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qui est valide pour tout esprit rationnel. L’enchaînement des propositions est tellement
strict qu’on ne puisse sans mauvaise foi refuser la conclusion une fois qu’on a admis les
prémisses. Dans toute déduction, l’office du lien logique est d’établir entre certaines
propositions, différentes entre elles, une connexion telle qu’un être doué de raison ne
puisse s’empêcher d’admettre l’une d’elles quand il admet les autres, et bien qu’elles
soient autres. Le raisonnement démonstratif et déductif a une force logiquement
contraignante.
Dès lors, il peut sembler juste de considérer que celui qui recherche activement la
vérité doive s’imposer de tout démontrer (exigence forte). C’est la condition pour que
son savoir soit conscient de lui-même et circonscrit à ce dont il ne peut douter parce que cela
est fermement établi. Sans démonstration, il possèdera peut-être des vérités, mais sans le
savoir avec une certitude apodictique.
C’est bien sûr en mathématiques et tout particulièrement dans la géométrie d’Euclide que
l’exigence de tout démontrer s’est d’abord imposée. Ici, l’on n’accepte pour vrai que ce qui
est démontré. Un théorème, c’est précisément une proposition démontrée. Chaque
théorème n’utilise, dans sa démonstration, que les résultats des théorèmes précédents, si bien
que Leibniz a pu dire que démontrer, c’est ramener le théorème à démontrer aux théorèmes
déjà démontrés, ou encore ramener l’inconnu au connu. « Une démonstration, écrit-il, n’est
pas autre chose que la résolution d’une vérité en d’autres vérités déjà connues. » Le
raisonnement est une suite de démonstrations ; c’est une déduction, autrement dit « une
opération par laquelle on conclut rigoureusement d’une ou de plusieurs propositions
prises pour prémisses à une proposition qui en est la conséquence nécessaire en vertu
de règles logiques. 7» Pour passer d’une étape à une autre dans le raisonnement, la
démonstration s’appuie sur le principe d’identité (« ce qui est, est », A est A) ou principe de
contradiction,(« une même chose ne peut pas à la fois être et ne pas être », A n’est pas non-A)
qui assure la rigueur de la pensée. « Toute démonstration, disait déjà Aristote, se
ramène à ce principe comme à une ultime vérité, car il est par nature un point de
départ, même pour les autres axiomes. 8»
A suivre ces analyses, on peut dire que, tout particulièrement en mathématiques, non
seulement toute vérité est démontrable, mais toute vérité doit être démontrée !
La démonstration est, au sens large, un raisonnement rigoureux et nécessaire,
constitutif du savoir : « Le savoir, dit Aristote, porte sur ce dont on possède la démonstration
ou dont on a admis la démonstration. 4» Et encore : « Ce que nous appelons savoir,
c’est connaître par le moyen de la démonstration.5 » Pourquoi cela ? Parce que la
démonstration est une espèce du genre « syllogisme » qui se distingue des autres par la
certitude apodictique (apodicticus du grec apodeiktikos : « péremptoire », qui a une évidence
de droit et non pas seulement de fait, c'est-à-dire nécessaire ») qu’elle confère à sa
conclusion. La démonstration est « le raisonnement par lequel une proposition devient
certaine » (Leibniz). Une proposition est démontrée lorsqu’on a fait fait voir qu’elle découlait
nécessairement de proposition déjà admises (déduction).