Les machinations illégales du cartel pharmaceutique

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Une médecine corrompue
Les machinations illégales du cartel pharmaceutique
(extrait de Albatros, n°27, juin 2010)
Le développement d’un nouveau médicament coûte au secteur pharmaceutique, selon ses propres
indications, jusqu’à un milliard. C'est pourquoi le secteur pharmaceutique est prêt à tout pour qu'un
médicament vienne sur le marché. Dans le langage populaire nous disons: «Coûte que coûte.» Ce n’est
pas un secret que le secteur pharmaceutique prend ce dicton à la lettre et qu’il veut apporter un
médicament à tout prix sur le marché dans la mesure du possible – même au prix de victimes humaines.
Un nouveau médicament «doit» être mis profitablement sur le marché le plus vite possible. Le
plus grand nombre possible de médecins doit prescrire le nouveau médicament. Finalement, les
caisses des géants pharmaceutiques s’enrichissent en proportion du nombre de patients qui
prennent les nouveaux médicaments. Les machinations des lobbyistes du secteur pharmaceutique
ont déjà été dénoncées voici des décennies par des antivivisectionnistes comme Pietro Croce,
Hans Ruesch et d’autres. Toutefois, au cours des dernières années, ce «secret» a enfin trouvé un
peu plus d’accès auprès de la conscience publique.
L’émission ZDF «Frontal 21» ne mâche pas ses mots
Dans l’émission de la chaîne de télévision allemande ZDF «Frontal 21» du 9 décembre 2008, le
lobby pharmaceutique extrêmement puissant n’a pour une fois pas été ménagé. Les machinations
du secteur pharmaceutique ont été démasquées et qualifiées de «méthodes mafieuses». Tous les
bas-fonds autour du magouillage ont été intitulés «réseau de la corruption». L’émission montre
un extrait du monde pharmaceutique quotidien et révèle sans fard ses méthodes de marketing
sans scrupules. Dans l’émission, d’anciens managers déballent des informations internes, et on
révèle comment les représentants de l’industrie pharmaceutique achètent systématiquement des
médecins, politiciens, médias et même des groupes d’entraide. Tout ce qui ne va pas dans le sens
de l’industrie pharmaceutique est combattu par tous les moyens afin que cela ne parvienne pas
au public. Ceci tout à fait dans l’esprit des «dix commandements» de Thomas Ebeling, ancien
CEO de Novartis: «Do whatever it takes: Kill to win – no prisoners» («Fais tout ce qu’ il faut: tue
pour gagner – pas de quartier!»). Il a insisté là-dessus dans des exposés et l’a écrit dans la
publication interne de l’entreprise du «plan de bataille» pour les stratégies de marketing de
Novartis.
(Rester) sur le marché à tout prix
L’émission montre que l’augmentation de la suicidalité suite à la prise de ZOLOFT® (un
antidépresseur récent de Pfizer) a été voilée et passée sous silence pendant des années. Ensuite
le cheminement du PROZAC® (un antidépresseur d’Eli Lilly) est montré, jusqu’à l’homologation
en Europe. John Virapen, ancien directeur d’Eli Lilly Suède, qui était responsable de la réalisation
de l’homologation de PROZAC®, s’est mis à disposition pour une interview. Il a expliqué alors
comment il avait graissé la patte aux autorités d’homologation pour pouvoir faire homologuer
PROZAC®, et comment il a négocié par des machinations corrompues un prix de lancement élevé
pour le médicament. Il a dit franchement lors de l’interview: «Ils (l’ industrie pharmaceutique)
vous vendent des médicaments dangereux pour gagner de l’argent. Rien d’autre. Si vous pensez
que l’ industrie harmaceutique met des médicaments sur le marché pour vous aider – vous vous
trompez lourdement!»
Au sujet des machinations de l’entreprise Eli Lilly, le professeur Bruno Müller-Oerlinghausen de la
commission des médicaments du corps médical allemand a déclaré lors d’une interview: «Eli Lilly
a fait en sorte que des données de risque p. ex.sur la production de suicidalité et d’ états
agressifs ne parvienne pas au public dans la mesure du possible. A cet effet, elle a menacé
massivement des collègues qui avaient les données et Eli Lilly, comme d’autres producteurs
également, a veillé à ce que les études dont les résultats n’ étaient pas dans leur intérêt ne soient
pas publiées.»
Publicité illégale pour les médicaments – le pseudo-médicament VOLAZIN
La publicité directe pour les médicaments vendus sur ordonnance est encore interdite (pour le
moment). Naturellement, ceci n’empêche pas les groupes pharmaceutiques de vanter aux
consommateurs leurs nouveaux médicaments, par le biais d’articles bien emballés, supposément
rédactionnels. Un reportage apparemment bien recherché est présenté aux consommateurs dans
des revues. Ce reportage vante l’effet soi-disant positif du médicament. Bien entendu, les
inconvénients et les effets secondaires ne sont même pas mentionnés. Et pour couronner le tout,
cette publicité cachée est encore étayée par des affirmations positives de scientifiques
(achetés). L’émission «Frontal 21» voulait savoir à quel point il est facile de corrompre les médias
pour ses propres intérêts. A cet effet elle a fondé une entreprise bidon et envoyé un représentant
d’un médicament fictif du
nom de VOLAZIN dans différentes rédactions. Les entretiens ont été filmés par caméra cachée.
