Hypertension artérielle pulmonaire

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Mise au point
mt 2012 ; 18 (2) : 125-35
Hypertension artérielle
pulmonaire
Cécile Tromeur1, Marie-Claire Pouliquen2, Nicolas Paleiron3,
David Montani4
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1 CHRU Brest, département de médecine interne et pneumologie, EA 3878, IFR 148, CIC
Inserm 0502, Brest, France
<[email protected]>
2 CHRU Brest, département de cardiologie, EA 3878 (GETBO), IFR 148, CIC Inserm 0502,
29200 Brest, France
<[email protected]>
3 HIA Clermont-Tonnerre, service des maladies respiratoires, rue Colonel Fonferrier, 29200
Brest, France
<[email protected]>
4 APHP, Hopital Bicêtre, 78, rue du Général Leclerc, 94270 Kremlin-Bicêtre, France
<[email protected]>
5 AP-HP, hôpital Antoine-Béclère, centre de référence de l’hypertension pulmonaire sévère,
service de pneumologie et réanimation respiratoire, 92140 Clamart, France
6 Centre chirurgical Marie-Lannelongue, Inserm U999, hypertension artérielle pulmonaire :
physiopathologie et innovation thérapeutique, 92350 Le Plessis-Robinson, France
L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une maladie rare caractérisée par
l’augmentation progressive des résistances artérielles pulmonaires, aboutissant à une insuffisance cardiaque droite et au décès. Les HTAP sont classées comme idiopathiques, héritables,
induites par des médicaments ou des toxiques, associées à diverses pathologies (connectivites,
cardiopathies congénitales, VIH, hypertension portale). En l’absence de signes cliniques évocateurs, le dépistage précoce de l’HTAP est systématique dans le cadre de la sclérodermie,
de la drépanocytose et des porteurs sains du gène de BMPR2. L’échographie transthoracique
permet de détecter l’HTAP mais seule la réalisation d’un cathétérisme cardiaque droit permet la mesure exacte des pressions artérielles pulmonaires et du débit cardiaque. D’autres
examens complémentaires sont indispensables pour confirmer, classer, et évaluer la sévérité
de l’HTAP. Actuellement, il n’existe aucun traitement curatif de l’HTAP. La prise en charge
thérapeutique repose sur des traitements non spécifiques (anticoagulants, diurétiques, oxygénothérapie). Cependant, la compréhension des mécanismes physiopathologiques a permis
le développement de traitements améliorant la qualité et la durée de vie des patients atteints
d’HTAP. De nouvelles thérapeutiques sont en cours d’évaluation mais leur place exacte reste
encore à définir.
Mots clés : hypertension artérielle pulmonaire, hypertension pulmonaire, diagnostic, classification, thérapeutique
doi:10.1684/met.2012.0359
L’
mt
Tirés à part : C. Tromeur
hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une maladie sévère et rare. Sa prévalence
est estimée à 25 cas par million d’habitants. Elle est caractérisée par une augmentation des
résistances vasculaires pulmonaires
secondaire à une prolifération cellulaire endothéliale au niveau des
parois des petites artérioles pulmonaires de 500 microns. L’obstruction
progressive des artérioles pulmonaires aboutit à l’augmentation des
pressions artérielles pulmonaires, à
l’insuffisance cardiaque droite et au
décès. La physiopathologie de cette
maladie fait appel à une diminution de production de substances
vasodilatatrices et antiprolifératives
(monoxyde d’azote ou la prostacycline), et à une augmentation de production de substances vasoconstrictives et prolifératives (endothéline).
La compréhension de ces mécanismes physiopathologiques a permis le développement de traitement
ciblant les trois voies de la dysfonction endothéliale (figure 1). Malgré
l’avènement récent de ces thérapeutiques, il n’existe actuellement
Pour citer cet article : Tromeur C, Pouliquen MC, Paleiron N, Montani D. Hypertension artérielle pulmonaire. mt 2012 ; 18 (2) : 125-35
doi:10.1684/met.2012.0359
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Voie de l’endothéline
Pré-pro-ET → pro-ET
Antagonistes
des récepteurs
de l’endothéline
Voie du monoxyde d'azote
Voie de la prostacycline
L-arginine → L-citrulline
Acide arachidonique → PgI2
Prostacycline (Pgl2 )
Endothéline-1
ETA
ETB
Dérivés de la
prostacycline
+
-
GMPc vasodilatation
anti-prolifération
PDE5
vasoconstriction
prolifération
AMPc vasodilatation
anti-prolifération
Inhibiteurs des PDE5
Figure 1. Trois voies de la dysfonction endothéliale impliquées dans l’hypertension pulmonaire (HTP).
aucun traitement curatif de la maladie. Le pronostic de
l’hypertension pulmonaire (HTP) reste sévère (survie de
65 % à trois ans). Son dépistage doit être systématique au
cours de la sclérodermie systémique, de la drépanocytose
et chez les porteurs sains de la mutation BMPR2. Dans
la majorité des cas, le diagnostic de l’HTP sera évoqué
devant une dyspnée. Un diagnostic précoce doit permettre
la mise en place d’un traitement spécifique qui limitera la
progression de la vasculopathie.
