Pourquoi ne pas pousser l\`indication d\`

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Pourquoi ne pas pousser l’indication d’une
ostéosynthèse après 70 ans en cas de
fractures “4 fragments” ?
Why not continue to fix the fracture after
70 years for ‘4 part’ fractures?
L. Obert, T. Lascar
Introduction
Introduction
Les fractures de l’humérus proximal demeurent un challenge thérapeutique. Sans rentrer dans le détail ou les critiques de telle ou telle classification, nous parlerons de “fragment” ou “part” pour désigner un fragment osseux fracturé
(tête, grosse tubérosité, petite tubérosité, diaphyse), déplacé ou non.
Proximal humerus fractures present a therapeutic challenge. Without going into details or reviews of the various
classifications, we will use “fragment” or “part” to designate
a fractured bone fragment (head, greater tubercle, lesser
tubercle, diaphysis), dislocated or not.
En cas d’absence de déplacement, situation la plus fréquente, un traitement par immobilisation de 3 à 6 semaines
(selon les protocoles) permet d’éviter un déplacement et
aboutit à la consolidation. Dès qu’il existe un déplacement
de la tête mais surtout des tubérosités, la fonction de
l’épaule peut être perturbée, et l’anatomie doit être logiquement reconstruite. En cas de fracture à 2 fragments
(sous tubérositaire, fracture de l’encoche), l’ostéosynthèse
directe, par vis, plaque ou clou permet une réduction et
une stabilisation pérenne. Dès qu’il existe une fracture à
4 fragments (céphalotubérositaire CT), la fixation stable
des tubérosités et de la tête en position anatomique est
l’objectif thérapeutique parfois difficile à atteindre malgré
les progrès de l’ostéosynthèse. Après 60 ans et en cas de
fracture à 4 fragments déplacée, c’est le faible stock osseux
et la médiocre qualité mécanique de la tête (plus que le risque de nécrose) qui a poussé peu à peu les opérateurs à
proposer une hémiarthroplastie. Mais même dans ces cas
de prothèse “pour fracture” l’ostéosuture tubérositaire demeure le garant d’une bonne fonction. Dans ces tranches
d’âge (à partir de 60 ans) et surtout chez le patient ostéoporotique et pour ces fractures (4 fragments déplacés - CT2,
CT3, CT4), pousser l’indication d’une ostéosynthèse expose
à un pourcentage de complications différentes selon le
mode de fixation mais incompressible : 20 à 30 %. Après
70 ans et d’autant plus chez un patient après 80 ans autonome, sans troubles cognitifs et actif, les résultats fonctionnels “plus constants et plus prévisibles” qu’offre la prothèse
inversée ont poussé certaines équipes à proposer cette so-
In the case of non-displacement, which is the most common situation, a treatment of immobilizing for 3 to 6 weeks
(depending on protocol) helps to avoid displacement and
results in mending. As soon as there is head displacement,
and more importantly with displacement of the tuberosities, shoulder function can be disrupted and the anatomy
should therefore be reconstructed. In the event of 2 fragment fracture (sub tuberosity, “notching” fracture), direct
osteosynthesis using screws, plate or pins allows reduction
and sustainable stabilization. Where there is a 4 fragment
fracture (cephalo tuberosity – CT), stable fixation of tuberosities and the head in an anatomical position is the therapeutic objective, although often difficult to obtain despite
the advances in osteosynthesis. For patients over 60 years
old with a dislocated 4 fragment fracture, it is the weak
bone stock and the low mechanical capability of the head
(more than the risk of necrosis) which has increasingly led
clinicians to offer a hemiarthroplasty procedure. However,
even in these cases of “fracture-led” prosthesis, tuberosity
osteosuture remains the procedure guaranteeing good
function. In these age ranges (over 60) and particularly in a
patient with osteoporosis, with this type of fracture (dislocated 4 fragments – CT2, CT3, CT4) a move towards osteosynthesis exposes a percentage of them to various complications depending on the fixation method: 20 to 30%. Over
70 years of age, and more so in independent patients over
80, with no cognitive problems and remaining active the
“more consistent and more predictable” functional results
that reverse prosthesis offers have led to certain teams suggesting this solution immediately for this type of dislocated
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Prothèses d’épaule, quoi de nouveau en traumatologie ?/Shoulder prosthesis, what’s new in trauma ?
lution en urgence, pour ces fractures 4 fragments déplacées. Cependant, il ne faut pas méconnaître les complications de cette solution et même en cas de prothèse inversée la fixation tubérositaire réussie reste associée à une
meilleure qualité de vie.
