Raisonner - Canalblog

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Raisonner
Raisonner, c'est lier ses arguments de façon à pouvoir convaincre son interlocuteur. Justifier
ou prouver une proposition en la rattachant à d’autres propositions. Pour qu’il y ait
raisonnement il faut qu’un lien logique rattache une proposition à d’autres propositions. Si ce
lien est celui de l’habitude ou s’il est d’ordre purement affectif, il n’y a pas de raisonnement.
La pensée peut très bien ne pas raisonner: rêver, avoir une intuition, ce qui n'est pas raisonner.
Toute représentation de l'esprit est une pensée. On peut penser à une chose qui nous fait
penser à autre chose, etc. La pensée souvent divague (c’est la rêverie…). La raison elle est
contraignante…c’est une violence exercée sur l’esprit.
L’utilité du raisonnement : s’assurer de la vérité de propositions qui ne sont pas
immédiatement évidentes. La vérité de certaines propositions m’est connue directement, et il
n’y a pas besoin de preuve : le soleil chauffe. J’ai deux bras et deux jambes, etc. Il y en a
d’autres que j’admets en faisant simplement confiance à ceux qui me les ont enseignées :
l’orbite des planètes est elliptique, Napoléon est mort à Sainte-Hélène, etc. Mais il y en aussi
dont la vérité ne m’est connue qu’indirectement, grâce à la liaison logique qu’elles entretiennent avec
certaines autres que, j’ai préalablement admises comme vraies.
Il y a trois principales formes de raisonnement que vous devez utiliser dans vos études : la
démonstration, la preuve et l’argumentation.
Démontrer, prouver et argumenter, c'est à chaque fois raisonner. Mais dans des champs, selon
des modalités et des finalités différents. Ils renvoient tous trois à des activités de la pensée
rigoureuse -celle qui prend la forme de raisonnements
I La démonstration
a) La rigueur démonstrative :
La démonstration mathématique est essentiellement de type déductif. Elle consiste à tirer
une ou des conséquences de principes (axiomes) et en s'aidant de propriétés
préalablement démontrées, ou admises; seul un énoncé démontré peut être dit vrai. Lorsque
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cet énoncé a une portée universelle, il est appelé théorème. Un énoncé mathématique que l'on
pense être vrai mais que l'on n'a pas encore réussi à démontrer s'appelle conjecture.
Les Éléments d'Euclide (né vers -325, mort vers -265 à Alexandrie) est un mathématicien de
la Grèce antique) sont le premier ouvrage à présenter des démonstrations et non seulement,
comme le firent les codes babyloniens et égyptiens, des résultats et des formules. Voici
comment Euclide démontre l'existence d'une infinité de nombres premiers. Pour construire un nombre
premier plus grand qu'un entier n, il suffit, fait observer Euclide, de calculer le produit p de tous les
entiers, de I jusqu'à n, et d'ajouter I. On obtient ainsi un nombre N égal à p + I, lequel ne peut pas être
divisible par des nombres inférieurs à n (en effet, p est par construction divisible par tous les membres
inférieurs à n mais pas I ). Par conséquent, N est soit premier, soit divisible par des nombres premiers
plus grands que n ; dans les deux cas, il existe alors un nombre premier supérieur à n et cela quelle que
soit la valeur choisie pour n. D'où l'existence d'une infinité de nombres premiers. Lorsque Euclide
imposera à l’ensemble du discours mathématique la forme déductive, nul ne mettra en doute qu’un tel
discours soit réductible à une succession de syllogismes.
La démonstration est un parcours de la pensée (elle comprend un point de départ, un
cheminement et un point d'arrivée) en même temps que son résultat global.
