L`Affaire de la rue de Lourcine est une comédie en un acte de

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L’Affaire de la rue de Lourcine est une comédie en un acte de Labiche, représentée la
première fois à Paris, au Théâtre du Palais-Royal, le 26 mars 1857.
© Julie Rodenbour
Chez cet auteur de comédies loufoques et de vaudevilles à la mécanique admirable – maître
du rire et peintre sans illusion de l’homme, un « animal humain » inscrit dans la société
bourgeoise de son temps -, la verve jaillissante et les inventions cocasses du langage,
soutenues par un comique extravagant et une logique de l’absurde, sont fertiles à l’extrême.
Labiche rit des mœurs de ses contemporains mais il porte aussi à leur égard une disposition à
voir leurs bons côtés.
Ses personnages vivent des aventures extravagantes, par-delà la mesquinerie et la médiocrité,
l’hypocrisie et l’égoïsme, aussi tricheurs et vaniteux soient-ils.
Ils sont fourbes entre eux, dans leur vie privée comme dans leurs affaires.
Lâches et velléitaires, ils n’ont de passion forte que pour leur argent.
Quelle est cette Affaire de la rue de Lourcine ?
À Paris, le rentier Lenglumé se réveille avec une belle gueule de bois et le souvenir d’avoir
perdu son parapluie vert : « Nom d’un petit bonhomme ! J’ai ramené quelqu’un sans m’en
apercevoir !… De quel sexe encore ? »
Il trouve dans son lit son complice de beuverie, Mistingue qui a perdu son mouchoir.
Madame Lenglumé lit un journal : le crime d’une charbonnière vient d’être commis, rue de
Lourcine ; les meurtriers ont laissé sur place un parapluie vert et un mouchoir.
Nos deux amis ne sont plus sûrs de rien, seraient-ce pas eux qui ont fait le coup ?
Ces incertitudes, quant à la conduite à tenir – laquelle aurait fâcheusement failli – relèvent de
la culpabilité de la bourgeoisie du XIX é, parvenue et donc douteuse.
Le jeune metteur en scène Yann Dacosta n’y va pas par quatre chemins pour rendre au mieux
la petite musique infernale de cette farce aux accents fantastiques, censée se passer dans la
chambre d’un intérieur bourgeois aux airs de boîte de nuit fluo.
Nos deux compères sont par nature d’authentiques bêtes de scène, les figures d’un cauchemar
dont ils ont peine à distinguer la part d’invention et la part de réalité.
Secrets inavoués, sorties interdites que l’on tait à sa douce-moitié trompée, délire et esprit
festif, les personnages miment les rencontres mauvaises et fictives.
Qu’est-on soi-même, si ce n’est les projections fantasmatiques dont on a peur ?
Les acteurs, musiciens chanteurs à l’occasion de jolis refrains vaudevillesques, sont tout
bonnement excellents, s’oubliant pour l’accomplissement de leur rôle scénique. Grotesques et
burlesques pour le public, sérieux et graves pour leurs proches bernés, ils suscitent le rire
franc et la moquerie joyeuse.
Benjamin Guillard est un Lenglumé inénarrable – physique expressionniste et inquiétant de
cinéma noir des années vingt, le regard hagard, commentant sa situation et courant sur le
plateau, essoufflé, harcelé par ses craintes et ses frayeurs.
Son partenaire de fête, Mistingue, qu’incarne avec un talent égal le mobile Guillaume
Marquet, assure sa partition avec toute la mesure d’étrangeté souhaitée.
Jean-Pascal Abribat en brave Potard, ami de la famille et propriétaire du parapluie, vêtu de
vert des pieds jusqu’à la tête, est un fantoche et clown burlesque filiforme.
Le valet facétieux Justin, interprété par Pierre Delmotte, allure classe et détachée, mais
enrhumé, n’en pense pas moins sur le compte de son maître, tout en essayant de tirer son
épingle du jeu. Quant à la figure féminine de la pièce, Norine – épouse de Lenglumé -, elle
reste à l’écoute troublée de son abruti de mari, pris de folie. Hélène Francisci dans le rôle ne
se laisse aucunement voler la vedette.
Ajoutons la malice des musiciens, Pauline Denize et Pablo Elcoq, le compositeur.
Grimaces, pitreries, apartés, adresses au public, la représentation passe comme une météorite
scénique, une traînée lumineuse, entre bouffonneries et sourires en coin.
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