104 Cancéro dig. Vol. 2 N° 2 - 2010 - 104-110 10.4267/2042/32416 MISE AU POINT Analyse des gènes du MisMatch Repair dans le syndrome de Lynch MisMatch Repair genes and Lynch syndrome, recent updates Sylviane Olschwang, François Eisinger Institut Paoli-Calmettes et Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille (INSERM UMR891), 232, boulevard Sainte-Marguerite, F-13009 Marseille [email protected] ❚ Résumé Le syndrome de Lynch est dû à une mutation constitutionnelle d’un gène MMR (MisMatch Repair), et est la cause de 0,9 à 3,4 % des cancers colorectaux. Outre le fait que ces cancers se développent plus précocement que dans la population générale, les mutations augmentent aussi le risque de cancers gynécologiques (endomètre, ovaire), des voies urinaires, et de l’appareil digestif (intestin grêle, estomac, voies biliaires). Le recueil des éléments cliniques, généalogiques et biologiques, est indispensable pour identifier les personnes porteuses d’un syndrome de Lynch, les recommandations spécifiques de prise en charge ayant fait la preuve d’une réduction quasi-complète de la mortalité dans cette pathologie. Enfin, dans la mesure où les pratiques médicales diffèrent parfois de manière importante entre Centres, en termes d’accessibilité, d’acceptabilité et de règles d’usage, d’importants efforts d’harmonisation sont faits à l’échelle nationale et européenne. Mots-clés Syndrome de Lynch, Gènes MMR, Cancer MSI, Mutation constitutionnelle, Examen génétique ❚ Abstract Lynch syndrome is caused by inherited germline mutations in MMR (MisMatch Repair) genes, that account for 0.9-3.4% of colorectal cancers. In addition to young onset colorectal cancer, it is characterized by an increased risk of gynaecologic (endometrium, ovary), urinary tract and extracolonic gastrointestinal cancers (small intestine, biliary tract and stomach). Tumor, patient and family records are crucial to early identify individuals at risk for Lynch syndrome. Genetic test results can guide screening recommendations for patients and their families, as specific clinical guidelines have been proved to reduce morbidity and mortality in this disease. As heterogeneous attitudes in clinical practice of genetic testing exist among countries in terms of access, acceptance, use and rules, harmonizing clinical genetic testing services progressively implement relevant indication criteria for genetic testing. Keywords Lynch (HNPCC) syndrome, MMR genes, MSI tumor type, Germline mutation, Genetic testing ❚ Introduction Les personnes porteuses d’une mutation constitutionnelle d’un gène MMR (DNA MisMatch Repair system) constituent un groupe de la population dont l’identification permet une prise en charge efficace du risque [1]. Ces personnes ont des risques relatifs et © aln.editions absolus très élevés de développer un cancer en l’absence de prévention spécifique. En effet, une mutation constitutionnelle d’un gène MMR, c’est-à-dire la constitution génétique d’une personne, est un facteur de risque important de cancer ; les conséquences phénotypiques, c’est-à-dire les cancers eux-mêmes, en sont la traduction clinique, l’ensemble de ces manifestations étant nommé 105 Cancéro dig. Vol. 2 N° 2 - 2010 « Syndrome de Lynch ». Ce syndrome est repérable par une anomalie génétique des cellules cancéreuses, l’instabilité de l’ADN microsatellite, appelée « MSI » qui est une conséquence systématique de l’absence de fonction MMR. En pratique médicale, la situation est plus complexe. Le terme de « Syndrome HNPCC » (Hereditary Non-Polyposis Colon/ Colorectal Cancer) caractérisait initialement l’existence chez un patient de critères cliniques, connus sous le nom de « Critères d’Amsterdam », proposés en 1991 et revus en 1999, auxquels ont été intégrés des critères moléculaires, comme l’anomalie MSI par exemple, en 1998. Ce syndrome est apparu progressivement comme une entité hétérogène, et le terme même est délaissé. Parmi les patients ayant les critères cliniques du syndrome HNPCC, environ un tiers ont une fonction MMR intacte, sans MSI dans les cellules cancéreuses ni mutation constitutionnelle d’un gène MMR. Cette situation a été individualisée récemment, dans le syndrome HNPCC, sous