Dans ce travail, nous allons présenter l’évolution des pratiques qui a progressivement fait que la prothèse inversée
représente une alternative thérapeutique dans ces fractures à 4 fragments déplacées. Véritable projet… qui nécessite une véritable connaissance de la fracture, de l’implant
et du patient à traiter, afin de contrôler les complications de
cette chirurgie exigeante.
Du traitement orthopédique à
l’ostéosynthèse… dans les
fractures 4 part
En cas de fracture 4 fragments non déplacée, chez un patient après 70 ans, le traitement orthopédique (par immobilisation coude au corps 4 à 6 semaines) demeure le traitement de référence. Si cette fracture est déplacée et que le
patient est autonome, actif et demandeur, la recherche de
la meilleure récupération fonctionnelle est légitime. Mais
jusqu’où aller ? Une étude récente jette le trouble : après
65 ans il n’y aurait pas de différence à un an entre une fracture 4 part traitée orthopédiquement et par hémi-arthroplastie [1]. De quelles fractures, de quels patients et quelles
techniques opératoires parle-t-on ? Par ailleurs les fractures
de l’humérus proximal dans ces tranches d’âge sont grevées d’une mortalité non négligeable dans l’année qui suit
la fracture : Ce détail, qui n’en est pas un, doit rentrer en ligne de compte quand le projet thérapeutique est exposé à
une famille (fig. 1). Enfin, nous avons tous poussé, un jour,
l’indication d’une ostéosynthèse dans ces fractures et dans
ces tranches d’âge, dans une logique de prudence (bien légitime) et dans un projet thérapeutique défensif (et si la
prothèse s’infectait ?). Mais dans ces fractures, un double
problème, quantitatif et qualitatif, va expliquer les nombreux échecs des différents types d’ostéosynthèses. En effet, les vis d’une plaque ou d’un clou, verrouillées ou non,
sont en mesure de respecter le cahier des charges d’une
fixation stable et pérenne dans des fractures à 2 fragments
où le stock osseux autorise un ancrage suffisant. Mais dès
que la tête est séparée des tubérosités, l’épaisseur de la tête
est faible (problème quantitatif ) et le spongieux de qualité
médiocre (problème qualitatif ) (fig. 2). Ainsi comme l’avait
évoqué Clavert [2] et comme l’a rappelé récemment Schliemann [3], il existe entre 20 et 40 % de complications dans
ces fractures (4 fragments), ce type d’os (porotique) et ces
tranches d’âge (après 70 ans) quand une ostéosynthèse est
proposée (fig. 3).
4 fragment fracture. However, it is important to understand
the complications that go along with this solution, and
even in a reverse prosthesis procedure, successful tuberosity fixation is key to a better quality of life.
In this paper we will present the evolution of practices
which have gradually led to reverse prosthesis being a therapeutic alternative in this type of dislocated 4 fragment
fracture. This work is quite an undertaking… requiring a
true knowledge of fractures, implants and the patient being treated, so as to monitor the complications involved in
this demanding surgery.
From orthopaedic treatment to
osteosynthesis… in 4 part
fractures
In the case of non-dislocated 4 fragment fractures, in a patient over 70, orthopaedic treatment (by immobilizing elbow to body for 4 to 6 weeks) remains the benchmark
treatment. If the fracture is dislocated and the patient is independent, active and interested, seeking the best functional outcome is legitimate. But how far should this go? A
recent study exposes the problem: Over 65 years of age
there is no difference a year later between a 4 part fracture
treated orthopaedically and one treated with hemiarthroplasty [1]. Which fractures, patients and operating techniques are at issue here? Moreover, proximal humerus fractures in these age groups suffer a high rate of mortality in
the year following the fracture: This detail, which actually
isn’t one, should be considered when the therapeutic procedure is outlined to a family (fig. 1). Finally, we have all
pursued at one time an indication of osteosynthesis in this
type of fracture and in these age groups, for reasons of caution (and quite rightly so) and for a defensive therapeutic
outcome (for example what if the prosthesis became infected?) However, in this type of fractures, there are two
problems, both quantitative and qualitative which explain
the high number of failures with the various types of osteosynthesis. In fact, screwing in a plate or pinning, whether
locked or not can fulfil the requirements of a stable, permanent fixation in 2 fragment fractures where the bone stock
allows sufficient anchorage. However, as soon as the head
is separated from the tuberosities, the thickness of the head
is weak (a quantitative problem) and the spongy tissue is of
mediocre quality (qualitative problem) (fig. 2).
Thus as was noted by Clavert [2] and recently echoed by
Schliemann [3] there is a rate of complications of between
20 and 40% with these fractures (4 part), this type of bone
(porous) and these age groups (over 70) when osteosynthesis is tried (fig. 3).
