La Lettre du Neurologue - n° 2 - vol. II - avril 1998 89
LES SYNDROMES
Les fasciculations bénignes du sujet sain
Elles se définissent par leur existence en l'absence de faiblesse
musculaire, d'amyotrophie ou de signe de dénervation sur
l'EMG. On les oppose donc aux fasciculations dites malignes,
qui dévoilent une maladie du motoneurone. Les fasciculations
sont à l'origine de nombreuses consultations puisqu'elles affec-
tent 15 % de la population générale. Elles sont physiologiques
lorsqu'elles font suite à l'effort physique ou l'ingestion de caféi-
ne. Elles sont le plus souvent bénignes dans des populations
exposées telles que celles des professionnels de santé (70 % des
539 personnes interrogées dans le travail de Reed et Kurland en
1963). Elles paraissent le plus souvent localisées et intéressent
des personnes dont parfois un membre de la famille est atteint
d'une affection du motoneurone. On trouve parfois une infection
d'allure virale dans les antécédents récents ou un épisode de
paresthésies transitoires. La particularité de ces fasciculations est
qu’elles sont plus ressenties par le patient que visiblement
constatables. Une faible proportion de ces patients au cours de
l'exploration électrophysiologique révèle une neuropathie a
minima. Aucun des patients présentant ces fasciculations dites
bénignes ne développe de maladie du motoneurone. Toutefois, la
prudence reste de mise lorsque des fasciculations apparaissent
chez un patient au-delà de l'âge de 40 ans. Certains auteurs ont
tenté de déterminer les caractéristiques cliniques et électrophy-
siologiques de bénignité des fasciculations. Celles-ci seraient
bénignes si elles ne sont pas vues par l'examinateur (Blexrud et
coll., 1993). Elles seraient plus localisées mais plus fréquentes
que les fasciculations pathologiques (Reed et Kurland, 1963 ;
Blexrud et coll., 1993) et persisteraient la nuit. Les fasciculations
malignes débuteraient après 45 ans et ne seraient pas toujours
ressenties par le patient (Eisen et Stewart, 1994).
Électrophysiologiquement, les potentiels de fasciculations
bénignes seraient plus volontiers polyphasiques, irréguliers en
amplitudes, groupés et rythmiques. Pour d'autres auteurs, la
seule différence significative entre les fasciculations bénignes et
malignes ne serait pas le degré de polyphasicité des potentiels,
mais l'intervalle de temps entre ces potentiels. Cet intervalle
serait plus long dans les étiologies malignes : une fasciculation
toutes les trois secondes contre une fasciculation par seconde
dans les étiologies bénignes (Trojaborg et Buchthal, 1965).
Pour Eisen et Stewart (1994), les potentiels de fasciculations
seraient prémonitoires de SLA lorsqu'ils sont de durée plus
longue, d'amplitude plus élevée et de formes plus variables que
les fasciculations physiologiques ou celles que l’on rencontre
dans les pathologies bénignes.
Syndrome crampes-fasciculations
Ce syndrome se caractérise par des contractions douloureuses
brutales des cuisses et des mollets, moins fréquemment des
bras, favorisées par l'effort de la marche et parfois entrainant un
handicap sévère conduisant à l'arrêt de tout travail ou de toute
activité ménagère. Ces crampes s'associent à des fasciculations
et parfois à des myokimies dans les muscles proximaux des
membres, mais aucune amyotrophie ou déficit moteur n'est
constaté. La sensibilité et les réflexes tendineux sont normaux.
Les enzymes musculaires peuvent être discrètement augmen-
tées. En EMG, seuls les potentiels de fasciculations sont enre-
gistrables et peuvent être supprimés par le curare. Le traitement
symptomatique est le plus souvent nécessaire en raison du han-
dicap et repose sur la carbamazépine qui peut entraîner une
amélioration partielle ou complète, au-delà de quatre mois. Les
dérivés de la quinine ou les inhibiteurs calciques peuvent être
également utilisés (Tahmoush et coll., 1991).
Syndrome crampes-myokimies
Ce syndrome serait un continuum entre le syndrome crampes-
fasciculations et le syndrome d'Isaac. Il est sensible à un traite-
ment par phénitoïne, carbamazépine ou dérivés de la quinine.
Syndrome douleurs musculaires-fasciculations
Les douleurs musculaires sont continues et chroniques (de un à
dix ans), diffuses, parfois à type de brûlures, plus marquées en
fin de journée ou après un exercice physique. Les symptômes
s'améliorent à la sieste et au repos. Un ou deux ans plus tard
apparaissent des fasciculations et une fatigue musculaire ou
encore des épisodes de paresthésies. L'examen clinique est nor-
mal. L'EMG trouve des potentiels de fibrillations et de fascicu-
lations parfois associés à une atteinte axonale motrice ou sensi-
tive (Hudson et coll., 1978). Le traitement n'est que partielle-
ment efficace, voire inefficace, et repose sur la phénytoïne, la
carbamazépine ou les dérivés de la quinine. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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