Le résultat était décevant. Les maisons d’édition visitées (Apotheken-Umschau, 19 millions de
lecteurs en Allemagne/ Verlag Condé Nast, revues: Vanity Fair, Vogue, GQ, Glamour, myself,
.../Bauer Media Groupe, plus de 300 revues: Tina, Laura, Neue Post, TV-Movie, Bravo, ...)
mentionnaient l’interdiction de publicité pour les médicaments rendus sur ordonnance. Mais
toutes ont offert en quelques secondes une possibilité de publier malgré tout cette publicité
illégale camouflée sous forme de reportage rédactionnel (p. ex. «Gesundheitsspezial»). Des prix
pour la publication ont été cités, et, très important, la liberté absolue du contenu (rédactionnelle)
a été garantie. Quelques jours plus tard, les premières propositions de layout d’une des
rédactions arrivaient déjà.
Les revues spécialisées scientifiques sont également achetables
Dans la commercialisation de médicaments, l’industrie pharmaceutique poursuit des chemins
aventureux. Ainsi qu’il est ressorti récemment d’une procédure judiciaire en raison des effets
secondaires importants du médicament Vioxx, le groupe pharmaceutique Merck a payé la maison
d’édition médicale Elsevier pour l’édition d’une revue publicitaire camouflée en revue spécialisée
indépendante. Celle-ci contenait principalement des
«études» dans le sens des intérêts de commercialisation de Bayer. Le numéro 2 de cette revue
contenait 29 études. Parmi celles-ci, plus de 20 traitaient des médicaments de Merck (9 d’entre
elles de Vioxx). Toutes les études ne servaient qu’à présenter les médicaments comme
inoffensifs et efficaces. Il s’est avéré en outre que la maison d’édition scientifique Elsevier a fait
financer au moins 6 autres revues spécialisées par des entreprises pharmaceutiques. Elsevier
n’est pas n’importe quelle maison d’édition insignifiante, mais celle qui domine pratiquement la
littérature spécialisée médicale. Elle édite entre autres «The Lancet», «The American Journal of
medicine», «European Journal of Cancer», «Epidemics» et quelque 800 autres publications
spécialisées médicales. Elsevier informe (ou désinforme) ainsi une grande partie du monde
spécialisé médical au sujet des dernières découvertes de la médecine.
Les rouages de la loi commencent lentement à tourner
Des méthodes de marketing trompeuses et illégales, la mise sous silence et la minimisation des
effets secondaires ainsi que des méthodes publicitaires trompeuses et illégales sont à l’ordre du
jour. Les groupes pharmaceutiques ont pu procéder ainsi pendant des décennies sans la moindre
crainte de demandes de recours. Mais en raison de leur avidité croissante, leurs machinations
sont parvenues toujours davantage aux oreilles
du public. Quelques procès ont déjà été réalisés, et même si les groupes pharmaceutiques
peuvent pour le moment encore payer les frais judiciaires de la «petite caisse», la pression sur
eux augmente toujours un peu plus, même si c’est lent.
Quelques exemples :
• en 2008, la filiale de Novartis, Sandoz, a été condamnée à verser environ 38 millions de francs
en raison de manipulations frauduleuses sur les prix. De nombreuses procédures sont encore en
suspens contre Novartis
• En 2008, le groupe pharmaceutique AstraZeneca a été condamné pour manipulations
frauduleuses sur les prix à la charge des caisses sociales publiques, à payer une indemnité
d’environ 46 millions de francs et une amende qui s’est finalement élevée à quelque 138 millions
de francs
• Bien qu’elle n’ait pas pu être condamnée juridiquement (quel que soit le pouvoir qui l’en
empêchait), Bayer a payé jusqu’en 2007 environ 1,35 milliard de francs à des patients lésés et à
des descendants des défunts en conséquence de leur hypocholestérolémiant Lipobay/ Baycol
• Entre 2003 et 2007, GlaxoSmithKline a été condamnée dans le cadre de plusieurs procès suite à
des manipulations frauduleuses sur les prix à payer environ 370 millions de francs
• Roche a été condamnée par divers tribunaux entre 1999 et 2001 pour «conspiration criminelle»
et entente illégale sur des prix, à payer la contrevaleur de plus d’un milliard de francs.
Naturellement, ce ne sont pour l’instant que des gouttes d’eau sur une pierre chaude. Les frais
pour ces machinations, ce sont les consommateurs qui les paient – les managers et actionnaires
continuent de gagner des milliards. Mais petit à petit, les gouttes creusent peut-être vraiment le
rocher?
Les multis pharmaceutiques ont également une garantie, comme les grandes banques, qu’on ne
les laissera jamais tomber dans la mesure du possible. Une recherche de l’émission d’actualités
CNN en avril 2010 a démontré que Pfizer est «too big to nail», donc quasiment trop grande pour
que l’on puisse l’attaquer. En fait, Pfizer aurait dû être condamnée pour ventes illégales de
médicaments. Mais comme l’Amérique n’aurait alors plus pu faire d’affaires avec Pfizer, la faute
pour ce crime a été repoussée élégamment sur une entreprise imaginaire. Eh oui, comment
l’Amérique aurait-elle pu survivre sans Viagra (le «médicament» le plus vendu de Pfizer)?
Andreas Item
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