1 Raisonner Raisonner, c'est lier ses arguments de façon à pouvoir convaincre son interlocuteur. Justifier ou prouver une proposition en la rattachant à d’autres propositions. Pour qu’il y ait raisonnement il faut qu’un lien logique rattache une proposition à d’autres propositions. Si ce lien est celui de l’habitude ou s’il est d’ordre purement affectif, il n’y a pas de raisonnement. La pensée peut très bien ne pas raisonner: rêver, avoir une intuition, ce qui n'est pas raisonner. Toute représentation de l'esprit est une pensée. On peut penser à une chose qui nous fait penser à autre chose, etc. La pensée souvent divague (c’est la rêverie…). La raison elle est contraignante…c’est une violence exercée sur l’esprit. L’utilité du raisonnement : s’assurer de la vérité de propositions qui ne sont pas immédiatement évidentes. La vérité de certaines propositions m’est connue directement, et il n’y a pas besoin de preuve : le soleil chauffe. J’ai deux bras et deux jambes, etc. Il y en a d’autres que j’admets en faisant simplement confiance à ceux qui me les ont enseignées : l’orbite des planètes est elliptique, Napoléon est mort à Sainte-Hélène, etc. Mais il y en aussi dont la vérité ne m’est connue qu’indirectement, grâce à la liaison logique qu’elles entretiennent avec certaines autres que, j’ai préalablement admises comme vraies. Il y a trois principales formes de raisonnement que vous devez utiliser dans vos études : la démonstration, la preuve et l’argumentation. Démontrer, prouver et argumenter, c'est à chaque fois raisonner. Mais dans des champs, selon des modalités et des finalités différents. Ils renvoient tous trois à des activités de la pensée rigoureuse -celle qui prend la forme de raisonnements I La démonstration a) La rigueur démonstrative : La démonstration mathématique est essentiellement de type déductif. Elle consiste à tirer une ou des conséquences de principes (axiomes) et en s'aidant de propriétés préalablement démontrées, ou admises; seul un énoncé démontré peut être dit vrai. Lorsque 2 cet énoncé a une portée universelle, il est appelé théorème. Un énoncé mathématique que l'on pense être vrai mais que l'on n'a pas encore réussi à démontrer s'appelle conjecture. Les Éléments d'Euclide (né vers -325, mort vers -265 à Alexandrie) est un mathématicien de la Grèce antique) sont le premier ouvrage à présenter des démonstrations et non seulement, comme le firent les codes babyloniens et égyptiens, des résultats et des formules. Voici comment Euclide démontre l'existence d'une infinité de nombres premiers. Pour construire un nombre premier plus grand qu'un entier n, il suffit, fait observer Euclide, de calculer le produit p de tous les entiers, de I jusqu'à n, et d'ajouter I. On obtient ainsi un nombre N égal à p + I, lequel ne peut pas être divisible par des nombres inférieurs à n (en effet, p est par construction divisible par tous les membres inférieurs à n mais pas I ). Par conséquent, N est soit premier, soit divisible par des nombres premiers plus grands que n ; dans les deux cas, il existe alors un nombre premier supérieur à n et cela quelle que soit la valeur choisie pour n. D'où l'existence d'une infinité de nombres premiers. Lorsque Euclide imposera à l’ensemble du discours mathématique la forme déductive, nul ne mettra en doute qu’un tel discours soit réductible à une succession de syllogismes. La démonstration est un parcours de la pensée (elle comprend un point de départ, un cheminement et un point d'arrivée) en même temps que son résultat global. Il semble qu’un raisonnement qui ne part pas de prémisses admises par tous et qui n’en tire pas des conséquences évidentes pour tout le monde ne soit pas une preuve. Voici un exemple de preuve illustrée par le dessin suivant : On trace la droite parallèle à AC qui passe par le point B. Alors, par symétrie, les angles c et c’ sont égaux, de même que les angles a et a’. Donc a+b+c=a’+b+c’. Or a’+b+c’ est l’angle d’une droite “avec elle-même”, donc vaut 180°. 