Définition
Il est important de faire la distinction entre HTP qui
définit une augmentation de la pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) sans présager du mécanisme et
l’HTAP qui définit un sous-groupe d’HTP dont les mécanismes physiopathologiques sont proches (tableau 1). La
réalisation d’un cathétérisme cardiaque droit est indispensable pour affirmer le diagnostic d’HTP et en déterminer
le mécanisme. L’HTP correspond à une élévation de la
PAPm supérieure ou égale à 25 mmHg au repos. Elle
est dite « précapillaire » si la pression capillaire pulmonaire (PCP) est inférieure ou égale à 15 mmHg et le débit
126
+
Monoxyde
d'azote
cardiaque normal ou diminué. L’HTP est dite « postcapillaire » si la PCP est supérieure à 15 mmHg (tableau 1).
L’HTAP fait partie des HTP précapillaires. Elle est affirmée
devant une HTP précapillaire après avoir exclu les HTP
des maladies respiratoires, la maladie veino-occlusive
(MVO), l’hémangiomatose capillaire (HCP), le cœur pulmonaire chronique post-embolique (CPCPE) et les HTP de
mécanisme incertain ou multifactoriel.
La lésion histologique caractéristique de l’HTAP est
l’artériopathie plexiforme. Elle associe une hypertrophie
de la média, une fibrose de l’intima, des lésions plexiformes et des thromboses organisées et recanalisées.
Classification
La classification actuelle de l’HTP du 4e congrès
mondial sur l’HTP de Dana Point en 2008 (tableau 2)
a connu de nombreuses modifications. Elle intègre les
découvertes les plus récentes dans la compréhension des
mécanismes physiopathologiques de l’HTP. Il faut distinguer les « HTAP » proprement dites définies par le
groupe 1 et les HTP dites « secondaires » de causes bien
définies.
mt, vol. 18, n◦ 2, avril-mai-juin 2012
Tableau 1. Définition des hypertensions pulmonaires [1].
Définition
Critères hémodynamiques
Groupes de la classification
Hypertension pulmonaire (HTP)
PAPm ≥ 25 mmHg
Tous les groupes
PAPm ≥ 25 mmHg
PCP < 15 mmHg
Débit cardiaque normal ou diminué
1. HTAP
1 .MVO et HCP
3. HP des maladies respiratoires
et/ou hypoxémies chroniques
4. HP post-embolique chronique
5. HP de mécanisme
multifactoriel ou incertain
PAPm ≥ 25 mmHg
PCP ≥ 15 mmHg
Débit cardiaque normal ou diminué
3. HP des cardiopathies gauches
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HTP précapillaire
HTP postcapillaire
Passive
Gradient transpulmonaire ≤ 12 mmHg
Réactive (disproportionnée)
Gradient transpulmonaire > 12 mmHg
PAPm : pression artérielle pulmonaire moyenne ; HTAP : Hypertension artérielle pulmonaire ; MVO : maladie veino-occlusive ; HCP :
hémangiomatose capillaire.
Dans le groupe 1 sont regroupées les HTP appartenant
au groupe de HTAP et de mécanismes physiopathologiques proches :
– les HTAP idiopathiques (forme sporadique de la
maladie) ;
– les HTAP héritables (contexte familial et/ou présence
de mutations) : lorsque l’HTAP survient dans un contexte
familial, des mutations peuvent être retrouvées (BMPR2,
ALK1) ;
– les HTAP associées à la prise de médicaments ou
des toxiques (tableau 3) ;
– les HTAP associées à différentes pathologies
(connectivites, infection par le VIH, hypertension portale,
cardiopathies congénitales, schistosomiases et anémies
hémolytiques chroniques).
La MVO et l’HCP sont maintenant regroupées et individualisées dans un groupe 1 car elles présentent des points
communs avec l’HTAP.
Les autres HTP sont représentées par : le groupe 2 (les
cardiopathies gauches), le groupe 3 (les maladies respiratoires et/ou hypoxémies chroniques), le groupe 4 (les
HTP post-emboliques chroniques), le groupe 5 (les HTP
de mécanisme plurifactoriel ou incertain).
Cette classification a pour objectif de regrouper
des pathologies de mécanismes physiopathologiques
communs et d’orienter la prise en charge. Les traitements
spécifiques de l’HTAP sont réservés aux HTP du groupe
1. Dans les autres groupes, le traitement de l’HTP repose
principalement sur le traitement de la cause : traitement
de la cardiopathie gauche, de l’insuffisance respiratoire,
thromboendartériectomie pulmonaire en cas d’HTP postembolique chronique.
Diagnostic
L’HTP est recherchée et dépistée systématiquement
en dehors de tout symptôme dans la sclérodermie systémique, la drépanocytose, les porteurs sains de BMPR2.
Dans les autres cas, ce sont des manifestations cliniques
qui vont orienter vers une HTP et justifier la réalisation
d’examens complémentaires.
Manifestations cliniques
Les manifestations cliniques sont le reflet du retentissement de la maladie sur le cœur droit (cœur pulmonaire
chronique) ou sont liées à la maladie sous-jacente associée
(sclérodermie, cirrhose).
Interrogatoire
Les antécédents personnels médicaux peuvent orienter
vers une étiologie : sclérodermie (forme limitée et diffuse),
hypertension portale, cardiopathie congénitale, infection
VIH, BPCO. L’exposition à des traitements ou des toxiques
reconnus pour favoriser l’HTAP doit être recherchée. Les
antécédents familiaux d’HTP ou compatibles avec une
HTP (décès prématuré, mort subite, tableau d’insuffisance
cardiaque droite) sont un argument supplémentaire pour
la réalisation d’examens complémentaires.
