La démence n’est pas une maladie mais un syndrome, c’est-à-
dire un ensemble de symptômes responsables de troubles de la
cognition et de la mémoire, qui se traduisent notamment par des
difficultés à s’orienter, des troubles de l’attention et du langage et
une difficulté à résoudre les problèmes. La démence est associée
à un déclin progressif de la cognition, bien au-delà des change-
ments normaux liés à l’âge, à des dégâts au cerveau ou à une
maladie cérébrale. Les deux types de démence les plus courants
sont la maladie d’Alzheimer et la démence vasculaire.
Plus de 33 % des femmes et 20 % des hommes de plus de 65
ans développeront une démence au cours de leur vie, tandis que
de nombreux autres développeront des troubles cognitifs plus
légers. Partout dans le monde, le vieillissement de la population
s’accélère. D’après les estimations, le nombre total de personnes
atteintes de troubles de la cognition augmentera de 50 % dans
les 25 prochaines années. La démence est associée à une hausse
des décès, des invalidités et des coûts des soins et à une forte
pression sur le personnel soignant et la famille.
La maladie d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer ou l’Alzheimer est le type de démence
le plus courant, responsable de plus de la moitié de tous les cas
de démence. L’Alzheimer est une dégénérescence des neurones
qui se caractérise par des pertes de mémoire, une diminution
des facultés cognitives, des changements de comportement ra-
dicaux et une perte totale de la capacité à prendre soin de soi.
Le premier symptôme reconnaissable est généralement la perte
de la mémoire à court terme, qui commence par un simple oubli
Le diabète augmente le risque de velopper
des conditions génératives, telles que la
néphropathie, la rétinopathie, l’hypertension,
la maladie coronarienne, laccident rébrovas-
culaire et lathérosclérose. Depuis peu, de plus
en plus détudes laissent entendre que le dia-
te joue également un le dans lacration
du vieillissement rébral. Cependant, me
s’il est établi que le diabète peut être associé
à un risque accru de démence, les mécanis-
mes exacts et les facteurs atténuants ne sont
toujours pas clairs. La démence touche 15 %
des plus de 65 ans et près de 50 % des plus de
85 ans et son incidence devrait doubler dici
2050. Si le diabète accentue, même rement,
le risque de démence, les implications en ter-
mes de santé publique sont énormes. Rachel
Whitmer décrit les liens entre le diabète, la
démence et la dégénérescence des neurones
assoce à la maladie dAlzheimer et propose
quelques options de prévention précoce.
Alzheimer, démence
et diabète
y a-t-il des liens ?
Rachel Whitmer
Pratique clinique 19
Mars 2008 | Volume 53 | Numéro 1
et évolue jusqu’à la perte de la mémoire à court terme. Enfin,
le stade le plus dévastateur de la maladie se caractérise par la
perte des compétences spécifiques et l’incapacité à reconnaître
ses proches.
La prévalence de la maladie d’Alzheimer augmente avec l’âge : chez
les plus de 65 ans, une personne sur 10 est atteinte de la maladie,
tandis que 50 % des plus de 85 ans affichent des symptômes liés
à l’Alzheimer ; d’autres souffrent d’altérations neuropathologiques.
A partir de 65 ans, tous les 5 ans, la probabilité de développer la
maladie d’Alzheimer est doublée.
Au fil de sa progression, la maladie d’Alzheimer induit des chan-
gements au niveau cérébral. Les personnes atteintes d’Alzheimer
perdent des neurones et développent une atrophie, un signe de
neurodégénérescence. Ces personnes développent également des
plaques amyloïdes (protéines) et une dégénérescence neurofibril-
laire (accumulation de protéines dans les neurones) au niveau du
cerveau la marque pathologique de l’Alzheimer. Celles-ci ne
sont visibles qu’à l’autopsie. Les médicaments peuvent contribuer
à réduire les symptômes de la maladie mais ils ne changent pas
le cours de la pathologie sous-jacente.
Causes
La cause fondamentale de la maladie d’Alzheimer est inconnue.
