L`hyperuricémie, quelques approches diététiques

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Dossier
J Pharm Clin 2013 ; 32 (1) : 46-8
L’hyperuricémie, quelques approches
diététiques
Hyperuricemia, and nutritional ways to approach it
Marie-Paule Dousseaux
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Service de néphrologie, Hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris, France
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Résumé. Le rôle de l’alimentation est connu depuis longtemps dans la maladie de la goutte. Ainsi, la survenue de
cette pathologie est corrélée à la consommation importante de purines animales et de certains alcools, ainsi qu’à
celle de boissons contenant du fructose. Mais dans la plupart des cas, les causes alimentaires sont autres. Ainsi,
l’hyperuricémie ne nécessite pas un régime standard mais une diététique adaptée à la cause des troubles de la
formation endogène de l’acide urique et/ou de la diminution de son élimination rénale. L’alimentation reste variée,
équilibrée et adaptée en quantité à chaque personne. Un diététicien expert aide le patient à couvrir ses apports
recommandés. L’interrogatoire permet de cibler si d’autres facteurs que l’alimentation sont à rechercher.
Mots clés : alimentation, diététique, hyperuricémie
Abstract. The role of diet has long been known in the gout disease. Thus, the occurrence of this disease is
correlated to the high consumption of animal purines and certain alcohols, and that of drinks containing fructose.
However, generally speaking, alimentary causes are more nuanced. Consequently, hyperuricemia does not require
a standard diet but a suitable one to improve disturbances of endogenous formation of uric acid and/or decrease
its renal elimination. The food is varied, balanced and tailored to each individual amount. An expert dietician helps
the patient to meet his own recommended intakes. The inquiry can identify if there are other factors to look for
that food.
Key words: alimentation, diet, hyperuricemia
L’
ensemble de la population comme le milieu professionnel a tendance à associer le terme « acide
urique » uniquement à une surconsommation de
viandes (et plus précisément des gibiers et des abats),
ainsi qu’à un excès de graisses et d’alcool (et en particulier
la bière). Pour certaines personnes, la liste des aliments
déconseillés peut être importante.
L’hyperuricémie a un mécanisme complexe qui nécessite un diagnostic des différentes causes avant de pouvoir
donner le conseil alimentaire adapté. En dehors des
facteurs génétiques, sociodémographiques et médicamenteux, l’alimentation peut participer à l’augmentation
du taux d’acide urique dans le sang.
L’hyperuricémie peut être la conséquence d’une anomalie au niveau de la production endogène de l’acide
Tirés à part : M.-P. Dousseaux
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urique mais aussi au niveau de son élimination. À ces
différents niveaux, l’implication de l’alimentation sera spécifique. Un bilan sanguin et un dosage de l’acide urique
uriné sur 24 h permettent d’orienter la stratégie diététique.
Formation de l’acide urique
au niveau de l’alimentation
Lorsque l’hyperuricémie s’accompagne d’une hypouricurie, les causes sont essentiellement au niveau de la
formation de l’acide urique.
Les aliments riches en purines (viandes, abats,
poissons, crustacés, bières. . .) et les nutriments nonpuriniques (glucides, lipides, alcool. . .) interviennent
dans la fabrication endogène de l’acide urique plasmatique.
Pour citer cet article : Dousseaux MP. L’hyperuricémie, quelques approches diététiques. J Pharm Clin 2013 ; 32(1) : 46-8 doi:10.1684/jpc.2013.0237
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
L’hyperuricémie
L’enquête alimentaire permet d’évaluer les apports des
aliments riches en purines. Tout excès, au-delà de 1 g de
protéines par kilo de poids par jour, est réajusté.
La consommation d’alcool augmente aussi l’uricémie
et l’évaluation du volume ingéré permet de cibler son
implication et sa diminution est vivement conseillée [1].
Depuis quelques années, des études montrent que les
purines des viandes et de la bière induisent une hyperuricémie, alors que les purines des produits laitiers et des
végétaux n’ont pas d’effet sur le taux sanguin. Il serait
intéressant de travailler sur le rôle des minéraux, des
vitamines et des fibres de ces aliments vis-à-vis de la fabrication de l’acide urique. Les bières sont riches en purines
mais, par ailleurs, la transformation de l’éthanol aboutit
aussi à des précurseurs de l’acide urique [1-3].
Il en est de même pour les apports de glucides et
lipides dont l’excès peut participer à une augmentation
de la fabrication de l’acide urique [4, 5].
La répartition au cours de la journée de ces nutriments a aussi une importance. Le petit-déjeuner français
est souvent un cumul de produits sucrés : confiture, miel,
chocolat, jus de fruits, viennoiseries, biscuits. . . et n’est
pas forcément le repas le plus équilibré nutritionnellement.