Les signes fonctionnels
La dyspnée d’effort est le signe le plus souvent retrouvé
[2, 3]. Elle est progressivement croissante. La gravité est
évaluée par la classification fonctionnelle de la New York
Heart Association (NYHA) modifiée par l’Organisation
mondiale de la santé (OMS), allant d’I à IV (tableau 4). Le
mt, vol. 18, n◦ 2, avril-mai-juin 2012
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Tableau 2. Classification des hypertensions pulmonaires
(HTP) [1]
1. Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)
Idiopathique
Héritable
Mutations BMPR2
Mutations ALK1, endogline (avec ou sans maladie de
Rendu-Osler)
Mutations inconnues
Induite par des médicaments ou des toxiques
Associée à
Connectivites
Infection par le VIH
Hypertension portale
Cardiopathies congénitales
Schistosomiases
Anémies hémolytiques chroniques
Hypertension pulmonaire persistante du nouveau-né
1’. Maladie veino-occlusive pulmonaire et hémangiomatose
capillaire pulmonaire
2. Hypertension pulmonaire des cardiopathies gauches
Dysfonction systolique
Dysfonction diastolique
Valvulopathies
3. Hypertension pulmonaire des maladies respiratoires et/ou
hypoxémies chroniques
BPCO
Pneumopathies interstitielles
Autres maladies respiratoires restrictives et/ou obstructives
Syndromes d’apnées du sommeil
Syndromes d’hypoventilation alvéolaire
Exposition chronique à l’altitude élevée
Anomalies du développement
4. Hypertension pulmonaire post-embolique chronique
5. Hypertension pulmonaire de mécanisme multifactoriel ou
incertain
Maladies hématologiques : syndromes myéloprolifératifs,
splénectomie
Maladies systémiques : sarcoïdose, histiocytose X,
lymphangioleiomyomatose, neurofibromatose, vascularites
Maladies métaboliques : glycogénoses, maladie de Gaucher,
dysthyroïdies
Autres : obstructions vasculaires pulmonaires tumorales,
médiastinites fibreuses, insuffisance rénale chronique en dialyse
stade de la dyspnée est réévalué à chaque consultation.
Il est corrélé au pronostic de l’affection et est déterminant pour le choix des thérapeutiques. Les douleurs
thoraciques, les lipothymies ou les syncopes sont à rechercher systématiquement. Elles peuvent survenir surtout à
l’effort et représentent des critères de gravité de la maladie.
Les palpitations peuvent traduire un trouble permanent
ou intermittent du rythme cardiaque. Les hémoptysies
en règle minimes, secondaires à une hypertrophie bronchique, peuvent nécessiter une embolisation artérielle
128
Tableau 3. Médicaments et toxiques associés à
l’hypertension artérielle pulmonaire [1]
Certains
Possibles
Aminorex
Phénylpropanolamine
Fenfluramine
Millepertuis
Dexfenfluramine
Benfluorex
Chimiothérapies
Huile de Colza toxique
Inhibiteurs sélectifs de la recapture
de la sérotonine
Probables
Peu probables
Amphétamines
Contraceptifs oraux
L-tryptophane
Œstrogènes
Méthamphétamines
Dasatinib
Tabagisme
Tableau 4. Classification fonctionnelle de la New York Heart
Association (NYHA)
I
Absence de limitation fonctionnelle pour les activités
physiques habituelles ; ces activités ne causent pas de
dyspnée, de fatigue, de douleur thoracique ou de malaise
II
Limitation fonctionnelle légère pour les activités
physiques : il n’y a pas d’inconfort au repos, mais des
activités physiques normales causent de la dyspnée, de
la fatigue, des douleurs thoraciques ou des malaises
III
Limitation fonctionnelle importante pour les activités
physiques : il n’y a pas d’inconfort au repos, mais des
activités physiques peu importantes causent de la
dyspnée, de la fatigue, des douleurs thoraciques ou des
malaises
IV
Incapacité à réaliser toute activité physique et/ou signes
d’insuffisance cardiaque droite. La dyspnée et la fatigue
peuvent être présentes au repos et accentuées par toute
activité physique
bronchique en cas de saignement majeur. Une dysphonie peut témoigner d’une paralysie récurentielle gauche
secondaire à la compression du nerf récurrent par le
tronc de l’artère pulmonaire gauche dilatée (syndrome
d’Ortner).
L’examen clinique
Il recherche des signes d’insuffisance ventriculaire
droite (turgescence jugulaire, reflux hépato-jugulaire,
hépatalgie). La présence d’œdèmes des membres inférieurs, d’une ascite, d’une anasarque témoigne de la
sévérité de l’insuffisance cardiaque droite. L’auscultation
cardiaque retrouve un éclat du B2 au foyer pulmonaire,
un souffle systolique d’insuffisance tricuspide et plus rarement un souffle diastolique d’insuffisance pulmonaire.
mt, vol. 18, n◦ 2, avril-mai-juin 2012
L’auscultation pulmonaire est normale et contraste avec
l’importance de la dyspnée. Les signes extrarespiratoires
doivent être recherchés notamment le « syndrome de Raynaud » plus fréquemment retrouvé dans la sclérodermie
systémique.