Il semble qu’un raisonnement qui ne part pas de prémisses admises par tous et qui n’en tire
pas des conséquences évidentes pour tout le monde ne soit pas une preuve. Voici un exemple
de preuve illustrée par le dessin suivant :
On trace la droite parallèle à AC qui passe par le point B. Alors, par symétrie, les angles c et
c’ sont égaux, de même que les angles a et a’. Donc a+b+c=a’+b+c’. Or a’+b+c’ est l’angle
d’une droite “avec elle-même”, donc vaut 180°.
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Ce raisonnement, mathématique, est une démonstration. C’est une démonstration parce que
les points de départ sont des affirmations vraies (prémisses) et que la conclusion qui en résulte
est nécessairement vraie 2) si les prémisses sont des idées admises, il ne s’agit pas d’une
démonstration mais d’une simple preuve.
Tout homme est mortel
Tout athénien est un homme
Donc tout athénien est mortel
Il apparaît que la conclusion s’ensuit nécessairement si les deux prémisses sont vraies.
Lorsque cet énoncé a une portée universelle, il est appelé théorème.
Si tout homme est mortel et si tout athénien est un homme, alors il est nécessaire que tout
athénien soit mortel et nulle recherche empirique n’est à entreprendre pour s’en assurer. Cette
démonstration est en effet formellement valide : c’est en vertu de sa forme et non de
son contenu que l’argument est probant. L’exemple se laisse en effet ramener à une
forme d’argument qui est la suivante :
Tout A est B Tout C est A
Donc tout C est B
Les prémisses sont vraies et nécessaires dans le cas de la démonstration. Ce sont des axiomes
si elles sont vraies et évidentes. Des théorèmes si elles sont déduites de premier principes
clairs et évidents. Le moyen terme est l'équivalent de la cause. Le moyen terme à l'extension
moyenne. Les extrêmes ont l'extension la plus grande et la plus petite. Le moyen terme est
moyen en ce qu'il a une extension moyenne et produit une conclusion dont il est exclu.
On comprend ainsi que c’est le formalisme qui fait de la démonstration une preuve
indiscutable. Sa force apodictique provient d’une mise entre parenthèses de
l’appréhension subjective du contenu des propositions pour que la certitude ne se
manifeste que par la forme même du raisonnement. Ainsi s’explique le premier
caractère du savoir scientifique : la nécessité. Connaître scientifiquement, c’est savoir
que cela ne peut être autrement. A ce titre la vertu de la démonstration, telle que la déploie
un professeur de mathématique en cours, c’est d’habituer l’élève à une rigueur qui l’oblige à
suivre le fil de la logique, de ne plus procéder par association d’idées. La démonstration est un
modèle d’objectivité. La vertu de la démonstration est d’obliger l’esprit à s’émanciper de
toute opinion ou vue trop subjective, au sens le plus vague du terme. La contrainte logique de
la démonstration nous oblige à abandonner nos opinions personnelles, nos vues fantaisistes,
pour nous soumettre à un système et à sa logique. La démonstration est une école de
formation intellectuelle en ce sens. Elle nous apprend l’impartialité. Elle nous oblige à
reconnaître la vérité comme ce qui est indépendant de nos opinions personnelles, comme ce
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qui est valide pour tout esprit rationnel. L’enchaînement des propositions est tellement
strict qu’on ne puisse sans mauvaise foi refuser la conclusion une fois qu’on a admis les
prémisses. Dans toute déduction, l’office du lien logique est d’établir entre certaines
propositions, différentes entre elles, une connexion telle qu’un être doué de raison ne
puisse s’empêcher d’admettre l’une d’elles quand il admet les autres, et bien qu’elles
soient autres. Le raisonnement démonstratif et déductif a une force logiquement
contraignante.
Dès lors, il peut sembler juste de considérer que celui qui recherche activement la
vérité doive s’imposer de tout démontrer (exigence forte). C’est la condition pour que
son savoir soit conscient de lui-même et circonscrit à ce dont il ne peut douter parce que cela
est fermement établi. Sans démonstration, il possèdera peut-être des vérités, mais sans le
savoir avec une certitude apodictique.