le terme de « Cancer Colorectal Familial Type-X » [2,3] dû à des mutations de gènes inconnus, ou à une combinaison de caractéristiques génétiques et environnementales dont l’évaluation n’est pas accessible actuellement, ou encore à un défaut de sensibilité des techniques analytiques. Ce syndrome « X » n’est pas l’objet de la présente synthèse. La situation la plus fréquente concerne les patients chez qui une mutation constitutionnelle d’un gène MMR est identifiée, souvent au décours de la mise en évidence d’une anomalie MSI dans les cellules cancéreuses, et qui donc, même si l’histoire personnelle et familiale ne remplit pas l’ensemble des critères cliniques, sont porteuses du syndrome de Lynch [4]. Plusieurs études en population ont permis d’établir la contribution des mutations constitutionnelles des gènes MMR à 0,9 à 3,4 % des cancers colorectaux [5], une proportion qui ne justifie pas de proposer une recherche systématique aux patients porteurs d’un cancer colorectal. Des stratégies d’identification ont été progressivement développées et évaluées [6,7]. La synthèse proposée ici met l’accent sur les arguments stratégiques dans la démarche d’identification d’une mutation constitutionnelle d’un gène MMR, à travers la présentation des différents outils disponibles, et l’intérêt de leur combinaison pour perfectionner la méthode globale d’analyse. Elle comporte, en préambule, une synthèse de la partie introductive et, en guise d’information, la structure du réseau d’identification du syndrome de Lynch en France. ❚ Définitions des termes essentiels Gènes MMR (MisMatch Repair) : groupe de gènes apparentés pour leur fonction de contrôle de l’intégrité de l’ADN lors de sa réplication en mitose. Les mutations de quatre membres de cette famille, MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2, sont responsables d’un syndrome de Lynch. D’autres membres ont été étudiés (PMS1, MLH3 and EXO1) mais non retenus comme directement impliqués dans le syndrome de Lynch. ❚ Les outils L’absence de phénotype spécifique au syndrome de Lynch a conduit à analyser un ensemble de paramètres qui, seuls ou en combinaison, sont utiles à l’évaluation diagnostique. Les informations individuelles Les risques relatifs et absolus de cancers, en cas de mutation constitutionnelle d’un gène MMR, sont maintenant bien connus et varient peu d’une étude à l’autre [8,9]. La probabilité de trouver une mutation constitutionnelle d’un gène MMR a également été très étudiée pour valider les indications d’analyse génétique [9]. Ces indications se sont progressivement élargies pour intégrer les patients ayant une atteinte, soit sporadique avant 40 ans, soit s’accompagnant d’un antécédent personnel ou d’un antécédent au premier degré de cancer, toutes ces situations entraînant une probabilité de trouver une mutation constitutionnelle d’un gène MMR supérieure à 20 %. La localisation des cancers, outre les 4 principales, a été étendue à l’ovaire, aux voies biliaires et à l’estomac dont les risques relatifs dépassent 5. Informations familiales L’histoire familiale est un point central de l’évaluation du risque de prédisposition génétique. La probabilité de trouver une mutation augmente avec le nombre de parents atteints d’un cancer du spectre de Lynch, ce d’autant que la localisation tumorale concerne un organe pour lequel le risque relatif est élevé. Par exemple, la meilleure valeur prédictive est donnée par l’adénocarcinome de l’intestin grêle dont le risque relatif dépasse 25, puis les voies urinaires (RR > 20) et le côlon/rectum (RR > 10) [10]. Cependant, les personnes porteuses de mutation seront plus souvent repérées par une agrégation familiale de cancers colorectaux, situation la plus fréquente. Elle augmente également lorsque le cancer apparaît à un âge significativement plus jeune que celui observé dans la population générale, lorsque le nombre de parents non atteints est faible au regard de leur âge, avec une proximité généalogique, et lorsque le cancer semble obéir à une ségrégation autosomique dominante. Syndrome HNPCC (Hereditary Non-Polyposis Colon/Colorectal Cancer) : description clinique et épidémiologique de familles selon des critères de nombre, d’âge