Certains ont émis l’hypothèse que le dépôt de plaques amyloïdes
était une cause de la maladie, tandis que d’autres estiment qu’il
s’agit d’une manifestation du processus pathologique. Un gène de
susceptibilité confirmé, l’ApoE, est associé
à un plus grand risque de développer le
syndrome. De vastes études basées sur la
population nérale suggèrent également que
les personnes atteintes de diabète sont encore
plus susceptibles de développer la maladie
d’Alzheimer que le reste de la population.
La démence vasculaire
La démence vasculaire est le second type de démence le plus
courant chez les personnes âgées. Il s’agit d’un ensemble de
syndromes qui entraînent des lésions vasculaires dans le cerveau.
Une détection précoce et un diagnostic précis sont essentiels étant
donné que, dans une certaine mesure, il est possible de prévenir
la démence vasculaire.
La démence par infarctus multiples est la forme de démence vascu-
laire la plus courante. Elle touche généralement la tranche d’âge
des 60-75 ans et est plus fréquente chez les hommes que chez les
femmes. Elle est provoquée par une série d’accidents cérébrovas-
culaires qui altèrent le flux sanguin et endommagent ou détruisent
le tissu cérébral. Un accident cérébrovasculaire se produit lorsque
le sang ne parvient plus à atteindre une partie du cerveau, par
exemple lorsqu’un caillot sanguin ou un dépôt de graisse bloque
les vaisseaux qui approvisionnent le cerveau en sang. Un accident
cérébrovasculaire peut également se produire lors de l’éclatement
d’un vaisseau sanguin dans le cerveau. Les principales causes des
accidents cérébrovasculaires sont l’hypertension non traitée, les taux
élevés de cholestérol LDL, les troubles cardiaques et le diabète.
Dans certains cas, une personne peut subir une série de petits
accidents cérébrovasculaires qui n’entraînent aucun symptôme
évident et qui ne sont visibles que par imagerie encéphalique.
On les appelle ‘accidents cérébrovasculaires silencieux’. Une
personne peut en subir plusieurs avant de constater de graves
troubles de la mémoire ou d’autres signes de démence.
L’Alzheimer se caractérise
par des pertes de mémoire,
des troubles cognitifs
et des changements de
comportement radicaux.
Pratique clinique
20
Mars 2008 | Volume 53 | Numéro 1
Etudes basées sur la population
Plusieurs études basées sur la population ont mis en évidence un
lien entre le diabète de type 2 et une augmentation du risque de
développer une démence, tant la maladie d’Alzheimer que la
démence vasculaire. L’une des études a constaté un risque plus
grand pour les personnes atteintes de diabète de type 2 insulinodé-
pendantes par rapport à celles qui utilisaient des hypoglycémiants
oraux ; ces deux derniers groupes étaient exposés à un risque
plus élevé de maladie d’Alzheimer par rapport aux personnes
non atteintes de diabète.1 Alors que, dans un premier temps, le
lien entre le diabète de type 2 et la démence vasculaire semblait
être plus uniforme que la relation entre le diabète de type 2 et
l’Alzheimer,2 une étude récente a révélé des données plus nettes
pour le diabète et l’Alzheimer ‘pur’.3
Toutefois, lors du diagnostic, il est difficile de distinguer la démence
vasculaire de l’Alzheimer in vivo. Les données scientifiques suggèrent
également qu’une mutation du gène ApoE, l’allèle e4 de ApoE, le
principal facteur de risque génétique de la maladie d’Alzheimer,
pourrait avoir un impact plus fort sur le risque de démence chez les
personnes atteintes de diabète. En effet, les conclusions d’études
basées sur la population indiquent que les personnes atteintes de
diabète et porteuses de l’ApoE 4 sont les plus susceptibles de dé-
velopper la maladie d’Alzheimer par rapport aux personnes non
atteintes de diabète et non porteuses de l’ApoE 4.