3 Ce raisonnement, mathématique, est une démonstration. C’est une démonstration parce que les points de départ sont des affirmations vraies (prémisses) et que la conclusion qui en résulte est nécessairement vraie 2) si les prémisses sont des idées admises, il ne s’agit pas d’une démonstration mais d’une simple preuve. Tout homme est mortel Tout athénien est un homme Donc tout athénien est mortel Il apparaît que la conclusion s’ensuit nécessairement si les deux prémisses sont vraies. Lorsque cet énoncé a une portée universelle, il est appelé théorème. Si tout homme est mortel et si tout athénien est un homme, alors il est nécessaire que tout athénien soit mortel et nulle recherche empirique n’est à entreprendre pour s’en assurer. Cette démonstration est en effet formellement valide : c’est en vertu de sa forme et non de son contenu que l’argument est probant. L’exemple se laisse en effet ramener à une forme d’argument qui est la suivante : Tout A est B Tout C est A Donc tout C est B Les prémisses sont vraies et nécessaires dans le cas de la démonstration. Ce sont des axiomes si elles sont vraies et évidentes. Des théorèmes si elles sont déduites de premier principes clairs et évidents. Le moyen terme est l'équivalent de la cause. Le moyen terme à l'extension moyenne. Les extrêmes ont l'extension la plus grande et la plus petite. Le moyen terme est moyen en ce qu'il a une extension moyenne et produit une conclusion dont il est exclu. On comprend ainsi que c’est le formalisme qui fait de la démonstration une preuve indiscutable. Sa force apodictique provient d’une mise entre parenthèses de l’appréhension subjective du contenu des propositions pour que la certitude ne se manifeste que par la forme même du raisonnement. Ainsi s’explique le premier caractère du savoir scientifique : la nécessité. Connaître scientifiquement, c’est savoir que cela ne peut être autrement. A ce titre la vertu de la démonstration, telle que la déploie un professeur de mathématique en cours, c’est d’habituer l’élève à une rigueur qui l’oblige à suivre le fil de la logique, de ne plus procéder par association d’idées. La démonstration est un modèle d’objectivité. La vertu de la démonstration est d’obliger l’esprit à s’émanciper de toute opinion ou vue trop subjective, au sens le plus vague du terme. La contrainte logique de la démonstration nous oblige à abandonner nos opinions personnelles, nos vues fantaisistes, pour nous soumettre à un système et à sa logique. La démonstration est une école de formation intellectuelle en ce sens. Elle nous apprend l’impartialité. Elle nous oblige à reconnaître la vérité comme ce qui est indépendant de nos opinions personnelles, comme ce 4 qui est valide pour tout esprit rationnel. L’enchaînement des propositions est tellement strict qu’on ne puisse sans mauvaise foi refuser la conclusion une fois qu’on a admis les prémisses. Dans toute déduction, l’office du lien logique est d’établir entre certaines propositions, différentes entre elles, une connexion telle qu’un être doué de raison ne puisse s’empêcher d’admettre l’une d’elles quand il admet les autres, et bien qu’elles soient autres. Le raisonnement démonstratif et déductif a une force logiquement contraignante. Dès lors, il peut sembler juste de considérer que celui qui recherche activement la vérité doive s’imposer de tout démontrer (exigence forte). C’est la condition pour que son savoir soit conscient de lui-même et circonscrit à ce dont il ne peut douter parce que cela est fermement établi. Sans démonstration, il possèdera peut-être des vérités, mais sans le savoir avec une certitude apodictique. C’est bien sûr en mathématiques et tout particulièrement dans la géométrie d’Euclide que l’exigence de tout démontrer s’est d’abord imposée. Ici, l’on n’accepte pour vrai que ce qui est démontré. Un théorème, c’est précisément une proposition démontrée. Chaque théorème n’utilise, dans sa démonstration, que les résultats des théorèmes précédents, si bien que Leibniz a pu dire que démontrer, c’est ramener le théorème à démontrer aux théorèmes déjà démontrés, ou encore ramener l’inconnu au connu. « Une démonstration, écrit-il, n’est pas autre chose que la résolution d’une vérité en d’autres vérités déjà connues. » Le raisonnement est une suite de démonstrations ; c’est une déduction, autrement dit « une opération par laquelle on conclut rigoureusement d’une ou de plusieurs propositions prises pour prémisses à une proposition qui en est la conséquence nécessaire en vertu de règles logiques. 7» Pour passer d’une étape à une autre dans le raisonnement, la démonstration s’appuie sur le principe d’identité (« ce qui est, est », A est A) ou principe de contradiction,(« une même chose ne peut pas à la fois être et ne pas être », A n’est pas non-A) qui assure la rigueur de la pensée. « Toute démonstration, disait déjà Aristote, se ramène à ce principe comme à une ultime vérité, car il est par nature un point de départ, même pour les autres axiomes. 