Introduction (1) La douleur chez les patients ayant une maladie psychiatrique a été pendant longtemps négligée voire ignorée « Fausses croyances »: les patients « psy » ne souffrent pas, sont insensibles à la douleur, présenteraient une analgésie totale Retard diagnostic fréquent Ex: le patient schizophrène à une diminution de 20 ans de son espérance de vie par rapport à la population générale Surmortalité due à la pathologie non détectée et non traitée (pathologies CV, cancer…) Les pathologies psychiatriques s’expriment par une expression douloureuse particulière Mutisme, automutilation, troubles du comportement, déni de la douleur… Marchand/Saravane/Serra www.icl-lorraine.fr Introduction (2) Les études montrent que plus les patients ont du mal à communiquer, plus ils sont vulnérables à la douleur aigue et à la douleur chronique rebelle Importance de l’évaluation de la douleur Par le patient, les soignants, la famille Evaluation globale et multidimensionnelle Analyse de l’étiologie, des mécanismes physiopathologiques supposés Evaluation de sa place dans l’histoire et la culture du patient Evaluation de son impact sur la qualité de vie, le comportement, la vie relationnelle A l’aide d’échelles simples Auto évaluation par EVS/ Le Face Pain Scale Hétéro évaluation chez les patients ayant des difficultés de communication, ou non communicants par la DOLOPLUS, l’ EDAAP (échelle d’expression de la douleur adolescents et adultes psychiatriques) Saravane www.icl-lorraine.fr Introduction (3) Grande réticence de la prescription des morphiniques en raison des effets secondaires (dépression respiratoire et dépendance-addiction) chez le patient psychiatrique MAIS Effets rares et doivent être ramenés à leur juste valeur Ces effets ne doivent en rien constituer un frein à la prescription de morphine Saravane www.icl-lorraine.fr Bon usage des opioïdes La morphine reste l’opioïde de référence : Elle est efficace per os malgré une biodisponibilité de 25 à 30 % Elle procure une antalgie de 4, 12 ou 24 h Son index thérapeutique est acceptable SOR www.icl-lorraine.fr Règle n°1 Utiliser des antalgiques selon la stratégie en 3 paliers SOR www.icl-lorraine.fr Echelle thérapeutique O.M.S. (douleurs par excès de nociception) Antalgiques non opioïdes ± Coantalgiques Opioïdes pour douleurs faibles à modérées ± non Opioïdes Opioïdes pour douleurs modérées à fortes ± non Opioïdes ± Coantalgiques ± Coantalgiques Niveau 3 Niveau 2 Niveau 1 DISPARITION DE LA DOULEUR Si la douleur persiste DOULEUR Quand un antalgique prescrit à sa posologie maximale est inefficace, il est inutile de lui substituer / associer un autre antalgique de même palier. Il faut passer au niveau supérieur. Règle n°2 Utiliser une voie d'administration appropriée à l'état du patient en privilégiant la voie orale SOR www.icl-lorraine.fr Règle n°3 Administrer les antalgiques à intervalles réguliers de manière préventive et non au moment de la survenue de la douleur SOR www.icl-lorraine.fr Règle n°4 Individualiser le traitement SOR www.icl-lorraine.fr Règle n°5 Pour introduire un traitement morphinique, il convient de réaliser: Une titration De réévaluer régulièrement l'efficacité du traitement (au moins quotidiennement lors des premiers jours de son introduction) SOR www.icl-lorraine.fr La titration Méthode d’ajustement (initiale ou non) médicament par l’utilisation d’interdoses. d’un Synonyme de dosage En chimie: « Procédé d’analyse de composition impliquant la mesure du volume d’une solution nécessaire pour réagir avec une autre solution » : dosage acide-base ou redox (« goutte à goutte ») SOR www.icl-lorraine.fr www.icl-lorraine.fr Règle n°6 Prévenir et traiter les effets secondaires SOR www.icl-lorraine.fr Règle n°7 Prévenir et corriger les effets secondaires www.icl-lorraine.fr Effets secondaires des traitements par opioïdes Les opioïdes partagent tous globalement les mêmes effets indésirables. Mais il existe de grandes variations inter et intra – individuelles www.icl-lorraine.fr Nausées, constipation, somnolence Le patient doit être informé de la possibilité de survenue des effets indésirables : Nausées 40% des patients. Faibles posologies. Aggravés par une constipation dépister, traiter. Constipation Somnolence Essentiellement lors de la phase de titration du traitement A différencier d’une dette de sommeil Information concernant la conduite automobile Patients plus exposés Patients âgés, sous psychotropes Troubles métaboliques, insuffisance rénale, insuffisance hépatocellulaire sévère, hypercalcémie, hypoprotidémie ... www.icl-lorraine.fr