GUIDE SUR LA COHOMOLOGIE DES FAISCEAUX
BERNDT E. SCHWERDTFEGER
Résumé. “Yoga” de la cohomologie des faisceaux sur les espaces topologiques.
Préface
Lors du cours « Surfaces de Riemann compactes » de Giraud [3] un petit groupe d’étude
a rédigé un guide sur la cohomologie des faisceaux qui contient en 20 pages plus qu’il ne
faut pour la cohomologie des faisceaux sur des espaces topologiques généraux. Pendant la
retranscription du cours de Giraud en T
E
X j’ai également préparé ce guide en T
E
X.
Berlin, 28 juin 2005 B. E. Schwerdtfeger
c
2005–2015 Berndt E. Schwerdtfeger, version 1.0, 4 mars 2015
1. Faisceaux sur des espaces topologiques
1.1. Préfaisceaux et faisceaux. Soit Xun espace topologique quelconque.
Définition 1.1. Un préfaisceau Fd’ensembles sur Xest la donnée pour tout ouvert
UXd’un ensemble F(U)et pour tout couple d’ouverts VUd’une application
de restriction ρU
V:F(U)F(V), telles que (Godement [4, I.1.9, p. 16]):
pour chaque ouvert U:ρU
U=id
pour des ouverts WVU:ρV
WρU
V=ρU
W(condition de transition)
Un morphisme de préfaisceaux ϕ:FGest la donnée pour tout ouvert UX
d’applications ϕ(U) : F(U)G(U)compatibles aux restrictions. On note HomX(F,G)
cet ensemble.
On a ainsi défini une catégorie de préfaisceaux.
Si on note Xtop la catégorie des ensembles ouverts de X, avec pour morphismes
les inclusions VU, la catégorie des préfaisceaux peut s’interpréter comme la
catégorie des foncteurs contravariants F:Xtop → Sets.
Par abus de langage les éléments sF(U)seront aussi appelé des sections et la
restriction à un ouvert plus petit VUsera noté s|V=ρU
V(s).
Définition 1.2. Un faisceau Fd’ensembles sur Xest un préfaisceau qui satisfait
de plus aux conditions suivantes (Godement [4, II.1.1, p. 109]):
(1) Pour tout ouvert Uet tout recouvrement (Ui)ide Uet deux éléments s0, s00
F(U)tel que pour tout ion ait s0|Ui=s00|Ui, alors s0=s00.
2010 Mathematics Subject Classification. Primary 55N30; Secondary 18F20, 14F40.
Key words and phrases. Faisceaux, morphisme étale et espaces étalés, image directe et ré-
ciproque, foncteur cohomologique, effaçable, universel, résolution, cohomologie, foncteur dérivé,
faisceaux injectifs et flasques, complexe de de Rham.
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2 BERNDT E. SCHWERDTFEGER
(2) Pour tout ouvert Uet tout recouvrement (Ui)ide Uet une famille (si)ide
sections siF(Ui)satisfaisant à la condition de recollement
(i, j)si|UiUj=sj|UiUj
il existe sF(U)avec s|Ui=sipour tout i.
La section sdont (2)affirme l’existence est unique par la propriété (1).
Les morphismes de faisceaux sont ceux en tant que préfaisceaux, la catégorie des
faisceaux est une sous–catégorie pleine des préfaisceaux ; on les note respectivement
e
Xtop b
Xtop.
1.2. Morphismes étales, espaces étalés et faisceaux.
1.2.1. Espaces étalés et morphismes. Soit Ep
Xune application continue d’es-
paces topologiques. On dit que pest étale quand pour tout xE, il existe un
voisinage ouvert Ude xtel que psoit un homéomorphisme de Usur son image. On
dit aussi que (E, p)est un espace étalé sur X(Godement [4, II.1.2]).
Il est clair que id est étale, et que le composé de deux morphismes étales est encore
étale.
Soient (E, p)et (F, q)deux espaces étalés sur X. Un morphisme d’espaces étalés
(E, p)(F, q)est une application continue f:EFtelle que qf=p:
E
p
f//F
q
~~
X
Il est alors évident que flui-même est étale.
On a ainsi défini une catégorie Et/X d’espaces étalés sur X.
Si Ep
Xest un espace étalé et si xX, on appelle fibre en xde l’espace étalé
l’ensemble p1(x). La topologie induite sur la fibre est discrète.
1.2.2. Faisceau associé à un espace étalé. Soit Ep
Xun espace étalé. Pour tout
ouvert UXnotons Γ(U, E) = {s:UE|ps=id}l’ensemble des sections
continues.
