principales caractéristiques du microenvironnement immunitaire

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Immunité
antitumorale
dossier
thématique
principales caractéristiques
du microenvironnement immunitaire
dans les tumeurs du sein et de l’ovaire
Main characteristics of breast and ovarian tumours’ immune
microenvironment
Julien Faget*, Intidhar Labidi-Galy*, **, Nathalie Bendriss-Vermare*, Christine Menetrier-Caux*
réagit face au développement tumoral. Les tumeurs du sein et
de l’ovaire sont caractérisées par une forte infiltration en cellules
immunes. Cependant, les mécanismes d’échappement tumoral
conduisent à une réduction du pouvoir immunogène des tumeurs
et à une immunosubversion permettant la tolérance des cellules
transformées. La connaissance des mécanismes d’immunosubversion
prenant place dans le microenvironnement immunitaire intratumoral
a permis l’identification de cibles thérapeutiques et de paramètres
ayant un impact important sur la survie des patientes. De nouveaux
traitements visant à accroître l’activité immune antitumorale sont
en cours d’évaluation et pourraient influencer le traitement des
cancers du sein et de l’ovaire.
Mots-clés : cancer − immunosubversion − tolérance − Microenvironnement.
Pouvoir immunogène des tumeurs,
immunoédition et immunosubversion
Les tumeurs du sein et de l’ovaire sont formées par
un ensemble hétérogène de cellules tumorales, de
cellules stromales (fibroblastes, cellules endothéliales) et de cellules immunes infiltrantes. Au cours de
la transformation cellulaire, les cellules cancéreuses
peuvent libérer des signaux de danger participant à
l’activation des effecteurs de l’immunité innée tels que
les macrophages, les cellules Natural Killer (NK) et les
cellules dendritiques (DC). Par ailleurs, les cellules tumorales présentent une instabilité génétique conduisant
à l’expression de protéines mutées qui contiennent
de nouveaux antigènes tumoraux (AgT) pouvant être
ciblés par les effecteurs de l’immunité adaptative : les
lymphocytes T CD3+ (T CD4+ et T CD8+) et les lymphocytes B. La réaction immunitaire qui prend place dans la
masse tumorale est conditionnée par les mécanismes
Summary
RÉSUMÉ
» Le système immunitaire détecte les cellules transformées et
Transformed cells are detected by the immune system that
controls tumour development. Breast and ovarian tumours
are characterized by a strong infiltration by immune cells.
Nevertheless, tumour cells escape immune destruction through
the reduction of their immunogenicity and the induction
of immuno-subversion that take place in the tumour’s
microenvironment. Increasing our comprehension of the active
mechanisms leading to tumour immuno-subversion gave rise to
the identification of new targets and prognosis factors in breast
and ovarian tumours. Based on these findings, new therapeutic
strategies targeting the immune system are currently under
investigation and could change the impact of immunotherapies
in the treatment of breast and ovarian cancers.
Keywords: Cancer − Immunosubversion − Tolerance −
Microenvironment.
de recrutement des cellules immunes (les chimiokines)
ainsi que par leurs interactions avec les cellules tumorales, les cellules stromales et l’environnement riche
en cytokines.
Fortement discutées jusqu’aux années 1990, les preuves
montrant que les lésions néoplasiques sont détectées par
le système immunitaire sont aujourd’hui bien établies (cf.
article de F. Ghiringhelli, p. 6), suggérant que le développement tumoral est associé à des mécanismes d’échappement au contrôle du système immunitaire, comme le
montrent les modèles murins immunodéficients et les
patients atteints du sida ou traités par immunosuppresseurs. Ces patients présentent un risque plus important
de développer un cancer. L’induction d’une réponse
inflammatoire mais aussi l’échappement des cellules
tumorales à la lyse par les effecteurs du système immunitaire via le processus d’“immunoédition” sont 2 caractéristiques essentielles que la cellule transformée doit
acquérir pour donner lieu à un cancer. L’immunoédition
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
* Centre de recherche
en cancérologie de Lyon,
UMR Inserm 1052 – CNRS
5286, équipe 11 “Ciblage
thérapeutique de la cellule
tumorale et de son environnement immunitaire”, université de Lyon, Institut des
sciences pharmaceutiques
et biologiques, centre
Léon-Bérard, Lyon.