C’est bien sûr en mathématiques et tout particulièrement dans la géométrie d’Euclide que
l’exigence de tout démontrer s’est d’abord imposée. Ici, l’on n’accepte pour vrai que ce qui
est démontré. Un théorème, c’est précisément une proposition démontrée. Chaque
théorème n’utilise, dans sa démonstration, que les résultats des théorèmes précédents, si bien
que Leibniz a pu dire que démontrer, c’est ramener le théorème à démontrer aux théorèmes
déjà démontrés, ou encore ramener l’inconnu au connu. « Une démonstration, écrit-il, n’est
pas autre chose que la résolution d’une vérité en d’autres vérités déjà connues. » Le
raisonnement est une suite de démonstrations ; c’est une déduction, autrement dit « une
opération par laquelle on conclut rigoureusement d’une ou de plusieurs propositions
prises pour prémisses à une proposition qui en est la conséquence nécessaire en vertu
de règles logiques. 7» Pour passer d’une étape à une autre dans le raisonnement, la
démonstration s’appuie sur le principe d’identité (« ce qui est, est », A est A) ou principe de
contradiction,(« une même chose ne peut pas à la fois être et ne pas être », A n’est pas non-A)
qui assure la rigueur de la pensée. « Toute démonstration, disait déjà Aristote, se
ramène à ce principe comme à une ultime vérité, car il est par nature un point de
départ, même pour les autres axiomes. 8»
A suivre ces analyses, on peut dire que, tout particulièrement en mathématiques, non
seulement toute vérité est démontrable, mais toute vérité doit être démontrée !
La démonstration est, au sens large, un raisonnement rigoureux et nécessaire,
constitutif du savoir : « Le savoir, dit Aristote, porte sur ce dont on possède la démonstration
ou dont on a admis la démonstration. 4» Et encore : « Ce que nous appelons savoir,
c’est connaître par le moyen de la démonstration.5 » Pourquoi cela ? Parce que la
démonstration est une espèce du genre « syllogisme » qui se distingue des autres par la
certitude apodictique (apodicticus du grec apodeiktikos : « péremptoire », qui a une évidence
de droit et non pas seulement de fait, c'est-à-dire nécessaire ») qu’elle confère à sa
conclusion. La démonstration est « le raisonnement par lequel une proposition devient
certaine » (Leibniz). Une proposition est démontrée lorsqu’on a fait fait voir qu’elle découlait
nécessairement de proposition déjà admises (déduction).
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La démonstration est « le raisonnement par lequel une proposition devient certaine »
(Leibniz). Une proposition est démontrée lorsqu’on a fait fait voir qu’elle découlait
nécessairement de proposition déjà admises (déduction).
b) La démonstration est un raisonnement rigoureux (déduction) mais tout raisonnement
rigoureux n’est pas une démonstration.
Une déduction ou raisonnement rigoureux est « un discours tel que, certaines choses étant posées,
quelque autre en résulte nécessairement par cela seul que les prémisses sont posées ». Cette formule est
celle par laquelle les Premiers Analytiques définissent le syllogisme. Le syllogisme est la forme de
raisonnement exemplaire de la logique inventée par Aristote. Il s’agit d’un discours par lequel, étant
posées des propositions de départ, les prémisses, il en résulte nécessairement une proposition finale, la
conclusion (voir Repères, p. 000). La syllogisme a été pendant longtemps tenu pour la forme exemplaire de
la déduction, et même pour celle à laquelle toute déduction rigoureuse devait finalement pouvoir se réduire.
Chez Aristote sylogisme= déduction
Le mérite d'Aristote n'est pas seulement d'avoir inventé le syllogisme sous sa forme parfaite et simple (tout
A est B, tout C est A, donc tout C est B), mais encore d'avoir fait l'inventaire de toutes les combinaisons
possibles pour en dégager les syllogismes concluants.
Un syllogisme comporte trois propositions, chacune pouvant prendre quatre formes.
