Particularités cliniques et biologiques de l`hépatite virale B au cours

Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°99 - février-mars 02
Particularités cliniques et biologiques de
l'hépatite virale B au cours de la coinfection
par le VIH
Replication virale, sécérité de l'hépatopathie, facteurs
d'aggravation...
Hélène Fontaine
Service d'Hépatologie, Hôpital Necker (Paris)
Les virus de l'hépatite B (VHB) et de l'immunodéficience
humaine (VIH) partagent les mêmes voies de transmission. Cette
superposition des groupes à risque rend compte d'une fréquence
élevée de la coinfection VIH-VHB. L'importance des
interactions entre ces deux virus a été récemment soulignée,
d'une part par l'augmentation de l'espérance de vie des patients
infectés par le VIH depuis l'utilisation des multithérapies
antirétrovirales et, d'autre part, depuis la survenue
d'échappements fréquents du VHB à la lamivudine chez les
patients coinfectés. Ces deux événements ont révélé l'importance
pronostique de l'hépatite B chronique chez les patients
coinfectés. Il est donc important de comprendre l'impact
réciproque de ces deux virus en termes épidémiologiques et
cliniques afin de prendre en charge au mieux les patients
coinfectés.
Epidémiologie
Le pourcentage de patients ayant un Ag HBs positif est supérieur
chez les patients VIH-positifs par rapport aux patients
VIH-négatifs : 10% versus 1 à 2%, respectivement1. Ce
pourcentage est peut-être sous-estimé par les examens
sérologiques, si l'on considère la possibilité d'infection B
"occulte" (réplication virale prouvée par la recherche positive de
la virémie en l'absence d'Ag HBs détectable). De même, le
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pourcentage de patients ayant des critères sérologiques d'hépatite
B "guérie" est supérieur en cas d'infection par le VIH : environ
80 à 90% des patients infectés par le VIH ont été exposés au
VHB. L'augmentation de la prévalence du VHB chez les patients
infectés par le VIH s'explique par des modes de contamination
communs - sexuels et parentéraux (transfusion sanguine,
toxicomanie par voie intraveineuse ou nasale, contamination
materno- foetale...).
Aspects cliniques de l'hépatite B en cas de
coinfection
L'imunosuppression liée à l'infection par le VIH modifie
l'histoire naturelle de l'infection virale B. L'hépatite aiguë est
moins souvent symptomatique chez les patients infectés par le
VIH que dans la population générale : un ictère est plus
fréquemment observé chez les patients VIH-positifs. Le taux de
passage à la chronicité est supérieur chez les patients infectés par
le VIH après l'épisode d'hépatite B aiguë par rapport à la
population générale : 20 à 90% versus 2 à 7%, respectivement en
fonction des différentes études. Le risque d'infection chronique
est significativement associé au statut immunitaire : les patients
développant une infection chronique ont un taux de CD4
significativement inférieur à celui des patients évoluant vers une
clairance de l'Ag HBs. Une coinfection simultanée par le VIH et
le VHB augmente également le risque de chronicité du fait de
l'immunosuppression plus importante que celle observée en cas
d'infection par le VHB chez un sujet précédemment infecté par
le VIH.
Réplication virale VHB en cas de coinfection
La coinfection par le VIH est responsable d'une réplication
virale plus importante liée à l'immunosuppression. Le
pourcentage de patients porteurs chroniques de l'Ag HBs ayant
un Ag Hbe positif est supérieur chez les patients coinfectés que
chez les patients monoinfectés2. La virémie quantitative du VHB
est également supérieure dans ce sous-groupe de la population.
Cette variation ne semble pas dépendre du taux de CD4 mais
plutôt du stade CDC de l'infection par le VIH2. De même, la
coinfection par le VIH diminue la fréquence des arrêts spontanés
de réplication virale et augmente celle des réactivations virales
définies par la réapparition de l'Ag Hbe - mais aussi parfois par
la réapparition de l'Ag HBs, en cas de détérioration immunitaire
: les épisodes de réactivation sont observés chez un tiers des
patients, et parfois à l'origine d'exacerbations sévères de
l'hépatopathie.
