Les tumeurs desmoïdes sont des tumeurs des tissus mous secondaires à une
prolifération clonale de fibroblastes ou myofibroblastes. Ces tumeurs sont rares
avec une incidence annuelle de l’ordre de 2 à 4 cas par million d’habitants (1).
Elles surviennent dans la paroi abdominale, la cavité abdominale ou plus rarement
aux extrémités du tronc. Ces tumeurs bénignes sont agressives en envahissant
profondément les tissus, en récidivant fréquemment mais ne métastasent jamais
(4). Elles sont le plus souvent sporadiques mais peuvent survenir dans le cadre du
syndrome de Gardner, une variante de la polypose adénomateuse familiale. Le
plus souvent, les tumeurs de la paroi abdominale surviennent chez des femmes
en âge de procréer, durant ou rapidement après une grossesse. La résection
chirurgicale complète reste le traitement optimal de ces tumeurs mais des
récidives loco-régionales surviennent dans 30 à 40% des cas. En cas de résection
impossible, la radiothérapie ou des traitements systémiques variés peuvent
permettre d’obtenir une réponse. Néanmoins, certaines tumeurs peuvent
régresser ou arrêter de croître spontanément, justifiant dans certains cas une
attitude de « wait-and-see ». Dans cette large étude européenne, les auteurs ont
évalué les facteurs pronostiques des tumeurs desmoïdes.
De 1965 à 2008, 426 patients consécutifs avec une tumeur desmoïde et suivis
dans 24 centres européens ont été inclus dans cette étude. 25 patients furent
exclus car ils avaient une tumeur desmoïde dans le cadre d’un syndrome de
Gardner. Des lames histologiques de chacune des tumeurs furent relues de
manière collégiale par des pathologistes spécialisés. Les données cliniques furent
rétrospectivement colligées et 8 variables furent analysées pour leur potentielle
valeur pronostique : âge, sexe, délai entre les 1ers symptômes et le diagnostic,
taille de la tumeur, site de la tumeur, antécédent de chirurgie ou traumatisme
dans la région de la tumeur, marge de résection chirurgicale, tumeur de la paroi
abdominale survenant durant ou rapidement après une grossesse.
Les caractéristiques des 426 patients étaient : âge médian 37 ans (0,3-83) ; sexe
féminin 66,7% ; localisation de la tumeur : paroi abdominale 17,4%, cavité
abdominale 10,8%, extra-abdominale 69,5%, multifocale 2,3% ; taille médiane 7
cm (0,8-30) ; délai entre les 1er symptômes et le diagnostic 4,7 mois (0,1-142) ;
tumeur de la paroi abdominale survenant durant ou rapidement après une
grossesse 7,7% ; antécédent de traumatisme dans la zone de la tumeur 3,9% ;
antécédent de chirurgie dans la zone de la tumeur 8,4%. Les localisations extra-
abdominales étaient réparties entre le tronc 40,2%, les membres 36,8%, la tête
et le cou 9,1%, les fesses 7,4%, inconnu 6,5%.
Concernant la prise en charge, 370 patients (89,6%) eurent une résection
chirurgicale 1ère avec des marges de résection R0 dans 30% des cas, R1 dans
29,7% et R2 dans 8,6%. 43 patients eurent une radiothérapie utilisant des
photons ou des électrons pour une dose totale de 50 Gy : 37 patients en
complément d’une résection chirurgicale (1 R0, 24 R1 et 5 R2) et 6 patients
comme unique traitement. Seulement 23 patients (5,4%) reçurent exclusivement
un traitement médical en 1ère intention : 10 patients reçurent une
chimiothérapie, 12 patients furent traités avec du tamoxifène ou toremifène et/ou
AINS, et un patient fut traité par imatinib. 29 patients (6,8%) eurent un
traitement médical en adjuvant et 6 patients (1,5%) en néoadjuvant.
Pour 27 patients (6,3%) une attitude de « wait-and-see » fut décidée
initialement, le plus souvent en raison du site de progression et du risque de
mutilation. La médiane de suivi de ces 27 patients était de 52 mois. Durant le
suivi, une progression fut observée chez 6 patients après un délai médian de 19,7
mois (7,8-46,2 mois). 16 patients avaient une maladie stable et une régression