Formes quadratiques binaires I

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Formes quadratiques binaires I
Jérôme Koller, Université de Fribourg, Suisse
18 avril 2007
1
Formes quadratiques binaires
Définition 1 Une forme quadratique binaire (primitive) est une expression de la forme :
f (x, y) = ax2 + bxy + cy 2
(1)
où a, b et c sont fixes. Nous admettrons ici que a, b et c ∈ Z et que P GDC(a, b, c) = 1.
Un des objectifs de la théorie des formes quadratiques est de déterminer si certaines
équations (appelées ”diophantiennes”, en hommage au mathématicien grec Diophante qui
fut l’un des premiers à s’y intéresser) sont résolubles dans Z. On cherche donc, pour n ∈ Z,
à décrire les solutions de l’équation :
f (x, y) = n,
où x, y ∈ Z.
Nous allons voir que certaines formes sont équivalentes et que l’on peut dès lors restreindre l’étude de ces équations à certaines classes de formes.
Considérons la transformation suivante :
0 α β
αx + βy
x
α β
x
∈ SL2 (Z)
(2)
, où
=
=
γ δ
γx + δy
y
γ δ
y0
En introduisant x0 et y 0 dans notre forme f , on obtient une nouvelle forme :
f (x0 , y 0 )
=
f (αx + βy, γx + δy)
2
(3)
2
=
a(αx + βy) + b(αx + βy)(γx + δy) + c(γx + δy)
=
a0 x2 + b0 xy + c0 y 2
=: f 0 (x, y)
Supposons maintenant que (u0 , v 0 ) soit une solution de l’équation diophantienne f 0 (x, y) = n,
i.e. f 0 (u0 , v 0 ) = n. On remarque que par la transformation (2) et l’égalité (3), on a que la
solution (u0 , v 0 ) de f 0 (x, y) = n nous donne une solution (u, v) de f (x, y) = n. Il est donc
naturel de considérer ces deux formes comme équivalentes.
Définition 2 Deux formes quadratiques f (x, y) = ax2 +bxy +cy 2 et f 0 (x, y) = a0 x2 +b0 xy +
c0 y 2 sont dites équivalentes, si elles se transforment l’une dans l’autre par une substitution
comme en (2), i. e. s’il existe une matrice :
α β
A=
∈ SL2 (Z) telle que
γ δ
0 x
x
x
0
f
= (f ◦ A)
=f
0
y
y
y
Remarque : A ∈ SL2 (Z) implique αδ − γβ = 1.
1
Nous nous intéressons maintenant au nombre de ces classes d’équivalence.
Théorème 1 Il y a une infinité de classes d’équivalence de formes quadratiques binaires.
Preuve : On remarque tout d’abord que pour f (x, y) = ax2 +bxy+cy 2 une forme quadratique
binaire quelconque, son discriminant D := b2 − 4ac est un invariant de classe (cela suit
par simple calcul à partir de (2)). Nous remarquons ensuite que pour tout D ≡ 0 ou 1 mod
4, on peut trouver une forme f (x, y) de discriminant D :
2 D 2
x − 4y
si D ≡ 0 mod 4.
f (x, y) =
(4)
2 si D ≡ 1 mod 4.
y
x2 + xy + 1−D
4
Puisqu’il existe une infinité de nombres D ≡ 0 ou 1 mod 4, on a bien que le nombre de
classes est infini. Q.E.D.
La bonne question est donc : combien y a-t-il de classes d’équivalence de formes de
discriminant D intéressant donné ?
Théorème 2 Soit D ∈ Z, où D n’est pas un carré (en particulier D 6= 0 et D 6= 1). Alors
il existe seulement un nombre fini de classes de formes ayant D comme discriminant.
Idée de preuve : Le premier pas consiste à montrer que toute forme ax2 + bxy + cy 2 de
discriminant D est équivalente à une forme a0 x2 + b0 xy + c0 y 2 vérifiant : |b0 | ≤ |a0 | ≤ |c0 |.
Cela nécessite un certain travail... Le deuxième pas, plus évident, consiste à montrer que
seul un nombre fini de triplets (a0 , b0 , c0 ) vérifient les inéquations proposées. Q.E.D.
Nous savons maintenant qu’une fois D fixé, le nombre de classes d’équivalence est fini.
De plus, pour une forme ax2 + bxy + cy 2 donnée, nous disposons d’un autre invariant de
classe : le signe du premier coefficient, si D = b2 − 4ac < 0. (Cette affirmation se démontre
très facilement à partir de la transformation (2)).
Une forme binaire de discriminant D < 0 est dite définie positive si le signe de son
premier coefficient est positif, définie négative si le signe est négatif.
Définition 3 Le nombre de classe h(D) est défini ainsi :