Sévérité de l'hépatopathie
L'hépatopathie est plus sévère chez les patients coinfectés par le
VIH que chez les patients monoinfectés et ce, indépendamment
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d'une coinfection par le VHD ou d'une surconsommation
d'alcool, ainsi que cela a été montré dans une population de
patients toxicomanes. Ceci peut sembler paradoxal chez des
patients ayant un déficit immunitaire, puisque la pathogénie des
lésions secondaires au VHB est principalement immunomédiée ;
cette constatation rend probablement compte d'une modification
de la pathogénicité de l'infection par le VHB dans un contexte
d'immunosuppression, avec l'apparition d'une cytotoxicité
directe du virus.
Cette hypothèse s'appuie sur l'observation de formes rapidement
évolutives de l'infection par le VHB spécifiques d'un contexte
d'immunosuppression : la fibrose hépatique cholestasiante3. Ce
syndrome associe une fibrose extensive, une cholestase,
l'absence de nécrose et évolue en quelques semaines à quelques
mois vers l'insuffisance hépatique terminale liée à l'accumulation
massive d'antigènes viraux dans les hépatocytes (liée à une
multiplication virale intense favorisée par le déficit immunitaire)
entraînant une paralysie des transports cellulaires et la mort des
hépatocytes.
Les lésions histologiques hépatiques secondaires à l'infection par
le VHB rapportées chez les patients coinfectés par le VIH sont
marquées par une diminution de l'activité
nécrotico-inflammatoire et une augmentation des lésions de
fibrose par rapport à la population générale4. A
l'immunomarquage, l'expression intra-hépatique de l'Ag HBc est
plus marquée que chez les patients VIH négatifs. Le pourcentage
d'évolution vers la cirrhose est supérieur chez les patients
coinfectés par rapport aux patients monoinfectés et cette
différence explique l'augmentation de la morbidité et de la
mortalité de cause hépatique chez les patients coinfectés.
Ceci souligne le caractère indispensable du dépistage de
l'hépatite virale B (comme de l'hépatite virale C) chez les
patients infectés par le VIH et la réalisation systématique d'une
biopsie hépatique (en dehors des situations de cirrhose évidente
sur des arguments cliniques, biologiques ou morphologiques)
afin d'apprécier l'importance des lésions d'activité et de fibrose
qui guidera les indications thérapeutiques.
Coinfections VIH-VHB / VHD / VHC
En cas de surinfection par le virus de l'hépatite D (VHD) d'une
hépatite B chronique, on observe chez le patient
immunocompétent une inhibition de la réplication du VHB avec
l'apparition d'AC HBe, la disparition de l'Ag HBe, l'absence de
virémie B détectable, voire la disparition de l'Ag HBs alors que
la virémie VHD devient détectable. Chez les patients coinfectés
par le VIH, l'immunosuppression liée au VIH lève l'effet
inhibiteur de l'infection delta sur la multiplication virale B5.
L'ADN du VHB - et, parfois, l'antigène HBe - peut être
détectable et l'antigénémie delta, habituellement de courte durée
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chez le patient immunocompétent, peut persister. L'étude en
immunohistochimie de l'antigène delta sur la biopsie hépatique
suggère une plus forte réplication virale en cas de coinfection
par le VIH, qui pourrait expliquer l'évolution plus sévère de
l'hépatopathie B-D dans cette population.
De même, chez le patient immunocompétent, en cas de
coinfection par le VHB et le VHC, on observe un équilibre de
réplication entre ces deux virus, en général au profit du VHC :
absence de virémie B détectable et virémie VHC positive. Chez
les patients VIH positifs, en cas de coinfection, on peut observer
une multiplication simultanée des deux virus.
Facteurs d'aggravation de l'hépatite B chronique
Chez les patients infectés par le VIH et le VHB, d'autres
événements peuvent émailler l'évolution de l'hépatopathie. Un
épisode d'aggravation survenant au moment d'une dégradation
du statut immunitaire peut être lié à une fibrose hépatique
cholestasiante.
