Table des matières 1 Quelques notions de base sur les intégrales généralisées 1.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 Méthodes de calcul des intégrales généralisées . . . . . . . . . . . 1.2.1 Primitive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2.2 Changement de variable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2.3 Intégration par parties . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3 Convergence absolue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4 Critères de convergence pour les intégrales de fonctions positives 1.4.1 Théorème de convergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.2 Critères de comparaison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.3 Utilisation des équivalents . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.4 Exemples de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5 Intégrales à paramètre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Transformation de Laplace 2.1 Un calcul “symbolique” . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Transformation de Laplace : définition et premières propriétés . . . . 2.2.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.2 Premières propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.3 Table des principales transformées de Laplace . . . . . . . . . 2.3 Opérations sur les transformées de Laplace . . . . . . . . . . . . . . 2.3.1 Opérations algébriques (somme, produit) . . . . . . . . . . . 2.3.2 Opérations analytiques (dérivation, intégration, convolution) 2.4 Inversion de la transformée de Laplace . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5 Application à la résolution d’équations différentielles . . . . . . . . . 3 Transformée de Fourier et applications 3.1 Définitions et propriétés . . . . . . . . . . . . . . . 3.1.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.1.2 Propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 Des exemples de calculs de transformées de Fourier 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 2 4 4 4 4 4 5 5 5 6 6 6 . . . . . . . . . . 8 8 9 9 9 10 12 12 12 13 13 . . . . 15 15 15 15 17 Chapitre 1 Quelques notions de base sur les intégrales généralisées 1.1 Définitions Définition 1 : Soit I un intervalle de R et f : I → R une fonction. On dira que f est localement intégrable sur I si et seulement si f est intégrable sur tout intervalle de compact de I, c’est à dire sur tout intervalle [α, β] tel que [α, β] ⊂ I. Remarque : en pratique, les fonctions localement intégrables sont les fonctions continues ou continues par morceaux. Définition 2 : Soient a et b tels que −∞ < a < b 6 +∞. Z x On considère la fonction f : [a, b[→ R localement intégrable, et on pose : ∀x ∈ [a, b[, F (x) = f (t)dt. On dit que l’intégrale généralisée a (ou impropre) de f converge sur [a, b[ si la limite lim F (x) existe et est finie. Dans ce cas on note : x→b b Z x Z f (t)dt = lim f (t)dt = lim F (x). x→b a a x→b Remarque : si l’intégrale ne converge pas on dit qu’elle diverge. Elle peut diverger pour deux raisons : Z b Rx f (t)dt est soit la limite limx→b a f (t)dt existe mais est infinie (dans ce cas on dit que l’intégrale a Z b infinie), soit cette limite n’existe pas (et dans ce cas on dit que l’intégrale f (t)dt n’existe pas). a Z +∞ R +∞ dt R +∞ dt R 1 dt dt Exemples : Étude de (converge), 1 t (existe mais diverge : 1 t = +∞), 0 1−t 2 1R + t 0 R1 +∞ (idem), 0 √dt (converge), cos t dt (diverge : la limite n’existe pas). 