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Éducation thérapeutique des asthmatiques :
choisir une approche personnalisée
● Y. Magar*
es bénéfices de l’éducation des asthmatiques sont
aujourd’hui bien reconnus. De nombreuses études ont, en
effet, montré qu’elle permet d’améliorer le contrôle de
l’asthme, notamment en diminuant les exacerbations aiguës et les
hospitalisations ainsi qu’en améliorant la qualité de vie des patients (1).
Tandis que, sur le terrain, les initiatives du corps médical se multiplient, la recherche des stratégies éducatives les plus efficaces
a conduit les experts, et notamment sous l’égide de l’OMS (2),
puis de l’ANAES (en cours), à proposer des recommandations
pour l’éducation thérapeutique. Celles-ci s’inspirent des recherches
pédagogiques de ces dernières années, qui ont montré que, pour
avoir le maximum d’efficacité, l’éducation du patient doit
répondre à certains critères de qualité. Elle doit notamment :
– être organisée avec la même rigueur que l’investigation diagnostique ou la thérapeutique, se différenciant ainsi des approches informelles qui relèvent davantage de l’information ou du conseil ;
– être centrée sur le patient, c’est-à-dire prendre en compte ses
besoins spécifiques ;
– encourager la participation active des patients ;
– être délivrée par des personnes formées.
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UNE ÉDUCATION ORGANISÉE
Le modèle le plus couramment utilisé et enseigné est un modèle systémique comportant quatre étapes reliées entre elles dans un cycle (3) :
– identification des besoins du patient ;
– définition des objectifs pédagogiques ou buts à lui faire
atteindre au terme de l’éducation ;
– choix des méthodes pédagogiques et des contenus d’enseignement appropriés à l’atteinte des objectifs ;
– évaluation du degré d’atteinte des objectifs.
UNE ÉDUCATION CENTRÉE SUR LE PATIENT
Pour être efficace, le programme éducatif doit être personnalisé,
c’est-à-dire ciblé sur les besoins et les attentes du patient. Le patient
sera d’autant plus motivé que l’apprentissage proposé lui semblera apporter une réponse à ses besoins personnels.
C’est dire l’importance du “diagnostic éducatif”, première étape du
processus, qui doit permettre, grâce à un entretien ouvert, d’appréhender les particularités, les besoins et les potentialités du patient. Il
permet également d’instaurer une relation de confiance au sein de
laquelle le patient est encouragé à exprimer ses attentes, ses craintes,
* Hôpital Saint-Joseph, Paris.
La Lettre du Pneumologue - Volume IV - no 5 - sept.-oct. 2001
Besoins
Diagnostic éducatif
Évaluation : – pédagogique
– clinique
– psycho-sociale
Objectifs
Contrat d’éducation
Enseignement/apprentissage
Méthodes pédagogiques
ses questions, etc. L’entretien portera sur les aspects suivants :
– les données biomédicales essentielles : sévérité de la maladie,
facteurs déclenchants, traitements, etc. ;
– les connaissances du patient sur sa maladie, en essayant notamment de repérer certaines craintes infondées pouvant constituer
un obstacle au suivi du traitement, etc. ;
– la perception et le vécu de la maladie : il est important d’évaluer
la plus ou moins grande anxiété du patient, son degré d’acceptation de la maladie, ses dispositions à se prendre en charge
activement, etc. ;
– l’environnement : les conditions familiales, le soutien de
l’entourage jouent un rôle déterminant dans la réussite du traitement. Il est plus difficile pour un patient isolé de suivre correctement son traitement. On devra, autant que possible, essayer
d’impliquer un conjoint ou un autre proche du patient. La dimension professionnelle devra également être abordée ;
– les projets : identifier un projet chez le patient est essentiel, car
ce dernier constitue souvent une source de motivation pour suivre
son traitement (4).
Au terme du diagnostic éducatif, le soignant est en mesure de définir avec le patient les objectifs pédagogiques prioritaires. Ces
objectifs seront exprimés en termes de compétences à acquérir.
Le patient s’impliquera d’autant plus qu’il se sentira en accord
avec des objectifs qu’il aura contribué à définir.
RESPECT DES PRINCIPES D’APPRENTISSAGE
• Si l’on se réfère aux théories de l’apprentissage, la simple transmission d’informations orales ou écrites (conseils, brochures, etc.)
ne tient pas lieu d’éducation. Tout au plus, elle permet au patient
d’acquérir des connaissances qui, le plus souvent, seront peu ou
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pas utilisées. Pour que le patient utilise réellement ses connaissances, un processus d’appropriation est nécessaire, faisant appel
à des méthodes actives : mise en situation, résolution de problèmes,
etc. Souvenons-nous de la célèbre réflexion de K. Lorenz :
“Il écoute, mais entend-il ?
Il entend, mais comprend-il ?
Il comprend, mais applique-t-il ?
Il applique, mais pour combien de temps ?”
Ainsi, il ne suffit pas d’expliquer, de démontrer, d’insister, de répéter... pour que le patient devienne compétent. Chaque médecin en
fait quotidiennement l’expérience. En réalité, la connaissance théorique n’est utile que si elle s’accompagne d’un savoir pratique ; le
patient disposant de connaissances ne devient réellement efficient
que lorsqu’il sait aussi quand et comment les mettre en application,
qu’il sait résoudre certains dilemmes auxquels il se trouve confronté
dans la vie quotidienne (par exemple, en cas de virose avec asthme
s’aggravant : que dois-je faire ? Attendre encore un jour ou deux
sans rien changer, appeler rapidement mon médecin ou bien commencer le traitement de secours qu’il m’a prescrit par avance ?).
