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Raisonner
Raisonner, c'est lier ses arguments de façon à pouvoir convaincre son interlocuteur. Justifier
ou prouver une proposition en la rattachant à d’autres propositions. Pour qu’il y ait
raisonnement il faut qu’un lien logique rattache une proposition à d’autres propositions. Si ce
lien est celui de l’habitude ou s’il est d’ordre purement affectif, il n’y a pas de raisonnement.
La pensée peut très bien ne pas raisonner:ver, avoir une intuition, ce qui n'est pas raisonner.
Toute représentation de l'esprit est une pensée. On peut penser à une chose qui nous fait
penser à autre chose, etc. La pensée souvent divague (c’est la verie…). La raison elle est
contraignante…c’est une violence exercée sur l’esprit.
L’utilité du raisonnement : s’assurer de la vérité de propositions qui ne sont pas
immédiatement évidentes. La vérité de certaines propositions m’est connue directement, et il
n’y a pas besoin de preuve : le soleil chauffe. J’ai deux bras et deux jambes, etc. Il y en a
d’autres que j’admets en faisant simplement confiance à ceux qui me les ont enseignées :
l’orbite des planètes est elliptique, Napoléon est mort à Sainte-Hélène, etc. Mais il y en aussi
dont la vérité ne m’est connue qu’indirectement, grâce à la liaison logique qu’elles entretiennent avec
certaines autres que, j’ai préalablement admises comme vraies.
Il y a trois principales formes de raisonnement que vous devez utiliser dans vos études : la
démonstration, la preuve et l’argumentation.
Démontrer, prouver et argumenter, c'est à chaque fois raisonner. Mais dans des champs, selon
des modalités et des finalités différents. Ils renvoient tous trois à des activités de la pensée
rigoureuse -celle qui prend la forme de raisonnements
I La démonstration
a) La rigueur démonstrative :
La démonstration mathématique est essentiellement de type déductif. Elle consiste à tirer
une ou des conséquences de principes (axiomes) et en s'aidant de propriétés
préalablement démontrées, ou admises; seul un énoncé démontré peut être dit vrai. Lorsque
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cet énoncé a une portée universelle, il est appelé théorème. Un énoncé mathématique que l'on
pense être vrai mais que l'on n'a pas encore réussi à démontrer s'appelle conjecture.
Les Éléments d'Euclide (né vers -325, mort vers -265 à Alexandrie) est un mathématicien de
la Grèce antique) sont le premier ouvrage à présenter des démonstrations et non seulement,
comme le firent les codes babyloniens et égyptiens, des résultats et des formules. Voici
comment Euclide démontre l'existence d'une infinité de nombres premiers. Pour construire un nombre
premier plus grand qu'un entier n, il suffit, fait observer Euclide, de calculer le produit p de tous les
entiers, de I jusqu'à n, et d'ajouter I. On obtient ainsi un nombre N égal à p + I, lequel ne peut pas être
divisible par des nombres inférieurs à n (en effet, p est par construction divisible par tous les membres
inférieurs à n mais pas I ). Par conséquent, N est soit premier, soit divisible par des nombres premiers
plus grands que n ; dans les deux cas, il existe alors un nombre premier supérieur à n et cela quelle que
soit la valeur choisie pour n. D'l'existence d'une infinité de nombres premiers. Lorsque Euclide
imposera à l’ensemble du discours mathématique la forme déductive, nul ne mettra en doute qu’un tel
discours soit réductible à une succession de syllogismes.
La démonstration est un parcours de la pensée (elle comprend un point de départ, un
cheminement et un point d'arrivée) en même temps que son résultat global.
Il semble qu’un raisonnement qui ne part pas de prémisses admises par tous et qui n’en tire
pas des conséquences évidentes pour tout le monde ne soit pas une preuve. Voici un exemple
de preuve illustrée par le dessin suivant :
On trace la droite parallèle à AC qui passe par le point B. Alors, par symétrie, les angles c et
c’ sont égaux, de même que les angles a et a’. Donc a+b+c=a’+b+c’. Or a’+b+c’ est l’angle
d’une droite “avec elle-même”, donc vaut 180°.
