Burnout et dépression – chevauchement, délimitation

publicité
cabinet
Burnout et dépression –
chevauchement, délimitation
Toni Brühlmann
Privatklinik Hohenegg, Psychiatrie, Psychosomatik und Psychotherapie, Meilen
Quintessence
P L’évolution actuelle de la société représente un facteur de risque aussi
bien pour le burnout que pour la dépression.
P Le diagnostic descriptif ne permet pas de délimiter le syndrome du
burnout du syndrome dépressif de façon suffisante. Le degré de gravité
de ces syndromes permet de les différencier avec toutefois un certain
chevauchement.
P Le cycle du stress psychique met en évidence des différences entre la
pathogenèse du burnout et celle de la dépression: il existe une spirale
ascendante (modèle combattif) dans le cas du burnout, et une spirale
descendante (modèle conservateur) dans celui de la dépression.
P Le traitement du burnout comprend certaines approches spécifiques:
la gestion du stress, ou encore le réajustement de l’équilibre vital intérieur
et extérieur.
Bien que le «burnout» ne soit pas un diagnostic établi officiellement, la pratique soulève régulièrement la question
de comment distinguer un burnout d’une dépression? La
réponse n’est pas aisée. Il vaut la peine de mieux distinguer les périmètres du burnout et de la dépression, et de
s’appuyer sur la réponse aux quatre questions suivantes:
1. Dans l’évolution de la société, existe-t-il un critère
étiologique qui permet de différencier le burnout de
la dépression?
2. Peut-on différencier le burnout de la dépression par
une approche descriptive?
3. A partir de la théorie du stress, peut-on distinguer la
pathogenèse de la dépression de celle du burnout?
4. Dans quelle mesure burnout et dépression se distinguent-ils au niveau du traitement?
L’évolution de la société: un facteur causal
Toni Brühlmann
L’auteur certifie
qu’aucun conflit
d’intérêt n’est
lié à cet article.
La situation actuelle de la société et le burnout sont en
rapport étroit. Deux ouvrages célèbres de sociologie expliquent ce phénomène.
Le sociologue anglais Richard Sennett a publié en 1998
son livre «The Corrosion of Character» (paru en français
sous le titre «Le travail sans qualités»). Il y décrit l’érosion
et la destruction du caractère humain sous l’effet de l’évolution socio-économique. A l’ère de la flexibilité superficielle1, il n’y a plus de place pour la capacité de relation et
la profondeur. Devenue impérative, cette flexibilité recèle
le risque de «drifting», de dérive sans but. Chacun doit agir
en fonction du succès momentané et immédiat. Tout ce qui
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article
à la page 142 ou sur Internet sous www.smf-cme.ch.
est stable et structurant est voué à la destruction. L’être humain ne peut plus grandir dans l’intégration. Que ce soit
sur le plan de l’entreprise ou au niveau individuel, le morcellement est omniprésent. L’entreprise globalisée doit
croître sans cesse et elle ne s’organise plus autour d’une
unité centrale et intégrante: elle forme un amas d’unités
faiblement interconnectées, dans lequel l’identité individuelle n’est plus qu’un assemblage disparate de rôles sociaux et de modèles identitaires souvent contradictoires. Il
en résulte ce que Sennett nomme «la force des rapports
faibles»: au lieu de prendre racine dans la loyauté et la
confiance, les rapports ne durent que le temps de leur utilité. Même le travail en équipe ne repose plus sur une solidarité plus ou moins profonde; il est devenu un masque
d’esprit coopératif, ou encore ce que Sennett nomme «une
expérience collective de superficialité dégradante».
Dans un autre ouvrage intitulé «Das unternehmerische
Selbst», et publié en 2007, le sociologue allemand Ulrich
Bröckling dresse un portrait pertinent de la société actuelle. Il met en lumière la puissance croissante de l’économie et du commerce à notre époque. On a beau parler
de société de performance, ce qui compte réellement aujourd’hui, ce sont les raffinements du marketing et non
les performances. Qui veut survivre doit prendre sa vie
comme une entreprise: l’analyse coût-efficacité détermine
les champs sociaux et professionnels, il faut en rendre
compte à soi-même avant tout («self commitment»), s’imposer une discipline et mobiliser ses propres forces («self
empowerment»), et se vendre sous le meilleur angle («self
marketing»). Le «moi» et la «vie» deviennent des projets,
il faut les soumettre à la planification stratégique: «coach
yourself»! S’y ajoute la gestion de la qualité, qui devient
le diktat de l’optimisation continue sous laquelle se cache
un instrument de pouvoir, que ce soit dans les entreprises
ou dans le rapport à soi-même («autogouvernance»). Dans
le domaine social, le soi entrepreneurial conçoit ses relations comme des contrats: il s’agit d’intégrer l’égoïsme de
l’autre dans une forme de rapports qui n’est pas motivée
par un engagement éthique mais par un objectif stratégique gagnant-gagnant.