Les examens complémentaires
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Les examens complémentaires orientant le diagnostic
d’hypertension pulmonaire
La radiographie de thorax
La radiographie de thorax peut être normale (10 % des
cas).Les signes évocateurs d’HTAP sont l’hypertrophie du
tronc et des branches proximales des artères pulmonaires
contrastant avec une raréfaction vasculaire périphérique et
une cardiomégalie à prédominance droite avec augmentation de l’index cardio-thoracique.
D’autres signes évocateurs d’un emphysème et/ou
d’une fibrose pulmonaire, d’un syndrome interstitiel
ou d’un épanchement pleural nonétiqueté doivent être
recherchés et peuvent orienter vers une autre cause d’HTP.
L’électrocardiogramme
L’électrocardiogramme montre une déviation axiale
droite (aspect S1Q3), une hypertrophie auriculaire droite
(onde P ample en DII-DIII, bifide en V1), une hypertrophie ventriculaire droite (grande onde R en V1, onde R
inférieure à S), des troubles secondaires de repolarisation
dans les dérivations droites. L’ECG n’est toutefois pas un
bon outil de dépistage, il est normal (20 % des cas).
Les tests biologiques
Les tests biologiques peuvent retrouver une polyglobulie, conséquence d’une hypoxémie chronique, et
une thrombopénie modérée. Les perturbations du bilan
hépatique reflètent l’insuffisance cardiaque droite ou
témoignent d’une pathologie hépatique avec hypertension portale. L’hyponatrémie accompagnant l’insuffisance
cardiaque évoluée est de mauvais pronostic.
L’échographie transthoracique
L’échographie transthoracique couplée au doppler, est
l’examen de référence pour le dépistage de l’HTP. Elle
permet d’estimer le niveau des pressions artérielles pulmonaires toutes étiologies confondues. L’estimation de la PAP
systolique se fait grâce à l’analyse des flux d’insuffisance
tricuspide (IT). Classiquement, une vitesse d’IT supérieure
à 3 m/s est en faveur d’une élévation de la pression artérielle pulmonaire systolique (PAPS) supérieure à 45 mmHg
et doit conduire à la réalisation d’une exploration hémodynamique afin de confirmer le diagnostic. Une vitesse
d’IT entre 2,5 et 3 m/s associée à une dyspnée doit
également conduire à la réalisation d’un cathétérisme
cardiaque droit. L’estimation des pressions peut aussi
reposer sur l’estimation des flux d’insuffisance pulmonaire. Il est recherché d’éventuels shunts gauches droits.
Les signes échocardiographiques sont en général une dilatation des cavités droites reflétant l’élévation de la pression
auriculaire droite, une dilatation et/ou hypertrophie du
ventricule droit, un septum paradoxal pouvant entraîner une réduction des dimensions des cavités cardiaques
gauches. L’existence d’un épanchement péricardique est
un élément de mauvais pronostic. Cet examen permet
de rechercher une cardiopathie congénitale ou un shunt
droit gauche lié à un foramen ovale perméable. L’injection
de microbulles à la recherche d’un passage précoce du
contraste dans les cavités gauches confirme la présence
d’un shunt. L’échographie transthoracique est un examen noninvasif, facilement disponible et peu coûteux
mais reste opérateur dépendant. De plus, il est parfois
de réalisation difficile (patients anéchogènes, absence
de flux d’insuffisance tricuspide mesurable). Une échographie cardiaque normale n’élimine pas le diagnostic
d’HTP.
L’examen complémentaire affirmant le diagnostic
d’hypertension pulmonaire et son mécanisme :
le cathétérisme cardiaque droit
Le cathétérisme cardiaque droit est le seul examen permettant de confirmer le diagnostic d’HTP. Il permet aussi
d’en préciser le mécanisme pré- ou postcapillaire. Il doit
être réalisé dans un centre spécialisé car il s’agit d’un examen invasif et dangereux avec un taux de mortalité de
0,05 % (troubles du rythme, pneumothorax, lésions artérielles pulmonaires, infections) [4]. Il est réalisé grâce à
l’insertion d’un cathéter de Swan-Ganz en utilisant la voie
jugulaire, basilique ou sous-clavière. L’opérateur mesure
successivement : la pression auriculaire droite, la pression
ventriculaire droite, les pressions artérielles pulmonaires
systoliques, diastoliques et moyennes. Ces moyennes sont
complétées par la mesure de la pression capillaire pulmonaire bloquée par gonflement d’un ballonnet de 1 mL
à l’extrémité du cathéter. La mesure du débit cardiaque
(Qc) est réalisée le plus souvent par thermodilution.
À partir de ces mesures, les résistances pulmonaires
totales (RPT) sont calculées (RPT = PAPm / Qc), ainsi que
les résistances vasculaires pulmonaires (RVP) = (PAPm PCP) / Qc.
Si la PCP est supérieure à 15 mmHg, l’HTP est dite
« postcapillaire ». Le gradient transpulmonaire (PAPmPCP) inférieur à 12 mmHg confirme le diagnostic d’HTP
postcapillaire (pur ou passive) dont les étiologies sont
représentées par le groupe 2 (tableau 2). Si le gradient
transpulmonaire est supérieur à 12 mmHg, l’HTP est dite
« mixte » pré- et postcapillaire (encore dénommée réactive
ou disproportionnée).
En revanche, si la PCP est inférieure ou égale à
15 mmHg, l’HTP est dite précapillaire. Lors du cathétérisme droit, il peut être réalisé une épreuve de remplissage
mt, vol. 18, n◦ 2, avril-mai-juin 2012
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Mise au point
permettant de démasquer une dysfonction diastolique
du ventricule gauche. La mesure des pressions soushépatiques démasque une hypertension portale. Des
mesures étagées de la saturation en oxygène permettent
de localiser un shunt gauche droit par la présence d’un
enrichissement en oxygène.
