L’INCIDENCE DU CONTEXTE SUR LA TRADUCTION MÉDICALE Renate Trurnit Verbic Lilla/CRDL Université de Nice – Sophia Antipolis [email protected] Résumé : L’incidence du contexte dans la compréhension et la traduction devient apparente en alignant des unités phraséologiques provenant de textes médicaux français et allemands. Cotexte et contexte restreignent successivement le champ d’application des unités et spécialisent leur sens. Lors de leur traduction, le choix lexical dans la langue cible en dépend. Il est donc important dans une base de donnée bilingue que des étiquettes contextuelles permettent de vérifier l’équivalence des contextes en langue source et en langue cible. Mots-clés : traduction médicale, unités phraséologiques, français, allemand, contexte 1. INTRODUCTION La thématique du colloque Mots, termes et contexte semble offrir un prolongement idéal à notre thèse sur L’Analyse de textes médicaux en français et en allemand dans le domaine de l’asthme : incidences sur la traduction (1). Nous y avons en effet étudié le fonctionnement de la langue médicale en vue de sa modélisation dans le cadre d’applications telles que la traduction assistée par ordinateur et dans une perspective bilingue, français < > allemand. Notre choix d’étudier des textes médicaux en français et en allemand à partir de la phraséologie propre à chaque langue avait été motivé par l’absence d’outils de traduction performants dans le domaine médical entre ces deux langues, alors que la demande de traduction dans le domaine médical ne cesse d’augmenter, comme l’a aussi souligné Hannelore LeeJahnke (2001 : 145) dans son article sur L’enseignement de la traduction médicale : un double défi ? Les réflexions que nous vous proposons ici sur le contexte trouvent leur origine dans l’analyse du corpus (2) qui a servi de base de travail pour notre thèse. Cette analyse s’est déroulée par étapes. Ainsi l’analyse thématique des textes a-t-elle conduit à une description notionnelle du domaine, l’analyse du lexique dans les deux langues a abouti à la description notionnelle des lexiques français et allemand. L’analyse des paradigmes d’emploi des termes les plus fréquents a permis de trouver des unités phraséologiques (UP) françaises et allemandes du domaine ; le classement de ces paradigmes en classes d’emploi nous a permis d’aligner des unités de traduction dans un même contexte d’utilisation. Chaque étape a fourni des cadres successifs à l’intérieur desquels le sens d’une UP se trouvait précisé et pouvait être aligné avec une UP de la langue cible apparaissant dans un même contexte. 1 Le schéma ci-après visualise les étapes de l’analyse et son aboutissement : Textes français Textes allemands Lexique des textes français Lexique des textes allemands Thèmes des textes français Analyse thématique par les motsclés les plus fréquents et leurs associations Analyse thématique par les termes les plus fréquents Thèmes des textes allemands Thèmes du lexique français Thèmes du lexique allemand Asthme Thème et terme le plus fréquent Asthma Thème et terme le plus fréquent UP des classes d’emploi du terme asthme Paradigme d’emploi UP des classes d’emploi du terme Asthma Description notionnelle du domaine étudié Description notionnelle du lexique du domaine UT du domaine étudié Tableau 1 : Schéma d’analyse du corpus d’étude Lors de l’analyse du corpus et pendant la rédaction de notre thèse, le terme contexte nous a servi de nombreuses fois pour expliquer le choix d’une lexie dans la langue cible. Pour nous, il renvoyait alors soit au domaine spécialisé, soit à la nature et à l’intention du texte médical, soit à une situation d’emploi ou à un usage à l’intérieur du domaine spécialisé. Il s’agissait toujours pour nous d’un paramètre sélecteur de sens, déterminant pour justifier la traduction. Mais qu’entend-on en général par le terme contexte ? 