Analyse des gènes du MisMatch Repair dans le syndrome de Lynch

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Cancéro dig. Vol. 2 N° 2 - 2010 - 104-110
10.4267/2042/32416
MISE AU POINT
Analyse des gènes du MisMatch Repair dans le syndrome de Lynch
MisMatch Repair genes and Lynch syndrome, recent updates
Sylviane Olschwang, François Eisinger
Institut Paoli-Calmettes et Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille (INSERM UMR891),
232, boulevard Sainte-Marguerite, F-13009 Marseille
[email protected]
❚ Résumé
Le syndrome de Lynch est dû à une mutation constitutionnelle
d’un gène MMR (MisMatch Repair), et est la cause de 0,9 à 3,4 %
des cancers colorectaux. Outre le fait que ces cancers se
développent plus précocement que dans la population générale,
les mutations augmentent aussi le risque de cancers gynécologiques (endomètre, ovaire), des voies urinaires, et de l’appareil
digestif (intestin grêle, estomac, voies biliaires). Le recueil des
éléments cliniques, généalogiques et biologiques, est
indispensable pour identifier les personnes porteuses d’un
syndrome de Lynch, les recommandations spécifiques de prise
en charge ayant fait la preuve d’une réduction quasi-complète de
la mortalité dans cette pathologie. Enfin, dans la mesure où les
pratiques médicales diffèrent parfois de manière importante entre
Centres, en termes d’accessibilité, d’acceptabilité et de règles
d’usage, d’importants efforts d’harmonisation sont faits à l’échelle
nationale et européenne.
Mots-clés
Syndrome de Lynch, Gènes MMR, Cancer MSI, Mutation constitutionnelle, Examen génétique
❚ Abstract
Lynch syndrome is caused by inherited germline mutations in MMR
(MisMatch Repair) genes, that account for 0.9-3.4% of colorectal
cancers. In addition to young onset colorectal cancer, it is characterized by an increased risk of gynaecologic (endometrium, ovary),
urinary tract and extracolonic gastrointestinal cancers (small intestine,
biliary tract and stomach). Tumor, patient and family records are
crucial to early identify individuals at risk for Lynch syndrome. Genetic
test results can guide screening recommendations for patients and
their families, as specific clinical guidelines have been proved to
reduce morbidity and mortality in this disease. As heterogeneous
attitudes in clinical practice of genetic testing exist among countries
in terms of access, acceptance, use and rules, harmonizing clinical
genetic testing services progressively implement relevant indication
criteria for genetic testing.
Keywords
Lynch (HNPCC) syndrome, MMR genes, MSI tumor type, Germline mutation, Genetic testing
❚ Introduction
Les personnes porteuses d’une mutation constitutionnelle d’un
gène MMR (DNA MisMatch Repair system) constituent un groupe
de la population dont l’identification permet une prise en charge
efficace du risque [1]. Ces personnes ont des risques relatifs et
© aln.editions
absolus très élevés de développer un cancer en l’absence de
prévention spécifique. En effet, une mutation constitutionnelle d’un
gène MMR, c’est-à-dire la constitution génétique d’une personne,
est un facteur de risque important de cancer ; les conséquences
phénotypiques, c’est-à-dire les cancers eux-mêmes, en sont la
traduction clinique, l’ensemble de ces manifestations étant nommé
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Cancéro dig. Vol. 2 N° 2 - 2010
« Syndrome de Lynch ». Ce syndrome est repérable par une
anomalie génétique des cellules cancéreuses, l’instabilité de l’ADN
microsatellite, appelée « MSI » qui est une conséquence systématique de l’absence de fonction MMR.
En pratique médicale, la situation est plus complexe. Le terme
de « Syndrome HNPCC » (Hereditary Non-Polyposis Colon/
Colorectal Cancer) caractérisait initialement l’existence chez un
patient de critères cliniques, connus sous le nom de « Critères
d’Amsterdam », proposés en 1991 et revus en 1999, auxquels
ont été intégrés des critères moléculaires, comme l’anomalie MSI
par exemple, en 1998. Ce syndrome est apparu progressivement
comme une entité hétérogène, et le terme même est délaissé.