8» A suivre ces analyses, on peut dire que, tout particulièrement en mathématiques, non seulement toute vérité est démontrable, mais toute vérité doit être démontrée ! La démonstration est, au sens large, un raisonnement rigoureux et nécessaire, constitutif du savoir : « Le savoir, dit Aristote, porte sur ce dont on possède la démonstration ou dont on a admis la démonstration. 4» Et encore : « Ce que nous appelons savoir, c’est connaître par le moyen de la démonstration.5 » Pourquoi cela ? Parce que la démonstration est une espèce du genre « syllogisme » qui se distingue des autres par la certitude apodictique (apodicticus du grec apodeiktikos : « péremptoire », qui a une évidence de droit et non pas seulement de fait, c'est-à-dire nécessaire ») qu’elle confère à sa conclusion. La démonstration est « le raisonnement par lequel une proposition devient certaine » (Leibniz). Une proposition est démontrée lorsqu’on a fait fait voir qu’elle découlait nécessairement de proposition déjà admises (déduction). 5 La démonstration est « le raisonnement par lequel une proposition devient certaine » (Leibniz). Une proposition est démontrée lorsqu’on a fait fait voir qu’elle découlait nécessairement de proposition déjà admises (déduction). b) La démonstration est un raisonnement rigoureux (déduction) mais tout raisonnement rigoureux n’est pas une démonstration. Une déduction ou raisonnement rigoureux est « un discours tel que, certaines choses étant posées, quelque autre en résulte nécessairement par cela seul que les prémisses sont posées ». Cette formule est celle par laquelle les Premiers Analytiques définissent le syllogisme. Le syllogisme est la forme de raisonnement exemplaire de la logique inventée par Aristote. Il s’agit d’un discours par lequel, étant posées des propositions de départ, les prémisses, il en résulte nécessairement une proposition finale, la conclusion (voir Repères, p. 000). La syllogisme a été pendant longtemps tenu pour la forme exemplaire de la déduction, et même pour celle à laquelle toute déduction rigoureuse devait finalement pouvoir se réduire. Chez Aristote sylogisme= déduction Le mérite d'Aristote n'est pas seulement d'avoir inventé le syllogisme sous sa forme parfaite et simple (tout A est B, tout C est A, donc tout C est B), mais encore d'avoir fait l'inventaire de toutes les combinaisons possibles pour en dégager les syllogismes concluants. Un syllogisme comporte trois propositions, chacune pouvant prendre quatre formes. Toute démonstration est un syllogisme (déduction), mais toute déduction est-elle une démonstration ? Ainsi le syllogisme suivant qui est un raisonnement déductif (pléonasme car il n’y a de raisonnement, au sens propre du terme, que déductif): Exemple de raisonnement rigoureux mais faux (sophisme= intention de tromper, espèce de paralogisme) ; paralogisme : raisonnement ou argument logique qui ne conclut pas d’une façon correcte, ou valable, mais qui contrairement au sophisme, suppose la bonne foi: majeure: Tout ce qui est rare est cher mineure: or un cheval bon marché est rare conclusion: donc un cheval bon marché est cher La conclusion est fausse car la majeure est matériellement fausse, c'est-à-dire n’est pas en accord avec la réalité. Mais ce syllogisme est formellement correct. La rigueur et donc la force contraignante d’un raisonnement sont totalement indépendantes de la vérité des propositions. Aussi convient-il, non seulement de ne pas restreindre l'office du raisonnement à l'établissement de la vérité, mais même, plus généralement, de délier le raisonnement de tout asservissement à la vérité. Ou encore tous les hommes sont chauves 6 Or je suis un homme Donc je suis chauve Raisonner c’est d’abord enchaîner logiquement des propositions sans se préoccuper de leur contenu. La logique nous indique les règles auxquelles obéissent cet enchaînement ; elle ne se préoccupe que de la rigueur du raisonnement, de sa forme correcte. Je raisonne à partir d’une définition donnée a priori et je ne me préoccupe que de la rigueur du raisonnement, de sa forme correcte, et non de la réalité matérielle. Donc ce raisonnement est valide d’un point de vue logique. Le sophisme est un raisonnement qui se donne l’apparence de la vérité. Il est faux que tout ce qui est rare est cher. La première proposition fait d’un cas général une règle universelle (universalisation d’une généralité qui en tant que telle admet des exceptions). . La logique naît lorsque, faisant abstraction du contenu d'une discussion, l'esprit en vient à s'intéresser à la simple forme du raisonnement. De même que l'arithmétique s'intéresse aux nombres sans