Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, © Masson, Paris, 1987 nO CONDUITE A TENIR DEVANT ... 3, pp. 109-114 Kinésithérapie après fixation externe suivant Hoffmann A. JOSZ Licenciée en kinésithérapie. Service d'Orthopédie Bruxelles Traumatologie (Prof F. Burny) Cliniques Universitaires de Bruxelles, Hôpital Erasme, \ [ Notre but est de présenter les possibilités kinésithérapiques offertes après traitement par fixateur externe et de proposer un schéma de rééducation pour les lésions des membres supérieurs et inférieurs. La fixation externe consiste à réaliser la contention d'une fracture, d'une arthrodèse ou d'une articulation luxée, en prenant appui sur l'os par des fiches percutanées ancrées à distance du foyer lésé. La solidarisation des fiches (ou groupes de fiches) est assurée par une ou plusieurs barres, extérieures aux téguments (fig. 1). Le fixateur de Hoffmann est constitué de fiches, d'étaux et de barres droites ou coudées (fig. 2). La fixation « élastique» est adaptée à la lésion, ce qui autorise une mobilité' interfragmentaire relative (Burny et al., 1978). Ceci explique les micromouvements et les craquements parfois perçus lors de la mobilisation. La stabilité mécanique du montage adapté à la configuration de la fracture permet la mobilisation immédiate de toutes les articulations, le lever précoce et éventuellement, la mise en charge. Ces trois éléments favorisent la prévention des troubles trophiques, de l'ankylose articulaire et de l'atrophie musculaire. Le matériel permet la suspension du membre pour diminuer l'œdème, faciliter le retour veineux et la résorption de l'hématome. La (les) barre(s) rend(ent) la manipulation du membre aisée. Tirés à part: A. Josz, 44, av. Kamerdelle, 1180 Bruxelles. 1. Rééducation La rééducation a pour but de récupérer la mobilité articulaire et la souplesse du membre. Le conflit entre fiches et masses musculaires est parfois responsable d'une relative limitation des mouvements. Nous envisageons un traitement en deux phases : rééducation immédiate et rééducation secondaire. 1.1. RÉÉDUCA nON IMMÉDIATE La rééducation immédiate vise à récupérer et à entretenir le contrôle segmentaire et global du membre, à le réintégrer dans sa fonction de stabilité et de locomotion pour le membre inférieur, dans sa fonction de préhension pour le membre supérieur. Elle consiste en une mobilisation passive (ou active aidée) des articulations voisines de la lésion et en « l'entretien » musculaire de tout le membre. La rééducation immédiate doit être atraumatique, non agressive, mais toujours conduite avec fermeté, ayant pour but la mobilisation spontanée du membre. 1.2. RÉÉDUCA nON SECONDAIRE Nous appelons rééducation secondaire, la mobilisation d'une articulation après son pontage par fixateur externe. Les conséquences de l'immobilisation articulaire prolongée sont: 110 /. ,no Kin ésithér. , 1987, t. 14, n° 3 FIG. 2. - Matériel FIG. 1. - Fixation externe d'une fracture de tibia. - une dégénérescence cartilagineuse suite à l'absence de glissement des surfaces, facteur de « nutrition» du cartilage, à la réduction des variations de contraintes et à l'insuffisance de brassage de la synovie; - une ostéoporose due à la diminution de sollicitation mécanique du support osseux; - une rétraction et un accolement des plans capsulo-ligamentaires et synoviaux; - une atrophie musculaire (perte du volume, de la souplesse, de l'élasticité, de la vitesse de contraction) due à l'absence de stimulation nerveuse et à la stase vasculaire; - une réduction_ de la vascularisation de l'articulation; - une diminution de la proprioceptivité (Sohier, 1982). Dès l'accord du chirurgien, nous procédons quotidiennement à la libération de l'articulation : après desserrage des étaux et enlèvement de la barre de fixation (fiches en place), nous commençons la mobilisation de l'articulation. En fin de séance, la contention est rétablie par serrage de la barre. 