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Ce raisonnement, mathématique, est une démonstration. C’est une démonstration parce que
les points de départ sont des affirmations vraies (prémisses) et que la conclusion qui en résulte
est nécessairement vraie 2) si les prémisses sont des idées admises, il ne s’agit pas d’une
démonstration mais d’une simple preuve.
Tout homme est mortel
Tout athénien est un homme
Donc tout athénien est mortel
Il apparaît que la conclusion s’ensuit nécessairement si les deux prémisses sont vraies.
Lorsque cet énoncé a une portée universelle, il est appelé théorème.
Si tout homme est mortel et si tout athénien est un homme, alors il est nécessaire que tout
athénien soit mortel et nulle recherche empirique n’est à entreprendre pour s’en assurer. Cette
démonstration est en effet formellement valide : c’est en vertu de sa forme et non de
son contenu que l’argument est probant. L’exemple se laisse en effet ramener à une
forme d’argument qui est la suivante :
Tout A est B Tout C est A
Donc tout C est B
Les prémisses sont vraies et cessaires dans le cas de la démonstration. Ce sont des axiomes
si elles sont vraies et évidentes. Des théorèmes si elles sont déduites de premier principes
clairs et évidents. Le moyen terme est l'équivalent de la cause. Le moyen terme à l'extension
moyenne. Les extrêmes ont l'extension la plus grande et la plus petite. Le moyen terme est
moyen en ce qu'il a une extension moyenne et produit une conclusion dont il est exclu.
On comprend ainsi que c’est le formalisme qui fait de la démonstration une preuve
indiscutable. Sa force apodictique provient d’une mise entre parenthèses de
l’appréhension subjective du contenu des propositions pour que la certitude ne se
manifeste que par la forme même du raisonnement. Ainsi s’explique le premier
caractère du savoir scientifique : la nécessité. Connaître scientifiquement, c’est savoir
que cela ne peut être autrement. A ce titre la vertu de la démonstration, telle que la déploie
un professeur de mathématique en cours, c’est d’habituer l’élève à une rigueur qui l’oblige à
suivre le fil de la logique, de ne plus procéder par association d’idées. La démonstration est un
modèle d’objectivité. La vertu de la démonstration est d’obliger l’esprit à s’émanciper de
toute opinion ou vue trop subjective, au sens le plus vague du terme. La contrainte logique de
la démonstration nous oblige à abandonner nos opinions personnelles, nos vues fantaisistes,
pour nous soumettre à un système et à sa logique. La démonstration est une école de
formation intellectuelle en ce sens. Elle nous apprend l’impartialité. Elle nous oblige à
reconnaître la vérité comme ce qui est indépendant de nos opinions personnelles, comme ce
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qui est valide pour tout esprit rationnel. L’enchaînement des propositions est tellement
strict qu’on ne puisse sans mauvaise foi refuser la conclusion une fois qu’on a admis les
pmisses. Dans toute déduction, l’office du lien logique est d’établir entre certaines
propositions, différentes entre elles, une connexion telle qu’un être doué de raison ne
puisse s’empêcher dadmettre l’une d’elles quand il admet les autres, et bien qu’elles
soient autres. Le raisonnement démonstratif et déductif a une force logiquement
contraignante.
Dès lors, il peut sembler juste de considérer que celui qui recherche activement la
vérité doive s’imposer de tout démontrer (exigence forte). C’est la condition pour que
son savoir soit conscient de lui-même et circonscrit à ce dont il ne peut douter parce que cela
est fermement établi. Sans démonstration, il possèdera peut-être des vérités, mais sans le
savoir avec une certitude apodictique.
C’est bien sûr en mathématiques et tout particulièrement dans la géométrie d’Euclide que
l’exigence de tout démontrer s’est d’abord imposée. Ici, l’on n’accepte pour vrai que ce qui
est démontré. Un théorème, c’est précisément une proposition montrée. Chaque
théorème n’utilise, dans sa démonstration, que les résultats des théorèmes précédents, si bien
que Leibniz a pu dire que démontrer, c’est ramener le théorème à démontrer aux théorèmes
déjà démontrés, ou encore ramener l’inconnu au connu. « Une démonstration, écrit-il, n’est
pas autre chose que la résolution d’une vérité en d’autres vérités connues. » Le
raisonnement est une suite de démonstrations ; c’est une déduction, autrement dit « une
opération par laquelle on conclut rigoureusement d’une ou de plusieurs propositions
prises pour prémisses à une proposition qui en est la conséquence nécessaire en vertu
de règles logiques. 7» Pour passer d’une étape à une autre dans le raisonnement, la
démonstration s’appuie sur le principe d’identité ce qui est, est », A est A) ou principe de
contradiction,(« une même chose ne peut pas à la fois être et ne pas être », A n’est pas non-A)
qui assure la rigueur de la pensée. « Toute démonstration, disait Aristote, se
ramène à ce principe comme à une ultime vérité, car il est par nature un point de
départ, même pour les autres axiomes.