Parmi les patients ayant les critères cliniques du syndrome
HNPCC, environ un tiers ont une fonction MMR intacte, sans MSI
dans les cellules cancéreuses ni mutation constitutionnelle d’un
gène MMR. Cette situation a été individualisée récemment, dans
le syndrome HNPCC, sous le terme de « Cancer Colorectal
Familial Type-X » [2,3] dû à des mutations de gènes inconnus, ou
à une combinaison de caractéristiques génétiques et environnementales dont l’évaluation n’est pas accessible actuellement,
ou encore à un défaut de sensibilité des techniques analytiques.
Ce syndrome « X » n’est pas l’objet de la présente synthèse. La
situation la plus fréquente concerne les patients chez qui une
mutation constitutionnelle d’un gène MMR est identifiée, souvent
au décours de la mise en évidence d’une anomalie MSI dans les
cellules cancéreuses, et qui donc, même si l’histoire personnelle
et familiale ne remplit pas l’ensemble des critères cliniques, sont
porteuses du syndrome de Lynch [4].
Plusieurs études en population ont permis d’établir la contribution
des mutations constitutionnelles des gènes MMR à 0,9 à 3,4 %
des cancers colorectaux [5], une proportion qui ne justifie pas de
proposer une recherche systématique aux patients porteurs d’un
cancer colorectal. Des stratégies d’identification ont été progressivement développées et évaluées [6,7]. La synthèse proposée ici
met l’accent sur les arguments stratégiques dans la démarche
d’identification d’une mutation constitutionnelle d’un gène MMR,
à travers la présentation des différents outils disponibles, et
l’intérêt de leur combinaison pour perfectionner la méthode
globale d’analyse. Elle comporte, en préambule, une synthèse de
la partie introductive et, en guise d’information, la structure du
réseau d’identification du syndrome de Lynch en France.
❚ Définitions des termes essentiels
Gènes MMR (MisMatch Repair) : groupe de gènes apparentés
pour leur fonction de contrôle de l’intégrité de l’ADN lors de sa
réplication en mitose. Les mutations de quatre membres de cette
famille, MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2, sont responsables d’un
syndrome de Lynch. D’autres membres ont été étudiés (PMS1,
MLH3 and EXO1) mais non retenus comme directement impliqués
dans le syndrome de Lynch.
❚ Les outils
L’absence de phénotype spécifique au syndrome de Lynch a
conduit à analyser un ensemble de paramètres qui, seuls ou en
combinaison, sont utiles à l’évaluation diagnostique.
Les informations individuelles
Les risques relatifs et absolus de cancers, en cas de mutation
constitutionnelle d’un gène MMR, sont maintenant bien connus
et varient peu d’une étude à l’autre [8,9]. La probabilité de trouver
une mutation constitutionnelle d’un gène MMR a également été
très étudiée pour valider les indications d’analyse génétique [9].
Ces indications se sont progressivement élargies pour intégrer les
patients ayant une atteinte, soit sporadique avant 40 ans, soit
s’accompagnant d’un antécédent personnel ou d’un antécédent
au premier degré de cancer, toutes ces situations entraînant une
probabilité de trouver une mutation constitutionnelle d’un gène
MMR supérieure à 20 %. La localisation des cancers, outre les
4 principales, a été étendue à l’ovaire, aux voies biliaires et à
l’estomac dont les risques relatifs dépassent 5.
Informations familiales
L’histoire familiale est un point central de l’évaluation du risque de
prédisposition génétique. La probabilité de trouver une mutation
augmente avec le nombre de parents atteints d’un cancer du
spectre de Lynch, ce d’autant que la localisation tumorale
concerne un organe pour lequel le risque relatif est élevé. Par
exemple, la meilleure valeur prédictive est donnée par l’adénocarcinome de l’intestin grêle dont le risque relatif dépasse 25, puis
les voies urinaires (RR > 20) et le côlon/rectum (RR > 10) [10].
Cependant, les personnes porteuses de mutation seront plus
souvent repérées par une agrégation familiale de cancers
colorectaux, situation la plus fréquente. Elle augmente également
lorsque le cancer apparaît à un âge significativement plus jeune
que celui observé dans la population générale, lorsque le nombre
de parents non atteints est faible au regard de leur âge, avec une
proximité généalogique, et lorsque le cancer semble obéir à une
ségrégation autosomique dominante.