4
Le diabète et le cerveau
Alors que nous savons que les personnes atteintes de diabète
sont plus exposées au risque d’accident cérébrovasculaire, on
connaît moins bien l’effet du diabète sur la neurodégénéres-
cence. Les plaques et la dégénérescence neurofibrillaire de la
maladie d’Alzheimer impliquent des protéines glycosylées. Par
conséquent, étant donné que les personnes atteintes de diabète
ont une glycémie élevée, il est plausible de soupçonner une plus
grande sensibilité à la maladie d’Alzheimer.
Les modèles animaux de ‘diabète induit’ suggèrent un effet neu-
rodégénératif direct du diabète. La plupart des études montrent
des résultats sur l’hippocampe la zone associée à l’appren-
tissage et à la mémoire et la première structure affectée par la
neurodégénérescence de la maladie d’Alzheimer. Une étude
post-mortem a constaté que les personnes atteintes de diabète,
et en particulier les personnes atteintes de diabète porteuses de
l’ApoE 4, étaient plus sujettes aux plaques dans la région hippo-
campique, à la dégénérescence neurofibrillaire dans le cortex
et dans l’hippocampe et qu’elles étaient plus exposées au risque
d’angiopathie amyloïde cérébrale5 qui se caractérise par un
dépôt de la protéine associée à l’Alzheimer sur les parois des
vaisseaux sanguins du cerveau. Une étude récente impliquant plus
de 1000 personnes a révéque les personnes atteintes de diabète
étaient plus exposées à l’atrophie corticale, indépendamment de
l’hypertension, du cholestérol total, du tabagisme, de l’IMC, de
la maladie coronarienne et des facteurs socio-démographiques
que les personnes non atteintes de la condition.6
Les liens
Des données scientifiques récentes indiquent que l’obésité est en
fait un facteur de risque de la démence et de la maladie d’Alzhei-
mer. La prévalence de l’obésité augmente rapidement et il est plus
que temps de se concentrer sur un poids sain, en particulier pour
les personnes atteintes de diabète, déjà plus exposées.
Nous savons que l’obésité augmente le risque de démence et
d’atrophie du cerveau. Toutefois, les mécanismes moléculaires
à la base des troubles métaboliques provoqués par un excès de
graisse corporelle ne sont pas encore parfaitement compris no-
tamment leur rôle dans les maladies neurodégénératives comme
la démence. Les données scientifiques actuelles suggèrent que
certaines adipocytokines (protéines de signalement cellulaire,
connues également sous le nom d’adipokines) peuvent traverser
la barrière hémato-encéphalique et jouer un rôle dans l’appren-
tissage et la mémoire.
Les récentes conclusions de plusieurs études longitudinales basées
sur la population ont confirmé le lien entre l’obésité et le risque
de démence. Même en tenant compte des co-morbidités en mi-
lieu et en fin de vie, l’obésité dans la tranche d’âge des 40-45
ans était étroitement associée à un risque accru de démence 30
ans plus tard.7 Les personnes obèses (IMC 30) étaient 75 %
plus susceptibles de développer une démence par rapport aux
personnes affichant un IMC normal (entre 18,5 et 24,9).7
Il est intéressant de souligner que l’on a récemment découvert
que l’obésité abdominale était davantage associée au risque
de démence que l’obésité totale.8 Même chez les personnes qui
affichent un poids sain, l’obésité abdominale augmente le risque
de démence. Récemment, une étude de cohorte à grande échelle,
qui s’est également penchée sur l’obésité en milieu de vie, a
révélé des résultats similaires en termes de risque de démence et
de maladie d’Alzheimer.9
Pratique clinique 21
Mars 2008 | Volume 53 | Numéro 1
Pratique clinique
22
Le tissu adipeux qui entoure les organes internes (graisse viscérale)
semble plus métaboliquement actif que la graisse sous-cutanée :
la graisse viscérale est associée à une plus grande production
d’adipocytokines et joue un rôle plus important que d’autres
types de graisses dans l’insensibilité à l’insuline. Les personnes
atteintes de diabète doivent donc être particulièrement attentives
à leur tour de taille ainsi qu’à leur poids corporel total. Notons
qu’il est possible d’afficher un poids corporel sain et d’être atteint
d’obésité abdominale.