0 1−t Z b Remarque : Définition analogue pour f : ]a, b] → R avec F (x) = f (t)dt (−∞ 6 a < b < +∞) x Définition 3 : Soient a et b tels que −∞ 6 a < b 6 +∞. On considère la fonction f : ]a, b[ → R localement intégrable. On dit que l’intégrale généralisée de f converge sur ]a, b[ s’il existe c ∈ ]a, b[ tel Z c Z b que f (t)dt et f (t)dt convergent. Dans ce cas, c’est vrai pour tout c ∈ ]a, b[ ; on note alors a c Z b Z f (t)dt = a c Z f (t)dt + a f (t)dt c 2 b (indépendant de c). +∞ Z Exemple : Étude de −∞ dt . 1 + t2 Critère de Cauchy : soit f : [a, b[ → R une fonction localement intégrable ; on a l’équivalence entre les deux assertions : Rb i) l’intégrale généralisée a f (x)dx converge, RY ii) on a la limite lim X f (x)dx = 0, ce qui se traduit rigoureusement par min(X,Y )→b Z ∀X, Y ∈ ]c, b[ ∀ε > 0 ∃c ∈ ]a, b[ Y X Exercice : formuler le critère analogue pour R +∞ cos t dt. Exemple : convergence de 1 t2 Rb a f (x)dx 6 ε. f (t)dt avec f : ]a, b] → R localement intégrable. Application : si −∞ < a < b < +∞ et f localement intégrable et bornée sur ]a, b[, alors converge. R1 Exemple : convergence de 0 sin x1 dx. Rb a f (t)dt Remarques : R +∞ – 0 f (t)dt converge 6⇒ f (t) −→ 0. (Considérer par exemple f valant 2n sur [n − 4−n , n + 4−n ] t→+∞ pour n > 1 et nulle R +∞en dehors de ces intervalles.)R +∞ – f (t) −→ 0 6⇒ 0 f (t)dt converge. (Penser à 0 t→+∞ dt 1+t .) Deux erreurs fréquentes (et dont il faut absolument se garder) consistent à affirmer que ces “implications” sont vraies ! Plus généralement, il ne faut pas confondre la question de l’existence d’une limite de la fonction f aux bornes de l’intervalle d’intégration et celle de la convergence de l’intégrale de f . L’intégrale peut converger même quand f n’a pas de limite ou a une limite infinie ; si f a une limite finie non nulle en une borne infinie l’intégrale diverge toujours, et si f a une limite nulle en une borne infinie l’intégrale peut diverger. Le tableau suivant, représentatif des situations en une borne finie, étudie l’intégrale d’une fonction f : ]0, b] → R (avec b < ∞) lim f ∈ R Rb 0 f (x)dx Rb 0 converge f (x)dx diverge toujours (critère de Cauchy) jamais lim f ∈ {±∞} ex : ex : lim f n’existe pas ex : sin x1 √1 x 1 x 1 n − n ex : f qui vaut 2 sur 1 + 2n (n > 6) et 0 ailleurs 1 1 2n , n Le tableau suivant, représentatif des situations en une borne infinie, étudie l’intégrale d’une fonction f : [a, +∞[→ R (avec −∞ < a) R +∞ a f (x)dx R +∞ a converge lim f = 0 lim f 6= 0 ex : f = 0 jamais lim f n’existe pas [n − f (x)dx diverge ex : 1 x−a+1 toujours 3 ex : f valant 2n sur + 4−n ] (n > 1) et 0 ailleurs ex : sin(x) 4−n , n 1.2 1.2.1 Méthodes de calcul des intégrales généralisées Primitive La première méthode de calcul d’une intégrale généralisée consiste à prendre une primitive lorsque c’est possible, puis de prendre la limite. On a vu des exemples ci-dessus. En voici un autre : R +∞ 1 dx Exemple : c (x−a)(x−b) (c > a > b). On décompose la fraction (x−a)(x−b) en éléments simples, c’est1 B A (x−a)(x−b) = x−a + x−b . On 1 B A peut les deviner, sinon on utilise la méthode suivante : multipliant (x−a)(x−b) + x−b par x − a on = x−a 1 1 1 obtient x−b = A+ B(x−a) d’où (en prenant x = a) A = a−b , et on trouve de même que B = − a−b ; donc x−b R X 1 1 dx X−a c−a 1 1 1 −→ (x−a)(x−b) = a−b x−a − x−b . D’où (en primitivant) c (x−a)(x−b) = a−b ln X−b − ln c−b X→+∞ 1 c−b a−b ln c−a . à-dire qu’on cherche des constantes A et B telles que pour tout x on ait 1.2.2 Changement de variable Théorème 1 : Changement de variable Soient a et b tels que −∞ 6 a < b 6 +∞ et f : ]a, b[→ R une fonction continue. Soit φ : ]α, β[→]a, b[ une bijection de classe C 1 dont la fonction réciproque est aussi de classe C 1 , alors : Z b Z β f (t)dt et f (φ(u))φ0 (u)du a α ont même nature, et dans le cas où elles convergent, elles sont égales. Z b dt p Exemple : Étude de (a < b). [Poser t = a + (b − a)u puis u = v 2 .] (t − a)(b − t) a 1.2.3 Intégration par parties Théorème 2 : Intégration par parties Soient a et b tels que −∞ 6 a < b 6 +∞ et f et g deux fonctions de ]a, b[ → R de classe C 1 . On suppose que lim f (x)g(x) existe et vaut lb ∈ R et que lim f (x)g(x) existe et vaut la ∈ R, alors x→a x→b Z b Z b f 0 (t)g(t)dt et f (t)g 0 (t)dt ont même nature, et dans le cas où elles convergent, on a : a a b Z Z 0 f (t)g(t)dt = (lb − la ) − a Exemple : convergence de 1.3 R +∞ 1 sin t t b f (t)g 0 (t)dt a dt (en se ramenant à celle de R +∞ 1 cos t t2 dt prouvée plus haut). Convergence absolue Z Définition 4 : On dit qu’une intégrale généralisée b Z a converge. b |f (t)|dt f (t)dt est absolument convergente si a Théorème 3 : Toute intégrale absolument convergente est convergente. Preuve : par le critère de Cauchy. Autre preuve ou exercice (sans le critère de Cauchy) : On suppose Rpar exemple I = [a, b[. On a x l’inégalité : 0 6 f (t) + |f (t)| 6 2|f (t)|. On intègre : la fonction x 7→ a |f (t)|dt a une limite finie en 4 Rx b, est croissante (car |f | positive), donc majorée par sa limite, donc x 7→ a (f (t) + |f (t)|)dt est une fonction majorée et croissante R x sur [a, b[ (par positivité de f + |f |), donc elle admet une limite finie. Alors par différence, x 7→ a f (t)dt a une limite finie en b. N.B. Attention la réciproque du théorème ci-dessus est fausse : toute intégrale convergente n’est pas absolument convergente : Z b Définition 5 : On dit qu’une intégrale généralisée f (t)dt est semi-convergente si elle est convergente a mais pas absolument convergente.R +∞ sin t Exercice : Montrer que l’intégrale 1 t dt est semi-convergente. (On pourra montrer la divergence R +∞ | sin t| de 1 dt en minorant | sin t| par sin2 t = (1 − cos(2t))/2.) t 1.4 Critères de convergence pour les intégrales de fonctions positives Les critères qui suivent sont commodes R b pour déterminer si une intégrale généralisée d’une fonction positive converge. En les appliquant à a |f (t)|dt on peut voir si une intégrale généralisée d’une fonction non positive converge absolument. 1.4.1 Théorème de convergence Théorème 4 : Soient a et b tels que −∞ < a < b 6 +∞ et f : [a, b[→ R+ localement intégrable. On Z pose ∀x ∈ [a, b[, F (x) = x b Z f (t)dt. Alors l’intégrale a f (t)dt est convergente si et seulement si F est a majorée sur [a, b[. Z b f (t)dt est divergente, c’est-à-dire si F (x) → +∞ quand x → +∞, on note Si l’intégrale a Rb a f (t)dt = +∞. Rb Noter que pour une fonction localement intégrable positive, l’intégrale généralisée a f (t)dt existe toujours (quitte à être infinie, donc divergente) ; tandis que pour une fonction dont le signe varie (par Rb exemple f (t) = sin t), l’intégrale a f (t)dt peut ne pas exister du tout. 1.4.2 Critères de comparaison Théorème 5 : Soient a et b tels que −∞ 6 a < b 6 +∞ et f, g : ]a, b[ → R+ localement intégrables telles que ∀t ∈]a, b[ on ait 0 6 f (t) 6 g(t). On a alors : Z 06 b Z f (t)dt 6 a b g(t)dt. a En particulier : Z b Z b 1. Si g(t)dt est convergente, alors f (t)dt est convergente. Za b Z ba 2. Si f (t)dt est divergente, alors g(t)dt est divergente. a a R +∞ cos t R1 sin x1 dx (déjà vue comme Exemples : on retrouve la convergence (absolue) de 1 2 dt et de 0 t R +∞ R +∞ 1 t application directe du critère de Cauchy) : car 1 | cos | t2 | dt = [− 1t ]+∞ = 1 < +∞ et 2 | dt 6 1 1 t R1 R 1 1 0 | sin x |dx 6 | 0 dx| = 1 < +∞. 