Syndrome HNPCC (Hereditary Non-Polyposis Colon/Colorectal
Cancer) : description clinique et épidémiologique de familles selon
des critères de nombre, d’âge et de parenté des patients porteurs
de cancers colorectaux (critères d’Amsterdam définis en 1991 et
revus en 1999).
Informations tumorales
Syndrome de Lynch : conséquences cliniques de la ségrégation
familiale d’une mutation constitutionnelle d’un gène MMR.
❙ Génotypage de l’ADN microsatellite
à la recherche d’une instabilité MSI
Cancer colorectal familial Type-X : syndrome HNPCC non associé
à une mutation constitutionnelle d’un gène MMR.
Les cancers survenant chez les personnes porteuses d’un
syndrome de Lynch ont une caractéristique acquise à la suite de
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l’inactivation d’un gène MMR, l’instabilité de l’ADN microsatellite,
ou MSI ; cette caractéristique est détectée par un examen
génétique simple au moyen d’un kit commercial qui permet
l’analyse de l’ADN microsatellite au niveau de 5 loci « poly-A »
retenus dès 1998 par consensus [11]. Cet examen appelé
« génotypage » est réalisé aussi bien sur tissu tumoral préalablement fixé à pH neutre ou congelé après intervention chirurgicale ou biopsie. Il est indispensable, pour garantir la fiabilité de
l’examen, de sélectionner une zone riche en cellules tumorales,
sous contrôle microscopique d’une coupe histologique colorée.
❙ Méthylation du promoteur du gène MLH1
Environ 10 % des cancers colorectaux sporadiques ont un type
MSI, mais moins d’un tiers d’entre eux traduit un syndrome de
Lynch. L’identification d’une tumeur MSI ne justifie donc pas, à
elle seule (c’est-à-dire en l’absence de prise en compte de la
présentation clinique), de proposer une analyse constitutionnelle
des gènes MMR. La majorité des cancers MSI est la conséquence d’une absence d’expression du gène MLH1 par méthylation de son promoteur, fréquente dans les cellules épithéliales
coliques sénescentes. Cependant, ce mécanisme est également
observé en présence d’un syndrome de Lynch, dans environ un
tiers des cancers, et n’est donc pas suffisamment spécifique
pour être proposé comme test discriminant, même si des variations subtiles des sites de méthylation différencient les deux
situations [12].
❙ Mutations du gène BRAF
La caractérisation du gène BRAF permet d’améliorer la sélection
des tumeurs MSI en rapport avec un syndrome de Lynch.
L’activation de l’oncogène BRAF par mutation est trouvée dans
de nombreux cancers et, en particulier, 15 % des cancers
colorectaux [13]. Une mutation, p.Val600Glu, est très majoritairement trouvée dans 30 % des cancers MSI et 10 % des cancers
MSS [14]. Dans les tumeurs MSI, elle concerne quasiment exclusivement celles consécutives à une méthylation du promoteur
du gène MLH1 [15] au contraire de celles en relation avec un
syndrome de Lynch [16,17]. L’incorporation de la recherche de
cette mutation dans l’algorithme d’investigation du syndrome de
Lynch a donc été recommandée [18]. Cette analyse très simple
permet en effet une réduction de 20 % des demandes d’analyse
des gènes MMR dont l’efficacité atteint 60-70 % lorsqu’une
sélection préalable des tumeurs avec absence d’expression du
gène MLH1 est appliquée [19].
❙ Immunohistochimie
L’utilisation d’anticorps commerciaux reconnaissant les quatre
protéines MMR est nécessaire pour identifier la/les protéine(s) non
fonctionnelle(s), et le degré de déficit qui peut, dans certaines
situations, être partiellement compensé [20]. L’inactivation de la
protéine MSH2 ou MLH1 entraîne fréquemment l’absence des
deux protéines de l’hétérodimère correspondant, à savoir MSH2/
MSH6 ou MLH1/PMS2, à l’inverse de la protéine MSH6 ou
PMS2, dont l’absence peut être isolée (Fig. 1).
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❚ Analyses combinées
L’ensemble de ces informations est intégré dans les programmes
prédictifs, et leur obtention fait l’objet d’arbres de décision
progressifs.