Or cette forme de société ne suffit pas à la nature humaine: l’homme est prédestiné à plus que cela. La dureté
de la compétition montre, à l’évidence, qu’elle est capable
de le réduire en cendres. Forte de ce constat, la réflexion
sur l’esprit de notre époque aurait-elle révélé un facteur
causal distinguant le burnout de la dépression? Il n’en est
rien. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter un autre
ouvrage de sociologie fort connu: «La Fatigue d’être soi»,
publié en 1998 par le sociologue français Alain Ehren-
1 En allemand, l’ouvrage de Sennett s’intitule «Der flexible Mensch».
Forum Med Suisse 2010;10(8):148–151
148
cabinet
Syndrome d’épuisement
Dépersonnalisation (aliénation, cynisme)
Manque d’efficacité/diminution des performances
Figure 1
Enchaînement des symptômes caractéristiques du burnout.
berg. Il y décrit la dépression comme étant la pathologie à
la mode caractérisant notre époque. Nous devons nous redéfinir à tout moment pour rester concurrentiels dans une
société trépidante et performante. Les modèles structurants et les traditions stables sont absents. Rien n’est interdit et tout est possible. Dans «l’évangile de l’épanouissement personnel», on est appelé à être le maître et
l’administrateur de sa propre personne. Il faut agir avec
efficacité et performance. Lorsque les forces viennent à
fléchir et que l’on ressent «la fatigue d’être soi», la dépression guette au tournant. Elle ne serait plus aujourd’hui un
trouble primaire de l’humeur, mais plutôt une inhibition
de l’activité, une paralysie de l’action. Elle représente «la
tragédie de l’insuffisance» qui fait basculer le «tout est
possible» vers le «plus rien n’est possible». De nos jours,
les dépressifs souffrent davantage de la honte de leur incapacité que d’un conflit chargé de culpabilité. Par conséquent, le traitement de la dépression s’oriente vers la réparation, la restauration de la capacité d’agir et le bien-être
(wellness), et un peu moins vers la résolution de conflits
et la capacité de supporter la souffrance.
Ces trois ouvrages de critique sociale publiés par des sociologues éminents montrent clairement que la sociogenèse
n’est pas en mesure de délimiter l’étiologie de la dépression de celle du burnout. Dans notre société, le tout-économique déborde du monde du travail pour s’infiltrer dans
chaque individu et l’imprégner dans son attitude personnelle et son identité. Par conséquent, le burnout n’est pas
spécifique à la vie professionnelle. Même s’il n’exerce pas
de profession, l’«être humain flexible» ou le «soi entrepreneurial» courent un risque plus élevé de burnout. Certains
auteurs prétendent que la notion de burnout ne s’applique
qu’au travail [1]. Mais en défendant ce point de vue, ils
s’accrochent à une spécificité illusoire au lieu de chercher
à comprendre vraiment le processus en cours dans le
burnout. D’autres auteurs reconnus refusent de limiter le
burnout à la sphère du travail [2].
Le diagnostic descriptif
La question de la différenciation des symptômes est au
cœur du diagnostic psychiatrique, de nos jours presque
exclusivement descriptif. Personne ne conteste que le
symptôme principal du burnout reste l’épuisement, et il
peut affecter toutes les dimensionnalités de l’être humain
(épuisement cognitif, émotionnel, motivationnel et physique). Il en découle une dépersonnalisation (l’on n’est
plus soi-même, les autres nous perçoivent comme plus
distants, plus négatifs, parfois cyniques) et une diminution
des performances (fig. 1 x). Cependant, l’épuisement
sous forme de perte d’énergie est tout aussi bien un
symptôme central de la dépression (abattement, tristesse,
appauvrissement de la pensée, perte d’intérêt, perte
d’initiative). Le lien explicite entre l’épuisement et la dépression n’est pas nouveau dans le diagnostic psychiatrique: Kielholz parlait à ce propos de dépression d’épuisement et Bräutigam de réaction d’épuisement.
En travaillant sur la base d’hypothèses, on cherche à différencier l’épuisement de burnout de celui de dépression.
