retrouve´ dans une e´ tude re´ cente [16]. Il est tre` s habi-
tuel, y compris chez des sujets tre`s aˆge´ s, de rencontrer
des tableaux aphasiques isole´ s ; cela ne pose en ge´ne´-
ral pas de proble` me de diagnostic et la prise en charge
orthophonique ne diffe` re pas de celle des sujets plus
jeunes.
Parfois la pre´ sentation clinique est plus complexe et
le diagnostic positif peut eˆ tre ardu, surtout chez les
sujets les plus aˆge´ s : souvent le manque du mot est
peu se´ve` re, avec a` la fois des paraphasies se´ mantiques
et des erreurs visuelles, et survient chez des patients
pre´ sentant des symptoˆ mes cognitifs, comportemen-
taux et thymiques associe´ s (ralentissement, troubles
attentionnels, troubles des fonctions exe´ cutives, trou-
bles mne´ siques, de´ pression, anxie´te´ , apathie). De plus,
l’e´ valuation pre´ cise de ces patients est rendue difficile
par les troubles associe´ s et par la fatigabilite´ (il s’agit
souvent de patients polypathologiques, fragiles, en
perte d’autonomie). Si le diagnostic d’accident vascu-
laire a e´te´ porte´ , il n’est pas force´ ment tre` s utile imme´-
diatement de reconnaı
ˆtre que le patient pre´ sente une
aphasie ; il sera toujours temps de l’e´ valuer et de la
prendre en charge dans le courant de l’e´ volution.
Cependant, l’aphasie peut eˆ tre le seul symptoˆme de
l’accident vasculaire ; chez de tels patients, si on n’y
est pas attentif, on peut avoir simplement l’impression
d’une aggravation globale de leur e´ tat, amenant plutoˆt
a` envisager un syndrome confusionnel, et si l’on ne
pratique qu’un simple scanner, il est tout a` fait possible
de me´ connaı
ˆtre une petite le´ sion ische´ mique, ce qui
change fondamentalement la prise en charge. Il ne
faut donc pas he´ siter a` demander une imagerie appro-
prie´ e (IRM avec se´ quences de diffusion ou scanner de
perfusion) a` la recherche d’une le´ sion vasculaire
re´ cente, et surtout se donner les moyens du diagnostic
de l’aphasie, par une e´ valuation orthophonique.
Il n’est pas e´ vident a` la lecture de la litte´ rature de
savoir si le pronostic de l’aphasie vasculaire est moins
bon avec l’aˆ ge. Cependant, l’e´ volution vers un syn-
drome de´ mentiel, fre´ quente apre` s un accident vascu-
laire ce´re´ bral dans les 3 ans qui suivent celui-ci, est
plus fre´ quente chez les sujets plus aˆge´ s [18]. La persis-
tance d’une aphasie peut rendre l’e´ valuation de ce syn-
drome de´ mentiel de´ licate, et il ne faudra pas a` tort
conside´ rer comme en rapport avec une alte´ ration
cognitive globale des symptoˆ mes relevant de la se´ mio-
logie aphasique, et porter par exce` s un diagnostic de
de´ mence vasculaire ou de maladie d’Alzheimer. A
`l’in-
verse, il importe de ne pas attribuer a` l’aphasie, ou a`la
de´ pression qui y est associe´ e, une perte d’autonomie
importante en rapport avec un syndrome de´ mentiel.
Aphasie et de
´mences de
´ge
´ne
´ratives
Au sein des affections neurode´ge´ne´ ratives l’aphasie
peut eˆ tre un symptoˆ me parmi d’autres (c’est le cas par
exemple dans la forme habituelle, amne´ sique, de la
maladie d’Alzheimer, MA) ou, au contraire, constituer
le symptoˆ me principal de l’affection et rester au pre-
mier plan tout au long de l’e´ volution : on est alors
dans le cadre syndromique des aphasies progressives
primaires (APP) de´ fini par Mesulam [19, 20].
Les APP sont de´ crites comme affectant plutoˆ t des
sujets autour de la soixantaine, mais il n’est pas rare
d’en observer a`desaˆ ges plus avance´s. Elles de´butent
insidieusement par des difficulte´ s dans le langage spon-
tane´ , qui s’aggravent progressivement avant d’aboutir a`
un tableau aphasique complet. La plainte initiale est sou-
vent celle d’une difficulte´a` trouver les mots, notamment
les noms de personnes et de lieux. Cette anomie isole´e
va se retrouver apre` s un de´ lai variable (parfois plusieurs
anne´ es) dans les e´ preuves de de´ nomination. Deux for-
mes e´ volutives sont possibles. Soit le discours se re´duit
et apparaissent des difficulte´ s articulatoires et un agram-
matisme alors que la compre´hension reste pre´serve´e :
c’est l’aphasie progressive non fluente. Soit le discours
reste fluide, voire abondant, mais des troubles de com-
pre´ hension du mot apparaissent : c’est l’aphasie pro-
gressive fluente. Cette forme fluente s’accompagne
ge´ne´ ralement de difficulte´ s globales d’identification
des objets et des personnes par perte progressive des
connaissances se´ mantiques, raison pour laquelle elle
est assimile´e a`lade´mence se´ mantique [21, 22]. Le diag-
nostic de l’APP est assez aise´sil’onpensea` la recher-
cher : il faut bien faire pre´ ciser sa plainte au patient, qui
est en ge´ne´ ral tre` s conscient de ses difficulte´ s, alors que
l’entourage a souvent tendance a`conside´ rer qu’il s’agit
d’un trouble de me´ moire. Une e´ preuve bre`ve de de´no-
mination et un test de compre´ hension de mots (en choi-
sissant des items peu fre´ quents comme des animaux
sauvages ou des fruits exotiques) sont en ge´ne´ral suffi-
sants pour e´ voquer le diagnostic. Une e´ valuation ortho-
phonique et neuropsychologique comple` te est ensuite
ne´ cessaire pour confirmer ou non le caracte`re isole´de
l’aphasie. Il n’est pas rare d’observer quelques difficulte´s
dans le calcul et une apraxie gestuelle, ce qui n’exclut
pas le diagnostic. On peut aussi trouver des performan-
ces abaisse´ es aux tests de me´ moire verbale, sans que le
patient pre´sente pour autant de syndrome amne´sique.
De plus l’autonomie au quotidien reste pre´ serve´ e tre`s
longtemps. Quelques troubles du comportement peu-
vent apparaı
ˆtre dans le courant de l’e´ volution, mais ils
restent au second plan, alors que les troubles du langage
s’aggravent, souvent jusqu’au mutisme.
L’aphasie du sujet aˆge´
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 8, n
o
1, mars 2010 47
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