'La position d'immobilisation de Hoff.mann. de l'articulation variera en fonction du gain d'amplitude, lors de chaque séance de kinésithérapie. Après accord du chirurgien, l'articulation sera totalement libérée. Le traitement débute par une phase de mobilisation passive qui vise à récupérer les amplitudes articulaires et rétablit la sensation de mobilité. - La mobilisation passive consiste en : massage péri-articulaire et musculaire des différentes structures, à visée circulatoire et assouplissante, sous forme de décollements, d'étirations transversales, de ponçages et de massages à la glace, si nécessaire; décoaptation articulaire par manœuvres de dégagement de l'interligne (tractions longitudinales douces, lentes, rythmées et répétées) ; • mouvements sous traction, de petite amplitude; • techniques de facilitation neuromusculaire pour lutter contre les tensions musculaires (Kabat). La mobilisation passive doit être indolente, ne pas déclencher de contractures réflexes. Le contrôle visuel de la mobilisation passive fait prendre conscience au patient de ses possibilités et facilite sa collaboration. CI CI - La mobilisation active, seconde phase du traitement, entretient l'amplitude récupérée et redonne au patient la sensation de travail et de relâchement musculaire. Ann. Kin ésithér. , 1987, t. 14, n° 3 111 - La dernière phase concerne le renforcement des différents groupes musculaires stabilisateurs des articulations. - La progression du traitement est adaptée à chaque patient. 2. Kinésithérapie adaptée à la lésion Nous proposons un schéma de traitement suivant la localisation anatomique des lésions, tout en citant les complications possibles. 2.1. MEMBRE INFÉRIEUR , 2.1.1. Le fémur FIG. 3. - Montage en triangle pour fracture du fémur distal. Nous poursuivons la revalidation par une mobilisation active de la hanche, du genou et de la cheville et nous terminons par la musculation visant à une récupération du quadriceps et un entretien global du membre. La possibilité de verrouillage du genou autorise la technique de musculation suivant Delorme. L'absence de récupération de la flexion du genou est la principale complication rencontrée et nécessite parfois une mobilisation sous narcose. Plus qu'à la transfixion des muscles par les fiches, il semble que le traumatisme initial soit le plus souvent responsable de la raideur articulaire (Van Roye, 1983). Le montage recommandé dépend de la localisation de la lésion. En principe, le demi-cadre est à rejeter, sauf chez les enfants. Lors du montage en triangle, les fiches proximales sont placées au travers des muscles crural et droit antérieur, les fiches distales transfixient les condyles (fig. 3). Lors d'un montage en cadre, les fiches proximales transfixient les muscles vaste interne, vaste externe et le fascia lata, les fiches distales traversent les condyles. Le chirurgien terminera l'intervention par une flexion extension du genou pour dilacérer les muscles transfixiés, dans le 2.1.2. Le tibia sens des fibres, et ainsi créer un plan de mouvement. Les broches du fixateur externe sont placées La kinésithérapie commence par une mobili- à la face antéro-interne du tibia; il n'y a en sation passive: principe pas d'obstacle anatomique majeur à leur mise en place (Burny et al., 1979). fi massage périarticulaire des structures capLa mobilisation passive vise à maintenir la sulo-ligamentaires et tendineuses; • massage de décollement et d'étirations trans- souplesse de toutes les articulations du pied par des étirations transversales et longitudinales du versales du quadriceps; • mobilisation de la rotule; tendon d'Achille, des manœuvres de désimpac• mouvements de flexion-extension sous trac- tion de la cheville, la mobilisation du pied et tion pour dégager les surfaces articulaires et de l'avant-pied. La mobilisation active intéresse le genou, la faciliter les mouvements de roulement glissecheville (inversion-éversion) et les orteils. ment entre le fémur et les ménisques. La musculation de la cheville est un travail Un travail sur attelle électrique complète le traitement en permettant une triple flexion pas- global axé sur la récupération de la flexion sive du membre. Le patient conduit et contrôle dorsale, la contraction synergique des extenseurs des orteils, du jambier antérieur et de l'extenseur à la demande la flexion-extension du genou. 