5 1.4.3 Utilisation des équivalents Rappel : on dit que deux fonctions f , g sont équivalentes en un point t0 ∈ R ∪ {−∞, +∞}, et on note f (t) ∼ g(t) quand t → t0 (ou f ∼ g), si f (t)/g(t) → 1 quand t → t0 . (Exemples : sin t ∼ t quand t0 ∼ 1t quand t → ±∞.) Théorème 6 : Soient a et b tels que −∞ < a < b 6 +∞ et f et g définies de [a, b[→ R+ localement Z b Z b g(t)dt ont même nature. f (t)dt et intégrables telles que f (t) ∼ g(t) quand t → b alors t → 0, t 1+t2 a 1.4.4 a Exemples de base Théorème 7 : Intégrale de Riemann Z 1 dt α converge si et seulement si α < 1. (Preuve en exercice.) 0 t Z +∞ dt 2. converge si et seulement si α > 1. (Preuve en exercice.) tα 1 Application : Critère de RiemannRen 0. Soit f une fonction positive et localement intégrable sur ]0, 1] ; 1 on suppose que f (t) ∼ t1α : alors 0 f (t)dt converge ssi α < 1. 0 R1 2 )+t7 √ Exemple (exercice) : nature de l’intégrale 0 ln(1+5t dt. sin t(tan t)2 1. Critère de Riemann en +∞. Soit f une fonction positive et localement intégrable sur [1, +∞[ ; on R +∞ 1 suppose que f (t) ∼ tα : alors 1 f (t)dt converge ssi α > 1. +∞ R +∞ 15t5 +5t4 +12t3 +217t2 +54t+8877 Exemple : nature de l’intégrale 1 dt. 21t7 +876t5 +258t+34532 Théorème 8 : Intégrales de Bertrand Z +∞ dt Soient a un réel strictement supérieur à 1 et α et β deux réels quelconques. Alors α t (ln t)β a converge si et seulement si α > 1 et β quelconque, ou bien Z a α = 1 et β > 1. dt converge si et seulement si α < 1 Soient a ∈ ]0, 1[ et α et β deux réels quelconques. Alors α β 0 t | ln t| et β quelconque, ou bien α = 1 et β > 1. Critère de Bertrand en +∞. Soit f une Rfonction positive et localement intégrable sur [A, +∞[, A ∈ R ; +∞ on suppose que f (t) ∼ tα (ln1 t)β : alors A f (t)dt converge ssi α > 1 et β quelconque, ou bien α = 1 +∞ et β > 1. Critère de Bertrand en 0. Soit f une fonction positive et localement intégrable sur ]0, A], A > 0 ; on RA 1 suppose que f (t) ∼ tα | ln : alors 0 f (t)dt converge ssi α < 1 et β quelconque, ou bien α = 1 et t|β 0 β > 1. 1.5 Intégrales à paramètre On admet : Théorème de continuité : Soient I, J des intervalles de R. Soit f : I × J → C, (x, t) 7→ f (x, t), une fonction telle que 1. Pour tout x ∈ I, t 7→ f (x, t) est localement intégrable sur J. 2. Pour tout t ∈ J, x 7→ f (x, t) est continue sur I. 3. Il existe une fonction g :R J → R+ localement intégrable, telle que |f (x, t)| 6 g(t) pour tous x ∈ I, t ∈ J, et telle que J g(t)dt converge. 6 Alors, pour tout x ∈ I, l’intégrale continue dans I. R J f (x, t)dt converge absolument et la fonction x 7→ Théorème de dérivation sous le signe R R J f (x, t)dt est : Soient I, J des intervalles de R. Soit f : I × J → C, (x, t) 7→ f (x, t), une fonction telle que 1. Pour tout t ∈ J, x 7→ f (x, t) est dérivable sur I. 2. Pour tout x ∈ I, t 7→ f (x, t) et t 7→ ∂ ∂x f (x, t) sont localement intégrables sur J. R 3. Il existe au moins un point x0 ∈ I tel que l’intégrale généralisée J f (x0 , t)dt converge. ∂ 4. Il existe une fonction h : RJ → R+ localement intégrable, telle que | ∂x f (x, t)| 6 h(t) pour tous x ∈ I, t ∈ J, et telle que J h(t)dt converge. R R Alors, pour tout x ∈ I, l’intégrale J f (x, t)dt converge ; la fonction x 7→ J f (x, t)dt est dérivable dans R R ∂ d I et dx J f (x, t)dt = J ∂x f (x, t)dt, où l’intégrale du second membre converge absolument. R ∂ N.B. Si, de plus, x 7→ ∂x f (x, t) est continue pour tout t ∈ J, alors la fonction x 7→ J f (x, t)dt est continûment dérivable dans I (d’après le théorème de continuité). R Remarque : sous les hypothèses du théorème ci-dessus, prouvons seulement la convergence de J f (x, t)dt ∂ f (xt , t) (x − x0 ) où pour tout x ∈ I. D’après la formule des accroissements finis, f (x, t) − f (x0 , t) = ∂x xt est entre x0 Ret x (et dépend a priori de t) ; donc |f (x, t) − f (x0 , t)| 6R h(t) |x − x0 |, ce qui prouve que l’intégrale J (f (x, t) − f (x0 , t)) dt converge absolument. Et comme J f (x0 , t)dt converge, on en R déduit que J f (x, t)dt converge. Z +∞ cos(tx) Exemple : l’intégrale dt est définie et continue (comme fonction de x) sur R ; elle est t3 Z 1 +∞ sin(tx) aussi dérivable et sa dérivée est − dt (exercice). t2 1 7 Chapitre 2 Transformation de Laplace 2.1 Un calcul “symbolique” On peut résoudre (pas toujours !) les équations différentielles grâce aux mathématiques (changement de variables, résolution de l’équation homogène, équation caractéristique ...), on peut aussi les résoudre numériquement grâce à l’ordinateur : On calcule dans une boucle, à la fin de chaque pas de temps dt, une nouvelle valeur de la fonction inconnue. Enfin dans le cas des systèmes linéaires, et seulement dans ce cas, au lieu de résoudre les équations différentielles avec les méthodes traditionnelles on peut faire appel au calcul symbolique, essentiellement la transformée de Laplace développée par Heaviside pour le calcul de circuits électriques. Un gros avantage est la prise en compte des discontinuités, le “saut de Heaviside”, qui en mathématiques traditionnelles sont difficiles à gérer. Définissons symboliquement l’opérateur de dérivation p := d de telle sorte que si la fonction x : R → dt R est dérivable, on ait : dx(t) px(t) = = x0 (t) dt 1 f (t). Pour résoudre l’équation px(t) = f (t) où x(t) est l’inconnue, on écrira symboliquement x(t) = p 1! Encore faut-il donner un sens à l’opérateur p Z t 1 = f (s)ds (primitive de f qui s’annule en t = 0). Avec cette définition Disons par exemple que p 0 1 , l’opérateur 1 sera défini par 1 f (t) est la fonction nulle pour t = 0, aisi que ses de l’opérateur p pn pn (n − 1) premières dérivées, admettant f (t) pour dérivée n-ième (n > 1). Par conséquent, en utilisant la formule de Taylor avec reste intégral, on a : n−1 X 1 1 1 F (t) = n f (t) = F (k) (0)tk + p k! (n − 1)! k=0 d’où 1 1 F (t) = n f (t) = p (n − 1)! Z (t − s)n−1 f (s)ds 0 (t − s)n−1 f (s)ds(∗) 0 dx + Rx = E(t) (∗∗) dt 8 t t Exemple : Considérons l’équation différentielle suivante : L Z C’est l’intensité x à l’instant t d’un courant électrique dans un circuit de résistance R et d’inductance L, aux bornes duquel est appliquée une différence de potentiel E(t). On peut “symboliquement” écrire (∗∗) de la manière suivante : Z t R 1 (Lp + Rx) = E(t) d’où x(t) = Lp 1+ R E(t) ce qui donne en utilisant (∗), x(t) = − L E(s).e L (t−s) ds. 0 La transformation de Laplace a pour but de justifier et de rendre automatique le calcul algébrique précédent. 2.2 2.2.1 Transformation de Laplace : définition et premières propriétés Définitions Définition 1 : On appelle transformée de Laplace de la fonction f la fonction Lf définie par : Z +∞ Lf (p) = e−pt f (t)dt pour p ∈ C 0 Z +∞ Remarque : On remarque que e−pt f (t)dt ne prend en compte que les valeurs de f (t) pour t > 0. 