Toute démonstration est un syllogisme (déduction), mais toute déduction est-elle une démonstration ?
Ainsi le syllogisme suivant qui est un raisonnement déductif (pléonasme car il n’y a de raisonnement, au
sens propre du terme, que déductif):
Exemple de raisonnement rigoureux mais faux (sophisme= intention de tromper, espèce de
paralogisme) ; paralogisme : raisonnement ou argument logique qui ne conclut pas d’une façon
correcte, ou valable, mais qui contrairement au sophisme, suppose la bonne foi:
majeure: Tout ce qui est rare est cher
mineure: or un cheval bon marché est rare
conclusion: donc un cheval bon marché est cher
La conclusion est fausse car la majeure est matériellement fausse, c'est-à-dire n’est pas en accord avec la
réalité. Mais ce syllogisme est formellement correct. La rigueur et donc la force contraignante d’un
raisonnement sont totalement indépendantes de la vérité des propositions. Aussi convient-il, non seulement
de ne pas restreindre l'office du raisonnement à l'établissement de la vérité, mais même, plus
généralement, de délier le raisonnement de tout asservissement à la vérité.
Ou encore tous les hommes sont chauves
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Or je suis un homme
Donc je suis chauve
Raisonner c’est d’abord enchaîner logiquement des propositions sans se préoccuper de leur contenu. La
logique nous indique les règles auxquelles obéissent cet enchaînement ; elle ne se préoccupe que de la
rigueur du raisonnement, de sa forme correcte. Je raisonne à partir d’une définition donnée a priori et je
ne me préoccupe que de la rigueur du raisonnement, de sa forme correcte, et non de la réalité
matérielle. Donc ce raisonnement est valide d’un point de vue logique. Le sophisme est un raisonnement qui
se donne l’apparence de la vérité. Il est faux que tout ce qui est rare est cher. La première proposition fait
d’un cas général une règle universelle (universalisation d’une généralité qui en tant que telle admet des
exceptions). . La logique naît lorsque, faisant abstraction du contenu d'une discussion, l'esprit en vient
à s'intéresser à la simple forme du raisonnement. De même que l'arithmétique s'intéresse aux nombres
sans se soucier des objets dont ils sont les nombres, de même la logique doit opérer sur des propositions sans
avoir à connaître ce qu'elles disent (une proposition exprime une relation entre deux ou plusieurs termes).
Telle est l'intuition fondatrice d'Aristote, créateur de ce qu'on appelle la logique classique, ou formelle, ou
syllogistique. Cette exigence de calcul est porté à son point extrême dans ce qu'on appelle la logique
moderne, ou logistique, qui devient un domaine à part entière des mathématiques. Être logique, c'est être
cohérent avec soi-même, ne pas vouloir être pris en faute pour une contradiction. Un discours non
logique ne pourra jamais être convaincant (ce n’est pas une condition suffisante, mais c’est une condition
nécessaire…). Raisonner, c'est lier ses arguments de façon à pouvoir convaincre son interlocuteur. La
logique naît lorsque, faisant abstraction du contenu d'une discussion, l'esprit en vient à s'intéresser à la
simple forme du raisonnement. De même que l'arithmétique s'intéresse aux nombres sans se soucier des
objets dont ils sont les nombres, de même la logique doit opérer sur des propositions sans avoir à connaître
ce qu'elles disent (une proposition exprime une relation entre deux ou plusieurs termes). Telle est l'intuition
fondatrice d'Aristote, créateur de ce qu'on appelle la logique classique, ou formelle, ou syllogistique. Cette
exigence de calcul est porté à son point extrême dans ce qu'on appelle la logique moderne, ou logistique, qui
devient un domaine à part entière des mathématiques. La déduction est une procédure d’inférence
formellement correcte, c'est-à-dire dont la validité est indépendante de la vérité matérielle du contenu.
