Le mardi 27 mars 2012 Bulletin no 5 / 2011-2012 DES NOUVELLES DU COMITÉ DE PHARMACOLOGIE… Prasugrel : un nouveau code de médicament d’exception Un code de médicament d'exception par la RAMQ (code CV152) est maintenant disponible pour le paiement du prasugrel. À cet effet, un mémo a été envoyé aux prescripteurs. Prise en charge du Cytomégalovirus La prophylaxie du cytomégalovirus chez les patients transplantés a été discutée. Pour les patients transplantés à haut risque de contracter le CMV, on recommande le Valganciclovir sous forme orale pour une durée de 6 mois. Les patients à risque intermédiaire, on suggère une durée de traitement de 3 mois. L’utilisation du Valganciclovir en première ligne permettra de faciliter le début de traitement sans avoir à faire préparer le ganciclovir dans un établissement extérieur possédant une hotte à produit cytotoxique. Vaccination chez les patients transplantés Les recommandations sur la vaccination des patients transplantés cardiaques ont été révisées par le Comité de pharmacologie. Un document résumé présente les vaccins pouvant être administrés à ce type de clientèle. Le document sera transmis aux professionnels impliqués. Le Tolvaptan : Samsca® Le tolvaptan est le premier des « vaptan » à être commercialisé au Canada. Pharmacologie Le tolvaptan fait partie d’une nouvelle classe de diurétiques antagonistes des récepteurs V2 de la vasopressine. Ces médicaments inhibent de façon sélective l’effet antidiurétique de la vasopressine en compétitionnant avec la vasopressine ou l’hormone antidiurétique (ADH) pour la liaison au récepteur de cette dernière. Cet antagonisme augmente l’élimination de l’eau sans toutefois augmenter la perte d’électrolytes, un phénomène nommé aquarèse qui ultimement mène à l’augmentation de la natrémie. Le tolvaptan démontre des propriétés aquarétiques sans activation du système rénineangiotensine et a peu d'effets secondaires sur la fonction rénale ou sur l'hémodynamie. Le tolvaptan produit un effet diurétique équivalent au furosémide et son effet sur la tension artérielle, la filtration glomérulaire ou les électrolytes sériques ou urinaires sont équivalents au placebo. 2 Effet aigu Études Caractéristiques Résultats Conclusion(s) ECLIPLSE 181 patients IC classes III et IV FEVG ≤ 40% Tolvaptan 15, 30 ou 60 mg vs placebo Diminution significative du wedge Augmentation dose-dépendante du débit urinaire à 3 h sans affecter la fonction rénale Le tolvaptan diminue les pressions de remplissage avec une augmentation modeste du débit urinaire Réduction légère du LVEDVI vs placebo. Aucune différence sur le questionnaire de qualité de vie Dans une population d'insuffisants cardiaques (IC) stables, le tolvaptan n'a pas d'effet sur le Leftventricular end diastolic volume index Dose unique METEOR 240 patients IC classes I à III FEVG ≤ 30% Tolvaptan 30 mg vs placebo Dose cumulative sur 1 an Gheorghiade 254 patients IC Tolvaptan 30, 45 et 60 mg vs placebo Diminution du poids au jour 1 qui se maintient sur les 25 jours. Une Dose cumulative sur diminution de l'oedème et une 25 jours normalisation du sodium chez les patients hyponatrémiques dans le groupe tolvaptan. Chez les IC chronique le tolvaptan est bien toléré, réduit le poids et l'oedème et normalise le sodium chez les patients hyponatrémiques ACTIV 319 patients IC avec fraction d'éjection ≤ 40% symptomatique 30, 60 et 90 mg vs placebo Diminution du poids dans tous les groupes traités. Aucun impact sur la détérioration rénale. Analyse post-hoc: diminution de la Dose cumulative sur mortalité dans le sous-groupe avec 60 jours fonction rénale détériorée ou congestion sévère Le tolvaptan en combinaison avec le traitement standard peut être bénéfique chez les patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque avec des symptômes sévères de congestion 3 EVEREST 4133 patients IC avec fraction d'éjection ≤ 40% symptomatique 30 mg vs placebo Dose cumulative pour un minimum de 60 jours Plus grande amélioration du statut clinique et du poids dans le groupe tolvaptan. Réduction de la dyspnée au jr 1, du poids au jour 1 et de l'oedème au jour 7. Amélioration de la natrémie chez les patients hyponatrémiques. Les