2. CONTEXTE : DE QUOI PARLE-T-ON ? Le rôle du contexte dans la compréhension et l’interprétation d’une énonciation est reconnu depuis longtemps. De nombreux linguistes en ont parlé, parmi lesquels il convient de citer Chomsky (1965 : 97, 127 N, 129, 157, etc.) qui reconnaît en 1965, dans les Aspects de la théorie syntaxique, l’importance du contexte pour la génération automatique du langage, en introduisant une validation par le contexte pour ses règles de réécriture : context sensitive (règles dépendantes du contexte) ou context free (règles indépendantes du contexte). Searl (1979 : 171) souligne dans Sens et expression, études et théorie des 2 actes de langage, que « le sens littéral de la phrase est toujours relatif à des assomptions contextuelles » ; Minsky (1981 : 95-128), dans A Framework for Representing Knowledge, présente un système de compréhension automatique du langage, fondé sur la séparation des connaissances, dans des « microworlds » ou cadres cognitifs reliés entre eux ; il insiste sur la nécessité de prendre en compte le contexte pour comprendre le vrai sens d’un terme. Mel’cuk, Clas, Polguère (1995 : 9), dans l’Introduction à la lexicologie explicative et combinatoire (l’ILEC), reconnaissent qu’il est habituel en lexicologie de « laisser, dans l’interprétation du sens, un rôle vital au contexte et à l’intuition des locuteurs », même si, dans leur approche de formalisation du lexique, ils ont dû « opter pour une prise de décisions discrètes (dans le sens mathématique) et absolues » du sens lexical. François Rastier (1991 : 154), quant à lui, considère « le contexte comme l’ensemble des instructions contenues dans le texte qui permettent d’identifier un sémème et les traits qui le composent ». Le contexte est pour lui l’élément déterminant du sens. Pour la prise en compte du contexte en terminologie, Jacques Boissy (1995 : 43-47) et Henri Zinglé (1997 : 22) considèrent l’ensemble de la phrase comme contexte d’un mot. Enilde Faulstich (1997 : 26), enfin, différencie le co-texte du contexte, le co-texte se composant des éléments linguistiques pré- et postposés ou sous-entendus d’un mot, le contexte se composant des éléments extralinguistiques qui ont une incidence sur le sens d’un énoncé. Le contexte est donc reconnu comme une exigence de l’environnement, qui influe sur l’organisation interne et externe de systèmes d’interaction de la langue et intervient dans toutes les disciplines linguistiques : grammaire, syntaxe, sémantique, pragmatique, intelligence artificielle et traduction. Nous allons essayer, à l’aide d’exemples, de montrer que le co-texte à l’intérieur d’un contexte a aussi une incidence sur la compréhension et la traduction dans le domaine de la médecine. 3. INCIDENCE DU CONTEXTE SUR LA COMPRÉHENSION DES TEXTES MÉDICAUX Le terme médical étant par vocation considéré comme univoque, ce sont surtout les lexies de la langue générale qui prennent leur sens à l’intérieur de leur co-texte dans un certain contexte qui est, ici, médical. 3.1 Le mot dans son co-texte Un verbe donné prend son sens en fonction des lexies grammaticalement associées. Ainsi le verbe traiter prendra-t-il un sens différent selon son domaine d’application et selon son argument. En médecine, le verbe traiter aura le sens de « soigner (avec des médicaments) » en association avec des termes appartenant au concept « malade, maladie » : traiter Med. + [malade, maladie] <soigner (avec des médicaments)> : [1] traiter un malade [malade] ; [2] traiter la BPCO [maladie]. Toujours dans le domaine médical, le verbe traiter qqch. associé au concept « exemplaire » impliquera le sens d’« examiner, analyser » : traiter Med. + [exemplaire] <examiner, analyser> : [3] les échantillons [exemplaire] doivent être traités (dans les deux heures qui suivent l’expectoration). Dans d’autres domaines, comme celui du bâtiment, des affaires ou de la politique, le verbe traiter qqch. pourra signifier « appliquer un produit de protection », « discuter en négociant qqch. » ou « soumettre qqch. à une discussion » et ce selon l’objet associé. Le co-texte immédiat du terme oriente l’interprétation du sens du verbe (cf. Verbic 02). Dans un contexte d’énonciation, le lecteur ou l’interlocuteur déduit le sens de son domaine d’application, ce qu’un système automatique ne peut faire, si aucun indice ne lui est donné. Pour permettre une reconnaissance automatique du sens, il faut introduire une étiquette liant le sens du verbe à une classe d’objet : « malade », « maladie » ou « exemplaire » par exemple, à l’intérieur du 3 domaine de spécialisation : « médical ». Le verbe est ainsi lié à son contexte d’énonciation. Ces premières contraintes sémantiques sont les premiers indices dans « le parcours interprétatif » (Rastier 91 : 154) d’une unité phraséologique d’un domaine de spécialité. 