Si l’HTP est précapillaire, l’examen est complété par
un test de vasodilation aïgue d’inhalation de monoxyde
d’azote. La diminution de la PAPm de plus de 10mmHg
(valeur inférieure à 40 mmHg) avec conservation du débit
cardiaque initial définit les patients « répondeurs » au
traitement par inhibiteurs calciques. Dans le cas d’HTAP,
l’instauration de ce traitement peut normaliser les résultats
du cathétérisme cardiaque droit et améliore le pronostic.
Les examens complémentaires permettant de classer
l’hypertension pulmonaire précapillaire
L’angio-scanner thoracique
L’angio-scanner thoracique permet d’observer au
niveau vasculaire [5-10] : une dilatation des artères pulmonaires proximales (rapport du diamètre du tronc de l’artère
pulmonaire sur celui de l’aorte thoracique ascendante
supérieur à 1), un aspect de perfusion en mosaïque, une
hypertrophie de la circulation bronchique (notamment
dans le cœur pulmonaire chronique post-embolique), une
cardiomégalie à prédominance droite. S’il s’agit d’une
HTP secondaire à une MVO et HCP, il peut mettre en
évidence la présence de nodules flous centrolobulaires,
d’épaississements des septas et d’adénopathies médiastinales [11]. L’étude du parenchyme permet d’évoquer le
diagnostic d’emphysème pulmonaire, de fibrose pulmonaire et de pneumopathie interstitielle [12].
Scintigraphie pulmonaire de ventilation et de perfusion
La scintigraphie pulmonaire de ventilation et de perfusion est un examen indispensable avant toute prise
en charge thérapeutique, il permet d’éliminer une HTP
post-embolique en mettant en évidence des défects perfusionnels en faveur d’une maladie thrombo-embolique
pouvant être accessible à l’endartériectomie (intervention chirurgicale permettant de désobstruer les artères
pulmonaires). S’il existe des arguments pour un CPCPE,
« l’angiographie pulmonaire distinguera les HTP postemboliques distales et proximales ».
Les épreuves fonctionnelles respiratoires
En cas d’HTAP, il est retrouvé des volumes et des débits
sensiblement normaux. En revanche, une diminution de
diffusion de l’oxyde de carbone est quasi-constante traduisant l’atteinte vasculaire pulmonaire ; elle est effondrée
en cas de maladie veino-occlusive. Une oxymétrie nocturne complétée d’une polysomnographie sera demandée
pour objectiver une désaturation nocturne et un éventuel
syndrome d’apnée du sommeil.
130
La gazométrie
Une hypoxémie profonde peut évoquer une pathologie des voies respiratoires ou du parenchyme pulmonaire,
une maladie veino-occlusive, une fibrose pulmonaire.
Une mesure de la PaO2 sous oxygène (100 %) peut servir à estimer un shunt droit gauche. Dans l’HTAP, il peut
être observé une PaO2 normale ou discrètement abaissée
et une hypocapnie fréquente, conséquence d’une hyperventilation alvéolaire.
La fibroscopie bronchique avec lavage broncho-alvéolaire
La fibroscopie bronchique avec lavage bronchoalvéolaire ne doit pas être réalisée systématiquement. Une
hémorragie alvéolaire est évocatrice d’hémangiomatose
capillaire pulmonaire ou de maladie veino-occlusive.
Bilan biologique
Les sérologies VIH, hépatite B et C sont systématiques.
Il est recherché la présence d’auto-anticorps orientant vers
une connectivite ou un syndrome des antiphospholipides.
Le dosage de la TSH dépiste une dysthyroïdie pouvant être
responsable d’un hyper-débit cardiaque.
Un bilan génétique associé à une consultation
génétique est réalisé à la recherche d’HTAP héritable, permettant ainsi un diagnostic et une prise en charge plus
précoce. Les mutations du gène du Bone morphogenic
protein receptor type 2 (BMPR2) et du gène du récepteur ACVRL1 (ALK1) codant pour la famille des TGF-␤ ont
été identifiées. Les patients atteints d’une HTAP, porteurs
de ces mutations, déclarent plus précocement la maladie
que les HTAP dites idiopathiques où cette recherche est
négative.
Échographie abdominale
Associée au Doppler du tronc porte, l’échographie
abdominale permet de dépister une hypertension portale par la mesure du gradient de pression veineuse.
Par ailleurs, elle permet de rechercher des pathologies hépatiques (cirrhose du foie, cavernome portal. . .).
L’hypertension portopulmonaire peut survenir en absence
d’hépatopathie. Une endoscopie digestive haute à la
recherche de varices œsophagiennes permet de compléter
le bilan.
Le diagnostic d’HTAP est retenu s’il s’agit d’une HTP
précapillaire et si les examens complémentaires ont permis d’éliminer les HTP secondaires du groupe 1, 1 , 3, 4 et
5 (tableau 2).