112 Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 3 FIG. 5. - Fixateur externe d'une fracture de cheville. FIG. 4. - Semelle anti-équin. propre du gros orteil. C'est aussi un travail analytique stimulant le jambier antérieur et les péroniers latéraux. La contraction élective permet d'interroger chaque muscle de la cheville. La déformation du pied en équin et la limitation du mouvement de flexion dorsale de la cheville sont les complications rencontrées. Une semelle plâtrée est utilisée pour y remédier (fig. 4). Dès l'appui autorisé, nous travaillons le déroulement du pied lors de la marche (El Banna, 1980). 2.1.3. La cheville Les indications de fixateur pontant la cheville sont: - les fractures ouvertes du pilon tibial - les pseudarthroses infectées - les arthrodèses Les broches proximales sont placées dans le tiers inférieur du tibia, les broches distales transfixient le calcanéum (fig. 5). Nous réalisons une mobilisation passive de l'avant-pied et des orteils,. une mobilisation active du genou et des orteils, une musculation des extenseurs des orteils, de l'extenseur du gros orteil et un entretien global du membre. La rétraction des fléchisseurs des orteils avec affaissement de l'avant-pied doit absolument être évitée. Quelle que soit la lésion du membre inférieur le lever du patient, avec ou sans appui, se fait suivant avis médical et dépend souvent de l'évolution radiologique. 2.2. MEMBRE SUPÉRIEUR 2.2.1. L'humérus Les indications du fixateur externe au niveau de l'humérus sont (fig. 6) : - les fractures diaphysaires; - certaines fractures du col chirurgical; - les pseudarthroses infectées ou non. Les fiches proximales sont externes, transdeltoïdiennes, les broches distales sont postérieures, transtricipitales. Comme pour le genou, le chirurgien réalise une flexion-extension du coude en fin d'intervention pour faciliter la mobilisation. Dans une fracture de la palette humérale (où une fixation interne est souvent associée) ou pour une luxation du coude, l'immobilisation se réalise ~.lr fixation humérocubitale, les mouvements de pro-supination sont autorisés. La mobilisation passive débute par un travail de désimpaction et par des mouvements pendu- Ann. Kinésith ér., 1987, t. 14, n° 3 113 FIG. 7. - Contraintes anatomiques au niveau de l'avant-bras proximal. FIG. 6. - Fixateur externe d'une fracture d'humérus. laires de l'épaule pour dégager l'articulation. Nous réalisons des étirements lents, progressifs et répétitifs des structures péri-articulaires, et des mouvements de glissement des surfaces articulaires l'une par rapport à l'autre. La mobilisation active de l'épaule ne débute que lorsque l'amplitude de «passage » située entre 80 et 120 degrés est récupérée. Nous contrôlons la mobilité du coude, du poignet et de la main. La musculation vise à l'entretien de la ceinture scapulaire, et intéresse tous les muscles travaillant dans les mouvements de l'épaule. Un déficit de l'extension du coude et l'affaissement accompagné d'un enroulement de l'épaule sont à surveiller. Le déficit de mobilité a été précisé par Burny et al. (1980, 1984) et Hinsenkamp et al. (1984). 2.2.2. L'avant-bras L'attitude du service, basée sur une étude de plus de 100 cas, est de traiter systématiquement les fractures d'avant-bras par fixateur externe par Van Poelvoorde (1983) et Andrianne et al. (1984). Lors d'une fracture de radius, les broches proximales transfixient les muscles épicondyliens (fig. 7), les broches distales respectent les espaces intermusculaires et tendineux. Làrs d'une fracture de cubitus, il n'y a pas d'obstacle anatomique, l'os étant sous-cutané sur toute la longueur. La mobilisation passive est réalisée par des désimpactions du poignet, des tractions axiales et translations antéropostérieures au niveau des articulations radiocarpienne et médiocarpienne et une mobilisation radio cubitale