** Département d’oncologie médicale, centre LéonBérard, Lyon.
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Immunité
antitumorale
dossier
thématique
Les cellules de l’immunité innée
dans les tumeurs du sein et de l’ovaire
Masse tumorale
Agrégats lymphoïdes
Zone tumorale
CD4
Treg
CD4
Treg
Treg
CD4
Vaisseaux
Treg
St
NK
CD4
CD8
CD8
CD8 3
CD4
CD4
pDC
Treg
CD4
NK
2
Vaisseaux
pDC
CD4
TAM
mDC
mDC
NK
NK
TAM
1
Tum
CD8
St
St
St
CD4 : lymphocytes T CD4+ ; CD8 : lymphocytes T CD8+ ; mDC : cellules dendritiques myéloïdes ; NK : cellules Natural Killer ; pDC : cellules dendritiques
plasmacytoïdes ; St : cellules stromales ; TAM : macrophages associés aux
tumeurs ; Treg : lymphocytes T régulateurs.
Figure. La masse tumorale présente une infiltration par des cellules immunitaires.
L’interaction entre les cellules immunes, les cellules tumorales et les cellules stromales conditionne
la réponse immune antitumorale. Connaître les mécanismes d’immunosubversion tumorale
permet l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques et de marqueurs pronostiques.
1. Les macrophages sont associés à un mauvais pronostic et à une plus forte angiogenèse.
2. Les pDC présentent une altération fonctionnelle, sont associées à un mauvais pronostic et
favorisent l’amplification de la réponse T immunosuppressive.
3. Une forte infiltration par des Treg et un fort ratio Treg/T CD8+ sont associés à un mauvais
pronostic.
est un processus résultant de l’interaction entre les cellules tumorales et les cellules immunes qui se déroule
en 3 phases : élimination, équilibre et échappement. Elle
repose sur l’instabilité des cellules transformées, ce qui
permet une sélection des clones les moins immunogènes
(perte ou masquage des AgT), et sur le développement
d’une tolérance vis-à-vis des cellules tumorales. Cette
tolérance fait appel à un processus actif impliquant les
composantes immunosuppressives du système immunitaire telles que les lymphocytes T CD4+ régulateurs
(Treg) et les DC tolérogènes. On parle alors d’immunosubversion tumorale de la réponse immunitaire.
La connaissance du microenvironnement immunitaire
intratumoral et des mécanismes d’immunosuppression
ouvre la porte à de nouvelles stratégies thérapeutiques
visant à restaurer ou à accroître la réponse immune
antitumorale : l’immunothérapie.
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La réponse immune innée fait intervenir les granulocytes, les macrophages, les NK et les DC. Les
macrophages peuvent participer aux réponses proinflammatoires lorsqu’ils expriment un phénotype de
type M1 caractérisé par une forte sécrétion d’interleukine (IL) 1, de Tumor Necrosis Factor α (TNFα) et de la
chimiokine CXCL10. Cependant, dans les cancers du sein
et de l’ovaire, le phénotype des macrophages associés
aux tumeurs (TAM) révèle une activation non classique
de ces cellules. Ils sont très proches des macrophages de
type M2 qui expriment le récepteur scavenger CD163,
présentent une activité immunosuppressive et participent à la réparation tissulaire. La présence de TAM
dans la masse tumorale est détectable dès les premiers
stades de la tumorigenèse et se poursuit tout au long
de l’évolution de la pathologie (1). Le recrutement
des monocytes est favorisé par l’hypoxie, qui induit
l’expression de chimiokines telles que CCL2, 3, 4, 5 et
8 par les cellules tumorales ou le stroma et la sécrétion
de Colony-Stimulating-Factor (CSF) [CSF -1/M-CSF]. Les
TAM, en sécrétant de fortes concentrations de Vascular
Endothelial Growth Factor (VEGF), Platelet Derived Growth
Factor (PDGF) et Transforming Growth Factor beta (TGFβ),
favorisent l’angiogenèse. Ainsi, l’infiltration de la masse
tumorale par des TAM est associée à une nécrose importante des cellules tumorales, mais aussi à une néovascularisation plus importante de la tumeur ainsi qu’à
une réduction de la survie sans rechute (SSR) et de la
survie globale (SG) des patientes atteintes de cancer
du sein (figure) [2].