Exemple de raisonnement non correct (paralogisme) qui veut se faire passer pour un raisonnement
rigoureux (déductif) :
Tous les hommes sont vertébrés
Or je suis un vertébrés
Donc je suis un homme.
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Vous avez tendance à dire que ce discours est un raisonnement rigoureux (déduction) ou vrai raisonnement,
parce que chaque proposition est vraie. Et pourtant il est faux, logiquement incorrect (la vérité du contenu
n’intéresse pas le logicien, mais seulement la vérité de la forme). C’est le donc qui est abusif. On le voit tout
de suite si on prend un autre exemple:
Tous les hommes sont des vertébrés
Or mon chien Médor est un vertébré
Donc mon chien Médor est un homme!
La conclusion n’est pas fausse parce que les prémisses le sont. Les prémisses sont vraies, mais parce que le
raisonnement est un incorrect. Ce n’est pas le contenu des propositions qui est faux mais le raisonnement. En
effet la classe des hommes appartient à la classe des vertébrés, et médor est un individu qui appartient à la
classe des vertébrés, mais la classe des vertébrés n’est pas incluse dans la classe des hommes; si c’était le cas
la conclusion serait vraie.
2) La preuve expérimentale : la preuve inductive
Si la démonstration mathématique prouve indiscutablement la vérité d’un théorème, du moins sa vérité
formelle, la preuve expérimentale peut-elle démontrer la vérité d’une théorie ? Prouver une hypothèse c’est
la soumettre au verdict de l’épreuve ou à l’épreuve des faits.
Le raisonnement expérimental (sciences physiques, SVT, etc.) est un raisonnement inductif ou une
induction. À la différence de la déduction qui impose des propositions de départ non supposées vraies,
l'induction se propose de chercher des lois générales à partir de l'observation de faits particuliers, sur une
base probabiliste.
L'idée de départ de l'induction était que la répétition d'un phénomène en augmente la probabilité de
le voir se reproduire. C'est là proprement la façon dont réagit le cerveau chez le chien de Pavlov par
exemple. L'accumulation de faits concordants et l'absence de contre-exemples permet ensuite d'augmenter le
niveau de plausibilité de la loi jusqu'au moment où on choisit par simplification de la considérer comme une
quasi certitude : ainsi en est-il du deuxième principe de la thermodynamique. En aucun cas, cependant, on
n'atteindra la certitude, tout contre exemple étant susceptible de remettre immédiatement cette "loi" en cause.
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De manière générale, l'induction, contrairement à la déduction, est un raisonnement
logiquement inexact, qui est appuyé par sa vérification répétée, mais qui peut être
démenti par un contre-exemple. Il est cependant universellement utilisé pour deux raisons :

À l'exclusion de la logique et des mathématiques qui consistent explicitement à poser des
axiomes arbitraires sur base desquels elles raisonnent par la déduction, toutes les autres sciences
tentent de décrire la réalité et ne peuvent le faire qu'exclusivement sur base de la vérification par
l'observation, ce qui les force à faire appel à l'induction et leur interdit toute possibilité d'utiliser la
déduction pure.

Tous les systèmes vivants fonctionnent sur base de l'induction. L'apprentissage par le cerveau
se basant sur sa confrontation avec la réalité, est essentiellement inductif, et, par extension, en intelligence
artificielle, les systèmes d'apprentissage à réseau de neurones se différencient des systèmes algorithmiques
en ce qu'ils sont inductifs, alors que les systèmes algorithmiques sont déductifs. La sélection naturelle, elle
même, en éliminant les plus faibles par la confrontation de l'espèce avec les difficultés de l'existence, est
aussi un phénomène fondamentalement inductif.
Note: il est assez curieux d'observer que le principe de déduction est infiniment plus simple que le principe d'induction, pourtant, la vie s'adapte
selon le principe d'induction et, paradoxalement, le cerveau qui est conçu pour l'induction n'est pas une machine logique : il n'intègre pas
spontanément et doit acquérir la déduction qui est pourtant plus simple.