0 La transformée de Laplace est donc concernée par des phénomènes transitoires : avant une certaine date, il n’y a rien, après, il y a quelque chose ... En prenant cet instant comme origine des temps, on peut supposer que f est une fonction définie de −∞ à +∞ telle que f (t) = 0 quand t < 0. On dit alors que f est une fonction “causale”. Exemple : La fonction de Heaviside (fonction échelon-unité). 0 quand t < 0 H(t) = 1 quand t > 0 si f est définie sur R, la fonction f = F H est causale et f (t) = F (t) quand t > 0. On se pose les questions suivantes : 1. Quelles fonctions ont une transformée de Laplace ? 2. A quoi reconnaı̂tre une transformée de Laplace ? 3. Comment retrouver f à partir de Lf ? 4. Comment se correspondent les propriétés de f et de Lf ? On ne répondra pas de façon générale à ces questions ... Définition 2 : On dit que f est à croissance exponentielle quand il existe des nombres réels C, M, a tels que : |f (t)| 6 CeM t quel que soit t > a 2.2.2 Premières propriétés Théorème 1 : Si f est une fonction continue par morceaux et à croissance exponentielle, l’intégrale de Laplace de f est absolument convergente quand Re(p) > M . En particulier, si lim f (t) existe et t→+∞ est finie, l’intégrale Lf (p) converge absolument pour tout p > 0. 9 Lemme : Soit f une fonction continue par morceaux sur (0, +∞[. Si Lf (p) converge absolument quand p = p1 , alors elle converge absolument quel que soit p tel que Re(p) > Re(p1 ). Théorème 2 : Il existe a ∈ [−∞, +∞], unique tel que : 1. si Re p > a, l’intégrale Lf (p) converge absolument. 2. si Re p < a, l’intégrale Lf (p) ne converge pas absolument. N.B. : on ne peut rien dire de général pour le cas où Re p = a. Par exemple, pour les fonctions 1 f (t) = 1+t 2 et f (t) = 1 (sur ]0, +∞[), a = 0 ; mais l’intégrale converge absolument quand Re p = a dans le premier cas et pas dans le second. Définition 3 : le nombre (fini ou infini) a du théorème 2 est appelé l’abscisse de convergence absolue de Lf (p). Remarque : Si l’intégrale Lf (p) converge absolument quel que soit p, l’abscisse de convergence absolue est égale à −∞ ; si elle ne converge jamais absolument, l’abscisse de convergence absolue vaut +∞. Ce dernier cas ne se présente pas pour une fonction à croissance exponentielle, vu le théorème 1. Dans ce qui suit, on se limitera aux fonctions à croissance exponentielle et on ne considérera Lf (p) que dans le demi-plan de convergence absolue : Re p > a. Théorème 3 : Théorème de la valeur initiale lim f (t) = lim pLf (p). t→0+ p→+∞ Théorème 4 : Théorème de la valeur finale lim f (t) = lim pLf (p). t→+∞ 2.2.3 p→0+ Table des principales transformées de Laplace 10 11 ↔ ↔ ↔ ↔ e−at sin(ωt) e−at cos(ωt) t sin(ωt) t cos(ωt) 0 si t ∈ [0, a] et 1 si t > a ↔ ↔ cos(ωt) ↔ e−at avec a ∈ R ↔ ↔ tn avec n ∈ N sin(ωt) ↔ t ↔ ↔ 1 te−at avec a ∈ R ↔ f (t) pn+1 1 p+a 1 (p + a)2 ω 2 p + ω2 p p2 + ω 2 ω (p + a)2 + ω 2 p+a (p + a)2 + ω 2 2ωp (p2 + ω 2 )2 p2 − ω 2 (p2 + ω 2 )2 e−ap p 1 p 1 p2 n! L(f )(p) 0 +∞ L(f )p e−pt f (t)dt 1 avec (a, n) ∈ R × N? (p + a)n 1 avec ω 6= 0 2 p + ω2 1 (p + a)2 + ω 2 1 avec a 6= 0 2 p − a2 p avec a 6= 0 p 2 − a2 1 avec a 6= b (p + a)(p + b) p avec a 6= b (p + a)(p + b) 1 2 (p + ω 2 )2 p 2 (p + ω 2 )2 p2 (p2 + ω 2 )2 1 2 p(p + ω 2 ) 1 2 2 p (p + ω 2 ) p avec ω 2 6= β 2 2 2 (p + ω )(p2 + β 2 ) 1 avec ω 2 6= β 2 2 2 (p + ω )(p2 + β 2 ) L(f )p = Z ↔ ↔ ↔ ↔ ↔ ↔ ↔ ↔ ↔ ↔ ↔ ↔ ↔ ↔ ↔ 1 −at e sin(ωt) ω 1 at e − e−at 2a 1 at e + e−at 2 1 −at e − e−bt b−a 1 −at be − ae−bt b−a 1 (sin(ωt) − ωt cos(ωt)) 2ω 3 1 t sin(ωt) 2ω 1 (sin(ωt) + ωt cos(ωt)) 2ω 1 (1 − cos(ωt)) ω2 1 (ωt − sin(ωt)) ω3 1 (cos(ωt) − cos(βt)) 2 β − ω2 1 (β sin(ωt) − ω sin(βt)) 2 βω(β − ω 2 ) tn−1 e−at (n − 1)! 