A cet égard, la question «Que feriez-vous si vous n’étiez
pas aussi épuisé?» est considérée comme une question clinique cruciale pour distinguer les patients souffrant de
burnout des patients dépressifs [3], les premiers étant en
mesure d’imaginer des activités possibles, les seconds
non. S’il est vrai que cette question permet de former deux
groupes, elle ne fournit toujours pas de spécificité pour la
différenciation diagnostique en pratique clinique. Les réponses expriment plutôt la sévérité des manifestations et
la disposition à s’adapter lors de l’entretien d’investigation. (Une hypothèse de travail analogue est présentée sur
le site www.swissburnout.ch: elle prétend qu’un gain de
10 millions de dollars ferait disparaître les symptômes en
cas de burnout, mais pas en cas de dépression.)
On peut toutefois différencier le burnout de la dépression
par leur degré de sévérité, et leur délimitation se chevauche partiellement (fig. 2 x). Il existe des formes précliniques de burnout qui n’atteignent pas l’ampleur d’une
dépression. Lorsque le processus de burnout s’aggrave,
nous sommes en présence d’un burnout cliniquement
significatif qualifié de dépression d’épuisement. Peu à peu
c’est la dynamique propre à la dépression qui s’impose,
et les symptômes de burnout (épuisement, dépersonnalisation, diminution des performances) ne sont plus prédominants dans le tableau clinique.
Cycle du stress et pathogenèse
La théorie du stress, largement répandue maintenant,
ouvre la possibilité de retracer la genèse des maladies somatiques, psychosomatiques et psychiques et de décrire les
différences spécifiques entre le burnout et la dépression.
Le cycle du stress psychique comprend les éléments suivants (fig. 3 x): le stresseur est la cause externe, par ex.
un supérieur autoritaire. L’amplificateur de stress représente la contribution qu’y ajoute la personne elle-même. Il
peut exacerber (par ex. sous forme d’exigences personnelles trop élevées) ou freiner (par ex. sous forme d’un
manque de confiance dans sa propre compétence). Il en
découle une évaluation («appraisal»), qui débouche à son
tour sur l’«eustress» ou le «distress». L’écart entre les exigences et les capacités est vécu comme une stimulation en
cas d’«eustress» et comme un surmenage en cas de «distress». Les réactions de «distress» sont les réponses somatiques et psychiques au «distress». Si le cycle du stress s’effondre, le tableau clinique devient entièrement manifeste.
Dans le cas du burnout, le cycle du stress est une spirale
ascendante (fig. 4 x). Dans le burnout, il est caractéristique de voir que le patient a manœuvré pour rechercher
les situations où les performances externes exigées sont effectivement très élevées (stresseur). Son attitude intérieure
et sa motivation forment un amplificateur de stress dont
l’effet est exacerbant. Les facteurs de risque de burnout
Forum Med Suisse 2010;10(8):148–151
149
cabinet
connus sont les suivants: le perfectionnisme («sois parfait!»), le besoin prononcé d’harmonie, que l’on nomme
aussi le syndrome du secouriste («fais-toi apprécier») et le
besoin compulsif de contrôle («agis de ta propre autorité!»). Si l’exigence personnelle du «j’y arriverai» devient
excessive, on aboutit au «distress» par surmenage: ce que
l’on veut s’est trop détaché de ce que l’on peut. Il en résulte
une blessure narcissique primaire qui se manifeste par
une réaction de dépit: «J’y arriverai malgré tout.» Comme
le patient souffrant de burnout refuse de percevoir la diminution de ses ressources pendant un temps assez long et
ne se ménage pas, alors que le travail en attente s’accumule et que les exigences externes augmentent, la spirale
continue à monter jusqu’à ce que tout s’effondre.
Dans la dépression, le cycle du stress est une spirale descendante (fig. 5 x). La personne à risque de dépression
traverse des situations de vie variant selon les charges objectives, qui peuvent être légères, moyennes ou lourdes.
L’amplificateur de stress personnel exerce un effet de freinage qui consiste à actualiser les modèles de base sousjacents de la dépression: le doute voire le manque d’estime
Burnout
Burnout
préclinique
Le burnout débouche Dynamique propre
sur la dépression
à la dépression
Dépression
«Plus le burnout est sévère,
plus la probabilité de dépression est forte.»
«Plus la dépression est sévère,
plus la probabilité de burnout est faible.»
Figure 2
La délimitation du burnout et de la dépression présente
un chevauchement partiel quant à leur degré de sévérité.
Stresseur
Réaction au stress
– immédiate
– à long terme
Amplificateur
de stress
Maladie
– exacerbation
– frein
Distress
écart
devoir/pouvoir
Figure 3
Les diverses composantes du cycle du stress psychique.