3.2. Du co-texte au texte Le domaine d’application et le co-texte immédiat ne suffisent pas toujours à éclairer le sens d’un énoncé. Ainsi, pour saisir le sens de la phrase « (il semble que) la présence d’éosinophiles activés est la principale caractéristique », faut-il élargir le co-texte au paragraphe entier pour comprendre que le mot caractéristique renvoie au terme asthme et qu’il s’agit d’une caractéristique de l’asthme (3). Ensuite, il faut encore situer le paragraphe dans le texte, un cours sur l’asthme, Cours DCEM1 : « Asthme : Objectifs, texte et diapositives » et, à l’intérieur du texte, dans la thématique du chapitre qui traite de la Définition de l’asthme et des Signes anatomopathologies. C’est seulement alors que nous comprenons l’arrière-fond intellectuel sur lequel se construit le sens (Searl 79, 35 et ch. 5 : 178, 179,184, 186), c’est-à-dire que « la présence d’éosinophiles activés est la principale caractéristique » de l’asthme et que c’est cette caractéristique-là qui permet de différencier l’asthme d’une autre maladie respiratoire, la BPCO (bronchite pulmonaire chronique obstructive), qui présente des symptômes similaires. Notre « parcours interprétatif » s’est enrichi d’informations concernant la thématique des textes et des chapitres. Ces thèmes ont servi sous forme de mots-clés pour relier chaque enregistrement d’une unité phraséologique à son contexte d’utilisation. Ainsi l’UP : [4] être la principale caractéristique de qqch. est-elle reliée à une étiquette de trois mots-clés appartenant au domaine médical : [Med. : Asthme, Définition, Anatomopathologie]. Ces mots clés correspondent à la thématique principale du texte, à la thématique du chapitre et du sous-chapitre du texte source de l’UP. Elles permettent un premier classement des UP utilisées dans le domaine de l’asthme. 3.3. Texte et entour Pour aller plus loin dans la mise en contexte, nous devons inclure des informations sur les auteurs et la publication de leurs articles. Prenons par exemple une phrase provenant d’un article d’Étienne Rica : « L’asthme et les allergies respiratoires », publié sur le site http://www.frm.org/Scientifique/Sujetsfond/ asthme/cadasthm.htm en octobre 1997 et actualisé en octobre 2000. L’article avait été réalisé en collaboration avec Alain Grimfield, de l’Hôpital Trousseau à Paris, et Francisque Leynadier, de l’Hôpital Tenon à Paris. La phrase extraite de cet article ne prend tout son sens qu’en analysant toutes les informations linguistiques et non linguistiques qui s’y rapportent : [5] Bien que compliquée, cette stratégie semble efficace, au moins expérimentalement chez le lapin. L’utilisation du verbe sembler permet de comprendre qu’il ne s’agit pas encore d’une certitude scientifique, mais d’une possibilité de recherche. La thématique du texte place cet énoncé dans le domaine de l’asthme et, à l’intérieur du texte, dans le chapitre « Les voies de recherche sur les nouveaux traitements ». Les noms des auteurs et la référence à leur lieu de travail permettent finalement de le situer dans un contexte de recherche hospitalière à Paris. La publication sur un site scientifique Internet indique un souci de partage des connaissances. Pour vraiment comprendre un texte médical, il faut donc tenir compte de toutes les informations, linguistiques ou extralinguistiques, fournies par le lexique, par l’utilisation du lexique à l’intérieur d’un texte, par la fonction du texte à l’intérieur du domaine. La construction du sens se fait ainsi par étapes. 