se soucier des objets dont ils sont les nombres, de même la logique doit opérer sur des propositions sans avoir à connaître ce qu'elles disent (une proposition exprime une relation entre deux ou plusieurs termes). Telle est l'intuition fondatrice d'Aristote, créateur de ce qu'on appelle la logique classique, ou formelle, ou syllogistique. Cette exigence de calcul est porté à son point extrême dans ce qu'on appelle la logique moderne, ou logistique, qui devient un domaine à part entière des mathématiques. Être logique, c'est être cohérent avec soi-même, ne pas vouloir être pris en faute pour une contradiction. Un discours non logique ne pourra jamais être convaincant (ce n’est pas une condition suffisante, mais c’est une condition nécessaire…). Raisonner, c'est lier ses arguments de façon à pouvoir convaincre son interlocuteur. La logique naît lorsque, faisant abstraction du contenu d'une discussion, l'esprit en vient à s'intéresser à la simple forme du raisonnement. De même que l'arithmétique s'intéresse aux nombres sans se soucier des objets dont ils sont les nombres, de même la logique doit opérer sur des propositions sans avoir à connaître ce qu'elles disent (une proposition exprime une relation entre deux ou plusieurs termes). Telle est l'intuition fondatrice d'Aristote, créateur de ce qu'on appelle la logique classique, ou formelle, ou syllogistique. Cette exigence de calcul est porté à son point extrême dans ce qu'on appelle la logique moderne, ou logistique, qui devient un domaine à part entière des mathématiques. La déduction est une procédure d’inférence formellement correcte, c'est-à-dire dont la validité est indépendante de la vérité matérielle du contenu. Exemple de raisonnement non correct (paralogisme) qui veut se faire passer pour un raisonnement rigoureux (déductif) : Tous les hommes sont vertébrés Or je suis un vertébrés Donc je suis un homme. 7 Vous avez tendance à dire que ce discours est un raisonnement rigoureux (déduction) ou vrai raisonnement, parce que chaque proposition est vraie. Et pourtant il est faux, logiquement incorrect (la vérité du contenu n’intéresse pas le logicien, mais seulement la vérité de la forme). C’est le donc qui est abusif. On le voit tout de suite si on prend un autre exemple: Tous les hommes sont des vertébrés Or mon chien Médor est un vertébré Donc mon chien Médor est un homme! La conclusion n’est pas fausse parce que les prémisses le sont. Les prémisses sont vraies, mais parce que le raisonnement est un incorrect. Ce n’est pas le contenu des propositions qui est faux mais le raisonnement. En effet la classe des hommes appartient à la classe des vertébrés, et médor est un individu qui appartient à la classe des vertébrés, mais la classe des vertébrés n’est pas incluse dans la classe des hommes; si c’était le cas la conclusion serait vraie. 2) La preuve expérimentale : la preuve inductive Si la démonstration mathématique prouve indiscutablement la vérité d’un théorème, du moins sa vérité formelle, la preuve expérimentale peut-elle démontrer la vérité d’une théorie ? Prouver une hypothèse c’est la soumettre au verdict de l’épreuve ou à l’épreuve des faits. Le raisonnement expérimental (sciences physiques, SVT, etc.) est un raisonnement inductif ou une induction. À la différence de la déduction qui impose des propositions de départ non supposées vraies, l'induction se propose de chercher des lois générales à partir de l'observation de faits particuliers, sur une base probabiliste. L'idée de départ de l'induction était que la répétition d'un phénomène en augmente la probabilité de le voir se reproduire. C'est là proprement la façon dont réagit le cerveau chez le chien de Pavlov par exemple. L'accumulation de faits concordants et l'absence de contre-exemples permet ensuite d'augmenter le niveau de plausibilité de la loi jusqu'au moment où on choisit par simplification de la considérer comme une quasi certitude : ainsi en est-il du deuxième principe de la thermodynamique. En aucun cas, cependant, on n'atteindra la certitude, tout contre exemple étant susceptible de remettre immédiatement cette "loi" en cause. 