améliorations du poids et du sodium persistent après le congé avec prise de médicament continu. Aucune différence sur la mortalité, les ré-hospitalisations ou la détérioration de l'insuffisance cardiaque Comparé au placébo, le tolvaptan débuté pendant l'hospitalisation pour une détérioration de l'IC améliore les symptômes de surcharge. Le tolvaptan n'a aucun effet sur la mortalité ou la morbidité à long terme Effet sur le remodelage ventriculaire L'étude METEOR a évalué l'effet du tolvaptan sur le remodelage ventriculaire. Les auteurs ont conclu que le tolvaptan n'a aucun effet sur le remodelage chez une clientèle d'IC après un traitement d'un an. Effet sur la natrémie aiguë et chronique L'étude de Gheorghidade a démontré que le tolvaptan est plus efficace que la restriction liquidienne seule dans la correction de l'hyponatrémie. L'étude SALT a démontré des effets similaires. À noter que l'hyponatrémie tendait à réapparaître environ 1 semaine après l'arrêt du tolvaptan. L'étude SALT a démontré que le tolvaptan augmente de façon sécuritaire le sodium chez les patients avec une hyponatrémie euvolémique ou hypervolémique d'étiologies diverses et que l'effet est de courte durée après l'interruption du traitement. 4 Étude avec données cliniques robustes Deux études présentent des données cliniques plus robustes, soit ACTIV ou EVEREST. L’étude ACTIV (insuffisance cardiaque) Cette étude fut développée afin d’évaluer l’impact du tolvaptan à court et à long termes chez les patients insuffisants cardiaques décompensés présentant une diminution de la fraction d’éjection. Les patients étaient randomisés dans les 72 heures de l’admission dans 4 groupes : placebo, Tolvaptan 30mg, 60 mg et 90 mg, et suivis pendant 60 jours. Résultats : on observa une réduction pondérale de 0.6 kg, 1,8 kg, 2,1 kg, 2,05 kg dans les groupes placebo puis 30 à 90 mg. Statistiquement, l’effet n’était pas relié à la dose. De plus, on observa une amélioration des signes et symptômes d’insuffisance cardiaque. À 60 jours, aucune différence ne fut observée entre les groupes au niveau de la détérioration de l’insuffisance cardiaque. Une analyse post-hoc (Acute Card Care. 2007;9(2):82-6) semble montrer que chez les patients insuffisants rénaux avec une congestion importante (présence de dyspnée, oedème, et jugulaire augmentée), le tolvaptan réduirait la mortalité en relation avec la natrémie après une utilisation de 60 jours. L’étude EVEREST L’étude EVEREST est une étude de phase III. Un nombre de 4,133 patients hospitalisés pour une détérioration de l’IC ont été recrutés dans EVEREST pourvu que leur fraction d’éjection soit inférieure à 40% et qu’ils présentaient au moins 2 signes de surcharge liquidienne (distension des veines jugulaires, oedème ou dyspnée). Ils étaient randomisés dans les 48 heures de l’admission dans un groupe tolvaptan 30 mg ou placebo en ajout à la thérapie usuelle pour une durée de 60 jours. Dans l’étude EVEREST, les groupes étaient divisés en deux, les patients hospitalisés et ambulatoires. 5 On observa une diminution significative du poids (- 0.75 kg) dès le jour 1 et aucune différence dans l’auto-évaluation globale du patient. Une amélioration significative (3,5 mEq) du sodium fut aussi observée au congé. Toutefois, aucune différence ne fut observée au niveau de la mortalité et de la réhospitalisation. Les investigateurs ont conclu que l’ajout du tolvaptan durant l’hospitalisation permet une amélioration à court terme des signes et symptômes d’insuffisance cardiaque, mais n’a aucun effet à long terme sur la morbidité ou mortalité associée à l’insuffisance cardiaque. Pharmacocinétique Le tolvaptan présente une absorption rapide en 2 à 3 heures. L'élimination du tolvaptan est linéaire avec un temps de demi-vie d'environ 7 heures. L'élimination est principalement effectuée via le cytochrome P450 3A4. 