Les résultats de l’étude américaine Health professionals follow-up conduite chez 51 529 patients, dont 5,2 %
ont développé une goutte, ont permis de cibler le rôle
du fructose dans la fabrication de l’acide urique par
l’intermédiaire de l’augmentation de produits précurseurs
[3, 6, 7]. Actuellement, l’industrie des produits sucrés et
en particulier des sodas et jus de fruits, utilise des sirops
très riches en fructose [8].
Pour certaines personnes, les recommandations du
Plan national Nutrition Santé se traduisent aussi par une
surconsommation journalière de fruits aux dépens de
légumes verts.
L’hyperuricémie, sensible à l’excès de ces aliments
intervenant au niveau de la fabrication de l’acide urique,
ne nécessite pas une suppression de ces derniers mais
un réajustement des apports suivant les besoins de chacun par une alimentation variée, équilibrée, fractionnée et
surtout adaptée en quantité. Chaque famille alimentaire
indispensable contient des nutriments qui interviennent
défavorablement s’ils sont en excès et inversement, leur
déficit peut créer des carences.
Si l’enquête évalue un apport alimentaire adapté,
on s’oriente vers la recherche d’une autre cause de
l’hyperuricémie.
Élimination de l’acide urique
Lorsque l’hyperuricémie s’accompagne d’une hypouricurie, les causes sont essentiellement au niveau de
J Pharm Clin, vol. 32 n◦ 1, mars 2013
l’élimination de l’acide urique. Au niveau des reins, l’acide
urique est filtré puis réabsorbé en partie et ensuite,
sécrété. Ces différentes actions se font grâce à des
transporteurs. La diminution de l’élimination rénale peut
être induite par des médicaments et/ou des pathologies : génétiques, rénales (voir article Physiopathologie
de l’hyperuricémie dans ce numéro).
Cependant, au cours de ces dernières années, des
études scientifiques ont montré que la résistance à
l’insuline entraînant un taux élevé d’insuline, inhibe
l’élimination rénale de l’acide urique [2, 9].
La prise en charge et l’accompagnement des patients
insulino-résistants avec ou non un syndrome métabolique, une obésité ou un diabète, est primordiale
et doit être pluridisciplinaire : diététique, physique,
psychologique. . . L’aide alimentaire se fait par le contrôle
et la répartition des apports énergétiques (lipides, alcool
et glucides) afin de diminuer l’insulinémie entre les repas.
L’alimentation est variée, couvre les besoins nutritionnels
mais évite tout excès énergétique.
En pratique, c’est souvent une augmentation des
légumes crus et/ou cuits agréablement aromatisés, une
place obligatoire réservée au produit laitier frais et donc,
une diminution des matières grasses, des produits sucrés,
des portions excessives de viandes ou de charcuteries et
éventuellement, si nécessaire, des féculents.
Règles hygiénodiététiques
Plusieurs études ont rapporté un lien entre obésité, insulinorésistance, hyperuricémie et risque de goutte. Ce lien
pourrait suggérer qu’une perte de poids chez le patient
obèse atteint de goutte abaisserait l’uricémie [1, 2, 10].
Cependant, les bénéfices de la réduction pondérale chez
ces patients semblent modestes [11, 12].
Les liens entre alimentation et goutte sont bien connus,
cependant, il paraît utopique d’espérer une compliance
avec un régime trop restrictif. Il faut donc garder une
certaine souplesse en insistant sur ces mesures cruciales :
– Limiter au maximum :
• la bière,
• les alcools forts,
• les sodas sucrés.
– Contrôler en ajustant la quantité :
• de la viande et des abats,
• des poissons gras et des crustacés.
Par ailleurs, il est possible d’encourager (sans excès),
la prise de laitage maigre, de café, de vitamine C (par les
légumes verts) du fait de leur pouvoir hypo-uricémiant
[13-17].
Il est cependant important de rappeler que ces
mesures ne peuvent avoir un impact que chez les patients
ayant un apport en purine alimentaire important [2].
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M.-P. Dousseaux
Conclusion
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Il est important de bien diagnostiquer les causes de
l’hyperuricémie pour bien adapter et hiérarchiser la diététique. Tout conseil doit être précédé d’un bilan sanguin
et urinaire. Un accompagnement par un diététicien expert
apporte l’aide nécessaire pour participer à une diminution
de l’acide urique sensible à l’alimentation.
Les études récentes ont permis de découvrir des nouvelles perspectives qui vont permettre une meilleure prise
en charge.
Liens d’intérêts : séminaires de néphrologie (janvier 2012).
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