8 De manière générale, l'induction, contrairement à la déduction, est un raisonnement logiquement inexact, qui est appuyé par sa vérification répétée, mais qui peut être démenti par un contre-exemple. Il est cependant universellement utilisé pour deux raisons : À l'exclusion de la logique et des mathématiques qui consistent explicitement à poser des axiomes arbitraires sur base desquels elles raisonnent par la déduction, toutes les autres sciences tentent de décrire la réalité et ne peuvent le faire qu'exclusivement sur base de la vérification par l'observation, ce qui les force à faire appel à l'induction et leur interdit toute possibilité d'utiliser la déduction pure. Tous les systèmes vivants fonctionnent sur base de l'induction. L'apprentissage par le cerveau se basant sur sa confrontation avec la réalité, est essentiellement inductif, et, par extension, en intelligence artificielle, les systèmes d'apprentissage à réseau de neurones se différencient des systèmes algorithmiques en ce qu'ils sont inductifs, alors que les systèmes algorithmiques sont déductifs. La sélection naturelle, elle même, en éliminant les plus faibles par la confrontation de l'espèce avec les difficultés de l'existence, est aussi un phénomène fondamentalement inductif. Note: il est assez curieux d'observer que le principe de déduction est infiniment plus simple que le principe d'induction, pourtant, la vie s'adapte selon le principe d'induction et, paradoxalement, le cerveau qui est conçu pour l'induction n'est pas une machine logique : il n'intègre pas spontanément et doit acquérir la déduction qui est pourtant plus simple. Il faut remarquer que si l'induction est un raisonnement intrinsèquement probabiliste, il est cependant impossible d'évaluer la probabilité sous-jacente. En effet, celle ci est une probabilité conditionnelle et restera toujours soumise aux choix des conditions de son évaluation, sachant qu'il peut y avoir des conditions auxquelles on n'a pas pensé et qui changeraient complètement les données du problème. Exemple : Si je ne rencontre que des chats gris, il me sera facile d'en induire que tous les chats sont gris avec un fort niveau de certitude. Mais si je réalise que le fait que les chats sont gris pourrait être spécifique à la région ou je vis, et qu'il pourrait exister une autre région ou tous les chats sont roux et encore une autre avec des chats verts (pour prendre une hypothèse réelle ET une hypothèse absurde), mon évaluation de ce niveau de certitude en sera complètement mise en cause. Le raisonnement inductif ou expérimental pose le problème suivant : comment à partir de l'observation parvenir à des propositions générales susceptibles de former une théorie ? Comment à partir de cas particuliers, conclure à l’existence de lois générales ? Pour les probabilistes on peut résoudre le problème de l’induction en énonçant les conditions que doit satisfaire une inférence inductive pour pouvoir être considérée comme légitime. Autrement il s’agit de savoir à quelles conditions l’expérience scientifique peut-elle être considérée comme probante. Si l’on généralise à partir d’un seul cas ou même de plusieurs (j’ai vu un ou des corbeaux noirs… Donc tous les corbeaux sont noirs), on ne dispose pas d’une preuve, tout juste d’une conjecture. Pour que l’hypothèse soit prouvée il faut disposer d’un grand nombre d’observations. Mais quand bien même on aurait fait de nombreuses observations, si toutes ces observations dépendent de la même circonstance particulière, d’une même condition particulière, alors la généralisation n’est pas légitime, il faudra donc que les observations soient faites dans des circonstances variées. Enfin la simple observation d’un cas contraire à la loi que l’on cherche à justifier, suffit à rendre illégitime la généralisation et invalider la preuve que l’on veut établir. Le principe d’induction qui régit la preuve expérimentale se formule alors de manière suivante : si un grand nombre de A (par exemple : des corbeaux) ont été observés dans des circonstances variées, et si 9 tous les A observés sans exception, ont la propriété B (par exemple : la propriété « être noir »), alors on peut en inférer légitimement que tous les A sont des B (dans notre exemple : tous les corbeaux sont noirs). Pourtant le raisonnement inductif ne pourra jamais démontrer la vérité d’une théorie. On peut en effet concevoir que l’on ait fait un grand nombre d’observations de corbeaux, dans des conditions variées, et que tous ces corbeaux soient noirs, bien que pourtant il existe sur une île déserte encore inconnue au moins un corbeau rose. Cela est tout à fait concevable. Par conséquent si une inférence inductive peut constituer une preuve, celle-ci n’est pas une démonstration de la vérité de l’hypothèse ou de la théorie qu’elle a pourtant confirmé. L’observation d’un grand nombre de cas dans des circonstances variées, et sans exception, ne garantit pas la vérité de la