et de parenté des patients porteurs de cancers colorectaux (critères d’Amsterdam définis en 1991 et revus en 1999). Informations tumorales Syndrome de Lynch : conséquences cliniques de la ségrégation familiale d’une mutation constitutionnelle d’un gène MMR. ❙ Génotypage de l’ADN microsatellite à la recherche d’une instabilité MSI Cancer colorectal familial Type-X : syndrome HNPCC non associé à une mutation constitutionnelle d’un gène MMR. Les cancers survenant chez les personnes porteuses d’un syndrome de Lynch ont une caractéristique acquise à la suite de 106 l’inactivation d’un gène MMR, l’instabilité de l’ADN microsatellite, ou MSI ; cette caractéristique est détectée par un examen génétique simple au moyen d’un kit commercial qui permet l’analyse de l’ADN microsatellite au niveau de 5 loci « poly-A » retenus dès 1998 par consensus [11]. Cet examen appelé « génotypage » est réalisé aussi bien sur tissu tumoral préalablement fixé à pH neutre ou congelé après intervention chirurgicale ou biopsie. Il est indispensable, pour garantir la fiabilité de l’examen, de sélectionner une zone riche en cellules tumorales, sous contrôle microscopique d’une coupe histologique colorée. ❙ Méthylation du promoteur du gène MLH1 Environ 10 % des cancers colorectaux sporadiques ont un type MSI, mais moins d’un tiers d’entre eux traduit un syndrome de Lynch. L’identification d’une tumeur MSI ne justifie donc pas, à elle seule (c’est-à-dire en l’absence de prise en compte de la présentation clinique), de proposer une analyse constitutionnelle des gènes MMR. La majorité des cancers MSI est la conséquence d’une absence d’expression du gène MLH1 par méthylation de son promoteur, fréquente dans les cellules épithéliales coliques sénescentes. Cependant, ce mécanisme est également observé en présence d’un syndrome de Lynch, dans environ un tiers des cancers, et n’est donc pas suffisamment spécifique pour être proposé comme test discriminant, même si des variations subtiles des sites de méthylation différencient les deux situations [12]. ❙ Mutations du gène BRAF La caractérisation du gène BRAF permet d’améliorer la sélection des tumeurs MSI en rapport avec un syndrome de Lynch. L’activation de l’oncogène BRAF par mutation est trouvée dans de nombreux cancers et, en particulier, 15 % des cancers colorectaux [13]. Une mutation, p.Val600Glu, est très majoritairement trouvée dans 30 % des cancers MSI et 10 % des cancers MSS [14]. Dans les tumeurs MSI, elle concerne quasiment exclusivement celles consécutives à une méthylation du promoteur du gène MLH1 [15] au contraire de celles en relation avec un syndrome de Lynch [16,17]. L’incorporation de la recherche de cette mutation dans l’algorithme d’investigation du syndrome de Lynch a donc été recommandée [18]. Cette analyse très simple permet en effet une réduction de 20 % des demandes d’analyse des gènes MMR dont l’efficacité atteint 60-70 % lorsqu’une sélection préalable des tumeurs avec absence d’expression du gène MLH1 est appliquée [19]. ❙ Immunohistochimie L’utilisation d’anticorps commerciaux reconnaissant les quatre protéines MMR est nécessaire pour identifier la/les protéine(s) non fonctionnelle(s), et le degré de déficit qui peut, dans certaines situations, être partiellement compensé [20]. L’inactivation de la protéine MSH2 ou MLH1 entraîne fréquemment l’absence des deux protéines de l’hétérodimère correspondant, à savoir MSH2/ MSH6 ou MLH1/PMS2, à l’inverse de la protéine MSH6 ou PMS2, dont l’absence peut être isolée (Fig. 1). Cancéro dig. Vol. 2 N° 2 - 2010 ❚ Analyses combinées L’ensemble de ces informations est intégré dans les programmes prédictifs, et leur obtention fait l’objet d’arbres de décision progressifs. Analyse de la fonction MMR des cellules tumorales Plusieurs stratégies d’analyse des cellules tumorales ont été proposées en vue de l’identification d’une mutation constitutionnelle d’un gène MMR, et donc d’un syndrome de Lynch. Elles diffèrent essentiellement sur l’ordre des différentes étapes, mais la très bonne sensibilité du génotypage a progressivement fait préférer la chronologie suivante : 1) Génotypage de l’ADN à la recherche d’une anomalie MSI. 2) Étude immunohistochimique