Éditorial
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24 août 2016
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Chirurgie métabolique versus
traitement médical optimisé
dans la prise en charge du
diabète de type  ?
Pr ANDRÉ J SCHEEN
Le diabète de type 2 (DT2) est devenu une
préoccupation de premier plan en santé publi-
que en raison de sa prévalence en cons tante
augmentation et des nombreuses complica-
tions associées à la maladie, microvasculaires
et, surtout, macrovasculaires. L’augmentation
de la prévalence du DT2 est, certes, liée au
vieillissement de la population, mais aussi à ce
que d’aucuns appellent l’épidémie de l’obésité.
L’immense majorité des patients avec un DT2
présentent, en effet, un surpoids ou une obé-
sité plus ou moins sévère et cette
adiposité excessive joue un rôle
majeur dans la physiopathologie
de la maladie.1 Par ailleurs, cette
obésité, notamment dans sa com-
posante abdominale, est associée
à d’autres facteurs de risque fré-
quemment rencontrés chez le
patient DT2, dont une hyperten-
sion artérielle et une dyslipidé-
mie, qui contribuent à péjorer le
pronostic cardiovasculaire. A l’évi-
dence, la réduction des complications car-
diovasculaires chez le patient DT2 implique
une prise en charge globale, ciblant tous les
facteurs de risque et non seulement l’hyper-
glycémie.2
La chirurgie bariatrique est maintenant re-
connue, par les instances officielles telles
l’International Diabetes Federation ou l’Ame-
rican Diabetes Association, comme une alter-
native à la prise en charge du DT2 lorsque le
traitement médical est en échec. La chirurgie
bariatrique, grâce à l’importante perte de
poids qu’elle entraîne, offre l’avantage d’une
amélioration de tous les facteurs de risque
avec, à terme, une réduction des complica-
tions cardiovasculaires.3 Les succès remar-
quables rapportés chez le patient obèse (avec
ou sans DT2), d’une part, et la meilleure
compréhension des mécanismes neuroendo-
crines impliqués dans les améliorations ob-
servées, d’autre part, ont fait qu’il est tentant
de recourir à cette solution thérapeutique
chez des patients DT2 même en l’absence
d’obésité extrême, voire sévère (indice de masse
corporelle < 35 kg/m²).4
Les médicaments antihyperglycémiants uti-
lisés jusqu’à présent n’avaient pas d’impact
positif ni sur le poids corporel 1 ni sur la pres-
sion artérielle, ce qui explique peut-être en
partie la difficulté à démontrer
leur efficacité en termes de pré-
vention des accidents cardio-
vasculaires.2 De nouvelles classes
de médicaments antidiabétiques
sont disponibles depuis quelques
années, les agents à effet incré-
tine, dont les agonistes des ré-
cepteurs du glucagon-like pep-
tide-1 (GLP-1), et les inhibiteurs
des cotransporteurs sodium-glu-
cose de type 2 (SGLT2). Ces anti-
diabétiques offrent l’avantage d’améliorer le
contrôle glycémique, sans exposer à des hypo-
glycémies; de plus, ils sont capables d’induire
une certaine perte pondérale et d’abaisser la
pression artérielle, tout en améliorant égale-
ment d’autres facteurs de risque (par ex em-
ple, dyslipidémie postprandiale pour les ago-
nistes des récepteurs du GLP-1 et hyper-
uricémie pour les inhibiteurs des SGLT2).
L’empagliflozine, un des inhibiteurs des SGLT2
commercialisés, a démontré dans l’étude
EMPA-REG OUTCOME une remarquable ré-
duction de la mortalité cardiovasculaire et de
la mortalité globale chez des patients DT2
avec des antécédents de maladie cardiovas-
culaire. Les mécanismes précis sous-tendant
cette réduction de la mortalité restent encore
discutés.5 Tout récemment, dans l’étude
LEADER, le liraglutide, un agoniste des ré-
cepteurs du GLP-1, a démontré une réduc-
Articles publiés
sous la direction de
ANDRÉ J. SCHEEN
Professeur de
médecine et de
pharmacologie
clinique, Université
de Liège,
Chef de service,
Service de
diabétologie,
nutrition et maladies
métaboliques et
Unité de
pharmacologie
clinique, CHU Sart
Tilman, Liège,
Belgique
IL EST TENTANT
DE RECOURIR À
CETTE SOLUTION
THÉRAPEUTIQUE
MÊME EN
LABSENCE
D’OBÉSITÉ
EXTRÊME VOIRE
SÉVÈRE
Bibliographie
1
Scheen AJ, Van Gaal LF.
Combating the dual
burden : Therapeutic
targeting of common
pathways in obesity and
type 2 diabetes. Lancet
Diabetes Endocrinol
2014;2:911-22.