Analyse de la fonction MMR des cellules tumorales
Plusieurs stratégies d’analyse des cellules tumorales ont été
proposées en vue de l’identification d’une mutation constitutionnelle d’un gène MMR, et donc d’un syndrome de Lynch. Elles
diffèrent essentiellement sur l’ordre des différentes étapes, mais
la très bonne sensibilité du génotypage a progressivement fait
préférer la chronologie suivante :
1) Génotypage de l’ADN à la recherche d’une anomalie MSI.
2) Étude immunohistochimique de l’expression des 4 protéines
MSH2, MLH1, MSH6 et PMS2 en cas de MSI.
3) Analyse du codon 600 du gène BRAF en cas d’absence de la
protéine MLH1.
La sensibilité et la spécificité de cette stratégie pourraient être
encore améliorées en couplant la dernière étape à une quantification de la méthylation du promoteur du gène MLH1 [21] ;
néanmoins, cette technique délicate est difficilement applicable
en dépistage.
Cette analyse doit être réalisée en rapport avec le contexte
individuel et familial, autant que possible avant, ou, à défaut, au
cours de l’analyse constitutionnelle (voir plus bas). L’intérêt du
couplage a été largement discuté ces dernières années [22-24].
Certaines méta-analyses ont en effet rapporté l’existence de
mutations constitutionnelles associées à des tumeurs MSS ou
dans lesquelles les deux protéines MSH2 et MLH1 étaient
présentes. Cependant, ces mutations ont été toutes reclassées
en polymorphismes ou variations de signification fonctionnelle
inconnue, grâce à une revue systématique par le comité international de la société INSiGHT qui enregistre l’ensemble des informations en lien avec la base de données internationale de
mutations, accessible à l’adresse : http://chromium.liacs.nl/
LOVD2/colon_cancer/home.php?action=switch_db. Les études
les plus récentes recommandent de réaliser l’analyse constitutionnelle uniquement après évaluation de la fonction MMR des
cellules tumorales [25,26]. De plus, il est recommandé en France
que cette évaluation tumorale soit systématique dès qu’un cancer
associé au syndrome de Lynch est diagnostiqué avant l’âge de
60 ans, ou en présence d’un tel antécédent tumoral chez un
parent au premier degré ; l’information est, de ce seul fait, disponible avant que l’indication d’une analyse constitutionnelle
soit discutée (http://www.e-cancer.fr/soins/prises-en-chargespecifiques/oncogenetique).
Contribution respective des gènes MMR
Les défaillances du système MMR, mises en évidence par le
développement de cancers MSI, sont essentiellement (comme vu
plus haut) dues à une méthylation acquise du promoteur du gène
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Figure 1
Représentation simplifiée du système de réparation des mésappariements de l’ADN. L’ADN normal est formé de 2 brins complémentaires enroulés en hélices dont la
séquence, composée des 4 nucléotides A, T, G et C, est plus ou moins complexe. L’ADN microsatellite est une répétition de séquences courtes et peu complexes, par
exemple poly-CA/GT (au milieu) ou polyA/T (à droite). Au cours de la réplication, l’ADN polymérase intègre les bases complémentaires au brin parental déroulé pour
synthétiser le second brin. À cette étape, une erreur d’intégration peut fréquemment survenir, particulièrement dans les séquences répétées peu complexes, ce qui
provoque un mésappariement sans bloquer la synthèse. Le mésappariement est reconnu par la protéine MSH2 qui s’y fixe et recrute son partenaire MSH6 ou MSH3
selon le type de mésappariement, mais de manière non exclusive. L’étape de réparation proprement dite fait intervenir MLH1 avec d’autres protéines homologues PMS1,
PMS2 ou MLH3. En présence de l’hétérotétramère, les endo- et exonucléases extraient la séquence d’ADN incorrecte, et l’ADN polymérase réintègre de nouveaux
nucléotides.
Autres (MSH6 ou PMS2
réarrangements génomiques …)
11 %
MLH1 méthylation 1 %
EPCAM 3' délétion 4 %
PMS2 mutations ponctuelles 2 %
MSH6 mutations ponctuelles
MSH2 mutations ponctuelles
30 %
5%
MLH1 réarrangements
génomiques 4 %
MSH2 réarrangements
génomiques 13 %
MLH1 mutations ponctuelles
30 %
Figure 2
Contribution respective des gènes MMR au syndrome de Lynch. L’implication des
différentes altérations constitutionnelles des gènes MMR a été mise à jour en
2009 par Sheng et al., dans une analyse synthétique de l’ensemble des études
publiées [46].