de l’expression des 4 protéines MSH2, MLH1, MSH6 et PMS2 en cas de MSI. 3) Analyse du codon 600 du gène BRAF en cas d’absence de la protéine MLH1. La sensibilité et la spécificité de cette stratégie pourraient être encore améliorées en couplant la dernière étape à une quantification de la méthylation du promoteur du gène MLH1 [21] ; néanmoins, cette technique délicate est difficilement applicable en dépistage. Cette analyse doit être réalisée en rapport avec le contexte individuel et familial, autant que possible avant, ou, à défaut, au cours de l’analyse constitutionnelle (voir plus bas). L’intérêt du couplage a été largement discuté ces dernières années [22-24]. Certaines méta-analyses ont en effet rapporté l’existence de mutations constitutionnelles associées à des tumeurs MSS ou dans lesquelles les deux protéines MSH2 et MLH1 étaient présentes. Cependant, ces mutations ont été toutes reclassées en polymorphismes ou variations de signification fonctionnelle inconnue, grâce à une revue systématique par le comité international de la société INSiGHT qui enregistre l’ensemble des informations en lien avec la base de données internationale de mutations, accessible à l’adresse : http://chromium.liacs.nl/ LOVD2/colon_cancer/home.php?action=switch_db. Les études les plus récentes recommandent de réaliser l’analyse constitutionnelle uniquement après évaluation de la fonction MMR des cellules tumorales [25,26]. De plus, il est recommandé en France que cette évaluation tumorale soit systématique dès qu’un cancer associé au syndrome de Lynch est diagnostiqué avant l’âge de 60 ans, ou en présence d’un tel antécédent tumoral chez un parent au premier degré ; l’information est, de ce seul fait, disponible avant que l’indication d’une analyse constitutionnelle soit discutée (http://www.e-cancer.fr/soins/prises-en-chargespecifiques/oncogenetique). Contribution respective des gènes MMR Les défaillances du système MMR, mises en évidence par le développement de cancers MSI, sont essentiellement (comme vu plus haut) dues à une méthylation acquise du promoteur du gène 107 Cancéro dig. Vol. 2 N° 2 - 2010 Figure 1 Représentation simplifiée du système de réparation des mésappariements de l’ADN. L’ADN normal est formé de 2 brins complémentaires enroulés en hélices dont la séquence, composée des 4 nucléotides A, T, G et C, est plus ou moins complexe. L’ADN microsatellite est une répétition de séquences courtes et peu complexes, par exemple poly-CA/GT (au milieu) ou polyA/T (à droite). Au cours de la réplication, l’ADN polymérase intègre les bases complémentaires au brin parental déroulé pour synthétiser le second brin. À cette étape, une erreur d’intégration peut fréquemment survenir, particulièrement dans les séquences répétées peu complexes, ce qui provoque un mésappariement sans bloquer la synthèse. Le mésappariement est reconnu par la protéine MSH2 qui s’y fixe et recrute son partenaire MSH6 ou MSH3 selon le type de mésappariement, mais de manière non exclusive. L’étape de réparation proprement dite fait intervenir MLH1 avec d’autres protéines homologues PMS1, PMS2 ou MLH3. En présence de l’hétérotétramère, les endo- et exonucléases extraient la séquence d’ADN incorrecte, et l’ADN polymérase réintègre de nouveaux nucléotides. Autres (MSH6 ou PMS2 réarrangements génomiques …) 11 % MLH1 méthylation 1 % EPCAM 3' délétion 4 % PMS2 mutations ponctuelles 2 % MSH6 mutations ponctuelles MSH2 mutations ponctuelles 30 % 5% MLH1 réarrangements génomiques 4 % MSH2 réarrangements génomiques 13 % MLH1 mutations ponctuelles 30 % Figure 2 Contribution respective des gènes MMR au syndrome de Lynch. L’implication des différentes altérations constitutionnelles des gènes MMR a été mise à jour en 2009 par Sheng et al., dans une analyse synthétique de l’ensemble des études publiées [46]. MLH1. Dans le syndrome de Lynch, l’origine de cette défaillance est consécutive à la présence d’une altération constitutionnelle de l’un des quatre gènes dont l’implication respective n’est pas équivalente (Fig. 2). Des mutations ponctuelles hétérozygotes sont trouvées en égale proportion sur les deux gènes MSH2 et MLH1, à savoir 30-35 % chacun. Des délétions ou duplications