Exigences élevées
Est vexé
«tant pis»
«Brûlé»
Exigence envers soi
«j’y arriverai»
Surmenage
Figure 4
Le cycle du stress psychique dans le cas du syndrome du burnout.
envers soi-même («je n’arrive pas»), le sentiment d’abandon («personne ne m’aime»), et le sentiment de méfiance
dû au doute envers soi-même («personne ne m’aide»). On
aboutit au «distress» par détresse: le manque de confiance
dans sa propre compétence se mue en sous-évaluation et
en sous-exploitation des capacités, et l’écart entre ce que
l’on devrait et ce que l’on peut devient trop grand. Le psychisme réagit au stress par le découragement: il ne se
laisse plus aucune chance. Si le cycle du stress continue,
cette manœuvre involontaire de freinage provoque dans la
subjectivité de la personne à risque de dépression une
nouvelle montée des exigences de son environnement, et
finalement la spirale descendante aboutit dans l’impasse
de la dévitalisation dépressive. On se sent «mort».
La différence marquante entre les deux cycles de stress
réside dans les amplificateurs: dans le burnout, l’amplification est positive (exacerbation), et dans la dépression,
elle est négative (frein, arrêt). Dans le classement descriptif des personnalités, certains types correspondent mieux
à la variante positive (par ex. le sujet narcissique ou
anankastique), d’autres à la variante négative (par ex. le
sujet peu sûr de lui ou anxieux). Ce sont donc principalement les amplificateurs qui impriment aux cycles du
stress leur marque distinctive. Dans le burnout, le cycle
suit un schéma actif de lutte (spirale ascendante), dans la
dépression il suit un schéma passif de subordination et de
conservation (spirale descendante). Sur l’axe hormonal
du stress, la réaction conservatrice correspond à un accroissement de l’activité du système hypothalamo-hypophysaire-surrénalien avec hypercortisolisme, ce qui favorise la dépression et l’inhibition de la capacité d’agir [4].
Lorsque le cycle se fracasse – en raison de l’effondrement
dû au burnout ou de l’impasse dépressive –, les deux
variantes débouchent sur le syndrome d’épuisement et
sur la dépression d’épuisement. Ainsi la différenciation
des cycles du stress est-elle avant tout significative au
commencement du processus pathologique, avant que la
décompensation clinique ne se manifeste: le patient souffrant de burnout se redresse et lutte («il brûle»), le patient
dépressif s’avoue rapidement vaincu, se soumet («il entre
en sous-pression, il s’écrase»). Passé ce stade, les deux
mécanismes de pathogenèse s’entremêlent.
Formes de traitement spécifiques?
Le traitement médicamenteux du burnout, comme celui
de la dépression, s’oriente sur le syndrome clinique. Il ne
diffère guère du traitement standard de la dépression.
En psychothérapie, cette distinction s’opère davantage par
la nomenclature et la présentation («branding, packaging»)
que par le contenu ou la méthode.
Dans le traitement du burnout, la «gestion du stress» est
devenu un terme à la mode, et l’«équilibre vital» a acquis
la réputation d’un mot magique. La maîtrise du stress peut
s’orienter sur le cycle du stress [5]. La gestion instrumentale du stress améliore les rapports avec les stresseurs. Elle
comporte, entre autres, l’application systématique de la résolution de problèmes, la structuration du travail (comme
par exemple la gestion du temps, la fixation des priorités)
et l’amélioration des compétences en communication. La
gestion cognitive du stress s’adresse aux amplificateurs de
stress. Elle vise à modérer des objectifs de valeur trop élevés tels que le perfectionnisme et le besoin impérieux de reForum Med Suisse 2010;10(8):148–151
150
cabinet
Attentes vagues
Découragement
«aucune chance»
«Mort»
Sans confiance en soi
«je ne peux pas»
Désarroi
Figure 5
Le cycle du stress psychique dans le cas de la dépression.
Tableau 1. Délimitation entre burnout et dépression.
Les critères de délimitation sont plus ou moins significatifs.
Développement social
–
Diagnostic descriptif
–
Degré de sévérité
(+)
Stresseurs
(+)
Amplificateurs de stress
+
Cycle de distress
+
Psychothérapie
(+)
Bilan de la délimitation
(+)
connaissance, à corriger les modèles de pensée renforçateurs de stress comme la généralisation sélective ou
l’égocentrisme excessif (personnalisation), et à diminuer la
perception des symptômes intensificateurs de stress tels
que l’anxiété hypocondriaque. La gestion du stress régénératrice et palliative amortit les réactions au stress. Les facteurs palliatifs agissant dans l’immédiat sont par exemple
la diversion ciblée, l’activité physique ou la proprioception
consciente (par ex. la respiration profonde). A moyen
terme, la régénération passe par l’acquisition de méthodes
visant la réduction de la sensibilité au stress (comme la relaxation musculaire progressive, les pratiques de méditation ou des pratiques sportives répétées intégrées).