Dans le cancer de l’ovaire, les TAM expriment B7-H4,
une molécule de régulation négative des lymphocytes T
récemment identifiée, et sont associés à un mauvais pronostic. Leur présence est corrélée de façon significative
à celle des Treg et des cytokines immunosuppressives
(IL-10 et TGFβ) [3].
Dans les tumeurs du sein, les NK sont localisés à proximité des cellules tumorales. À ce jour, les NK intratumoraux ne sont pas encore très bien caractérisés.
Cependant, une forte infiltration par ces cellules est
associée à un bon pronostic dans le cancer du sein,
malgré le fait qu’elles présentent une altération fonctionnelle réduisant leur activité cytotoxique et leur
production d’interféron γ (IFNγ) in vitro (4).
Dans le cancer du sein, l’infiltration par les DC augmente
avec le grade suivant la classification Scarff-BloomRichardson (SBR) de la tumeur, définissant une valeur
pronostique qui tient compte du nombre de cellules
en mitose, de l’anisonucléose et de l’état de dédiffé-
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
Principales caractéristiques du microenvironnement immunitaire
dans les tumeurs du sein et de l’ovaire
renciation de la lésion (5). Dans les tumeurs du sein et
de l’ovaire, les 2 principales sous-populations de DC
présentes dans le sang ont été identifiées : les DC plasmacytoïdes (pDC) et les DC myéloïdes (mDC). Les DC
expriment un phénotype mature (expression de CD83)
lorsqu’elles sont localisées dans les agrégats lymphoïdes
intratumoraux, alors qu’elles présentent un phénotype
immature lorsqu’elles sont au contact des cellules tumorales (6). De façon générale, les mDC intratumorales ont
une faible capacité à présenter les antigènes et sécrètent
de très faibles quantités de cytokines pro-inflammatoires.
La purification des mDC de tumeurs du sein a permis
de montrer que ces cellules sont incapables d’induire
une réponse T effectrice mais qu’elles privilégient une
réponse T immunosuppressive (figure).
Les pDC présentes dans les tumeurs sont associées à
un mauvais pronostic dans le cancer du sein (5) et de
l’ovaire (7, 8). On observe un enrichissement en pDC
dans les tumeurs du sein et de l’ovaire, et encore plus
dans les ascites d’ovaire, suggérant un recrutement
spécifique de ces cellules dans les tumeurs. En effet,
dans les tumeurs de l’ovaire, les pDC sont recrutées
via CXCR4 exprimée par les pDC et son ligand CXCL12
sécrété par le stroma tumoral (9).
Les pDC jouent un rôle très important dans la réponse
antivirale. En effet, à la suite de l’engagement de leur
Toll-Like-Receptor (TLR), ces cellules peuvent produire
de très forts niveaux d’interféron α (IFNα), une puissante cytokine à activité antivirale et antitumorale,
importante dans les réponses T CD4+ et CD8+. Par
ailleurs, ces cellules participent également à l’établissement d’une tolérance adaptative, en particulier via
l’induction de Treg et de T CD8+ suppresseurs. De
façon très intéressante, les pDC isolées de tumeurs
du sein et de l’ovaire sont altérées pour leur réponse
aux ligands de TLR ne sécrétant que de très faibles
quantités d’IFNα. Des taux importants de TNFα et
de TGFβ détectables dans l’environnement tumoral
inhibent la sécrétion d’IFNα par des pDC de donneurs
sains, reproduisant l’altération observée sur les pDC
de tumeurs (7, 10) [figure].
La réponse adaptative dans les tumeurs
du sein et de l’ovaire
Les lymphocytes T intratumoraux représentent une
large proportion des cellules immunes infiltrantes (entre
20 et 50 % des leucocytes) alors que les lymphocytes
B sont très minoritaires. Dans le cancer de l’ovaire, la
première étude majeure qui s’est intéressée aux lymphocytes T CD3+ dans des cancers à un stade avancé (III/IV,
186 patientes) a montré que la présence de lymphocytes T intratumoraux (TIL) est associée à une meilleure
SG des patientes (38 % à 5 ans, contre seulement 4,5 %
pour les tumeurs non infiltrées, p < 0,001) [11].