nbre de classes d’équivalence de formes quadratiques




 (primitives) de discriminant D, si D > 0
h(D) =


nbre de classes d’équivalence de formes quadratiques (primitives)



définies positives de discriminant D, si D < 0.
(5)
Ce nombre est fini par le théorème (2). Si D n’est pas ≡ 0 ou 1 mod 4, h(D) = 0 car
l’équation b2 − 4ac = D n’a pas de solution entière.
2
Automorphismes d’une forme quadratique
Soit f une forme quadratique. Nous cherchons à déterminer le nombre de solutions
de l’équation f (x, y) = n, x, y ∈ Z. Une relation d’équivalence naturelle se définit entre
ces différentes solutions. Soit en effet A ∈ SL2 (Z), une matrice ayant la propriété de
transformer f en une forme f 0 équivalente coı̈ncidant avec f , i. e. f = f 0 . Soit maintenant
(u0 , v 0 ) une solution de f 0 (x, y) = n. Il est clair que (2) transforme cette solution en une
autre solution. Nous considérons alors ces deux solutions comme équivalentes. Dans ce cas,
nous appellerons A un automorphisme de f . Il est facile de montrer que l’ensemble des
automorphismes de f forme un sous-groupe de SL2 (Z), noté Uf .
Nous nous intéressons maintenant à la structure de Uf .
Théorème 3 Soit f (x, y) = ax2 + bxy + cy 2 une forme quadratique (primitive) de discriminant D, où D n’est pas un carré. Alors, l’application φ définie par :
t−bu
−cu
2
(t, u) 7−→ φ(t, u) :=
(6)
au t+bu
2
est une bijection entre l’ensemble P des solutions (t, u) de l’équation de Pell (t2 − Du2 = 4)
et Uf . Cette bijection est un isomorphisme de groupe relativement à la règle de composition :
1 u2 t1 u2 +u1 t2
(t1 , u1 ) ◦ (t2 , u2 ) = t1 t2 +Du
.
(7)
,
2
2
Le groupe Uf est fini pour D < 0 et même cyclique d’ordre :

 6 pour D = −3,
4 pour D = −4,
w=

2 pour D < −4.
Pour D > 0, Uf ∼
= Z × Z/2Z.
Preuve : On commence par vérifier que (6) et (7) sont bien définies et que φ est bien un
isomorphisme de groupe. Pour cela, on construit l’application inverse de φ. Cela n’est pas
forcément évident, mais n’apporte rien de neuf.
Il reste à distinguer les deux cas : D > 0 et D < 0.
1. D < 0 : on détermine facilement, en observant l’équation de Pell, que les solutions
possibles en fonction des valeurs de D sont les suivantes :
– (t, u) = (±2, 0) ou (±1, ±1) pour D = −3
– (t, u) = (±2, 0) ou (0, ±1) pour D = −4
– (t, u) = (±2, 0) pour D < −4.
√
En associant à chaque solution (t, u) la valeur := t+u2 D , on a un homomorphisme
injectif dans C∗ . On remarque, en remplaçant, que dans notre cas, les obtenus sont
les racines de l’unité, ce qui implique que le groupe est cyclique.
2. D > 0 : Posons P := {(t, u) solutions de l’éq. de Pell}. En associant à chaque (t, u) ∈
P la valeur comme ci-dessus, nous obtenons cette fois un homomorphisme ψ injectif
dans R∗ . On considère le cas√t, u > 0. Il existe donc une plus petite solution (t0 , u0 )
positive jetée sur 0 := t0 +u20 D > 1. On montre que l’ensemble Imψ = {±n0 |n ∈ Z}
(le ”±” provient du fait que −1 = ψ(−2, 0) ∈ Imψ). Or il est clair que Uf ∼
=P ∼
=
∼
Imψ = Z × Z/2Z. Q.E.D.
Ce théorème est le premier pas vers la détermination du nombre de classe.
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