Les examens complémentaires permettant d’évaluer la gravité de
l’hypertension artérielle pulmonaire
Le test de marche de six minutes
Le test de marche de six minutes permet une évaluation
objective, simple et reproductible, reflétant les activités de
la vie quotidienne et la qualité de vie. Il doit être associé à
mt, vol. 18, n◦ 2, avril-mai-juin 2012
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une mesure continue de l’oxymétrie, de la fréquence cardiaque et de l’évaluation d’un score de dyspnée (score
de Borg). La distance initiale parcourue est un facteur
pronostique indépendant et inversement corrélé au grade
fonctionnel de la NYHA. Une désaturation de plus de 10 %
constitue un critère de gravité avec un risque de mortalité multiplié par trois dans les deux ans. Une insuffisance
chronotrope est un signe de gravité.
L’épreuve d’effort cardiopulmonaire maximale
Ils doivent être réalisés avec précaution. Ils montrent
une diminution du niveau d’effort atteint, du seuil
anaérobie (avec acidose précoce), de la consommation
maximale en O2 (VO2 max) ainsi que l’augmentation de
la pente de la relation VE/VCO2 (ventilation/production
de CO2 ) traduisant l’inadaptation du débit cardiaque et
l’hyperventilation.
– vaccination antigrippale et anti-pneumococcique :
elles sont recommandées dans le cadre de la prévention
des infections ;
– grossesse et contraception : la grossesse est formellement contre-indiquée. Les conséquences de l’HTP
peuvent être fatales pour la mère et l’enfant du fait des
modifications hormonales et hémodynamiques [15]. Il faut
donc instaurer une contraception efficace chez les femmes
en période d’activité génitale. En plus de moyens mécaniques, une pilule mini-dosée peut être prescrite chez des
patientes correctement anti-coagulées et en l’absence de
maladie veineuse thrombo-embolique ;
– anesthésie et chirurgie : tout acte invasif doit être
discuté et si possible réalisé dans des centres spécialisés
dans la prise en charge d’HTAP. Les anesthésies générales
ne sont réalisées qu’en cas d’absolue nécessité.
Traitement symptomatique
Anticoagulation au long cours
Dosage plasmatique
Le BNP s’avère être un bon marqueur pronostic initial.
La troponine-T, l’endothéline-1, l’uricémie peuvent aussi
être évalués mais sont moins utilisés en pratique.
Elle limiterait la mortalité des patients HTAP par réduction des phénomènes de thrombose in situ. Le traitement
par antivitamine K est instauré en l’absence de contreindication (objectif INR : 1,5 et 2,5) [16–18].
Diurétiques
Prise en charge de l’hypertension
artérielle pulmonaire
En dehors du traitement d’une affection associée, le
traitement de l’HTAP a plusieurs objectifs :
– s’opposer aux effets délétères de la vasoconstriction
et du remodelage ;
– s’opposer au phénomène thrombotique ;
– traiter de façon symptomatique l’insuffisance cardiaque droite.
Les thérapeutiques spécifiques suivent un schéma
découlant directement de la compréhension des anomalies physiopathologiques.
Mesures générales
Certaines mesures simples doivent être envisagées :
– limitation de l’activité physique et règles d’hygiène
de vie : les activités physiques doivent être guidées par les
symptômes. Néanmoins, un repos trop strict peut conduire
à une fonte musculaire. Il faut ainsi trouver un équilibre
avec une activité physique modérée basée sur les résultats
de la VO2 max. Les résultats récents d’un programme de
réadaptation sont encourageants [13] ;
– altitude et hypoxie : les séjours en altitude ( > 800 m)
et les voyages aériens dans des cabines nonpressurisées
sont contre-indiqués [14] car l’hypoxémie majorée par
la raréfaction en oxygène entraîne de façon reflexe une
élévation de la pression artérielle pulmonaire par un phénomène de vasoconstriction hypoxique ;
Ils permettent d’améliorer la symptomatologie de surcharge ventriculaire droite. La posologie est adaptée à la
clinique (œdèmes des membres inférieurs, poids) mais
peut être ajustée en fonction des pressions de remplissage
cardiaque droites mesurées lors des bilans cardiographiques et hémodynamiques [19].
Oxygénothérapie
L’oxygénothérapie est un traitement symptomatique
et doit être envisagée chez des patients présentant une
hypoxémie sévère (PaO2 < 60 mmHg) [18].
Traitements spécifiques
L’objectif des traitements spécifiques de l’HTAP est de
lutter contre les mécanismes de vasoconstriction et de prolifération liés à la dysfonction endothéliale des artérioles
pulmonaires.
Dans l’HTAP, il existe une diminution de la production de prostacycline et de NO (puissants vasodilatateurs
et antiproliférants), et une augmentation de production
d’endothéline (puissant vasoconstricteur et facteur favorisant la prolifération). Tous les traitements spécifiques
actuellement disponibles dans l’HTAP ciblent ces trois
voies de la dysfonction endothéliale (figure 1).
Les inhibiteurs calciques (diltiazem, nifédipine, amlodipine) : voie
du monoxyde d’azote
Ils peuvent s’opposer à la vasoconstriction mais ont
peu d’effets sur le remodelage vasculaire pulmonaire.
Dans une catégorie de patients dits « répondeurs » au
monoxyde d’azote (NO), lors du test de vasoréactivité au
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cours du cathétérisme droit, les phénomènes de vasoconstriction prédominent largement sur le remodelage. Chez
ces patients, le diltiazem, la nifédipine, ou l’amlodipine
à doses relativement élevées permettent une réponse
clinique et hémodynamique très satisfaisante et un
pronostic excellent [19]. Ces patients ne représentent que
10 % des HTAP idiopathiques ou associées à la prise
d’anorexigènes. Les non-répondeurs au NO ne répondent
jamais au long cours aux inhibiteurs calciques. Dans les
autres formes d’HTAP (connectivite, VIH, cardiopathie
congénitale hypertension portopulmonaire), les répondeurs aux inhibiteurs calciques sont exceptionnels.
