6 | La Lettre du Gynécologue 361 - avril 2011
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011
ÉDITORIAL
L
e stress professionnel et la prévention des risques psycho-
sociaux sont devenus une priorité pour les services des ressources
humaines des grandes entreprises. Qu’en est-il du milieu médical,
qui est loin d’être épargné par cette souffrance (1) ? Les médecins sont
largement touchés par le burnout, les addictions, la dépression et le
suicide. Mais ces problématiques, bien que prégnantes, restent taboues
pour des praticiens qui ne s’autorisent ni à être vulnérables ni à s’im-
miscer dans la vie d’un collègue en détresse. Et même lorsqu’ils se
reconnaissent en difficulté, ils sont peu nombreux à chercher l’aide
d’un confrère, préférant avoir recours à l’automédication ou à l’alcool.
Et pourtant, la réalité est préoccupante, avec un risque de suicide
multiplié par 1,41 chez les hommes médecins et par 2,27 chez leurs
consœurs par rapport à la population générale (2). Malheureusement,
la prise en charge de ces "médecins-patients" est complexe (influence
du diagnostic, ingérence dans la prise en charge, mauvaise observance,
automédication, refus des arrêts de travail et des hospitalisations) et
devrait probablement relever d’équipes spécialisées.
Le burnout est défini comme "un syndrome d'épuisement émotionnel,
de dépersonnalisation et de réduction de l'accomplissement personnel
qui apparaît chez les individus impliqués professionnellement auprès
d'autrui" et peut être évalué à l’aide du Maslach Burnout Inventory
(MBI), échelle validée internationalement (3). De nombreux auteurs
l’ont utilisée pour évaluer le mal-être des médecins, et ces investigations
révèlent que le malaise surviendrait précocement dans la carrière des
médecins. Les études s’accordent sur l’existence d’un syndrome d’épui-
sement professionnel dès l’internat. Ainsi, dans une étude réalisée en
2004 auprès d’internes américains de gynécologie-obstétrique, 50 % des
étudiants ont un score élevé d'épuisement émotionnel, 32 % un score
élevé de dépersonnalisation et 13 % un accomplissement personnel
bas. Par ailleurs, 34 % sont considérés comme déprimés, et le risque
de burnout et de dépression serait d’autant plus élevé qu’ils ne sont
pas satisfaits par leur choix de carrière (4). Ce constat inquiétant sur
le plan personnel pourrait aussi avoir des conséquences diverses, tant
sur le niveau de formation de ces futurs praticiens ou sur la qualité et la
sécurité des soins prodigués aux patients, que sur les choix de carrière
et l’attractivité de la spécialité dans le contexte actuel de démographie
médicale.
La gynécologie obstétrique est une spécialité exigeante (gros volume
horaire de travail, gardes et astreintes, gestion des urgences...) et
comporte des spécificités (risques médico-légaux, problèmes d'as-
surance...) qui pourraient accroître la vulnérabilité de ces spécialistes.
C’est dans cette perspective que le Collège américain des gynécologues
obstétriciens, conscient des évolutions de la pratique médicale, a mis en
place, en avril 2006, un groupe de travail sur l’avenir de la spécialité. Il
a identifié 9 problèmes majeurs dans des domaines aussi variés que le
déroulement de carrière, l’équilibre entre vie personnelle et profession-
nelle, la sécurité et l’accès aux soins, la recherche, la formation médicale
continue, le recrutement et la formation des internes ou encore le cadre
légal, et a émis des recommandations pour y remédier (5).
Pourtant, des stratégies de prévention du burnout et de promotion
du bien-être sont envisageables. Sur le plan individuel, Spickard et al.
recommandent de favoriser le bonheur à travers les valeurs et choix
personnels, de passer du temps avec sa famille et ses amis, d’avoir
une activité spirituelle ou religieuse, de prendre soin de soi (nutrition,
exercice), d’adopter une vision philosophique et saine des événements
(exemple : être positif) et d’avoir un conjoint soutenant. Profession-
nellement, il faudrait maîtriser sa charge de travail, donner du sens à
son travail, se fixer des limites, avoir un mentor et une administration
soutenante (6).
La pratique médicale autant que la société ont profondément évolué
durant ces dernières décennies. Il est fondamental pour les médecins du
XXIe siècle d’inscrire ces bouleversements dans leur projet professionnel
afin de vivre une carrière riche et épanouissante.
Prendre soin de soi pour prendre soin des autres
ou l’histoire du cordonnier
Ph. Courtet*, L. Cauchard*
* Département d’urgence et de posturgence psychiatrique, hôpital Lapeyronie, CHRU de
Montpellier.
1. Cauchard L, Courtet P. La médecine peut-elle nuire à la santé des médecins ?
La Lettre du Psychiatre 2011;7:12-6.
2. Schernhammer ES, Colditz GA. Suicide rates among physicians : a quantitative
and gender assessment (meta-analysis). Am J Psychiatry 2004;161:2295-302.
3. Maslach C, Jackson SE, Leiter MP. Maslach Burnout Inventory Manual,
3rd ed. Palo Alto, CA, Consulting Psychologists, 1996.
4. Becker JL, Milad MP, Klock SC. Burnout, depression, and career satisfaction:
cross-sectional study of obstetrics and gynecology residents. Am J Obstet
and Gynecol 2006;195:1444-9.
5. Barbieri RL, Tesoro M, Frigoletto FD Jr. Twin goals: continuing profes-
sional development and improved patient care: report of an ACOG District I
retreat focused on the future of obstetrics and gynecology. Obstet Gynecol
2007;109:435-40.
6. Spickard A Jr, Grabbe SG, Christensen JF. Mid-career burnout in generalist
and specialist physicians. JAMA 2002;288:1447-50.
Références bibliographiques
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