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Fig. 1 : 2 exemples de fracture de l’humérus proximal non opérée à cause des facteurs de comorbidités lourds chez des patientes de plus de 75 ans autonomes et actives. Après discussion avec les patientes et leurs familles, nous avions opté pour un traitement orthopédique ; le résultat est sans surprise : la
fonction de l’épaule est mauvaise mais les patientes sont vivantes.
2 cases of proximal humerus fracture, not surgically treated due to significant comorbidity factors in independent active patients over the age of 75. After discussion
with the patients and their families we opted for an orthopaedic treatment; the results are not surprising: Poor shoulder function, but patients are living.
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Fig. 2 : L’opérateur réalise rarement
que l’épaisseur de la tête humérale
ne pourra accueillir que quelques
millimètres d’une vis en cas de fracture 4 part. Cette très faible quantité
de métal ne permet pas une fixation utile et explique les migrations
et les pertes de réduction. La solution ne peut venir d’une augmentation du nombre de vis mais d’une
“augmentation” de la zone d’ancrage (ciment ? platine du bilboquet !).
On rare occasions the surgeon realizes that the thickness of the humeral
head can only accommodate a few
millimetres of a screw in a 4 part fracture. This very small amount of metal
does not allow for a functional fixation and explains the resulting migrations and poor reductions. The
solution does not arise from an increase in the number of screws but
from an “increase” in the anchoring
area (cement? cup and ball plate!).
Fig. 3 : Patiente de 76 ans opérée d’une fracture CT2 par clou. La migration du matériel et le mauvais résultat fonctionnel font vite oublier la bonne réduction postopératoire : après 60 ans il faut se méfier de l’os de nos patients et de nos ambitions de fixation pérenne.
Fig. 3 : Female patient, age 76, operated by nail for a CT2 fracture. The migration of the material and the poor functional results greatly outweigh the good postoperative reduction: For patients over 60, we have to pay attention to our patients’ bones and our ambitions for long-lasting fixation.
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Un récent travail randomisé comparant ostéosynthèse et
hémiarthroplastie avec des évaluations séquentielles
(3 mois et 6 mois) montre de meilleurs résultats dans le
groupe hémi-arthroplastie [4].
A recent random report comparing osteosynthesis and
hemiarthroplasty with sequential evaluations (at 3 months
and 6 months) shows better results in the hemiarthroplasty
group [4].
Nous avions pu évaluer 34 patients au recul de 1 an,
ayant présenté une fracture 4 part opérée par un clou.
Sur les 26 patients restants d’âge moyen 58,2 ans (33 88 ans), seul un patient sur deux présentait une abduction et une anté élévation dépassant 90°, une RE1 dépassant 60° et une RI dépassant T12. Il existait 43 % de
complications dont 2/3 avait nécessité une réopération.
La réduction initiale était jugée moyenne ou mauvaise
dans 23 % des cas. C’était dans le sous-groupe des
12 patients de plus de 60 ans, que les résultats étaient
les moins bons et les complications encore plus fréquentes (61 %).
Christophe Stadler was able to evaluate 34 patients after
1 year, having presented with a 4 part fracture treated
with pinning. Out of 26 remaining patients with an average age of 58.2 years (33 - 88 years), only one patient out
of two presented with an abduction and an ante elevation exceeding 90°, a RE1 exceeding 60° and a RI exceeding T12. There was a complication rate of 43% of which
2/3 required a further operation. The initial reduction
was judged to be average or poor in 23% of the cases. In
the sub group of 12 patients over 60 years of age the
results were poorer and complications more frequent
(61%) (submitted report).
Références/References
[1] Boons HW, Goosen JH, van Grinsven S, van Susante JL, van Loon CJ. Hemiarthroplasty for Humeral
Four-part Fractures for Patients 65 Years and Older: A Randomized Controlled Trial. Clin Orthop Relat Res. 2012 sous
presse
[2] Clavert P, Adam P, Bevort A, Bonnomet F, Kempf
JF. Pitfalls and complications with locking plate for proximal
humerus fracture. J Shoulder Elbow Surg. 2010; 19: 489-94.
[3] Schliemann B, Siemoneit J, Theisen Ch, Kösters C,
Weimann A, Raschke MJ. Complex fractures of the proximal humerus in the elderly. outcome and complications after locking plate fixation. Musculoskelet Surg. 2012 ; 96 :S3-11.
[4] Cai M, Tao K, Yang C, Li S. Internal fixation versus shoulder hemiarthroplasty for displaced 4-part proximal humeral fractures in elderly patients. Healio. com/Orthopedics
2012 ; 35 : e1340-6.
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