4 4. INCIDENCE DU CONTEXTE SUR LA TRADUCTION MÉDICALE La compréhension du sens d’un énoncé permet sa traduction. Car, comme le disait déjà Hieronymus ou saint Jérôme, le saint patron des traducteurs, on ne traduit pas le mot mais le sens du mot. Dans une lettre à son ami Pammacius, il explique sa technique de traduction des textes non bibliques : « Libera voce profiteor, me in interpretatione Graecorum… non verbum e verbo, sed sensum exprimere de sensu (4) ». Nous avons vu que le sens se construisait par des informations successives apportées par le domaine d’application, par l’utilisation des termes ou mots à l’intérieur d’un co-texte ou d’un texte permettant sa mise en contexte. Afin de montrer l’incidence du contexte dans la traduction médicale, nous donnons pour chaque étape interprétative des exemples qui justifient la prise en compte du contexte dans la traduction médicale. 4.1. Domaine et traduction Le domaine d’application est important pour la traduction. Il faut connaître l’équivalent dans la langue cible du terme utilisé dans les mêmes conditions d’application. Par exemple, l’équivalent allemand du terme attaque sera différent selon le contexte d’utilisation : dans le domaine militaire, le terme attaque sera traduit par « Angriff » ; dans le domaine policier, il sera traduit par « Überfall » et dans le domaine médical, par « Anfall ». Le terme attaque d’asthme devra donc être rendu par « Asthmaanfall » et non par « *Asthmaangriff » ou « *Asthmaüberfall ». Il faut donc situer un terme dans son domaine d’application pour trouver la traduction correcte dans la langue cible. 4.2. Co-texte et traduction Dans le domaine médical, le terme allemand Anfall ne sera pas l’équivalent exclusif du terme français attaque. Sa traduction variera selon la combinatoire terminologique utilisée dans le domaine. Anfall sera traduit en français par : attaque, quinte, crise ou accès, selon la combinatoire terminologique propre au domaine ou au sous-domaine de la médecine : - attaque d’asthme < > « Asthmaanfall » (domaine : asthme) ; - quinte de toux < > « Hustenanfall » (domaine : maladies respiratoires, asthme) ; - crise cardiaque < > « Herzanfall » (domaine : cardiologie et maladies respiratoires) ; - accès de vertige < > « Schwindelanfall » (domaine : neurologie, etc.). La bonne connaissance de la terminologie de la langue cible ne suffit pas toujours. Le traducteur doit aussi connaître l’emploi de ces termes à l’intérieur du domaine spécialisé, car « les langues de spécialité utilisent de façon particulière la langue générale comme support nécessaire à la communication » (cf. Boissy 95, p. 47). Selon le contexte d’usage dans une langue, un sème est exprimé ou sous-entendu. Ainsi, la relation entre le malade et sa maladie, qui sera exprimée, en français, de préférence par le verbe souffrir, le sera-t-elle, en allemand, par la simple préposition mit « avec », qui associe le malade à sa maladie. En allemand, le thème de la souffrance est souvent ignoré ou seulement sous-entendu dans la relation entre le malade et sa maladie : [6] patients souffrant de rhinite/Patienten mit Rhinitis (litt. patients avec rhinite). Le bon choix des termes du domaine dépendra donc aussi des connaissances que le traducteur a de leur usage d’utilisation dans la langue cible. 4.3. Texte et traduction Domaine et co-texte influent sur la traduction, tout comme le genre des textes à traduire. Un texte publié dans une revue scientifique n’utilisera pas le même vocabulaire qu’un texte de vulgarisation. Ainsi, 5 dans un contexte de publication scientifique, le traducteur choisira, pour traduire asthme cardiaque, le terme « Asthma cardiale » et non « Herzasthma » (lit. asthme du cœur), qui n’appartient pas à la langue spécialisée et est plutôt utilisé dans des articles de vulgarisation. Cette référence au niveau de spécialisation est importante pour l’allemand médical, car celui-ci peut utiliser, selon le public visé, trois niveaux de langue. Le degré le plus spécialisé est une terminologie savante gréco-latine, dont les termes sont appelés termini technici (abréviation usuelle : Termini). Leur déclinaison se fait selon la grammaire latine. Ces termes sont les plus aptes, selon le dictionnaire spécialisé Duden (1998 : 26), à la communication écrite entre spécialistes, même si, dans les publications, on trouve surtout les Trivialbezeichnungen (lit. désignations