Chez des patients coinfectés par le VIH, un épisode d'hépatite
médicamenteuse peut aussi aggraver la situation. En effet, les
patients coinfectés sont souvent traités par multithérapies
antirétrovirales potentiellement hépatotoxiques, et l'existence
d'une hépatopathie sous-jacente (liée à une hépatite virale B ou
C) est un facteur de risque reconnu de toxicité médicamenteuse,
notamment aux inhibiteurs de protéase ou aux analogues non
nucléosidiques6.
Un épisode de réactivation spontanée peut être à l'origine d'une
exacerbation de l'hépatopathie préexistante. De même, au cours
des échappements du VHB à la lamivudine, des tableaux
d'hépatite aiguë ou de fibrose cholestasiante responsables
d'aggravations de la fonction hépatique ont été décrits. Cette
circonstance est d'autant plus fréquente que les échappements
sont plus fréquents chez les patients infectés par le VIH que dans
la population générale, que les patients infectés par le VIH ont
été traités de façon précoce par lamivudine le plus souvent à
visée anti-VIH (et par conséquent ont eu une durée de traitement
par lamivudine prolongée, ce qui a été reconnu comme un
facteur de risque d'échappement), et que l'existence d'un déficit
immunitaire est un facteur de risque d'échappement
(probablement par le biais d'une virémie pré-thérapeutique
élevée, également facteur de risque d'échappement).
Il a également été décrit des épisodes d'exacerbation de
l'hépatopathie induits par la multithérapie, liés probablement à la
restauration immunitaire. En effet, du fait du mécanisme
principalement immunomédié du VHB, une amélioration du
statut immunitaire liée à l'efficacité d'un traitement antirétroviral
peut être responsable d'hépatites sévères au moment du rebond
immunitaire au cours de l'hépatite chronique B (comme au cours
de l'hépatite chronique C).
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Enfin, une hépatite liée à la consommation excessive d'alcool
(principalement chez les patients contaminés par toxicomanie,
en cas de relais de leur addiction par l'alcool), à la prise de
toxiques (par hépatotoxicité directe comme la métamphétamine,
l'ectasy ou la buprénorphine ou par hépatotoxicité indirecte :
hépatite de choc après prise de cocaïne ou de "poppers") ou à
une prise médicamenteuse autre que la multithérapie
antirétrovirale peut venir compliquer ce tableau. La prise en
charge addictologique est donc indispensable chez ces patients.
L'interaction de ces différents facteurs d'aggravation explique la
difficulté à réaliser un diagnostic précis au cours d'un épisode
aigu d'aggravation. Il est nécessaire de prendre en compte tous
ces facteurs et de leur intrication.
Actuellement, d'après la plupart des études effectuées, il ne
semble pas exister d'influence du VHB sur l'évolution de
l'infection par le VIH.
En résumé, la coinfection par le VIH modifie les caractéristiques
épidémiologiques et l'histoire naturelle de l'hépatite virale B,
probablement à cause de la majoration de la réplication virale
liée à l'immunosuppression. L'augmentation de la prévalence de
l'infection par le VHB, le caractère péjoratif de son évolution
(formes chroniques et évolution cirrhogène plus fréquentes)
soulignent l'importance du dépistage systématique chez les
patients infectés par le VIH et de la prise en charge de cette
coinfection, ceci d'autant plus que, depuis l'utilisation des
multithérapies antirétrovirales, l'augmentation de la durée de
survie des patients révèle une augmentation de la morbidité et de
la mortalité liées au VHB.
Principales caractéristiques de l'hépatite B
chez le sujet infecté par le VIH
prévalence accrue de l'infection chronique et passée
modifications de l'expression sérologique des hépatites
réplication virale majorée
réactivation virale fréquente, arrêt spontané rare de la
multiplication virale
sévérité des lésions histologiques (cirrhoses), plus
fréquentes et plus rapides
hépatite fibrosante cholestatique (VHB directement
cytopathogènes)
augmentation de la mortalité liée à l'hépatopathie
1 - Ockenga J, Tillmann HL, Trautwein C et al.
"Hepatitis B and C in HIV-infected patients. Prevalence and prognostic
Particularités cliniques et biologiques de l'hépatite virale B au cours de la coinfection par le VIH
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