Dérivés de la prostacycline : voie de la prostacycline
La prostacycline, produite par les cellules endothéliales entraîne une relaxation des muscles lisses vasculaire
et une inhibition de l’agrégation plaquettaire du fait de
l’augmentation de l’AMP cyclique. Elle a surtout un effet
antiproliférant sur les cellules musculaires lisses.
Époprosténol (Flolan® )
L’époprosténol (Flolan® ), molécule de synthèse de la
prostacycline, est administrée en continu en intraveineux
à l’aide d’une pompe connectée à un cathéter sousclavier tunnélisé. Il s’agit d’une thérapeutique complexe,
inconfortable et coûteuse. Les complications les plus
sévères sont liées au mode d’administration : thromboses,
infections. Les effets secondaires sont dose-dépendants :
flushes, céphalées, douleurs dans les mâchoires, nausées
vomissements. Néanmoins, chez des patients en classe
fonctionnelle III ou IV de la NYHA, le traitement a prouvé
qu’il améliore de façon significative les symptômes, les
paramètres hémodynamiques ainsi que la survie [20-22].
L’arrêt du traitement de façon brutale peut se compliquer d’une aggravation brutale de l’HTAP potentiellement
mortelle. L’époprosténol est indiqué dans l’HTAP idiopathique, familiale ou associée à des connectivites en classe
fonctionnelle III et IV. C’est le traitement de référence des
formes les plus sévères.
Analogues stables de la prostacycline
Les analogues stables de la prostacycline sont :
– le trépostinil (Remodulin® ) : il s’administre par voie
sous-cutanée en continu par une pompe semblable à
celle utilisée pour les diabétiques. Il pose le problème de
douleurs au point d’injection observées chez 85 % des
patients, conduisant à l’arrêt du traitement chez 8 % des
patients. En revanche, ce traitement a montré une amélioration des capacités d’exercice et hémodynamique des
patients de classe fonctionnelle en classe NYHA II à IV
[23] ;
– l’iloprost (Ventavis® ) est administré par inhalation.
L’inconvénient majeur est sa courte durée d’action car il
nécessite 8 à 12 inhalations par jour. Ce traitement est
132
approuvé dans le traitement de l’HTAP idiopathique en
classe III de la NYHA. Ce traitement par iloprost améliore
la distance parcourue au TM6 et la classe fonctionnelle
NYHA III ou IV de patients souffrant d’HTAP [24].
Antagonistes des récepteurs de l’endothéline : voie de l’endothéline
L’endothéline est un puissant vasoconstricteur et un
facteur favorisant la prolifération des cellules musculaires
lisses, contribuant à l’augmentation du tonus vasculaire
pulmonaire et à l’hypertrophie des parois artérielles pulmonaires. Ces traitements sont utilisables par voie orale.
Le bosentan (Tracleer® )
Le bosentan (Tracleer® ) est un antagoniste mixte des
récepteurs de l’endothéline. Deux essais randomisés ont
évalué l’efficacité du traitement chez des patients présentant une HTAP idiopathique ou liée à la sclérodermie.
La première étude montre une amélioration de la distance parcourue sur le test de marche et les paramètres
hémodynamiques chez les patients de classe fonctionnelle III de la NYHA [25]. La seconde étude a permis
de confirmer le bénéfice du bosentan chez les sujets de
classe fonctionnelle III ou IV et a mis en évidence un
allongement de la durée de vie [26]. La dose initiale de
bosentan est de 62,5 mg, deux fois par jour pendant quatre
semaines puis augmentée à la posologie de 125 mg, deux
fois par jour. Le traitement est contre-indiqué s’il existe
une insuffisance hépatique modérée ou sévère ou si les
transaminases s’élèvent à plus de trois fois la normale.
En effet, il existe un risque de cytolyse hépatique observé
dans 7 % des cas [25]. C’est la raison pour laquelle un
dosage des enzymes hépatiques est réalisé avant la mise
en route d’un traitement, deux semaines après son introduction le changement de doses et tous les mois lorsque
la dose d’entretien est atteinte. En cas d’augmentation
des transaminases, une interruption temporaire ou définitive du traitement est envisagée. En dehors de l’HTAP
idiopathique, héritable, et associée aux connectivites, le
bosentan est utilisé dans les HTAP associées au VIH et aux
cardiopathies congénitales.
L’ambrisentan (Volibris® )
L’ambrisentan (Volibris® ) a une meilleure tolérance
hépatique et ne présente pas d’interactions médicamenteuses. Cependant, il présente comme effets secondaires
des œdèmes des membres inférieurs par rétention hydrosodée plus importante qu’avec les autres antagonistes des
récepteurs de l’endothéline. Utilisé en une prise par jour,
il est approuvé dans les classes fonctionnelles II ou III de
la NYHA [27].
Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5
L’inhibition de la phosphodiestérase est à l’origine
d’une augmentation de la concentration intracellulaire de
GMP cyclique, avec pour conséquence une relaxation des
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muscles lisses vasculaires pulmonaires et une inhibition
de la prolifération des cellules musculaires lisses. Ils ont
l’avantage d’être administrés par voie orale et n’ont pas
d’effet secondaire hépatique.