génomiques sont trouvées dans 16-17 % des cas, 4 fois plus fréquemment sur MSH2 que sur MLH1. Les mutations sur les gènes MSH6 et PMS2 sont beaucoup moins fréquentes, respectivement 2-10 et 2 %, et il a été convenu de manière consensuelle, pour ces deux gènes, que seules les mutations interrompant la synthèse protéique devaient être retenues comme responsables du syndrome de Lynch. Enfin, de rares méthylations du promoteur du gène MLH1 ont été décrites chez des patients atteints de manière sporadique à un âge très jeune [27,28]. Aucune transmission héréditaire n’est, en revanche, documentée [29]. Très récemment, des délétions de la région C-terminale du gène EPCAM/TACSTD1, localisé dans la région 5’ du gène MSH2, ont été mises en évidence avec, pour conséquence, la méthylation du promoteur du gène MSH2 et son absence d’expression, cette 108 altération étant transmissible [30-32]. Ces anomalies de méthylation des promoteurs de MLH1 et MSH2 semblent contribuer, de manière non négligeable, au syndrome de Lynch [33]. Modèles prédictifs d’une altération constitutionnelle d’un gène MMR À côté de la révision des recommandations de Bethesda, cinq modèles ont été développés pour évaluer l’existence d’un syndrome de Lynch chez un patient, connus sous les termes de Leiden [34], MMRpredict [35], PREMM (1,2) [36,37] et MMRpro [38]. À ce jour, trois études ont cherché à comparer l’efficacité des différents modèles sur des séries importantes de patients atteints de cancer colorectal, et n’ont pas mis en évidence de différence importante, avec une performance légèrement supérieure pour MMRpro [25,39,40]. Cependant, l’état de la fonction MMR dans les cellules cancéreuses n’est généralement pas considéré dans ces modèles dont l’intérêt est essentiellement limité aux situations dans lesquelles le génotypage de l’ADN tumoral n’est pas possible. Analyse constitutionnelle L’indication d’analyse constitutionnelle des gènes MMR est classiquement retenue lorsque la probabilité de trouver a priori une altération est supérieure à 20 %. À l’inverse, lorsque cette probabilité est inférieure à 10 %, aucune analyse constitutionnelle n’est proposée. Les situations intermédiaires imposent l’obtention d’informations complémentaires, telles que l’état de la fonction MMR dans les cellules tumorales si elle n’est pas déjà disponible. En résumé, par ordre de fréquence décroissante, les mutations ponctuelles des gènes MSH2 et MLH1 arrivent en tête, suivies des réarrangements génomiques des gènes MSH2, MLH1 et EPCAM, puis des mutations ponctuelles des gènes MSH6 et PMS2 et, enfin, de la méthylation du promoteur du gène MLH1. Sur cette base, la séquence d’investigation des gènes MMR suivante est proposée : 1) Recherche de mutation ponctuelle sur les régions codantes des gènes MSH2 et MLH1 par séquençage ou pré-criblage. 2) Recherche de réarrangement génomique des gènes MSH2, MLH1 et EPCAM en une étape unique par MLPA avec un kit commercial. 3) En cas de négativité de ces deux premières étapes, il est recommandé de calculer la probabilité résiduelle, a posteriori, d’implication des gènes MMR avant de programmer l’analyse du gène MSH6 ou PMS2. Cependant, avec la recommandation de mise en œuvre d’une étude tumorale dans toutes les situations cliniques évocatrices, et à chaque fois qu’elle est possible (matériel tumoral disponible et exploitable), cette proposition est adaptée aux seules situations dans lesquelles l’étude tumorale s’est limitée au génotypage ou n’a pas été possible ; en effet, comme nous l’avons indiqué précédemment, la mise en place de l’analyse constitutionnelle des gènes MMR en l’absence d’instabilité des microsatellites au Cancéro dig. Vol. 2 N° 2 - 2010 niveau tumoral est tout à fait discutable, quelles que soient les caractéristiques de l’histoire tumorale personnelle et familiale. De plus, en présence de données immunohistochimiques, les modalités d’analyse constitutionnelle deviennent : – étude première du gène MLH1 en cas de perte d’expression isolée de la protéine MLH1 ou de perte d’expression des protéines MLH1 et PMS2 au niveau tumoral ; – étude première du gène MSH2 en cas de perte d’expression isolée de la protéine MSH2 ou de perte