Il faut remarquer que si l'induction est un raisonnement intrinsèquement probabiliste, il est cependant
impossible d'évaluer la probabilité sous-jacente. En effet, celle ci est une probabilité conditionnelle et restera
toujours soumise aux choix des conditions de son évaluation, sachant qu'il peut y avoir des conditions
auxquelles on n'a pas pensé et qui changeraient complètement les données du problème.
Exemple : Si je ne rencontre que des chats gris, il me sera facile d'en induire que tous les chats sont
gris avec un fort niveau de certitude. Mais si je réalise que le fait que les chats sont gris pourrait être
spécifique à la région ou je vis, et qu'il pourrait exister une autre région ou tous les chats sont roux et
encore une autre avec des chats verts (pour prendre une hypothèse réelle ET une hypothèse absurde), mon
évaluation de ce niveau de certitude en sera complètement mise en cause.
Le raisonnement inductif ou expérimental pose le problème suivant : comment à partir de
l'observation parvenir à des propositions générales susceptibles de former une théorie ? Comment à partir
de cas particuliers, conclure à l’existence de lois générales ?
Pour les probabilistes on peut résoudre le problème de l’induction en énonçant les conditions que
doit satisfaire une inférence inductive pour pouvoir être considérée comme légitime. Autrement il
s’agit de savoir à quelles conditions l’expérience scientifique peut-elle être considérée comme probante.
Si l’on généralise à partir d’un seul cas ou même de plusieurs (j’ai vu un ou des corbeaux noirs…
Donc tous les corbeaux sont noirs), on ne dispose pas d’une preuve, tout juste d’une conjecture. Pour
que l’hypothèse soit prouvée il faut disposer d’un grand nombre d’observations.
Mais quand bien même on aurait fait de nombreuses observations, si toutes ces observations dépendent de
la même circonstance particulière, d’une même condition particulière, alors la généralisation n’est pas
légitime, il faudra donc que les observations soient faites dans des circonstances variées. Enfin la simple
observation d’un cas contraire à la loi que l’on cherche à justifier, suffit à rendre illégitime la
généralisation et invalider la preuve que l’on veut établir.
Le principe d’induction qui régit la preuve expérimentale se formule alors de manière suivante : si
un grand nombre de A (par exemple : des corbeaux) ont été observés dans des circonstances variées, et si
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tous les A observés sans exception, ont la propriété B (par exemple : la propriété « être noir »), alors on
peut en inférer légitimement que tous les A sont des B (dans notre exemple : tous les corbeaux sont
noirs).
Pourtant le raisonnement inductif ne pourra jamais démontrer la vérité d’une théorie. On peut en
effet concevoir que l’on ait fait un grand nombre d’observations de corbeaux, dans des conditions variées,
et que tous ces corbeaux soient noirs, bien que pourtant il existe sur une île déserte encore inconnue au
moins un corbeau rose. Cela est tout à fait concevable.
Par conséquent si une inférence inductive peut constituer une preuve, celle-ci n’est pas une
démonstration de la vérité de l’hypothèse ou de la théorie qu’elle a pourtant confirmé.
L’observation d’un grand nombre de cas dans des circonstances variées, et sans exception, ne
garantit pas la vérité de la généralisation, même si elle renforce sa probabilité. Le principe
d’induction dans cette version probabiliste peut se formuler ainsi : si un grand nombre de A ont été
observés, dans des circonstances variées, et si tous les A observés, sans exception, ont la propriété de B,
alors, on peut en inférer légitimement que tous les A ont très probablement la propriété de B.
Si la preuve inductive, si convaincante soit-elle ne peut produire une certitude apodictique c’est
parce qu’elle n’est pas analytique comme la démonstration. . Dans l’inférence déductive ou
démonstrative la conclusion est, en effet, déjà contenue dans les prémisses. La
conclusion ne va pas au-delà de ce qui est présent dans les prémisses, elle ne fait
qu’expliciter une information qui est déjà contenue logiquement dans les prémisses.