Si on défini F(U) = Γ(U, E)avec les morphismes de restriction F(U)F(V)
évident pour VU, on obtient bien un faisceau Fsur X. L’application qui à (E, p)
fait correspondre Fest un foncteur covariant T:Et/X e
Xtop de la catégorie des
espaces étalés sur Xdans celle des faisceaux sur X.
Réciproquement, considérons un faisceau Fsur X, et un point xX. On appelle
fibre de Fen xl’ensemble Fx= lim
xUF(U)et on pose
E=a
xX
Fx
On munit Ede la projection pqui à aFxfait correspondre x. Maintenant,
l’application canonique de F(U)dans la limite inductive Fxnotée s7→ sx, induit
une application es:UEdéfinie par es(x) = sx. On munit Ede la topologie la
plus fine qui rende les applications escontinues. Ep
Xest alors un espace étalé
sur X. On obtient ainsi un foncteur T0:e
Xtop Et/X covariant de la catégorie
des faisceaux sur Xdans celle des espaces étalés sur X.
COHOMOLOGIE DES FAISCEAUX 3
Théorème 1.3. Les foncteurs Tet T0vérifient TT0id e
Xtop et T0TidEt/X
et sont donc des équivalences de catégories.
Démonstration. Pour les démonstrations cf. Godement [4, loc.cit.].
Remarque. La fibre Fxdu faisceau est égale à la fibre p1(x)de l’espace étalé
associé, évidemment.
On peut donc occuper ou bien le point de vue faisceau, ou bien le point de vue
espace étalé, et on se permet de les confondre.
1.3. Images directes et réciproques de faisceaux.
1.3.1. Image directe. Soient Xf
Yune application continue, et Fun faisceau sur
X. Considérons le préfaisceau fFsur Ydéfini par
Vouvert Y:fF(V) = F(f1V)
morphismes de restrictions évidents.
Alors fFest un faisceau et fest un foncteur covariant de la catégorie des faisceaux
sur Xdans celle des faisceaux sur Y, appelé image directe par f.
1.3.2. Image réciproque. Soit Xf
Yune application continue, et soit (G, p)un
espace étalé sur Y. On considère le produit fibré X×
YGdans la catégorie des
espaces topologiques.
X×YGg//
q
G
p
Xf//Y
On constate que qest encore étale. Le produit fibré définit un foncteur de la ca-
tégorie des espaces étalés sur Ydans celle des espaces étalés sur X, et par suite
un foncteur fde la catégorie des faisceaux sur Ydans celle des faisceaux sur X,
appelé image réciproque par f.
Exemple 1.4. Si Uest un ouvert d’un espace topologique X, l’injection canonique
jest continue et même étale.
Si Fest un faisceau sur X, son image réciproque est le faisceau restreint à U.
L’espace étalé correspondant est l’image réciproque de Upar la projection au sens
des espaces topologiques, avec la projection restreinte. Si (E, p)est un espace étalé
sur U, l’image directe jEdu faisceau associé est le faisceau défini par jE(V) =
E(UV), dont l’espace étalé associé est (E, j p).
Si xest un point d’un espace topologique X, l’image réciproque d’un faisceau F
sur Xpar l’application canonique {x} → Xest la fibre Fxmunie de la topologie
discrète.
1.3.3. Propriétés d’adjonction. Le foncteur fest un adjoint à gauche du foncteur
f.
Pour montrer ceci, on va définir un morphisme de faisceaux sur Y:
aG:GffG
Si Vest un ouvert de Yon a G(V) = Γ(V, G)et
ffG(V) = fG(f1V) = Γ(f1V, X ×
YG) = HomX(X×
YV, X ×
YG)
4 BERNDT E. SCHWERDTFEGER
On va prendre comme image de sG(V)la section aG(V)(s) = id ×squi est
évidemment continue. La compatibilité aux restrictions est évidente. On obtient
bien un morphisme de faisceaux.
Il faut pour que ces morphismes définissent une adjonction qu’ils satisfassent deux
conditions.
La première est la fonctorialité en G, c’est-à-dire la commutativité du diagramme
suivant pour tout morphisme h:GG0de faisceaux sur Y.
GaG//
h
ffG
ffh
G0
aG0//ffG0
Si sest une section continue de Gsur l’ouvert Vde Y, on a :
aG0(V)h(V)(s) = aG0(V)(hs) = id ×hs
(ffh)(V)aG(V)(s)=(ffh)(id ×s)=(fh)(f1V)(id ×s) = (id ×h)(id ×s).
Ce qui assure la fonctorialité en G.
La seconde est que, pour tout faisceau Fsur Xet tout faisceau Gsur Y, l’application
de HomX(fG,F)dans HomY(G, fF)définie par m7→ (fm)aGsoit bijective.