Troubles neuro-psychiatriques Troubles iatrogènes pouvant survenir sous opioïdes de façon isolée ou associée Troubles cognitifs Des troubles de la conscience, de l’orientation, de la mémoire, de l’attention Troubles du comportement De l’état d ’anxiété à l’état d’agitation Troubles de la perception Des hallucinations et phénomènes oniriques Troubles de l ’humeur De l’état dépressif à l’état d ’exaltation www.icl-lorraine.fr Myoclonies Mouvements musculaires involontaires. Posologies élevées. Réduction de posologie. Benzodiazépines, myorelaxants, rotation d’opioïdes. Pas de donnée fiable dans la littérature. www.icl-lorraine.fr Effets respiratoires Ne contre indiquent pas la prescription d’opioïdes chez le patient asthmatique et/ou insuffisant respiratoire. Précaution d’utilisation Risque de dépression respiratoire Quasi inexistant/patient douloureux cancéreux traité de façon continue et évalué régulièrement. Dépression respiratoire accidentelle NALOXONE www.icl-lorraine.fr Dysurie, rétention d’urine Troubles : du tonus du muscle détrusor et du sphincter de la vessie Plus fréquents : personne âgée , lésions de voisinage Y penser, sondage urinaire de la posologie de morphine/ Rotation Alpha bloquants: Alfuzosine (Xatral)/ antispasmodique de type anticholinergique: oxybutynine (Ditropan). www.icl-lorraine.fr Autres Sueurs Parfois pose problème diagnostique Fréquence inconnue Apparaissent pour des posologies très variables Diminution des posologies Anti-inflammatoires non stéroïdiens et stéroïdiens. Pas d ’AMM, doses ? Prurit Très rare par voie orale Limité : face, ailes du nez, torse Traitement antihistaminique Prurit rebelle : changement d’opioïdes www.icl-lorraine.fr Et le myosis? Signe de mauvaise tolérance? Signe de surdosage? Il s’agit juste d’un signe d’imprégnation morphinique www.icl-lorraine.fr En pratique Laxatifs en systématique + RHD Laxatifs osmotiques en 1ère intention: Macrogol, Movicol Anti-nauséeux la première semaine de traitement www.icl-lorraine.fr Règle n°7 En cas d’échec de la morphine par voie orale, il faut réévaluer soigneusement le patient douloureux et rechercher en particulier un mécanisme d’action neurogène ou une composante émotionnelle ou cognitive importante SOR www.icl-lorraine.fr Règle n°8 En cas d’une douleur purement nociceptive, en cas d’échec d’un traitement en raison d’effets indésirables incontrôlables avec la morphine, il est recommandé soit d’envisager le changement pour un autre opioïde (rotation de molécules), soit une modification de la voie d’administration (rotation de voie) SOR www.icl-lorraine.fr La rotation Changement d’un opioïde pour un autre avec pour objectif principal la réduction des effets indésirables du précédent traitement dans la mesure ou le traitement symptomatique adéquat en cours a été efficace OU Une meilleure efficacité du nouveau traitement lorsque le traitement symptomatique adéquat précédent se révèle moins efficace et nécessite des augmentations rapides de posologie 2 hypothèses principales pour expliquer : Mécanismes d’action différents selon les opioïdes : récepteurs différents Accumulation de métabolites inactifs… www.icl-lorraine.fr Règle n°9 S’il est impossible d’utiliser la voie orale, il est recommandé le passage à la morphine SC, ou IV ou à la mise en place de patch de fentanyl. SOR www.icl-lorraine.fr Pour mémoire 20mg de SKENAN=10mg d’OXYCONTIN DUROGESIC 25ug/h= 60 mg de morphine orale Morphine SC=Morphine Per Os/2 Morphine IV= Morphine Per os/3 Oxycodone SC=Oxycodone IV=Oxycodone per os/2 Morphine IV=Oxycodone IV www.icl-lorraine.fr Règle n°10 En cas de surdosage morphinique, l’antidote utilisé est la Naloxone (NARCAN) SOR www.icl-lorraine.fr Le surdosage (1) Somnolence importante (Score de Rudkin à 2) + Fréquence Respiratoire < 10 inspirations / minute www.icl-lorraine.fr Le surdosage (2) Conduite à tenir : Prévenir le médecin Arrêter le traitement opioïde Oxygéner le patient: 4 L/min aux lunettes pendant 15 à 60 minutes Stimuler le patient Préparer une seringue de l’antidote Naloxone chlorhydrate (NALOXONE®, NARCAN®) 1 ampoule de NALOXONE® de 0,4mg + 9ml de NaCl 0,9% à utiliser en IVD ou sous cutané ou IM si voie IV impossible Injection toutes les 2 minutes de 1ml jusqu’au réveil du patient avec une Fréquence Respiratoire > 10 inspirations / minute Relais par 2 ampoules de NALOXONE® dans 250ml de NaCl 0,9% sur 3 heures et discuter d’un transfert en USC www.icl-lorraine.fr Les molécules disponibles (1) Sulfate de morphine: AMM: en traitement des douleurs persistantes intenses ou rebelles aux autres