Ainsi si je dis que « les hommes sont mortels » et que les athéniens sont des hommes », la conclusion
« les athéniens sont mortels » découle nécessairement de la simple analyse logique des deux
premières propositions. La conclusion ne fait que répéter ce que disent les prémisses. On a donc affaire
à une simple tautologie (Tautos= le même ; logos = discours). Ainsi la proposition suivante « Si un
homme est célibataire, alors il n’est pas marié » est tautologique car « être célibataire » signifie être une
personne en âge d’être mariée mais qui n’est pas actuellement mariée, et ne l’a jamais été. On ne fait donc
que répéter ce qui est déjà dans la définition. Comme le dit Leibniz, démontrer un théorème, c’est le
ramener aux théorèmes déjà connus. « Une démonstration, écrit-il, n’est pas autre chose que la
résolution d’une vérité en d’autres vérités déjà connues.» Pour passer d’une étape à une autre
dans le raisonnement, la démonstration s’appuie sur le principe d’identité (« ce qui est, est », A est
A, taultologie) ou principe de contradiction,(« une même chose ne peut pas à la fois être et ne pas être »,
A n’est pas non-A) qui assure la rigueur de la pensée. « Toute démonstration, disait déjà Aristote,
se ramène à ce principe comme à une ultime vérité, car il est par nature un point de départ,
même pour les autres axiomes»
En revanche la preuve inductive n’est jamais analytique. Dans l’inférence inductive, il y a toujours un
saut. La conclusion va au-delà de ce que les prémisses nous permettent de savoir avec une certitude
absolue. C’est parce que dans l’inférence inductive, il y a ce type de saut, que l’inférence inductive est
une inférence risquée ; même si les prémisses sont vraies il est possible que la conclusion soit fausse.
Donc la preuve inductive ne peut nullement démontrer la vérité d’une hypothèse ou d’une théorie. Mais
cela signifie-t-elle qu’elle ne démontre rien ?
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Si on ne peut inductivement prouver la vérité d’une théorie scientifique on peut du
moins en inférer sa fausseté, et cela de manière purement déductive c'est-à-dire
démonstrative. En effet si le Théorie T (par exemple la théorie de la gravitation de Newton : F = g
mm’/D²) prévoit que la conséquence C (par exemple la lune tombe sur la terre à une vitesse de 1.3
mm/seconde) va se produire, et si la conséquence C ne se produit pas alors on peut en déduire que la
théorie T est fausse par un raisonnement logique que l’on appelle modus tollens. La forme logique de ce
raisonnement est la suivante : si T, alors C, or non C, donc non T. La contraposition (ou modus tollens)
est un type de raisonnement logique consistant à affirmer une implication (« si A alors B ») et à poser
ensuite la négation du conséquent (« or, non B ») pour en déduire la négation de l'antécédent (« donc non
A »). En d'autres termes, puisque la cause d'une implication engendre la conséquence, alors l'absence de
la conséquence implique automatiquement l'absence de la cause (tollens est le participe présent du verbe
latin tollere, ôter, enlever).
La contraposition est équivalente à une implication (ou modus ponens), dont elle est considérée comme
une règle dérivée. Ainsi, la proposition contraposée de la proposition
« A implique B » ("s'il pleut, alors le sol est mouillé")
est
« non-B implique non-A » ("si le sol n'est pas mouillé, alors il ne pleut pas").
Si la première est vraie, alors la seconde l'est aussi.
Ce raisonnement implique qu’on ne peut pas prouver à partir de l’expérience qu’une théorie est
vraie, mais on peut prouver à partir de l’expérience qu’une théorie est fausse. En ce sens on peut
dire que si une expérience ne peut démontrer la vérité d’une théorie ou d’un fait elle peut du moins
en démontrer sa fausseté.
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