ordinaires). Il s’agit d’une terminologie, toujours d’origine grécolatine, mais dont l’orthographe et les déclinaisons ont été adaptées à l’allemand. En plus, il existe une terminologie d’origine allemande, destinée à la communication avec des non-spécialistes, les volkstümliche Bezeichnungen (litt. désignations populaires). Ces dernières, moins nombreuses, sont considérées comme l’échelon le plus bas des termes spécialisés : Terminus Trivialbezeichnung Volkstümliche Bezeichnung (noxa) Noxe Schadstoff (lit. substance nocive) Cella pl. Zelle (cellule) --- Pneumonia Pneumonie Lungenentzündung (lit. inflammation des poumons) Trachea Trachee--- Luftröhre (lit. voie respiratoire) Tableau 2 : Différents niveaux de spécialisation des termes allemands La référence à la publication est donc importante pour situer le niveau de spécialisation pour la traduction. Ces différents éléments, essentiels pour l’interprétation du sens et la traduction d’un mot, d’un terme ou d’une UP, doivent être pris en compte lors de la constitution d’une base de données. De ce fait, lors de la création de la nôtre, nous avons associé à chaque enregistrement d’une UP des informations d’ordre syntactico-sémantique et contextuel. 5. PRISE EN COMPTE DU CONTEXTE DANS UNE BASE DE DONNÉES D’UP Pour notre corpus d’étude, nous avions constitué une base de données dans un formalisme compatible avec une exploitation des données par la ZStation : « un environnement de génie linguistique fondé sur les méthodes de l’intelligence artificielle distribuée et orientée vers la modélisation de connaissances linguistiques en vue d’applications liées au traitement automatique des langues » (Zinglé 1997 : 79). Un certain nombre d’applications, dérivées de cette approche, nous a servi pour analyser le corpus ; avec ZLoc nous avons trié, lemmatisé et compilé le corpus en base de données phraséologiques. Des fonctions permettent de créer des fichiers soit pour l’impression (format dictionnaire) soit en liaison avec un traitement de texte (cf. Zinglé 1999 : 282). Pour le traitement automatique des données, chaque UP se présente accompagnée d’un bloc d’informations, d’ordre fonctionnel, sémantique et contextuel. 5.1. Étiquettes ou indices de sens Les informations sont données sous des étiquettes identiques pour chaque enregistrement. Dans notre base de données monolingues, l’UP souffrir de qqch. se présentera comme suit : [7] «souffrir de qqch. < asthme bronchique, phr. [Asthme, Traitement] ; déf. Être atteint douloureusement d’une forme de dyspnée caractérisée par une difficulté de l’expiration accompagnée d’un bruit sifflant. En langage clinique, asthme bronchique (asthme vrai ou essentiel). [Mas.] ; Ex. En Suisse, environ un enfant sur dix souffre d’asthme bronchique ; [réf. : mps (ath) : 16.11.00] ». 6 Ce bloc d’information contient les éléments suivants : - Unité phraséologique (UP) : souffrir de qqch < asthme bronchique > ; - Marque fonctionnelle : phr. (phrasème). L’UP est située dans sa fonction grammaticale et relationnelle ; - Mots-clés : [Asthme, Traitement]. L’article concerne l’asthme, l’unité provient d’un chapitre sur le traitement de l’asthme ; - Définition (déf.) : cf. texte plus haut. Aide à la compréhension de l’information médicale de l’UP. La référence [Mas.] indique que cette définition a été faite avec l’aide du dictionnaire médical édité par Masson (1992) ; - Exemple (ex.) : « En Suisse, environ un enfant sur dix souffre d’asthme bronchique. » L’unité phraséologique est montrée dans son environnement phrastique, qui montre son co-texte : le sujet associé est représenté par le mot enfant, et montre le contexte d’utilisation : l’UP renvoi à une situation en Suisse et à un % d’enfants ; - Référence du texte (réf.) : [mps (ath) : 16.11.00]. Cette référence renvoie au texte source de l’unité phraséologique : Medpress [mps] publié le 16.11.2000 à Bâle avec le titre : « Asthme bronchique : les filles sont moins souvent traitées que les garçons ». Ces informations linguistiques et contextuelles permettent de situer une UP monolingue dans son contexte. Les étiquettes fonctionnelles (il en existe quatre : Phr., SN., Adv., Qual.,) classent l’UP dans ses fonctions grammaticale et relationnelle, la définition ajoute la valeur sémantique et informationnelle, les exemples, les mots-clés et les références situent les unités dans leur co-texte et leur contexte de publication. Ces étiquettes sont des indices de sens, qui ont également permis de relier chaque UP à trois concepts, dont le premier décrit la base ou l’« opérateur » (Boissy 95 : 43) de l’UP, le second la relation entre l’opérateur et son complément et le troisième le sens du complément. L’unité phraséologique : souffrir de qqch. < asthme bronchique > est ainsi représentée par deux concepts et une relation : [[subir] (association) [syndrome]]. Ce bloc conceptuel, qu’on pourrait comparer à l’« Archi-Concept » de Philippe Thoiron (1996 : 512-552), est une paraphrase simplifiée du sens et peut servir de pivot conceptuel pour la traduction. Le principe s’inspire pour nous des graphes conceptuels de Sowa (1984), sur lesquels s’appuie aussi l’analyse linguistique de la ZStation présentée plus haut. Le niveau conceptuel étant celui de la traduction, le contexte intervient également sur le choix des concepts. 5.2. Contexte, un cadre dans lequel un concept prend une certaine valeur À partir des concepts, nous avons pu trouver dans notre corpus allemand des UP équivalentes à ceux du corpus français. Ces UP allemandes avaient été collectées dans les mêmes conditions de départ que celles du corpus français, soit dans des textes médicaux du même domaine, d’un même niveau de langue, d’une même thématique et d’un même emploi. Ainsi à partir des concepts liés à l’UP « souffrir de qqch. < asthme bronchique > », avons-nous pu regrouper les UP et les termes suivants : [subir : fra = {être atteint de qqch. ; souffrir de qqch. ; ressentir les effets de qqch.}/deu = {von etw betroffen sein, an etw leiden, (mit)}] ; [association : fra = {(de)}/deu : {mit}] ; 7 [syndrome : fra = {asthme, asthme d’effort ; asthme professionnel ; asthme bronchique ; asthme de faible gravité ; etc.}/deu = {Asthma ; Belastungs-Asthma ; berufsbedingtes Asthma ; Asthma bronchiale ; leichtes Asthma ; etc.}]. La valeur sémantique des concepts n’est garantie qu’à l’intérieur du contexte défini au départ, c’est-àdire le domaine médical des maladies respiratoires, la thématique de l’asthme, la terminologie appartenant à cette thématique et qui est utilisée par des spécialistes du domaine, lors de leurs publications dans des revues scientifiques, à une époque définie. Jakobson disait déjà que la connaissance du contexte permet seule une traduction sans perte d’informations : « Plus le contexte d’un message est riche, et plus la perte d’information est limitée » (Jakobson 1963 : 84). 5.3. Contexte, le cadre pour valider une traduction Si les concepts permettent la traduction des classes d’objets, la traduction ou l’alignement d’UP demande une mise en parallèle du contexte d’utilisation. Nous avons obtenu cette mise en parallèle en analysant et en classant les paradigmes d’emploi des termes les plus fréquents dans les corpus français et allemand. Ainsi les UP liées au terme asthme/Asthma ont-elles été groupées sous 20 thématiques d’emploi : Types d’Asthme (37) (5), Asthme et processus pathologique (32), Asthme et traitement (32), Asthme et son degré de gravité (30), Asthme et diagnostic (27), Asthme et études (24), Asthme et autres maladies (24), Définition de l’asthme (18), Asthme et sa caractérisation (19), Asthme et symptômes (17), etc. À l’intérieur de ces classes, nous avons trouvé des expressions équivalentes ou unités de traduction (UT). Nous donnons pour exemple quelques unités pour la classe d’emploi de la définition : UT de la classe d’emploi de la définition UP françaises / allemandes être qqch. <> <[état_patho : (la) principale anomalie fonctionnelle de l’asthme]> etw < (N)> sein <[état_patho : (die) wichtigste funktionale Abnormität bei Asthma]> il s’agit de qqch. <> <[proc-pathol : (une) attaque d’asthme]> es handelt sich um etw <(ACC)> <[maladie : (einen) Asthmaanfall> définir qqch. comme étant qqch. <> <[état_patho : (un) trouble inflammatoire chronique des voies