• La hiérarchisation de l’apprentissage est importante : cela signifie qu’il faut respecter un certain ordre dans la séquence des interventions pédagogiques. Les objectifs doivent être réalistes, progressifs. Il serait maladroit de proposer d’emblée des objectifs
insurmontables : on irait droit à l’échec et au découragement. Il
faut au contraire que le patient puisse expérimenter le succès sur
des objectifs limités de façon à renforcer sa confiance en lui-même.
L’UTILISATION DE MÉTHODES ÉDUCATIVES ADAPTÉES
Il n’existe pas de méthode éducative standardisée applicable à tous
les patients. On n’éduque pas de la même façon un sujet âgé, un
enfant ou un adolescent, un universitaire ou une personne ne maîtrisant pas bien le français... Des supports pédagogiques variés sont
nécessaires : documents imprimés, classeurs imagiers, brochures,
jeux, activités de groupe, cédéroms, etc. L’éducation peut être menée
soit individuellement soit sous forme de réunions de petits groupes.
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Tout va très bien pendant plusieurs mois ; elle n’a plus de gêne, si
bien qu’elle décide de cesser son traitement, qu’elle trouve contraignant. On apprendra lors de l’entretien qu’elle craint de s’y “habituer”, de devenir “dépendante” du médicament. Progressivement, la
gêne réapparaît. Elle se réveille fréquemment la nuit, s’essouffle plus
facilement dans la journée et prend en moyenne 5 à 6 bouffées de
ß2-mimétique d’action rapide par jour. À l’occasion d’un week-end
dans une vieille maison de campagne, elle a une forte crise. Son bronchodilatateur rapide ne la calme pas complètement. Son ami décide
alors d’appeler le médecin de garde, qui constate que la patiente est
dans un état préoccupant, avec un peak-flow à 140 L/mn.
A posteriori, l’analyse de cet incident permet d’identifier deux
types de causes : des causes médicales, d’une part, et des causes
pédagogiques, d’autre part.
Causes médicales
– Asthme non contrôlé.
– Exposition massive aux acariens dans la maison de campagne.
Causes pédagogiques
Gaëlle a été incapable de sentir arriver sa crise suffisamment tôt ;
percevoir sa sévérité ; comprendre la cause de l’aggravation ;
traiter efficacement sa crise ; suivre régulièrement son traitement.
Les objectifs d’apprentissage adaptés à cette patiente découlent des
lacunes identifiées : au terme du programme éducatif, elle devra
être capable d’identifier les symptômes annonciateurs de la crise ; de
repérer les signes de gravité et la présence de facteurs provocateurs
(acariens) ; d’aménager son habitat ; de traiter efficacement sa crise ;
de comprendre la nécessité d’un traitement au long cours.
L’entretien initial (diagnostic éducatif) a permis d’identifier chez
Gaëlle un projet important, celui d’entreprendre des études
d’infirmière. Dans la mesure où l’asthme constituait, à ses yeux,
un obstacle à la réalisation de son projet, Gaëlle s’est montrée
particulièrement intéressée à suivre des séances d’éducation dans
le but d’apprendre à mieux contrôler sa maladie.
CONCLUSION
LA FORMATION DU PERSONNEL SOIGNANT À L’ÉDUCATION
Les résultats de l’éducation du patient dépendent en grande partie
de la compétence des éducateurs. Or, les médecins y sont le plus
souvent mal préparés par leurs études initiales. C’est pourquoi une
formation sera utile à tous ceux qui devront assumer cette tâche.
Cas cliniques
Au-delà du rappel des bases théoriques développées ci-dessus, il
nous paraît important d’illustrer la démarche éducative par un
exemple concret. Nous proposons donc celui d’une jeune femme
de 23 ans, Gaëlle. Elle est aide-soignante et souffre d’asthme depuis
l’enfance. Après une longue accalmie, ses crises ont repris à l’âge
de 22 ans. Elle est gênée à l’effort, tousse souvent pendant la journée et surtout pendant la nuit. Son bilan allergologique a montré
une allergie aux acariens, et les EFR ont mis en évidence une baisse
modérée du VEMS (75 % de la théorique). Son médecin lui a prescrit : un ß2-mimétique d’action prolongée : une inhalation matin
et soir ; un corticoïde inhalé : deux inhalations matin et soir.
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Au vu de l’expérience des équipes pionnières et des données de
la littérature, l’éducation apparaît comme un moyen thérapeutique puissant dans la prise en charge des asthmatiques. Pour
qu’elle puisse donner son rendement maximal, il est important,
toutefois, de concevoir une démarche éducative personnalisée
répondant aux véritables besoins du patient tels qu’ils auront
pu être évalués préalablement par le diagnostic éducatif.
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1. Gibson PG, Coughlan J, Wilson AJ et al. The effects of self-management
education and regular practitioner review in adults with asthma. Oxford : The
Cochrane Library, 1998 ; issue 4.
2. OMS, Therapeutic patient education, Continuing education programs for
healthcare providers in the field of prevention of chronic diseases. Copenhagen : WHO-Euro, 1998.
3. D’Ivernois JF, Gagnayre R. Apprendre à éduquer le patient, approche
pédagogique. Paris : Vigot, 1995.
4. Gagnayre R, Magar Y, d’Ivernois JF. Éduquer le patient asthmatique.
Paris : Vigot, 1998.
La Lettre du Pneumologue - Volume IV - no 5 - sept.-oct. 2001
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