
MALADIE ET COMPETENCE PARENTALE
des liens familiaux qui s'est amorcée avec la survenue de la maladie et qui s'est poursuivie après la guérison. En
deuxième lieu, il importe de cerner, dans la redistribution des relations et des rôles à l'intérieur de la famille, ce qui
relève d'une réponse aux exigences que la maladie génère et ce qui est de l'ordre de la dérive, de l'exagération ou
de la rigidification dysfonctionnelle. Il arrive au demeurant que certaines modalités relationnelles qui, en soi ou à une
période donnée, ne sont pas forcément pathologiques, se transforment, du fait de leur persistance indéfinie ou de
leur accentuation, en comportements rigides et destructeurs. Ainsi, dans la famille Rossini, le mouvement par lequel
le mari a « marginalisé » sa femme en lui soustrayant la plus grande part de ses responsabilités familiales, s'il se
justifiait en partie pendant la maladie, a eu tendance à virer, après la guérison, en un acte de vengeance par lequel il
faisait payer à son épouse les sacrifices et les privations subis pendant la période où elle luttait pour se soigner et
guérir.
Lorsque nous nous interrogeons sur le rapport entre la maladie de Madame Rossini et le développement ultérieur de
ses deux enfants, ils nous faut donc reconnaître d'une part que les transformations de la vie familiale, que
l'émergence de la maladie a rendues nécessaires, ont certainement permis à la mère de lutter efficacement contre
son mal. Il n'en reste pas moins, d'autre part, que le prix payé par les enfants fut considérable. Quels sont les
processus qui se sont avérés dommageables pour ceux-ci ? C'est ce que nous mettrons en évidence dans la suite,
au fur et à mesure que nous développerons les deux thèmes directeurs de cet exposé, qui mettront respectivement
en jeu l'attitude du parent malade et la réponse des enfants à la maladie du parent.
3. La transformation du parent malade. La maladie, nous le savons, n'est jamais un processus partiel et purement
local ; elle constitue non seulement une atteinte globale de la personne, mais elle suscite en outre chez celui qui en
est atteint l'émergence d'un comportement nouveau. Ce comportement présente des caractéristiques typiques : il
réside d'une part dans des attitudes actives de recherche de soin et, d'autre part, dans des attitudes passives de
retrait et de renoncement aux pratiques et aux fonctions habituelles. Les symptômes et la douleur physique
favorisent en effet la tendance à l'abandon passif et mènent souvent à la régression.
Sur le plan psychologique, la maladie (pensons par exemple à une pneumonie ou à un ulcère gastrique) activent
chez le patient des peurs qui sont liées au sentiment de perdre son intégrité corporelle et, du même coup, sa
possibilité d'agir et de vivre de façon autonome. La peur de mourir est elle aussi souvent présente. L'atteinte
corporelle alimente chez le sujet un sentiment de fragilité et de vulnérabilité qui, associé à la modification effective de
son insertion ou de son statut social, représente une menace pour son équilibre psychologique. Ces différents
facteurs concourent à produire, chez le patient, une altération de l'idée de soi et une blessure narcissique profonde.
La survenue de la maladie se répercute enfin, à différents niveaux, sur la vie relationnelle du sujet. Elle pousse
celui-ci à restreindre ses activités sociales et à limiter ou suspendre son engagement professionnel. A l'intérieur de la
famille, et comme l'a illustré la situation clinique présentée plus haut, la maladie vient perturber la relation du couple
et, surtout si elle persiste dans le temps, exiger de la part des conjoints une définition renouvelée de leur lien. Elle
agit enfin -et c'est de cet aspect que nous traiterons ici de façon privilégiée -sur la relation du parent malade à ses
enfants, le risque majeur étant que l'altération de l'état de santé provoquée par la maladie porte atteinte aux
compétences parentales du patient en limitant son aptitude à éduquer et à protéger les enfants mineurs, tout comme
sa disponibilité à aimer ceux-ci et à leur porter l'affection dont ils ont besoin. La nécessité de penser à sa propre
santé et la peur de la mort peuvent en effet rendre le parent distant, peu attentif aux exigences des enfants et même
parfois, comme nous le commenterons dans la suite, négligent, hostile ou violent.
Il importe bien sûr de distinguer les réactions normales à la maladie physique et les réactions pathologiques, qui
signent éventuellement la coexistence d'un trouble de la personnalité ou d'une affection psychiatrique. Ainsi, le fait
que la maladie, qui engendre fréquemment une situation de détresse et de grand besoin chez le sujet qui en est
atteint, tende à augmenter les attentes de ce dernier à l'égard de son entourage et à lui faire adopter une position
passive de « demandeur » n'est pas en soi pathologique. Ces tendances ont même une fonction positive dans la
mesure où elles permettent au patient de recevoir les soins dont il a besoin et de limiter à juste titre ses activités ou
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