analgésiques, en particulier en traitement des douleurs d’origine cancéreuse SMR: Douleurs cancéreuses ou neuropathiques persistantes, intenses ou rebelles aux autres antalgiques Douleurs intenses ou rebelles rencontrées dans l’arthrose du genou ou de la hanche et dans la lombalgie chronique comme traitement de dernier recours, à un stade où les solutions chirurgicales sont envisagées et chez des patients non candidats à une chirurgie de remplacement prothétique Formes: peuvent passer dans les SNG/GEP LP: skenan 10mg-30mg-60mg-100mg-200mg LI: actiskénan 5mg-10mg-20mg-30mg oramorph 10mg-30mg-100mg/oramorph 20mg/ml gouttes Commission de transparence www.icl-lorraine.fr Les molécules disponibles (2) Oxycodone AMM: Traitement des douleurs sévères qui ne peuvent être correctement traitées que par des analgésiques opioïdes forts, en particulier dans les douleurs d’origine cancéreuse Formes: LP: oxycontin 5mg-10mg-15mg-20mg-30mg-40mg-60mg-80mg-120mg LI: oxynorm gélule: 5mg-10mg-20mg oxynormoro 5mg-10mg-20mg oxynorm 10mg/ml en solution buvable Commission de transparence www.icl-lorraine.fr Les molécules disponibles (3) Fentanyl transdermique AMM: traitement des douleurs chroniques sévères qui ne peuvent être correctement traités que par des analgésiques opioïdes DUROGESIC/MATRIFEN 12-25-50-75-100ug/h Hydromorphone AMM: traitement des douleurs intenses d’origine cancéreuse en cas de résistance ou d’intolérance aux opioïdes forts. SOPHIDONE LP 4-8-16-24mg Peu utilisée www.icl-lorraine.fr Pour aller plus loin: les Accès Douloureux Paroxystiques (1) www.icl-lorraine.fr Pour aller plus loin: les Accès Douloureux Paroxystiques (2) www.icl-lorraine.fr Pour aller plus loin: les Accès Douloureux Paroxystiques (3) Indication: citrate de Fentanyl ACTIQ, ABSTRAL, EFFENTORA, INSTANYL, PECFENT, RECIVIT, BREAKYL Ces molécules ne correspondent pas aux interdoses du Fentanyl transdermique Elles ne dispensent pas la prise d’interdoses classiques www.icl-lorraine.fr Pour aller plus loin: Gestion des TSO lorsqu’un antalgique est indiqué CAT à tenir quel que soit le TSO: TTT antalgique adapté à l’intensité et au type de douleur exprimée par le patient, après évaluation par le soignant. Tenir compte d’une possible hyperalgésie Traitement antalgique en délivrance systématique Maintenir un TSO Ne pas augmenter la dose de TSO dans un but d’analgésie Prévenir le centre prescripteur du TSO Laprevote www.icl-lorraine.fr En cas de TSO par Buprénorphine ou buprénorphine/Naloxone Laprevote www.icl-lorraine.fr En cas de TSO par Méthadone Laprevote www.icl-lorraine.fr Le fentanyl chez le patient toxicomane Voie transdermique Intéressant car: Absence de pic plasmatique Forte affinité pour les récepteurs, ce qui minimise les interférences d’un traitement de substitution Saravane www.icl-lorraine.fr Conclusion Les opioïdes PEUVENT et DOIVENT être utilisés SANS FREIN, en respectant les règles habituelles de prescription chez le patient suivi pour une pathologie psychiatrique et ayant des douleurs d’intensité modérée à sévère www.icl-lorraine.fr Bibliographie (1) Serra É, Saravane D, De Beauchamp I, Pascal JC, Peretti CS, Boccard E. La douleur en santé mentale : première enquête nationale auprès des PH chefs de service de psychiatrie générale et de pharmacie. Douleur et analgésie 2007 ; 2 : 96-101 Marchand WE, Sarota B, Marble H et al. Occurrence of painless acute surgical disorders in psychotic patients. NEJM 1959 ; 260 : 580-5 Marchand WE, Occurrence of painless myocardial infraction in psychotic patients. NEJM 1955 ; 253 : 51-5 www.icl-lorraine.fr Bibliographie (2) Serra E, Saravane D., De Beauchamp I et al., La douleur en santé mentale : première enquête nationale auprès des PH Chefs de service de psychiatrie générale et de pharmacie L’Information psychiatrique 2008 ; 84 (1) : 67 – 74 Saravane D., Chopineau S. Douleur en santé mentale : difficultés diagnostiques et thérapeutiques. Santé Ment 2005 ; 99 : 42-7 Saravane D. L’évaluation de la douleur en santé mentale. Douleur et Santé Mentale, IUD 2008, N° 3 www.icl-lorraine.fr Bibliographie (3) Standards, Options et Recommandations 2002 sur les traitements antalgiques médicamenteux des douleurs cancéreuses par excès de nociception chez l’adulte – septembre 2002 Morphine - COMMISSION DE LA TRANSPARENCE Avis 3 juin 2015 – HAS Oxycodone - COMMISSION DE TRANSPARENCE AVIS 19 septembre 2012 – HAS Laprevote V. and al., Gestion des traitements de substitution aux opiacés lorsqu’un antalgique est indiqué. La Presse Médicale Volume 42, n° 7-8 pages 1085-1090 (juillet 2013) www.icl-lorraine.fr