respiratoires]> etw wird définiert als etw <(N)> <[état_patho : (eine) chronische, entzündliche Störung der Atemwege] > avoir été défini comme qqch <> <[type de maladie : (un) asthme allergique] > UT UT UT UT Variable associée : concept et réalisation als etw <(N)> beschrieben worden sein < [maladie : allergisches A.b.] > UT affecter qqch. <> < [loc. : (l’) ensemble des voies respiratoires]> etw <(ACC)> betreffen < [loc. : sämtliche Atemwege]> Tableau 3 : UT de la définition De même dans la classe du processus pathologique, de très nombreuses UT ont pu être trouvées, comme entre autres : 8 UT de la classe du processus pathologique UP françaises / allemandes Variable associée : concept et réalisation survenir sur <qqch. [maladie]> <S. : ABPA> ; < [maladie] un asthme de type allergique> bei <etw (D) [maladie]> auftreten <S. : ABPA> ; < [maladie] : allergisches Asthma > (S) [maladie] se constituer en quelques jours <S.[maladie] :l’asthme aigu grave> (S) [maladie] sich in einigen Tagen entwickeln <S.[maladie] : akutes schweres Asthma > UT UT UT (S) [maladie] évoluer typiquement de <S.[maladie] : L’asthme aux acariens> manière perannuelle (S) [maladie] sich typischerweise über das ganze Jahr (hin) entwickeln <S. [maladie]: das durch Milben hervorgerufenes Asthma> Tableau 4 : UT de la classe d’emploi du processus pathologique En dehors des conditions de départ pour la constitution du corpus, qui étaient d’utiliser des textes médicaux du même domaine, d’un même niveau de langue et d’une même thématique, nous avons introduit une information supplémentaire relative à la situation d’emploi d’un terme fréquent du domaine. Il me semble que les UT proposées dans une base de données qui donne, au-delà des informations fonctionnelles, sémantiques et conceptuelles, des informations sur le co-texte, le contexte de publication et surtout sur le contexte d’utilisation, peut garantir la validité d’une UT. 6. CONCLUSION Nous espérons avoir pu démontrer que la sélection du vocabulaire dans une langue cible dépend d’informations multiples comme le domaine d’application d’un mot, d’un terme, son co-texte, mais aussi des informations sur le texte, sa thématique et son entour de publication : nom de la revue scientifique, nom de l’auteur, année de publication, public visé. Toutes ces informations permettent de tracer le cadre restrictif et indispensable qu’est le contexte. Il dirige le dernier choix du traducteur, il permet de choisir le mot juste, le terme juste, son juste emploi parmi d’autres. Il nous semble donc possible de prendre en compte le contexte dans la traduction médicale en indexant les entrées lexicales, non seulement par les informations fonctionnelles et sémantiques habituelles, mais en y ajoutant des informations contextuelles comme le domaine, la thématique du texte à l’intérieur du domaine, la référence au texte source, ainsi que la classe d’emploi d’un terme. Ces informations nous semblent suffisantes pour garantir un cadre de validité à une traduction. Dans un outil d’aide à la traduction, ces informations permettront au traducteur de trouver des termes ou les expressions correspondant à un même contexte d’application. 9 Bibliographie Boissy (J.), 1995 : « Pour une analyse linguistique des termes dans la phrase » dans Terminologies nouvelles, Rint n° 14, p. 4347. Chomsky (N.), 1965, édition française 1971 : Aspects de la théorie syntaxique, Seuil, Paris. Coseriu (E.), 1994 : Textlinguistik, Coll. UTB für Wissenschaft, A. 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(3) P. ex. « Certains auteurs ont défini l’asthme comme une bronchite chronique desquamative à éosinophiles ; en fait il faut retenir qu’il existe une inflammation des voies aériennes, et que cette inflammation est polymorphe, diffuse et réversible ; mais il semble que la présence d’éosinophiles activés est la principale caractéristique ». (4) Saint Jérôme (né à Stridon entre 340 et 350 — 420) : « Je reconnais utiliser une parole libre pour la traduction du grec… non pas tirer un mot d’un mot, mais un sens d’un sens. » (5) Entre parenthèses est donné le nombre d’UT dans une classe d’emploi du terme asthme/Asthma. 11