Stratégies thérapeutiques
En plus de se concentrer sur un poids et un tour de taille sains,
il est essentiel que les personnes atteintes de diabète surveillent
leur taux d’HbA
1c
. Certaines données scientifiques indiquent qu’un
taux d’HbA1c très bas ou très élevé est associé à des troubles de
la cognition et à la démence.
En outre, puisque les facteurs de risque cardiovasculaire sont
étroitement associés à la maladie d’Alzheimer et à la démence,
il est tout aussi impératif de maintenir les taux de cholestérol et de
pression artérielle dans une fourchette saine. Il est amplement dé-
montré que l’activité physique peut réduire le risque de développer
la maladie d’Alzheimer. En effet, l’activité physique contribue à
améliorer les facteurs de risque cardiovasculaire et à atteindre un
poids sain, permettant ainsi de réduire le risque de démence. Des
études ont également démontré que l’activité physique favorisait
directement le fonctionnement cognitif et cérébral. Les exercices
de stimulation mentale tels que les mots croisés sont également
associés à une réduction du risque de démence.
Certain nutriments, comme les graisses insaturées, les vitamines C,
E, B6, B12 et l’acide folique, sont associés à une diminution du
risque de démence et de maladie d’Alzheimer. Plusieurs rapports
suggèrent également qu’un régime méditerranéen est associé à
une diminution du risque. Inversement, dans des modèles animaux,
les régimes riches en graisses saturées augmentaient le risque de
maladie d’Alzheimer et entraînaient des troubles des performan-
ces cognitives. Une étude récente a révélé qu’un régime riche en
graisses en milieu de vie était associé à la démence.10
Une autre complication du diabète ?
Il existe des preuves incontestables que les troubles de la cognition
et/ou la démence sont des complications potentielles du diabète.
Cela s’explique probablement par l’effet direct du diabète lui-même
sur le risque d’Alzheimer, ainsi que par l’augmentation des facteurs
Rachel Whitmer
Rachel Whitmer est épidémiologiste auprès du
département
Research Etiology and Prevention, Kaiser
Permanente
, Oakland, Californie, Etats-Unis.
Références
1 Ott A, Stolk RP, van Harskamp F, et al. Diabetes mellitus and the risk of
dementia: The Rotterdam Study. Neurology 1999; 53: 1937-42.
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3 Xu WL, Qiu CX, Wahlin A, et al. Diabetes mellitus and risk of dementia in the
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7 Whitmer RA, Gunderson EP, Barrett-Connor E, et al. Obesity in middle age and
future risk of dementia: a 27 year longitudinal population based study. BMJ
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8 Whitmer RA, Haan MN, Gunderson EP, et al. Central obesity in midlife and
risk of dementia three decades later. Neurology, in press 2008.
9 Whitmer RA, Gunderson EP, Quesenberry CP, et al. Body mass index in midlife
and risk of Alzheimer disease and vascular dementia. Curr Alzheimer Res
2007; 4: 103-9.
10 Laitinen MH, Ngandu T, Rovio S, et al. Fat intake at midlife and risk of
dementia and Alzheimer’s disease: a population-based study. Dement Geriatr
Cogn Disord 2006; 22: 99-107.
de risque liés à l’Alzheimer qui sont également associés au diabète
(hypertension, accident cérébrovasculaire, obésité). Face à l’aug-
mentation prévue de l’incidence de la démence, du diabète et de
l’obésité dans les 50 prochaines années, ces liens sont inquiétants.
Si les tendances se maintiennent en termes d’obésité et de diabète,
l’augmentation du nombre de cas de démence pourrait s’avérer
plus forte que prévu. Soulignons toutefois que les options permettant
de limiter le risque de développer une démence sont nombreuses.
Mars 2008 | Volume 53 | Numéro 1
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