MLH1. Dans le syndrome de Lynch, l’origine de cette défaillance
est consécutive à la présence d’une altération constitutionnelle de
l’un des quatre gènes dont l’implication respective n’est pas
équivalente (Fig. 2). Des mutations ponctuelles hétérozygotes sont
trouvées en égale proportion sur les deux gènes MSH2 et MLH1,
à savoir 30-35 % chacun. Des délétions ou duplications
génomiques sont trouvées dans 16-17 % des cas, 4 fois plus
fréquemment sur MSH2 que sur MLH1. Les mutations sur les
gènes MSH6 et PMS2 sont beaucoup moins fréquentes, respectivement 2-10 et 2 %, et il a été convenu de manière consensuelle,
pour ces deux gènes, que seules les mutations interrompant la
synthèse protéique devaient être retenues comme responsables
du syndrome de Lynch. Enfin, de rares méthylations du promoteur
du gène MLH1 ont été décrites chez des patients atteints de
manière sporadique à un âge très jeune [27,28]. Aucune transmission héréditaire n’est, en revanche, documentée [29]. Très
récemment, des délétions de la région C-terminale du gène
EPCAM/TACSTD1, localisé dans la région 5’ du gène MSH2, ont
été mises en évidence avec, pour conséquence, la méthylation du
promoteur du gène MSH2 et son absence d’expression, cette
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altération étant transmissible [30-32]. Ces anomalies de méthylation des promoteurs de MLH1 et MSH2 semblent contribuer, de
manière non négligeable, au syndrome de Lynch [33].
Modèles prédictifs d’une altération constitutionnelle
d’un gène MMR
À côté de la révision des recommandations de Bethesda, cinq
modèles ont été développés pour évaluer l’existence d’un
syndrome de Lynch chez un patient, connus sous les termes de
Leiden [34], MMRpredict [35], PREMM (1,2) [36,37] et MMRpro
[38]. À ce jour, trois études ont cherché à comparer l’efficacité des
différents modèles sur des séries importantes de patients atteints
de cancer colorectal, et n’ont pas mis en évidence de différence
importante, avec une performance légèrement supérieure pour
MMRpro [25,39,40]. Cependant, l’état de la fonction MMR dans
les cellules cancéreuses n’est généralement pas considéré dans
ces modèles dont l’intérêt est essentiellement limité aux situations
dans lesquelles le génotypage de l’ADN tumoral n’est pas
possible.
Analyse constitutionnelle
L’indication d’analyse constitutionnelle des gènes MMR est
classiquement retenue lorsque la probabilité de trouver a priori
une altération est supérieure à 20 %. À l’inverse, lorsque cette
probabilité est inférieure à 10 %, aucune analyse constitutionnelle
n’est proposée. Les situations intermédiaires imposent l’obtention
d’informations complémentaires, telles que l’état de la fonction
MMR dans les cellules tumorales si elle n’est pas déjà disponible.
En résumé, par ordre de fréquence décroissante, les mutations
ponctuelles des gènes MSH2 et MLH1 arrivent en tête, suivies
des réarrangements génomiques des gènes MSH2, MLH1 et
EPCAM, puis des mutations ponctuelles des gènes MSH6 et
PMS2 et, enfin, de la méthylation du promoteur du gène MLH1.
Sur cette base, la séquence d’investigation des gènes MMR
suivante est proposée :
1) Recherche de mutation ponctuelle sur les régions codantes
des gènes MSH2 et MLH1 par séquençage ou pré-criblage.
2) Recherche de réarrangement génomique des gènes MSH2,
MLH1 et EPCAM en une étape unique par MLPA avec un kit
commercial.
3) En cas de négativité de ces deux premières étapes, il est
recommandé de calculer la probabilité résiduelle, a posteriori,
d’implication des gènes MMR avant de programmer l’analyse du
gène MSH6 ou PMS2.
Cependant, avec la recommandation de mise en œuvre d’une
étude tumorale dans toutes les situations cliniques évocatrices, et
à chaque fois qu’elle est possible (matériel tumoral disponible et
exploitable), cette proposition est adaptée aux seules situations
dans lesquelles l’étude tumorale s’est limitée au génotypage ou
n’a pas été possible ; en effet, comme nous l’avons indiqué
précédemment, la mise en place de l’analyse constitutionnelle
des gènes MMR en l’absence d’instabilité des microsatellites au
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niveau tumoral est tout à fait discutable, quelles que soient les
caractéristiques de l’histoire tumorale personnelle et familiale.
