel Effets du traitement (résultat) Description du comportement problématique et, si des mesures moins restrictives ont été essayées pour s’efforcer de résoudre le problème, description de leur résultat. L’affaire a-t-elle été examinée par des experts externes ou bien des experts externes ont-ils été consultés ? Est-ce qu’un programme de traitement a été adopté ? 3.3 Observations sur place et questions à poser Le patient est-il sous la surveillance constante de membres du personnel à son chevet ? Le patient est-il mis à l’abri des regards (et non pas soumis à des moyens de contention devant d’autres personnes ou dans la même chambre que d’autres personnes ?) Le patient peut-il manger et boire seul ? Le patient peut-il utiliser les toilettes normales ? Le patient a-t-il la possibilité de bénéficier de pauses pendant lesquelles il est débarrassé des moyens de contention ? Le patient a-t-il eu la possibilité de passer du temps en plein air ? Rechercher des traces de lésions/ampoules, etc., qui ont pu être causées par le moyen de contention. –3– 3.4 Procédures de contrôle et de plainte Vérifier s’il existe des mécanismes de contrôle régulier. Le cas échéant, qui fait partie de la commission de contrôle, celle-ci est-elle indépendante de l’établissement, à quelle fréquence se réunit-elle et qui a le droit de porter plainte ? Le cas en question a-t-il été réexaminé à intervalles réguliers par une commission de contrôle ? Mesures à prendre La délégation devrait envisager les mesures suivantes lorsqu’elle découvre des cas de recours prolongé à des moyens de contention mécanique : Faire transférer le patient dans un autre service ou hôpital (plus spécialisé). Demander la réévaluation du diagnostic et du traitement. Demander un examen par des experts indépendants. Demander une augmentation des effectifs pour empêcher l’utilisation continue de moyens de contention ou, du moins, faire en sorte que le patient puisse bénéficier de périodes sans contention. –4– Recours prolongé à des moyens de contention mécanique dans les établissements de santé mentale Lignes directrices à l’intention des délégations qui effectuent des visites : Notes et observations 1.1 Contention La définition souligne le point de vue selon lequel la contention n’est pas une intervention thérapeutique (Recommandation Rec(2004)10 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, article 27). Le recours à la contention et à l’isolement ne saurait être considéré comme faisant partie du traitement ; il s’agit de mesures de sûreté et de mesures de coercition (CPT(2006)22 - Introduction). 1.2 Recours prolongé Le recours à la contention devrait être limité à la durée strictement nécessaire, c’est-à-dire à la durée la plus brève possible. La « limite d’une journée » suggérée dans ce document n’a pas été expressément définie auparavant ; il s’agit d’une interprétation des termes plus vagues (« pendant des jours, sans interruption ») mentionné dans de précédents rapports du CPT. 2. Légalité du recours à des moyens de contention Il n’existe aucun instrument contraignant indiquant que le recours à des moyens de contention doit impérativement être autorisé par la loi. Sur les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, 26 Etats seulement ont des dispositions légales régissant expressément le recours à des moyens de contention. La nécessité d’un fondement juridique pour cela est implicite dans la liste de contrôle de l’OMS sur la législation de la santé mentale (OMS 2005 : Ouvrage de référence sur la santé mentale, les droits de l’homme et la législation). 3. Enregistrement des données sur place 3.1 Enregistrement du recours à des moyens de contention Tout recours à des moyens de contention mécanique doit être dûment étayé, c’est-à-dire que la durée et les motifs doivent être consignés dans le dossier médical du patient pour chaque épisode (Résolution 46/119 des Nations Unies, 1991 ; Recommandation Rec (2004) 10) du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe). Tout recours à une telle mesure devrait aussi être consigné dans un registre spécifique (Recommandation Rec (2004) 10 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe). Rapports du CPT : Les informations nécessaires devraient aussi comprendre le nom du médecin qui a ordonné ou approuvé le recours à des moyens de contention mécanique, ainsi que toutes les blessures qui auraient pu être subies par des patients ou des membres du personnel. L’instauration d’un délai maximum pour le recours à des moyens de contention mécanique. Il ne peut y avoir de prolongation qu’après une décision expresse en ce sens prise par un médecin. –5– 3.3 Observations sur place et questions à poser Divers rapports du CPT : Des membres du personnel devraient être présents et disponibles à tout moment pour les personnes auxquelles sont appliqués des moyens de contention mécanique. Les patients qui font l’objet de mesures de contention devraient être à l’abri des regards des autres patients et des visiteurs, et tous les efforts possibles devraient être faits pour réduire le plus possible les effets dégradants de la contention mécanique. –6–