A suivre ces analyses, on peut dire que, tout particulièrement en mathématiques, non
seulement toute vérité est démontrable, mais toute vérité doit être démontrée !
La démonstration est, au sens large, un raisonnement rigoureux et nécessaire,
constitutif du savoir : « Le savoir, dit Aristote, porte sur ce dont on possède la démonstration
ou dont on a admis la démonstration. 4» Et encore : « Ce que nous appelons savoir,
c’est connaître par le moyen de la démonstration.5 » Pourquoi cela ? Parce que la
démonstration est une espèce du genre « syllogisme » qui se distingue des autres par la
certitude apodictique (apodicticus du grec apodeiktikos : « péremptoire », qui a une évidence
de droit et non pas seulement de fait, c'est-à-dire nécessaire ») qu’elle confère à sa
conclusion. La démonstration est « le raisonnement par lequel une proposition devient
certaine » (Leibniz). Une proposition est démontrée lorsqu’on a fait fait voir qu’elle découlait
nécessairement de proposition déjà admises (déduction).
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La démonstration est « le raisonnement par lequel une proposition devient certaine »
(Leibniz). Une proposition est démontrée lorsqu’on a fait fait voir qu’elle découlait
nécessairement de proposition déjà admises (déduction).
b) La démonstration est un raisonnement rigoureux (déduction) mais tout raisonnement
rigoureux n’est pas une démonstration.
Une déduction ou raisonnement rigoureux est « un discours tel que, certaines choses étant posées,
quelque autre en résulte nécessairement par cela seul que les prémisses sont posées ». Cette formule est
celle par laquelle les Premiers Analytiques définissent le syllogisme. Le syllogisme est la forme de
raisonnement exemplaire de la logique inventée par Aristote. Il s’agit d’un discours par lequel, étant
posées des propositions de départ, les prémisses, il en résulte nécessairement une proposition finale, la
conclusion (voir Repères, p. 000). La syllogisme a été pendant longtemps tenu pour la forme exemplaire de
la déduction, et même pour celle à laquelle toute déduction rigoureuse devait finalement pouvoir se réduire.
Chez Aristote sylogisme= déduction
Le mérite d'Aristote n'est pas seulement d'avoir inventé le syllogisme sous sa forme parfaite et simple (tout
A est B, tout C est A, donc tout C est B), mais encore d'avoir fait l'inventaire de toutes les combinaisons
possibles pour en dégager les syllogismes concluants.
Un syllogisme comporte trois propositions, chacune pouvant prendre quatre formes.
Toute démonstration est un syllogisme (déduction), mais toute déduction est-elle une démonstration ?
Ainsi le syllogisme suivant qui est un raisonnement déductif (pléonasme car il n’y a de raisonnement, au
sens propre du terme, que déductif):
- Exemple de raisonnement rigoureux mais faux (sophisme= intention de tromper, espèce de
paralogisme) ; paralogisme : raisonnement ou argument logique qui ne conclut pas d’une façon
correcte, ou valable, mais qui contrairement au sophisme, suppose la bonne foi:
majeure: Tout ce qui est rare est cher
mineure: or un cheval bon marché est rare
conclusion: donc un cheval bon marché est cher
La conclusion est fausse car la majeure est matériellement fausse, c'est-à-dire n’est pas en accord avec la
réalité. Mais ce syllogisme est formellement correct. La rigueur et donc la force contraignante d’un
raisonnement sont totalement indépendantes de la vérité des propositions. Aussi convient-il, non seulement
de ne pas restreindre l'office du raisonnement à l'établissement de la vérité, mais même, plus
généralement, de délier le raisonnement de tout asservissement à la vérité.
Ou encore tous les hommes sont chauves
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