et bien menée des liens de causalité entre des conduites et des pathologies pour enrayer le
développement de celles-ci, cela se serait observé. Tous les comportements de prise de risque
des patients devraient, en raison, céder devant les propositions savantes et philanthropiques
des soignants-éducateurs. Le sujet, ainsi sommé par les éducateurs qui, par postulat, lui
veulent du bien, devrait agir de manière responsable, sous le contrôle de sa raison, à la
production de sa propre santé. En conséquence, les échecs éducatifs seraient à attribuer à un
mauvais choix de méthodes pédagogiques ou à leur élaboration insuffisante. […] Ce n’est pas
ce qu’on observe, à tout coup, dans la clinique quotidienne où le soignant se trouve confronté
à un sujet humain pris dans les rets de ses contradictions : sujet de la raison, il tente de se
soumettre aux normes présentées par les experts qui lui veulent du bien ; sujet vivant, il
regimbe et biaise face à l’ascétisme hygiéniste qui lui est le plus souvent proposé » [134]
Les dérives et pièges de l’éducation thérapeutique sont potentiellement nombreux : réduire
l’éducation à une réflexion sur la pédagogie ou la communication ; croire que tout peut être
objet d’un apprentissage ; rendre les personnes malades, seules responsable de leur état de
santé du fait de leur comportement ; penser que la démarche éducative a pour but de rendre
le patient plus obéissant ; rester dans une relation de type paternaliste ou dépendance
expertise plutôt que de cheminer vers un partenariat et favoriser l’autonomie du patient ;
tomber dans le piège de la fonction apostolique (voir fiche n°17 : La fonction apostolique).
B. Sandrin-Berthon, directrice de l’Association française pour le développement de l’éducation
thérapeutique, explique dans un article [135] comment l’utilisation du terme « diagnostic
éducatif » dans le domaine de l’éducation thérapeutique, par analogie avec le diagnostic
médical, peut conduire les professionnels de santé à des pratiques qui vont à l’encontre d’une
démarche éducative : interrogatoire du patient, attitude d’expertise du professionnel qui fixe
lui-même les objectifs à atteindre, classement nosographique des informations recueillies,
approche par problème, standardisation des activités proposées… Elle propose de le
remplacer par « bilan éducatif partagé », pour signifier le partenariat essentiel permettant au
médecin d’évaluer avec le patient où il en est, puis de convenir ensemble de ce qui pourrait
l’aider à mieux prendre soin de lui. L’éducation thérapeutique semble donc devoir se penser
et se vivre comme l’accompagnement du patient malade dans la réappropriation de sa vie et
de son corps, plutôt que comme l’enseignement de compétences qui peuvent néanmoins être
utiles. Cela requiert du médecin, ou de tout soignant, un changement d’attitude : approche
centrée sur le patient, confiance envers lui avec reconnaissance de son expertise, écoute non
sélective, accueil de ses émotions…