Dans le cancer du sein comme dans le cancer de l’ovaire,
un ratio CD8+/CD4+ élevé est associé à une SG particulièrement longue (12, 13). De plus, dans le cancer du
sein, ce ratio varie en fonction de l’expression des récepteurs aux estrogènes (ER) et à la progestérone (PgR) et
des AgT (p53 muté, Her2/NEU et MUC1) [14]. L’ensemble
de ces données montre que la réponse adaptative est
étroitement liée à la survie des patientes ainsi qu’à
la nature de la lésion néoplasique, au moins dans le
cas du cancer du sein. Des études récentes suggèrent
que l’infiltration des tumeurs du sein en lymphocytes
T CD4+, T CD8+ et Treg est associée non seulement
à la survie des patientes mais aussi au profil moléculaire : les tumeurs basal-like (ER− PgR− Her2 non amplifié)
semblent plus infiltrées par ces lymphocytes T (figure).
Les lymphocytes T régulateurs
dans le cancer du sein et des ovaires
Les Treg représentent une sous-population des lymphocytes T CD4+ ayant une fonction suppressive et
sont caractérisés par l’expression du facteur de transcription FoxP3. La présence de Treg FoxP3+ dans les
carcinomes de l’ovaire est associée à un mauvais
pronostic (15). De même, dans le cancer du sein, une
forte infiltration en Treg FoxP3+ révélée par immunohistochimie (IHC) est également associée à une réduction significative de la SG et de la SSR sur une cohorte
de 200 patientes (16).
Récemment, nous avons observé que les Treg sont
recrutés spécifiquement dans la masse tumorale via
l’axe de chimiotactisme CCR4/CCL22. La chimiokine
CCL22 est produite par les cellules tumorales ellesmêmes, à la suite de la production par les TAM et les
NK de TNFα, d’IL-1β et d’IFNγ. Cela est à mettre en perspective avec le fait qu’il existe une corrélation positive
entre l’infiltration par les TAM et l’infiltration par les Treg
dans les tumeurs du sein et de l’ovaire (17).
Les Treg purifiés de tumeurs primaires de sein et d’ovaire
présentent un fort pouvoir suppresseur in vitro. In
situ, ils prolifèrent fortement (expression de Ki67) et
expriment les marqueurs d’activation tels que CTLA4
(Cytotoxic T-Lymphocyte Antigen 4), GITR (Glucocorticoid
Induced TNFR family related gene) et ICOS (Inducible
Co-Stimulatory molecule) de façon beaucoup plus importante que les autres populations de lymphocytes T (16).
Cette dichotomie entre le fort niveau d’activation des
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
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Immunité
antitumorale
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thématique
Treg et celui des autres lymphocytes T intratumoraux
suggère qu’ils exercent leur fonction immunosuppressive in situ. Ces cellules semblent exercer leur pouvoir
suppresseur via différents mécanismes d’immunosuppression tels que la sécrétion d’IL-10, l’expression
de GARP associée à la production de TGFβ, le transfert
d’AMPc ou l’expression de ligand de mort (FasL).
Dans le cancer du sein comme dans le cancer de l’ovaire,
il existe une corrélation positive entre l’infiltration par
des Treg et des pDC. L’engagement du récepteur de
costimulation ICOS exprimé à la surface des Treg par
son ligand spécifique (ICOS-L), lui-même exprimé par
les pDC, est indispensable pour induire la prolifération
des Treg de tumeurs de sein et d’ovaire in vitro en présence de pDC (18, 19). De plus, la prolifération des Treg
induite par les pDC est fortement potentialisée dans
l’environnement tumoral, où les pDC sont déficientes
pour leur production d’IFNα (20). Ces observations
montrent l’existence d’une interaction in situ entre
Treg et les pDC qui renforce l’immunosuppression
intratumorale (figure).