généralisation, même si elle renforce sa probabilité. Le principe d’induction dans cette version probabiliste peut se formuler ainsi : si un grand nombre de A ont été observés, dans des circonstances variées, et si tous les A observés, sans exception, ont la propriété de B, alors, on peut en inférer légitimement que tous les A ont très probablement la propriété de B. Si la preuve inductive, si convaincante soit-elle ne peut produire une certitude apodictique c’est parce qu’elle n’est pas analytique comme la démonstration. . Dans l’inférence déductive ou démonstrative la conclusion est, en effet, déjà contenue dans les prémisses. La conclusion ne va pas au-delà de ce qui est présent dans les prémisses, elle ne fait qu’expliciter une information qui est déjà contenue logiquement dans les prémisses. Ainsi si je dis que « les hommes sont mortels » et que les athéniens sont des hommes », la conclusion « les athéniens sont mortels » découle nécessairement de la simple analyse logique des deux premières propositions. La conclusion ne fait que répéter ce que disent les prémisses. On a donc affaire à une simple tautologie (Tautos= le même ; logos = discours). Ainsi la proposition suivante « Si un homme est célibataire, alors il n’est pas marié » est tautologique car « être célibataire » signifie être une personne en âge d’être mariée mais qui n’est pas actuellement mariée, et ne l’a jamais été. On ne fait donc que répéter ce qui est déjà dans la définition. Comme le dit Leibniz, démontrer un théorème, c’est le ramener aux théorèmes déjà connus. « Une démonstration, écrit-il, n’est pas autre chose que la résolution d’une vérité en d’autres vérités déjà connues.» Pour passer d’une étape à une autre dans le raisonnement, la démonstration s’appuie sur le principe d’identité (« ce qui est, est », A est A, taultologie) ou principe de contradiction,(« une même chose ne peut pas à la fois être et ne pas être », A n’est pas non-A) qui assure la rigueur de la pensée. « Toute démonstration, disait déjà Aristote, se ramène à ce principe comme à une ultime vérité, car il est par nature un point de départ, même pour les autres axiomes» En revanche la preuve inductive n’est jamais analytique. Dans l’inférence inductive, il y a toujours un saut. La conclusion va au-delà de ce que les prémisses nous permettent de savoir avec une certitude absolue. C’est parce que dans l’inférence inductive, il y a ce type de saut, que l’inférence inductive est une inférence risquée ; même si les prémisses sont vraies il est possible que la conclusion soit fausse. Donc la preuve inductive ne peut nullement démontrer la vérité d’une hypothèse ou d’une théorie. Mais cela signifie-t-elle qu’elle ne démontre rien ? 10 Si on ne peut inductivement prouver la vérité d’une théorie scientifique on peut du moins en inférer sa fausseté, et cela de manière purement déductive c'est-à-dire démonstrative. En effet si le Théorie T (par exemple la théorie de la gravitation de Newton : F = g mm’/D²) prévoit que la conséquence C (par exemple la lune tombe sur la terre à une vitesse de 1.3 mm/seconde) va se produire, et si la conséquence C ne se produit pas alors on peut en déduire que la théorie T est fausse par un raisonnement logique que l’on appelle modus tollens. La forme logique de ce raisonnement est la suivante : si T, alors C, or non C, donc non T. La contraposition (ou modus tollens) est un type de raisonnement logique consistant à affirmer une implication (« si A alors B ») et à poser ensuite la négation du conséquent (« or, non B ») pour en déduire la négation de l'antécédent (« donc non A »). En d'autres termes, puisque la cause d'une implication engendre la conséquence, alors l'absence de la conséquence implique automatiquement l'absence de la cause (tollens est le participe présent du verbe latin tollere, ôter, enlever). La contraposition est équivalente à une implication (ou modus ponens), dont elle est considérée comme une règle dérivée. Ainsi, la proposition contraposée de la proposition « A implique B » ("s'il pleut, alors le sol est mouillé") est « non-B implique non-A » ("si le sol n'est pas mouillé, alors il ne pleut pas"). Si la première est vraie, alors la seconde l'est aussi. Ce raisonnement implique qu’on ne peut pas prouver à partir de l’expérience qu’une théorie est vraie, mais on peut prouver à partir de l’expérience qu’une théorie est fausse. En ce sens on peut dire que si une expérience ne peut démontrer la vérité d’une théorie ou d’un fait elle peut du moins en démontrer sa fausseté.