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Le sildénafil (Revatio® )
Le sildénafil (Revatio® ) a des effets secondaires
mineurs comme des flushes, des troubles digestifs et de
la diarrhée. Il est approuvé à dose de 20 mg trois fois par
jour pour le traitement de l’HTAP en classe fonctionnelle II
ou III de la NYHA [28]. Il n’y a aucun effet-dose démontré.
®
Le tadalafil (Adcirca )
Le tadalafil (Adcirca® ) présente un effet dose-réponse.
Seule la dose la plus forte de 40 mg par jour a montré
son efficacité. Ce traitement est approuvé dans l’HTAP en
classe fonctionnelle II ou III de la NYHA.
Les traitements non médicaux
La transplantation pulmonaire est le seul traitement
curatif de l’HTAP. Elle peut être bipulmonaire ou cardiopulmonaire. Elle est réservée aux sujets jeunes (< 55 ans)
si l’HTAP est sévère. Les survies sont de 75 % à un an et
50 % à cinq ans [29, 30].
Recommandations actuelles
Malgré les progrès réalisés ces dernières années, aucun
traitement médicamenteux ne permet encore actuellement de guérir l’HTAP. En revanche, ils permettent
d’améliorer le pronostic, l’allongement de durée avant
aggravation clinique et d’améliorer la qualité de vie. Le
tableau 5 présente les traitements recommandés en première intention dans la prise en charge initiale de l’HTAP.
Ces recommandations thérapeutiques sont proposées en
fonction de la classe fonctionnelle (II à IV).
Selon les recommandations, le traitement de première
intention des formes d’HTAP sévères (classes fonction-
nelles IV), est l’époprosténol en injection intraveineuse
continue. Les possibilités de traitement pour les HTAP
en classe fonctionnelle III comprennent les antagonistes
des récepteurs de l’endothéline ou les iPDE5 ou les dérivés de la prostacycline. Pour les patients présentant une
HTAP en classe fonctionnelle II, le traitement peut être un
antagoniste des récepteurs de l’endothéline ou un iPDE5.
Quelles perspectives ?
Les nouvelles thérapeutiques ont permis d’améliorer
la qualité de vie et la survie des patients présentant une
HTAP. L’objectif, aujourd’hui est de passer d’une maladie invalidante et mortelle à une maladie chronique sans
handicap majeur.
Le dépistage précoce
Le dépistage précoce doit permettre l’identification de
groupes à risque dans lesquels la prévalence de l’HTAP
est importante (sclérodermie [31], VIH [32], exposition
aux anorexigènes). L’enjeu de ce dépistage précoce est de
permettre la mise en place d’un traitement spécifique dont
l’objectif est d’améliorer le pronostic vital des patients en
limitant la progression de la vasculopathie.
Les associations de traitement
En pratique, l’association de traitement se fait soit
d’emblée soit après échec de la première ligne de
traitement. Elle a pour but d’augmenter le bénéfice
clinique sans majoration des effets secondaires. Une
étude en 2009 a montré la supériorité de l’association
tadalafil + bosentan par rapport à bosentan seul chez
des malades traités au préalable par bosentan [33].
Les résultats à long terme des études époprosténol + bosentan versus époprosténol + placebo sont en
faveur de l’association. L’administration de trithérapie en
première intention chez des malades très sévères est pratiquée par certaines équipes d’emblée. Cependant, les
Tableau 5. Traitements recommandés en première intention
dans la prise en charge initiale de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) [1]
Traitement initial de l’HTAP
Classe fonctionnelle II
Classe fonctionnelle III
Classe fonctionnelle IV
AREs
(ambrisentan, bosentan)
iPDE5
(sildénafil, tadalafil)
AREs
(ambrisentan, bosentan)
iPDE5
(sildénafil, tadalafil)
Prostacyclines et dérivés
(époprosténol i.v. tréprostinil s.c. iloprost inh)
Époprosténol i.v.
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Mise au point
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combinaisons médicamenteuses dans la prise en charge
de l’HTAP ne font pas l’objet de recommandations consensuelles.
Les innovations thérapeutiques
D’autres voies physiopathologiques font l’objet de
recherche pour développer de nouvelles thérapeutiques.
Il s’agit en particulier des inhibiteurs des tyrosines kinases
qui bloquent l’action de facteurs de croissance impliqués dans le remodelage vasculaire. Malgré des résultats
encourageants dans les modèles animaux, leur rapport
bénéfice/risque reste à évaluer dans l’HTAP du fait de leur
cardiotoxicité potentielle.
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Conclusion
L’HTAP est une maladie rare dont le diagnostic
est difficile et le pronostic sombre. L’identification de
contextes évocateurs d’HTAP (sclérodermie, VIH, prise
d’anorexigènes) et la réalisation d’un dépistage ciblé par
échographie transthoracique ont pour but la mise en place
d’un traitement précoce. Cependant, seul le cathétérisme
cardiaque droit affirme le diagnostic d’HTAP. Au cours de
ces dernières années, les progrès du traitement de l’HTAP
ont été considérables. L’apparition de traitements spécifiques a permis d’améliorer considérablement le pronostic
de ces patients. Une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques à l’origine du développement
de l’HTAP est nécessaire au développement de nouvelles
thérapeutiques et à l’émergence d’un traitement curatif de
cette maladie orpheline.
Conflits d’intérêts : aucun.
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