Thérapies ciblant le microenvironnement
immunitaire intratumoral
La connaissance des mécanismes d’échappement
tumoral à l’immunosurveillance a permis de proposer
différentes approches permettant d’accroître l’activation
des cellules de l’immunité innée. L’utilisation d’anticorps
ciblant les cellules tumorales tels que le trastuzumab
(anti-HER2) permet le blocage de l’activité protumorale
de HER2 et l’opsonisation des cellules tumorales, favorisant ainsi la reconnaissance des cellules tumorales par
les cellules NK. Par ailleurs, des stratégies reposant sur
l’administration d’anticorps agonistes des récepteurs
activateurs des NK (anti-KIR) pourraient augmenter leur
activité antitumorale.
L’administration locale de ligands synthétiques des TLR
pourrait également permettre d’activer fortement les
DC intratumorales, conduisant à une meilleure présentation des AgT et à la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires (IL-1β, IL-12, IFNα) qui favorisent une réponse
T antitumorale. Des effets thérapeutiques notables ont
été observés avec un ligand de TLR-7 (imiquimod) dans
le traitement des tumeurs cutanées.
Enfin, des progrès importants ont été réalisés dans le
traitement des tumeurs solides avec l’utilisation d’anticorps thérapeutiques bloquant CTLA4 (ipilimumab)
ou l’interaction PD1/PD-L1 (anti-PD1 ou anti-PD-L1)
[cf. articles de A. Marabelle et al., p. 32, et de A. Boespflug
et al., p. 17]. Ces stratégies permettent de lever les points
de contrôle négatifs de la réponse T, augmentant l’activation de ces cellules et favorisant ainsi la réponse
adaptative antitumorale. Les résultats encourageants
observés avec l’ipilimumab dans le traitement du mélanome (21) ont été récemment renforcés par ceux plus
prometteurs obtenus avec les anticorps anti-PD1 et
anti-PD-L1, à la fois dans le mélanome, le cancer du
rein et le cancer du poumon non à petites cellules (22)
[cf. articles de A. Marabelle et al., p. 32, et de A. Boespflug
et al., p. 17]. L’identification de biomarqueurs prédictifs
de réponse à ces immunothérapies représente le défi
majeur des prochaines années.
Conclusion
Les tumeurs du sein et des ovaires sont détectées par
les cellules immunes qui infiltrent la masse tumorale.
Le développement tumoral est alors conditionné par
l’échappement des cellules transformées aux effecteurs
de l’immunité. Les cellules immunes infiltrant la masse
tumorale présentent un état d’activation et/ou d’altération qui varie en fonction du microenvironnement,
pouvant aller de la réponse immune efficace à la subversion. L’immunosubversion tumorale est un processus
actif impliquant les cellules de l’immunité innée (TAM,
NK, DC). L’altération de ces cellules favorise l’angiogenèse ainsi que le recrutement des Treg et l’amplification
d’une réponse T immunosuppressive. De façon très
intéressante, le microenvironnement immunitaire intratumoral présente de fortes similitudes dans le cancer
de l’ovaire et le cancer du sein en termes d’impact sur
la survie des patientes et d’altérations fonctionnelles.
La dissection des mécanismes de l’immunosubversion tumorale a permis l’émergence de nouvelles cibles
(ICOS/ICOS-L, CCL22/CCR4, PD-1/PD-L1, CTLA4) impliquées dans le développement d’un environnement
immunosuppresseur, permettant le développement de
nouvelles stratégies d’immunothérapie dont certaines
semblent déjà très prometteuses.
■
R e m e r c i e m e nt s
Ce travail a été réalisé avec le soutien financier de l’Association
pour la recherche sur le cancer (ARC n° 7896, ARC équipement lourd 2009), des comités départementaux de la Ligue
contre le cancer (CD-69, CD-71), de l’Association nationale de
la recherche (ANR11-EMMA-045 VICIT), de l’Institut national
du cancer (INCa) [2011-1-PL-Bio-12-IC-1 et LYRIC (INCa-4664)].
Julien Faget et Intidhar Labidi-Galy ont été soutenus financièrement par la Ligue nationale contre le cancer et l’INCa pour
la réalisation de leur thèse de sciences.
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
RÉSUMÉ
dossier
A
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u
dossier
thématique
Principales caractéristiques du microenvironnement immunitaire
dans les tumeurs du sein et de l’ovaire
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