d’expression conjointe des protéines MSH2 et MSH6 au niveau tumoral ; – étude première du gène MSH6 en cas de perte d’expression isolée de la protéine MSH6 au niveau tumoral ; – étude première du gène PMS2 en cas de perte d’expression isolée de la protéine PMS2 au niveau tumoral. ❚ Organisation du réseau national en France Les stratégies sont généralement mises en place en fonction des contraintes locales et, pour le mieux, organisées à l’échelle nationale. Elles impliquent, dans tous les cas, une expertise clinique, génétique (médecins généticiens et/ou conseillers génétiques diplômés) et plus largement médicale qui permet une connaissance parfaite de la pathologie et de la gestion des risques associés, une expertise histologique et moléculaire [41], pour la réalisation et l’interprétation des examens, et une expertise technique pour la réalisation des examens de dépistage (chromoendoscopie par exemple). Les contraintes légales diffèrent significativement entre les pays [42,43], ce d’autant que la majorité des analyses a été initialement pratiquée dans des structures de recherche [44]. Enfin, des critères d’ordre psychologique et l’accessibilité aux centres accrédités doivent être pris en considération [45]. En France, dès l’identification des deux gènes principaux, MSH2 en 1993 et MLH1 en 1994, quelques laboratoires d’oncogénétique moléculaire ont proposé d’analyser ces gènes avec l’objectif d’intégrer cette analyse dans la prise en charge médicale des patients concernés. Ils étaient au nombre de 3 en 1995, 6 en 1998, et un réseau permettant de discuter et d’harmoniser les pratiques a été créé en 2000. Deux ans plus tard, le ministère de la Santé prenait la décision de financer les activités d’oncogénétique, relayé par l’Institut National du Cancer (INCa). Entre 2002 et 2009, une nouvelle facette de l’oncogénétique a chaque année été financée : 25 laboratoires en 2002, l’élaboration de recommandations nationales d’identification et de prise en charge du syndrome de Lynch [9] et de la prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire (BRCA) en 2003, 48 structures de consultation rayonnant sur 102 sites dans 66 villes en 2004. Les laboratoires ont vu leur activité renforcée en 2005, puis étendue grâce à la création de réseaux de prédispositions rares au développement de tumeurs en 2005, et la mise en place de bases nationales des mutations des gènes MMR et BRCA en 2006. Le développement de la formation des conseillers Cancéro dig. Vol. 2 N° 2 - 2010 génétiques a permis leur intégration aux consultations en 2008. En aval de l’identification génétique, les sociétés savantes médicales s’efforcent également de mettre en place des réseaux régionaux qui garantissent l’efficacité de la prise en charge conformément au rapport d’experts à la Direction Générale de la Santé en 2003 [9]. Un autre aspect de l’oncogénétique, en plein essor, a été financé en 2007 via l’implantation de 28 plateformes de génétique somatique regroupant 49 laboratoires au sein desquels sont pratiquées les analyses génétiques des cellules cancéreuses qui entrent dans l’évaluation diagnostique et thérapeutique des cancers. La promotion de leur intégration aux services hospitaliers de pathologie qui deviennent progressivement des structures plus larges de bio-pathologie, a également été faite grâce à de nouveaux financements de l’INCa en 2008 et 2009, destinés à s’étendre en 2010, ainsi que le prévoit le second plan cancer 2009-2013. L’ensemble de ces activités est évalué annuellement par l’INCa (www.e-cancer.fr/soins/prises-en-charge-specifiques/ oncogenetique ; www.e-cancer.fr/soins/actions-pour-lesetablissements-et-la-medecine-de-ville/plates-formes-hospitalieresde-genetique-moleculaire). ❚ Références 1. Renkonen-Sinisalo L, Aarnio M, Mecklin JP, Jarvinen HJ. Surveillance improves survival of colorectal cancer in patients with hereditary nonpolyposis colorectal cancer. Cancer Detect Prev 2000;24:137-42. 2. Lindor NM, Rabe K, Petersen GM, Haile R, Casey G, Baron J, et al. Lower cancer incidence in Amsterdam-I criteria families without mismatch repair deficiency: familial colorectal cancer type X. 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