On peut encore décrire l’application comme suit :
A une section tde Gsur un ouvert Vde Y, correspond la section (id ×t)
Γ(f1V, X ×
YG)qui a pour image par m(f1V)la section m(id ×t)F(f1V)
qui est aussi une section de fFsur V; c’est cette section qui est
(fm)(V)aG(V)(t)
Injectivité
Si m6=m0, il y a au moins un point de l’espace étalé fGsur Xoù les applications
met m0diffèrent. Soit (x, a)un tel point. Son image apar gest dans une certaine
section tde Gau-dessus d’un certain ouvert Vde Ycontenant p(a) = f(x). On
voit alors que pour le choix de Vet tqu’on vient de faire, on a (fm)(V)aG(V)(t)6=
(fm0)(V)aG(V)(t), donc (fm)aG6=fm0)aG0.
Surjectivité
Soit nun morphisme de Gdans fF. On se propose de construire un morphisme
n0:fGFtel que n= (fn0)aG.
Soit (x, a)fG, et soit y=p(a) = f(x). Il existe un ouvert Vde Ycontenant y
et une section sau-dessus de Vtelle que a=t(y). Alors n(V)(t)est une section de
fFsur V, ou encore une section de Fsur f1V, ce qui donne un point n(V)(t)(x)
de Fse projetant sur x. Ce point ne dépend que de (x, a)et non de Vet tet sera
noté n0(x, a) = n(V)(t)(x). On a ainsi défini une application n0:fGF, dont
on pourra vérifier qu’elle est continue et qu’elle redonne bien n.
1.3.4. Propriétés d’exactitude. Grâce à l’adjonction, on sait que
fest compatible aux limites projectives (donc exact à gauche),
fest compatible aux limites inductives (donc exact à droite).
Mais nous avons par surcroît
fest compatible aux limites projectives finies, donc est un foncteur exact.
COHOMOLOGIE DES FAISCEAUX 5
Pour le prouver, on peut voir qu’une limite projective finie d’espaces étalés sur un
espace topologique Xdans la catégorie des espaces topologiques au-dessus de X
est déjà étalé sur Xet s’identifie donc à la limite dans la catégorie des espaces
étalés sur X. La construction de f, qui ne fait intervenir que le produit fibré
d’espaces topologiques va donc commuter à la formation des limites projectives
finies d’espaces étalés.
1.3.5. Propriétés de conservation. Pour qu’un morphisme de faisceaux ϕ:FG
soit un mono-, épi- ou isomorphisme il faut et il suffit que les morphismes sur les
fibres ϕx:FxGx(xX)le soient.
Pour qu’un morphisme de faisceaux soit un noyau (resp. conoyau) d’une paire de
morphismes, il faut et il suffit que ce soit le cas pour les morphismes correspondants
sur les fibres.
Pour qu’un diagramme de faisceaux soit un produit fini avec ses projections (une
somme avec ses injections), il faut et il suffit que les diagrammes sur les fibres le
soient aussi.
Attention. Sauf si Xest discret, une famille de morphismes sur les fibres ne provient
pas en général d’un morphisme de faisceaux.
1.4. Faisceaux de groupes sur un espace topologique. Un faisceau de groupes
abéliens sur un espace topologique Xest un faisceau Gsur X, muni d’un morphisme
de faisceaux de G×Gdans Gqui induit sur chaque ouvert Ude Xune opération
faisant de G(U)un groupe abélien.
Dans les espaces étalés, la notion correspondante est un espace étalé Gsur X,
muni d’une application continue de G×
XGdans G, qui induit sur chaque fibre une
opération de groupe, telle que la section nulle soit continue et que la section opposée
d’une section continue sur un ouvert Ude Xsoit encore une section continue.
Les morphismes de faisceaux de groupes sur Xsont bien entendu les morphismes
de faisceaux compatibles aux opérations, qui se décrivent dans les espaces étalés
comme les applications au-dessus de Xcontinue et compatibles aux opérations sur
les fibres.
On obtient ainsi une catégorie abélienne AbX. L’exactitude peut s’observer “fibre
par fibre”.
L’image directe, l’image réciproque d’un faisceau de groupes par une application
continue sont de manière évidente des faisceaux de groupes. Ces structures na-
turelles font des foncteurs fet fdes foncteurs additifs pour toute application
continue f. On a encore les propriétés d’exactitude :
fest compatible aux limites projectives, en particulier exact à gauche.
fest compatible aux limites inductives et exact.
De même, on parlera de faisceaux d’anneaux, de modules sur un faisceau d’anneaux
etc. cf. Godement [4, p. 123 ff.].
2. Foncteurs cohomologiques
2.1. La catégorie des –foncteurs. On note Abla catégorie des groupes abéliens
et AbXla catégorie des faisceaux de groupes abéliens sur un espace topologique X.
Tous les foncteurs considérés seront additifs.
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