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Prothèse adjointe complète Spécial Académie nationale de chirurgie dentaire
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JUIN 2014 l AOS 268
C
hez les patients porteurs de prothèses ad
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jointes complètes, le traitement des surfaces
d’appui altérées par le port de celles-ci a tou-
jours été un problème. Pour supprimer ces altérations,
blessures, inammations plus ou moins étendues, di-
verses solutions thérapeutiques ont été proposées.
Au premier rang de celles-ci, la suppression du port
des prothèses, mais ce non-port ne permettait pas de
rétablir l’intégrité des tissus des surfaces d’appui. De
plus, de nos jours, il semble dicile à un praticien
de conseiller voire d’imposer à un patient de ne plus
porter ses prothèses pendant quelques jours.
An de permettre au patient de garder ses prothèses,
Nelson, dès 1947, préconisait l’utilisation de la pâte
à l’oxyde de zinc – eugénol. Aux États-Unis, Lyttle
(1957), Chase (1961), Pound développèrent l’usage
des résines à prise dite retardée [1, 2, 3]. En France,
Joseph Lejoyeux (1962) exploita cette technologie et
créa l’expression de «mise en condition tissulaire» qu’il
dénissait ainsi [4]: «On appelle mise en condition,
l’ensemble des préparations et thérapeutiques destinées à
placer les tissus buccaux dans des conditions idéales pour
recevoir une prothèse et s’adapter parfaitement à elle.»
LES OBJECTIFS
L’objectif initial était de créer un coussin amortisseur
entre l’intrados prothétique et la muqueuse. Pour ce
faire, la résine retard était changée régulièrement
avant sa phase de dessiccation. Mais ce changement
était réalisé sur un occluseur, porteur du modèle issu
de l’empreinte secondaire. L’état de surface initial de
la surface d’appui était ainsi conservé, il n’y avait donc
aucune possibilité d’évolution de la surface d’appui.
Joseph Lejoyeux étendit les objectifs initiaux en
proposant une technique complète dite «technique
directe» dont les buts étaient doubles:
❱ rendre possible l’évolution de la muqueuse des sur-
faces d’appui;
❱ modier le comportement des muscles paraprothé-
tiques, leur permettant d’améliorer la rétention des
prothèses en favorisant l’extéroception de la mu-
queuse buccale et la proprioception linguale.
Pour cela, les résines à prise retardée étaient utilisées
directement dans la cavité buccale d’où le terme de
technique directe qui, contrairement à la technique in-
directe, autorise l’évolution des caractéristiques macros-
copiques et microscopiques de la surface d’appui.
LES MATÉRIAUX
Les résines à prise retardée sont comme leur nom
l’indique des résines PMMA dont la prise est retar-
dée, contrairement aux résines traditionnelles chémo-
ou thermopolymérisables.
Les résines à prises retardées se composent[5]:
❱
d’une poudre constituée de micro-billes de polyéthyl
méthacrylate et de polyéthylène méthyl méthacry-
late de diamètres diérents;
❱ d’un liquide mélange d’alcool éthylique et de plas-
tiants comprenant diérents types de phtalates.
Le diamètre des micro-billes, leur composition, les
proportions d’esters, d’alcool éthylique et/ou mé
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thylique varient selon les fabricants. Ces variations
expliquent les diérences de comportement entre
les produits, en particulier au niveau de leurs phases
physiques [6].
Les phases physiques de la réaction
de prise
Le mélange est le plus souvent préparé dans un rap-
port de deux volumes de poudre pour un volume
de liquide. La réaction de prise se déroule en quatre
phases successives, communes à tous les produits mais
dont les caractéristiques et les durées varient selon
les marques.
1er temps: phase «Gel»
Elle correspond à la phase de mélange des deux com-
posants. Sa durée est d’environ 2minutes. Mais le ma-
tériau doit être placé dans la prothèse au bout d’une
minute donc toujours dans sa phase Gel (g.1)[7].
2e temps: phase «Plastique»
Le gel commence sa polymérisation devenant plas-
tique. Il se déforme pour s’adapter à une surface exis-
tante. C’est à ce stade que la prothèse est insérée dans
la cavité buccale, puis placée sur la surface d’appui.
La résine à prise retardée se modèle sous l’eet des
pressions, qu’elles soient exercées par le praticien lors
de l’insertion ou par le patient lors des fonctions phy-
siologiques telles que la déglutition. C’est la durée
de cette phase qui diérencie le plus les diérentes
marques de résines retard [8,9].
3e temps: phase «Élastique»
Le matériau est souple, élastique mais ne se déforme
plus sous l’eet des contraintes occlusales. Il agit en
tant que coussin amortisseur.
4e temps: phase «Dessiccation»
Le matériau perd ses propriétés élastiques, devient
granuleux. Cette transformation est provoquée par
la fuite des esters alcooliques vers le milieu salivaire
alors que la salive pénètre dans la résine. La résine
Fig. 1.
Aspect du matériau en
phase Gel, alors qu’il a déjà
été placé dans la prothèse.
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