inférieure. Nous demandons une mobilisation active globale du membre. La musculation consiste surtout à travailler la force de préhension. Les fonctions les plus atteintes sont l'inclinaison radiale et la prosupination (Tableau 1). Lors d'une fracture des deux os de l'avant· bras, une barre anti-rotatoire entre le fixateur du radius et du cubitus améliore la stabilité du montage au cours du premier mois : les mouvements de prospination ne sont pas permis. I~ 114 Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 3 TABLEAU 1 Références Récupération des amplitudes articulaires (après fracture de l'avant-bras) Moyenne (% du côté sain) Flexion du coude Pronation Supination Inclinaison radiale Inclinaison cubitale Flexion palmaire Flexion dorsale 97 % 76 73 69 79 80 83 % % % % % % TJOSZ-30,2. 2.2.3. Le poignet Les fiches proximales sont implantées à la face postéro-externe du radius, les fiches distales à la face dorsale du 2e métacarpien (Schuind et al., 1984). Le fixateur de poignet, en général réservé aux fractures ouvertes ou comminutives, nécessite non seulement une surveillance de la mobilité des doigts mais aussi des articulations du coude et de l'épaule. La traction transarticulaire est relâchée après 21 jours pour éviter les problèmes d'algodystrophie liés à la tension ligamentaire. La rééducation «secondaire» débutera dès l'enlèvement du fixateur externe. 3. Conclusion S'il est vrai qu'il peut paraître encombrant et générateur de réactions de crainte (temporaires) chez certains patients, le fixateur externe est une technique efficace qui permet une mobilisation précoce, qui évite l'ankylose articulaire et l'atrophie musculaire. Le schéma de traitement proposé concerne la période d'hospitalisation et peut sans difficulté se prolonger et se développer en consultation extérieure. 1. ÀNDRIANNE Y., DONKERWOLCKE M., HINSENKAMP M., QUINTIN J., RASQUIN C., EL BANNA S., BURNY F. Hoffmann external fixation of fractures of the radius and ulna : a prospective study offifty-three patients. Orthopedies, 7, 845-850, 1984. 2. BURNY F., RASQUIN C., QUINTIN J., HINSENKAMP M. External fixation in Traumatology and Orthopaedic Surgery. SICOT, XIV World Cngress; Kyoto 1978 : abstracts, p. 250. 3. BURNY F., EL BANNA S., EVRARD H., Vander GHINST M., DE GEETER L., PEETERS M., VERDONK R., DESMET Ch., FERNANDEZ-FAIREN M., MOREIRA D., LE REBELLER M., MARTINI M. - Elastic external fixation of tibial fractures. Study of 1421 cases. ln « External fixation; The current state of the art» 55-73; The Williams and Wilkins Company, Baltimore 1979. 4. BURNY F., HINSENKAMP M., DONKERWOLCKE M. External fixation of the fractures of the humerus. Analysis of 100 cases. 7e Journées Internationales : la Fixation' Externe d'Hoffmann. Montpellier r 1980, Diffineo SA Ed.• Genève, 191-202, 1980. '0 5. BURNY F., EL BANNA S. - External fixation of the fractures of the tibia. SICOT, XIV World Congress, Kyoto 1978 : abstracts, p. 33. 6. BURNY F., HINSENKAMP M., ANDRIANNE Y., QUINTIN J., RASQUIN C., RASQUIN C., DONKERWOLCKE M., PICCHIO A.A., ASCHE G. - External Fixation of the Humerus, a review of 164 cases. Monography presented at the American Academy of Orthopedie Surgeons, 51st Annual Meeting, February 9-14, 1984. Atlanta. 7. HINSENKAMP M., BURNY F., ANDRIÂNNE Y., QUINTIN J., RASQUIN C., DONKERWOLCKE M., PICCHIO A., ASCHE G. - External fixation of the fracture of the humerus. Orthopedies, 7, 1309-1314, 1984. 8. EL BANNA S. - Fractures diaphysaires de tibia. Résultat du traitement par fixateur externe d'Hoffmann, 1980. 9. SCHUIND F., DONKERWOLCKE M., BURNY F. - External fixation of wrist fractures. Orthopedies, 7, 841-844, 1984. 10. SOHIER R. - Justifications fondamentales de la réharmonisation biomécanique des lésions dites « ostéopathiques » des articulations. Éd. Kiné Sciences, 1982. 11. V AN POELVOORDE F. - Les fractures diaphysaires des os de l'avant-bras traitées par fixateur externe. Mémoire de licence en kinésithérapie, 1983. 12. VAN ROYE E. - Les fractures kinésithérapie, ULB, 1983. basses du fémur. Licence en