2
Scheen AJ, Charbonnel
B. Effects of glucose-
lowering agents on
vascular outcomes in
type 2 diabetes : A criti cal
reappraisal. Diabetes
Metab 2014;40:176-85
3
Sjostrom L, Peltonen M,
Jacobson P, et al.
Bariatric surgery and
long-term cardiovascular
events. JAMA 2012;307:
56-65.
4
De Flines J, Franck M,
Rorive M, et al. Chirurgie
métabolique : une place
croissante dans le
traitement du diabète.
Rev Med Suisse 2012;8:
1621-7.
5
Scheen AJ. Reduction in
cardiovascular and
all-cause mortality in the
EMPA-REG OUTCOME
trial : A critical analysis.
Diabetes Metab 2016;
42:71-6.
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REVUE MÉDICALE SUISSE
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tion significative du critère d’évaluation prin-
cipal (critère composite comprenant la mor-
talité cardiovasculaire, l’infarctus non mortel
et l’accident vasculaire cérébral non mortel),
avec également une diminution de la mortalité
cardiovasculaire et totale, chez des patients
DT2 à haut risque cardiovasculaire.6
La question qui se pose, dès maintenant,
pour certains patients obèses avec un DT2, et
qui se posera sans doute à l’avenir dans une
population de plus en plus large, est de savoir
s’il faut privilégier un traitement médical op-
timisé ou donner la préférence à la chirurgie
bariatrique, appelée maintenant aussi chirur-
gie métabolique.4 Plaide pour l’approche mé-
dicale, l’arrivée de nouveaux médicaments
dotés de propriétés intéressantes au-delà du
contrôle de la glycémie, notamment sur le
poids et sur des facteurs de risque associés.
Comme ces agents exercent des effets béné-
fiques par des mécanismes différents sans
doute au moins partiellement complémen-
taires, il est envisageable de les associer à
l’avenir pour obtenir une synergie thérapeu-
tique. Plaident pour l’approche chirurgicale,
non seulement la remarquable efficacité sur
la perte pondérale, mais également des effets
bénéfiques au-delà de l’amaigrissement stricto
sensu, comme en témoignent les taux de ré-
mission de DT24 et la réduction des événe-
ments cardiovasculaires 3 qui ont été rapportés.
Ce n’est pas la première fois qu’il existe une
compétition entre une solution chirurgicale et
un traitement pharmacologique. Un exem ple
historique emblématique est représenté par
l’ulcère gastroduodénal. Pendant longtemps,
les traitements pharmacologiques étaient pu re-
ment symptomatiques et guère efficaces pour
guérir la maladie. La chirurgie avait alors
offert une solution alternative, avec le recours
à une pyloroplastie et une vagotomie sélec-
tive. Depuis l’avènement de médicaments
antisécrétoires puissants, bloquant la pro-
duction d’acide chlorhydrique, les antihista-
miniques H2, d’abord, les inhibiteurs de la
pompe à protons, ensuite, la chirurgie a perdu
une part importante de sa place dans la prise
en charge des ulcères gastroduodénaux et le
traitement est devenu essentiellement médi-
cal, dans ses versants préventif et curatif.
Au vu des progrès récemment
observés à la fois dans les ap-
proches chirurgicales et dans les
innovations pharmacologiques,
il apparaît difficile, actuellement,
de faire un pronostic quant au
traitement qui finira par l’em-
porter dans la prise en charge
des patients obèses avec un DT2.
Quoi qu’il en soit, il est indis-
pensable, encore et toujours, de
privilégier les mesures hygiéno-
diététiques, aussi précocement que possible
chez les personnes à risque dans une straté-
gie à visée préventive, en particulier chez les
sujets jeunes. Même si le taux de succès est
assez faible, en raison d’une adhérence très
largement imparfaite au long cours, cela de-
vrait être également le cas chez les patients
déjà atteints par la maladie DT2. En effet,
quelle que soit l’approche privilégiée, une ali-
mentation saine et la pratique régulière d’une
activité physique restent les fondements du
traitement du DT2 et ce, malgré les résultats
de l’étude LOOK-AHEAD finalement assez
décevants quant à la réduction des événe-
ments cardiovasculaires obtenue à relative-
ment court terme par une approche intensive
ciblant le style de vie.7
CE N’EST PAS LA
PREMIÈRE FOIS
QU’IL EXISTE UNE
COMPÉTITION
ENTRE UNE
SOLUTION
CHIRURGICALE ET
UN TRAITEMENT
PHARMACO
LOGIQUE
Bibliographie
6
Marso SP, Daniels GH,
Brown-Frandsen K, et al.
Liraglutide and cardio-
vascular outcomes in
type 2 diabetes. N Engl J
Med 2016; epub ahead
of print.
7
Wing RR, Bolin P,
Brancati FL, et al.
Cardiovascular effects
of intensive lifestyle
intervention in type 2
diabetes. N Engl J Med
2013;369:145-54.
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