choc cardiogénique est alors majeur. Un arrêt cardiorespi-
ratoire nécessite une intubation trachéale, un massage car-
diaque externe ainsi que la pose d’une contrepulsion aorti-
que. La coronarographie objective une thrombose du tronc
coronaire gauche, avec rethrombose en post-dilatation. Au
total, 5 stents sont posés pour obtenir une revascularisa-
tion satisfaisante. Le patient est transféré en réanimation.
L’état de choc persiste avec une fonction d’éjection ven-
triculaire gauche inférieure à 10 % malgré une stimulation
inotrope maximale. Le patient est inconscient. Le bilan
biochimique de 18 h 40, plus de 8 heures après le début
des signes, met en évidence une myoglobine élevée (810
lg/L) mais les CK sont normales (92 UI/L). Le dosage de
TnIc est égal à 0,5 lg/L. À 20 h 30, le bilan biochimique
est très perturbé avec une acidose métabolique majeure :
pH = 6,98 et lactates : 24,4 mmol/L (référence labora-
toire : 0,63-2,44 mmol/l). La concentration de TnIc est
exceptionnelle : 4 471 lg/l. En parallèle, la concentration
en CK atteint 9 205 UI/L avec un index relatif MB/total
égal à 25 % (tableau 1). L’évolution hémodynamique est
rapidement défavorable et conduit au décès du patient à
22 h 30.
Le point de vue du clinicien
et du biologiste
Devant un diagnostic d’infarctus du myocarde établi avec
anomalies électrocardiographiques évidentes (sus-
décalage du segment ST), la place de la biologie est
secondaire. Cependant, la mesure de la troponine a une
valeur pronostique certaine [4]. Dans ce cas clinique, la
cinétique de la troponine ainsi que la valeur très élevée
sont inhabituelles. À notre connaissance, un seul cas de
troponine I de niveau comparable a été rapporté dans la
littérature avec un picà2847lg/L [5].
La cinétique habituelle de libération de la troponine Ic au
cours de l’infarctus du myocarde est une élévation précoce
vers la 4
e
heure (stock cytosolique) suivie d’un second pic
pouvant survenir vers la 18
e
heure : elle est due à la lyse
de l’appareil contractile, témoin de la nécrose irréversible
[6]. Cette cinétique de relargage est d’autant plus impor-
tante que la reperfusion des coronaires est efficace et l’élé-
vation de la troponine est considérée comme le témoin de
la reperfusion [7].
Dans notre observation, il existe un retard observé de libé-
ration de la troponine. La valeur est encore faible 8 heures
après le début des signes cliniques. De même, le dosage
des CK ne montre pas d’élévation. Ceci pourrait s’expli-
quer par l’occlusion complète du tronc coronaire gauche.
Deux heures après ce premier bilan biologique, une
concentration exceptionnelle de troponine Ic est alors
observée (4 471 lg/L). La fiche technique du laboratoire
ne décrit aucune interférence analytique qui pourrait
expliquer des taux élevés de troponine (phosphatases alca-
lines, facteur rhumatoïde et anticorps hétérophiles). Sur le
plan biologique, ce résultat peut s’expliquer par une
nécrose cardiaque importante et extensive (IDM antéro-
latéral étendu) avec cytolyse majeure (AST : 1 924 UI/L
et ALT : 943 UI/L) qui a entraîné une libération massive
des troponines cytosoliques et structurales, expliquant la
dysfonction majeure du ventricule gauche. Le dosage de
CK-MB confirme le diagnostic. Comme nous l’avons vu
précédemment, la limitation du flux sanguin dans les artè-
res coronaires a probablement entraîné une accumulation
des marqueurs de souffrance cardiaque. L’angioplastie a
alors permis une reperfusion brutale de la zone de nécrose
cardiaque, avec un phénomène de relargage important des
troponines dans la circulation sanguine [8]. Ce phéno-
mène a pu être exacerbé par une insuffisance rénale anuri-
que. Cependant, la cinétique et la voie d’élimination de la
troponine Ic ne sont pas bien connues et le rôle du rein
n’est pas documenté [9].
Le dosage sanguin de la troponine Ic est réalisé dans notre
laboratoire 24 heures /24 sur l’automate Advia Centaur
®
(Bayer Diagnostics). Le principe analytique de chimilumi-
nescence à l’ester d’acridinium associé à l’utilisation
d’anticorps confère à ce dosage de type « sandwich » une
grande spécificité et sensibilité [10]. La molécule de tro-
ponine Ic est constituée de 206 AA. La région la plus
stable se trouve entre les AA 30 et 110. Les AA 1-31 sont
les plus cardiospécifiques. La structure du test est la sui-
vante :
Tableau 1. Cinétique des marqueurs mesurés chez le patient.
Marqueur Valeurs usuelles H8 H10
TnIc < 0,1 µg/L 0,5 µg/L 4 471 µg/L
CK < 180 UI/L 92 UI/L 10 374 UI/L
Index relatif MB/CK totales 0,1-5 % 25 %
AST 10-42 UI/L 159 UI/L 1 139 UI/L
ALT 8-48 UI/L 214 UI/L 958 UI/L
Myoglobine 1-100 µg/L 810 µg/L
H0 : début des signes cliniques.
Troponine cardiaque
Ann Biol Clin, vol. 63, n° 3, mai-juin 2005 327
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