1 sin(ωt) ω f (t) TABLE DE CORRESPONDANCE POUR LA TRANSFORMATION DE LAPLACE 2.3 2.3.1 Opérations sur les transformées de Laplace Opérations algébriques (somme, produit) Théorème 5 : Linéarité La transformée de Laplace est linéaire, c’est à dire : L(a1 f1 + a2 f2 + ... + an fn ) = a1 Lf1 + a2 Lf2 + ... + an Lfn Théorème 6 : On a 1. Pour a > 0, si g(t) = f (at), alors : Lg(p) = 1 p Lf ( ) a a 2. Pour a > 0, si g(t) = f (t − a), alors : Lg(p) = e−ap Lf (p) 3. Pour a ∈ R, si g(t) = e−at f (t), alors : Lg(p) = Lf (p + a) Exemple (exercice) : calculer la transformée de Laplace de f (2t − 6) + e−t f (2t) en fonction de celle de f . 2.3.2 Opérations analytiques (dérivation, intégration, convolution) Théorème 7 : Dérivation à la source 1. Soit f une fonction dérivable on a : Lf 0 (p) = pLf (p) − f (0) 2. Généralisation : Soit f une fonction n fois dérivable, on a : Lf (n) = pn Lf − pn−1 f (0) − pn−2 f 0 (0) − ... − pf (n−2) (0) − f (n−1) (0) ThéorèmeZ8 : Intégration t Si F (t) = f (s)ds, on a alors : 0 1 LF (p) = Lf (p) p Remarque : On peut dire schématiquement, qu’à la dérivation correspond par la transformation de Laplace, la multiplication par p et à l’intégration, correspond la division par p. (cf 1) Théorème 7 bis : Dérivation au but 1. Soit f une fonction à croissance exponentielle : la transformée de Laplace de tf (t) est −(Lf )0 . d 2. Généralisation : chaque multiplication par t à la source donne − dp (l’opposé d’une dérivation) n n (n) au but. Donc la transformée de Laplace de t f (t) est (−1) (Lf ) . 12 Théorème 9 : Périodicité Soit T > 0 et f : R → R telle que pour t < 0 et t > T , f (t) = 0. Soit g1 : R → R la fonction périodique de période T égale à f (t) pour 0 6 t 6 T . Et enfin, soit g : R → R tel que ∀t < 0 g(t) = 0 et ∀t > 0 g(t) = g1 (t). On a le résultat suivant : Lg(p) = Lf (p) pour p > 0 1 − e−pT Théorème 10 : Convolution Soient f et g deux fonctions définies sur R telles que ∀t < 0 f (t) = g(t) = 0. On définit alors : Z t f (s)g(t − s)ds f ∗ g(t) = 0 Dans ce cas, on a : Lf ∗ g(p) = Lf (p).Lg(p) 2.4 Inversion de la transformée de Laplace Z Objet : Connaissant Lf (p) = +∞ e−pt f (t)dt peut-on retrouver f (t) ? 0 Pour inverser la transformée de Laplace, on utilise en général les tables et les régles précédentes, en lisant de droite à gauche. Par exemple, pour le calcul de l’inverse de la transformée de Laplace d’une fraction rationnelle, on décompose, et on cherche dans les tables. On dispose aussi du théorème suivant pour inverser la transformée de Laplace. Théorème 11 : Formule d’inversion de Bromvitch Soit F (z) = F (x + iy), analytique pour x > x0 , une fonction sommable en y, pour tout x > x0 . Alors F est une transformée de Laplace, dont l’original est donné par : Z +∞ 1 f (t) = F (x + iy)e(x+iy)t dy 2π −∞ 2.5 Application à la résolution d’équations différentielles On va regarder comment procéder sur l’exemple de l’équation différentielle de Laplace. On considère l’équation différentielle suivante, linéaire du second ordre, à coefficients non constants, sans second membre : (a1 t + a0 )x00 + (b1 t + b0 )x0 + (c1 t + c0 )x = 0 On utilise la transformée de Laplace sur l’équation précédente ce qui donne en utilisant les propriétés établies : − a1 p2 ((Lx)0 (p) − 2a1 pLx(p) + a1 (x(0)) + a0 p2 Lx(p) − a0 px(0) − a0 x0 (0) − b1 p(Lx)00 (p) − b1 Lx(p) + b0 Lx(p) − b0 x(0) − c1 (Lx)0 (p) + c0 Lx(p) = 0 Posons Lx = y, on obtient l’équation suivante à résoudre : 13 (2.1) −(a1 p2 + b1 p + c1 )y 0 + (a0 p2 + (b0 − 2a1 )p + (c0 − b1 )y + (a1 − b0 − a0 p)x(0) − a0 x0 (0) = 0 A(p) = −(a1 p2 + b1 p + c1 ) B(p) = a0 p2 + (b0 − 2a1 )p + (c0 − b1 ) En posant C(p) = a0 x(0)p − a1 x(0) + b0 x(0) + a0 x0 (0) l’équation devient A(p)y 0 (p) + B(p)y(p) = C(p) C’est maintenant une équation différentielle linéaire du premier ordre, avec second membre, dont les coefficients sont polynomiaux en p, et on sait résoudre une telle équation qui nous donnera Lx(p). Il ne restera plus qu’à inverser pour avoir la solution de l’équation de départ. 