Le traitement du burnout accorde une attention particulière à la reconstruction de l’équilibre vital intérieur et
extérieur. L’unidimensionnalité prête à risque et elle assèche la psyché. La voie thérapeutique mène de la personne unidimensionnelle à l’être pluridimensionnel.
La thérapie aborde la modification de l’organisation de la
vie extérieure du patient sous un aspect pratique. Il faut accorder davantage de temps et d’énergie aux loisirs, à la
culture, aux passe-temps favoris et aux relations humaines.
La vie ne doit pas être faite uniquement de travail.
L’équilibre vital intérieur demande de disposer d’un plus
grand répertoire d’attitudes. L’approche par la gestion
correspond à ce que l’on a désigné plus haut comme le soi
entrepreneurial – pris dans un sens positif cette fois-ci.
On peut et on a le droit de faire de sa vie une entreprise
individuelle. L’attitude de l’homo oeconomicus est orientée vers la performance, la planification, l’efficacité et le
succès. Il est important de ne pas perdre de vue l’aspect
utilitaire. Dans l’attitude créatrice, c’est le soi esthétique
qui est activé. La vie devient une œuvre d’art personnelle.
Elle requiert certaines aptitudes importantes, telles que la
perception, l’attention, la créativité, la spontanéité, le
goût au jeu, le plaisir. Le regard esthétique est important.
L’attitude responsable fait vibrer la corde éthique dans le
soi. La responsabilité est une réponse consciencieuse à
tout ce qui nous est confié: le développement personnel,
notre propre destin et notre propre souffrance, les autres
êtres humains, l’environnement et la nature, la transcendance (le divin). Dans ce terreau de la responsabilité répondante germent certaines valeurs directrices ainsi que
le sens de la vie et celui de la souffrance. Il est important
d’orienter son regard vers le bien.
Ces attitudes fondamentales prennent leur source dans
les systèmes de pensée anthropologique et philosophique.
Dans le travail pratique avec le patient, nous avons affaire à des éléments de méthode issus de diverses orientations thérapeutiques. Les blocages inconscients demandent une approche analytique, les attitudes à exercer
quotidiennement demandent plutôt une approche par la
thérapie comportementale. L’acquisition d’attitudes intérieures demande également, et de façon incontournable,
de s’exercer (en grec ancien: askesis, l’ascèse).
Conclusion
Les réponses aux quatre questions posées en début d’article montrent que la délimitation du burnout et de la
dépression exige des procédures distinctes. Il faut éviter
que le besoin d’explications, tout à fait compréhensible,
n’entraîne des conclusions hâtives sous forme de clichés.
Ce n’est pas de cette manière que l’on arrivera à bout du
problème. Globalement, certaines perspectives laissent
entrevoir quelques différences, d’autres pas (tab. 1 p).
Ce qui ne fait pas de doute, c’est qu’il est important que
tous les médecins et thérapeutes connaissent aujourd’hui
le phénomène du burnout dans ses nuances spécifiques
et qu’ils le prennent au sérieux. C’est la seule façon
d’être en mesure d’aider le patient plongé dans une forte
souffrance et pris dans le cercle vicieux du burnout.
Correspondance:
DrToni Brühlmann
Privatklinik Hohenegg
Hohenegg 4
CH-8706 Meilen
[email protected]
Références
1 Rolf Heim, Beate Schulze. Syndrome du burn-out: à propos du traitement professionnel d’un nouveau défi clinique. Forum médical Suisse.
2008;8(32):569–73.
2 Matthias Burisch: Das Burnout-Syndrom. Theorie der inneren Erschöpfung. 3., überarbeitete Auflage, Springer Medizin Verlag Heidelberg
2006.
3 R. von Känel. Das Burnout-Syndrom: eine medizinische Perspektive.
Praxis. 2008;97:477–87.
4 Daniel Hell. De la déprime à la dépression: Troubles psychiques dans
un monde complexe?1re partie). Bulletin des Médecins Suisses. 2009;
90:19.
5 Gert Kaluza. Stressbewältigung. Trainingsmanual zur psychologischen
Gesundheitsförderung. Springer Medizin Verlag Heidelberg 2004.
Forum Med Suisse 2010;10(8):148–151
151
Téléchargement