De plus, en présence de données immunohistochimiques, les
modalités d’analyse constitutionnelle deviennent :
– étude première du gène MLH1 en cas de perte d’expression
isolée de la protéine MLH1 ou de perte d’expression des
protéines MLH1 et PMS2 au niveau tumoral ;
– étude première du gène MSH2 en cas de perte d’expression
isolée de la protéine MSH2 ou de perte d’expression conjointe
des protéines MSH2 et MSH6 au niveau tumoral ;
– étude première du gène MSH6 en cas de perte d’expression
isolée de la protéine MSH6 au niveau tumoral ;
– étude première du gène PMS2 en cas de perte d’expression
isolée de la protéine PMS2 au niveau tumoral.
❚ Organisation du réseau national
en France
Les stratégies sont généralement mises en place en fonction des
contraintes locales et, pour le mieux, organisées à l’échelle
nationale. Elles impliquent, dans tous les cas, une expertise
clinique, génétique (médecins généticiens et/ou conseillers
génétiques diplômés) et plus largement médicale qui permet une
connaissance parfaite de la pathologie et de la gestion des
risques associés, une expertise histologique et moléculaire [41],
pour la réalisation et l’interprétation des examens, et une expertise
technique pour la réalisation des examens de dépistage
(chromoendoscopie par exemple). Les contraintes légales
diffèrent significativement entre les pays [42,43], ce d’autant que
la majorité des analyses a été initialement pratiquée dans des
structures de recherche [44]. Enfin, des critères d’ordre psychologique et l’accessibilité aux centres accrédités doivent être pris
en considération [45].
En France, dès l’identification des deux gènes principaux, MSH2
en 1993 et MLH1 en 1994, quelques laboratoires d’oncogénétique moléculaire ont proposé d’analyser ces gènes avec l’objectif
d’intégrer cette analyse dans la prise en charge médicale des
patients concernés. Ils étaient au nombre de 3 en 1995, 6 en
1998, et un réseau permettant de discuter et d’harmoniser les
pratiques a été créé en 2000.
Deux ans plus tard, le ministère de la Santé prenait la décision de
financer les activités d’oncogénétique, relayé par l’Institut National
du Cancer (INCa). Entre 2002 et 2009, une nouvelle facette de
l’oncogénétique a chaque année été financée : 25 laboratoires en
2002, l’élaboration de recommandations nationales d’identification et de prise en charge du syndrome de Lynch [9] et de la
prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire (BRCA) en 2003,
48 structures de consultation rayonnant sur 102 sites dans
66 villes en 2004. Les laboratoires ont vu leur activité renforcée en
2005, puis étendue grâce à la création de réseaux de prédispositions rares au développement de tumeurs en 2005, et la mise en
place de bases nationales des mutations des gènes MMR et
BRCA en 2006. Le développement de la formation des conseillers
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génétiques a permis leur intégration aux consultations en 2008.
En aval de l’identification génétique, les sociétés savantes
médicales s’efforcent également de mettre en place des réseaux
régionaux qui garantissent l’efficacité de la prise en charge
conformément au rapport d’experts à la Direction Générale de la
Santé en 2003 [9].
Un autre aspect de l’oncogénétique, en plein essor, a été financé
en 2007 via l’implantation de 28 plateformes de génétique
somatique regroupant 49 laboratoires au sein desquels sont pratiquées les analyses génétiques des cellules cancéreuses qui
entrent dans l’évaluation diagnostique et thérapeutique des
cancers. La promotion de leur intégration aux services hospitaliers de pathologie qui deviennent progressivement des structures
plus larges de bio-pathologie, a également été faite grâce à de
nouveaux financements de l’INCa en 2008 et 2009, destinés à
s’étendre en 2010, ainsi que le prévoit le second plan cancer
2009-2013. L’ensemble de ces activités est évalué annuellement
par l’INCa (www.e-cancer.fr/soins/prises-en-charge-specifiques/
oncogenetique ; www.e-cancer.fr/soins/actions-pour-lesetablissements-et-la-medecine-de-ville/plates-formes-hospitalieresde-genetique-moleculaire).
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