14 Chapitre 3 Transformée de Fourier et applications 3.1 Définitions et propriétés 3.1.1 Définitions Définition 1 Z: On note L1 (R) l’ensemble des fonctions f définies de R dans R , continues par morceaux +∞ |f (t)|dt converge. et telles que −∞ Définition 2 : Soit f ∈ L1 (R). On appelle transformée de Fourier de f , la fonction : Z +∞ Ff (x) = f (t)e−itx dt pour x ∈ R −∞ Remarquons que sous ces hypothèses Ff existe puisque : Z +∞ −itx |f (t)e | = |f (t)| et |f (t)|dt converge −∞ l’intégrale est donc absolument convergente. 3.1.2 Propriétés Théorème 1 : Sous les hypothèses de la définition 2, on a : 1. Ff est bornée sur R 2. lim Ff (x) = 0 |x|→∞ 3. Ff est continue sur R Théorème 2 : Linéarité Z +∞ F est un opérateur linéaire de l’espace vectoriel des fonctions f : R → C tel que |f (t)|dt converge −∞ dans l’espace vectoriel des fonctions bornées, continues, tendant vers 0 à l’infini. Proposition 1 : Translation. Soit f ∈ L1 (R) on a ∀a ∈ R : F(f (x + a))(t) = Ff (t)eiat Proposition 2 : Transformée de Fourier de la dérivée Supposons f ∈ L1 (R) et f dérivable de telle sorte que f 0 ∈ L1 (R). On a alors : Ff 0 (x) = ixFf (x) ∀x ∈ R 15 Corollaire : Si f, f 0 , ..., f (n) ∈ L1 (R), alors : Ff (n) (x) = (ix)n Ff (x) ∀x ∈ R Proposition 3 : Dérivée de la transformée de Fourier Supposons que la fonction qui à t ∈ R associe tf (t) est dans L1 (R), on a alors : (Ff )0 (x) = −iF(xf (x)) Définition 3 : Convolution dans L1 (R). Pour f et g dans L1 (R), on définit Z +∞ f (s)g(t − s)ds f ∗ g(t) = −∞ lorsque l’intégrale du second membre converge. Remarque : f ∗ g(t) = g ∗ f (t). Proposition 4 : Soit f et g ∈ L1 (R). Si f ∗ g(t) est définie pour tout t ∈ R, alors f ∗ g ∈ L1 (R) et on a : F(f ∗ g) = F(f ) F(g) Définition 4 : Soit f une fonction de L1 (R). On appelle transformée de Fourier inverse de f la fonction : F −1 (f ) : t → 1 2π Z +∞ f (t)eitx dt −∞ Définition 5 : On dit qu’une fonction f est continûment dérivable par morceaux si elle est continûment dérivable sauf en des points isolés, et si en chacun de ces points f et f 0 admettent une limite à gauche et une limite à droite. On note f (x− ) la limite à gauche de f en x et f (x+ ) sa limite à droite. Théorème 3 : Formule de réciprocité (ou d’inversion) de Fourier Soit f ∈ L1 (R), continûment dérivable par morceaux. Alors on a : Z +λ 1 1 lim Ff (t)eixt dt = (f (x+ ) + f (x− )). λ→+∞ 2π −λ 2 En particulier, si Ff ∈ L1 (R) : 1 F −1 (Ff )(x) = (f (x+ ) + f (x− )). 2 Et donc, si f est continue au point x : F −1 (Ff )(x) = f (x). Ainsi : si on connaı̂t Ff , on connaı̂t f . Théorème 4 : Plancherel soit f une fonction telle que f ∈ L1 (R) et f 2 ∈ L1 (R). On suppose que Ff ∈ L1 (R) et (Ff )2 ∈ L1 (R). Alors : Z +∞ Z +∞ 1 2 |f (x)| dx = |Ff (x)|2 dx 2π −∞ −∞ 16 3.2 Des exemples de calculs de transformées de Fourier À faire par exemple sur : 1. f (t) = e−|t| 2 /2 2. f (t) = e−t (on admettra que −(t−ib)2 /2 dt Re R = −t2 /2 dt Re R = Dans les deux cas, regarder ce que donne la formule de réciprocité. 17 √ 2π pour tout b ∈ R).