6 Interaction Aucune interaction n'a été notée avec l'amiodarone. Lorsqu’administrée avec du kétoconazole, l’aire sous la courbe du tolvaptan a augmenté de plus de 5 fois et la diurèse est passée de 5,9 L à 7,7 L. Aucune interaction n’a été observée avec une dose d’érythromycine. L’aire sous la courbe de tolvaptan a été réduite de près de 90% avec un traitement à la rifampicine et le débit urinaire est passé de 12L à 8.8 L. Les interactions demeurent peu étudiées avec le tolvaptan. Effets secondaires Le tolvaptan est un médicament très bien toléré. Les effets secondaires associés au traitement sont principalement la soif, la bouche sèche, la faiblesse, la constipation, l’hyperglycémie et la polyurie. L’effet sur la tension artérielle est équivalent au placebo. On a observé une incidence augmentée de saignements digestifs lors de l’utilisation du tolvaptan chez les patients cirrhotiques. Hypovolémie On peut observer une élévation de la créatinine qui n’est pas associée à un pronostic plus sombre. Une hypovolémie est possible lors du traitement au tolvaptan, particulièrement chez les patients traités à l’aide de diurétiques ou lors de restrictions liquidiennes. On devrait diminuer les doses ou suspendre un traitement au tolvaptan si une hypovolémie se produit. Hypernatrémie On observe une légère augmentation de l’hypernatrémie comparativement au placebo (1.7% vs 0.5%). L’élévation est habituellement de 3 mEq en début de traitement, mais retourne à la valeur initiale après quelques jours. De façon générale, si une correction trop rapide de l’hyponatrémie est effectuée, il existe une possibilité de démyélinisation osmotique (trouble d’élocution, dysphagie, léthargie, convulsion, coma et mort). Les patients doivent donc être surveillés de façon étroite au niveau des concentrations sodiques et du statut neurologique lors d’un traitement au tolvaptan. Toutefois, les patients recevant le Tolvaptan ne doivent pas être en restriction liquidienne et doivent être en mesure de boire afin d’éviter qu’une hypernatrémie ne se développe. Dans l’étude METEOR, l’utilisation de tolvaptan pendant un an a mené à l’observation d’un taux d’effets secondaires et de retrait de l’étude équivalent au placebo. Dans EVEREST, seule la soif excessive a été rapportée plus souvent qu’avec le placebo. Dans SALT, 6 patients ont du être retirés de l’étude, 1 pour hypernatrémie (Na supérieur à 145) et 5 pour une élévation du Sodium trop rapidement (supérieure à 1 mEq/h). 7 Hyperkaliémie Un traitement au tolvaptan peut induire une hyperkaliémie. On doit surveiller les kaliémies, particulièrement lors d’un traitement combiné avec des médicaments connus pour augmenter le potassium. Contre-indications Le tolvaptan est contre-indiqué: - lorsqu’une élévation rapide du sodium est nécessaire; - lorsque les patients présentent une hyponatrémie hypovolémique; - lorsque des inhibiteurs puissants du CYP 3A4 sont utilisés; - lorsque les patients sont anuriques. Posologie Le tolvaptan doit être initié à la dose de 15 mg une fois par jour. Les repas n’influencent pas son absorption. La dose est habituellement augmentée à 30 mg lors de la deuxième dose puis titrée jusqu'à un maximum de 60 mg/jour. Le tolvaptan doit être utilisé en milieu hospitalier pour en évaluer la réponse et éviter une correction trop rapide de l’hyponatrémie. Une restriction liquidienne doit être évitée dans les premières 24 heures de traitement. On peut habituellement reprendre la restriction liquidienne après l’arrêt du traitement. Analyse Les données actuelles, telles que décrites dans l’étude EVEREST ou ACTIV, mènent à une utilisation chez les patients insuffisants cardiaques à court terme, soit moins de 7 jours ou jusqu'au congé. Toutefois, comme les études n’ont pu démontrer de bénéfices à ce niveau, il n’est pas recommandé d’utiliser le tolvaptan pour cette catégorie de patients. D’autres études seront nécessaires pour clarifier son utilité chez les patients insuffisants cardiaques souffrant d’hyponatrémie considérant le coût du médicament (250$ par comprimé). 8 Conclusion Le tolvaptan ajouté au traitement habituel améliore les signes et les symptômes chez les patients insuffisants cardiaques sans causer d’excès d’hypotension. Toutefois, à l’heure actuelle, aucune donnée ne nous permet de confirmer que l’utilisation du tolvaptan, pour le traitement de l’insuffisance cardiaque avec ou sans hyponatrémie, se traduit par un meilleur pronostic. D’autres études seront nécessaires. 9