Le traitement de la tuberculose de Catégorie I de l`OMS par 2HRZE

INT J TUBERC LUNG DIS 3 (9): 747-748
©1999 IUATLD
[Traduction de l'article “Is the treatment of WHO Category I tuberculosis with 2HRZE/6HE a defensible
practice?Int J Tuberc Lung Dis 1999; 3 (9): 747-748.]
CONTREPOINT
Le traitement de la tuberculose de Catégorie I de l'OMS par
2HRZE/6HE est-il une pratique défendable ?
L'ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE
a défini comme patients de Catégorie I un nouveau
cas de tuberculose (TB) pulmonaire à bacilloscopie
positive, un nouveau cas de TB à bacilloscopie
négative avec lésions parenchymateuses étendues
ou un nouveau cas sévère de TB extra-
pulmonaire.1 Elle recommande pour ces patients le
choix d'un des traitements suivants :
Tableau Traitement de la tuberculose de Catégorie I
Phase initiale Phase de
(tous les jours ou trois fois par semaine) continuation
2HRZE (HRZS) 6HE
2HRZE (HRZS) 4HR
2HRZE (HRZS) 4H3R3
H = isoniazide ; R = rifampicine ; Z = pyrazinamide ;
E = ethambutol ; S = streptomycine
Toutefois, on doit se rendre compte que dans
les pays à faibles revenus la prévalence de la
résistance à l'égard de l'isoniazide est significative,
ces régimes ne bénéficient pas d'une efficacité
comparable. Ceux qui comportent la rifampicine
pendant la phase de continuation et qui sont
directement observés sont comparables entre eux
mais le gime 2HRZE/6HE est incontestablement
inférieur aux autres et particulièrement si
l'isoniazide et l'ethambutol sont auto-administrés
pendant la phase de continuation (DOTS modifié
ou partiel). Pour les patients résistants à
l'isoniazide, 2HRZE/6HE se réduit à 2RZE/6E, un
régime à qui l'on peut prédire un taux élevé de
rechute au vu des résultats obtenus avec une
monothérapie par un médicament non stérilisant
pendant la phase de continuation.2 Avec un régime
comparable 2HRZS/4-6TH (T = thiacetazone) testé
dans un contexte de résistance à l'isoniazide, l'on a
rapporté un taux de rechute de 37%.2-4 De plus, ces
résultats ont été relatés avant la pandémie de VIH.
Actuellement, beaucoup de pays à faibles revenus
font état de taux de co-infection VIH de 30 à 50%
chez leurs patients TB. Les patients TB co-infectés
par le VIH subiront quasi certainement un échec ou
une rechute si les deux mois de la phase initiale
(2RZE) n'ont pas réussi à stériliser toutes leurs
lésions. Une monothérapie à l'ethambutol au cours
de la phase de continuation pourrait aussi favoriser
une résistance à l'égard de l'ethambutol,5 une
conséquence particulièrement peu souhaitable si
l'infection par le VIH est prévalente ; en effet
l'ethambutol évite au patient TB co-infecté par le
VIH les effets collatéraux dus au médicament qu'il
a remplacé —la thiacetazone.
Bien que le régime 2HRZE/6HE n'ait jamais été
correctement étudié au cours d'un essai contrôlé
randomisé, il n'y a pas de raison de penser qu'il
n'atteindrait pas l’objectif de guérison de 85% de
l'OMS, lorsqu'il est administré en traitement
directement observé (TDO) à des patients à
bacilloscopie positive avec des isolats sensibles
aux médicaments.2 Les observations faites dans un
certain nombre de pays, y compris plus récemment
au Cambodge, sembleraient aller dans ce sens, bien
que les données concernant la résistance à l'égard
des médicaments n'aient pas été fournies.6
Malheureusement, les limitations des ressources ou
l'absence d'infrastructure pour la distribution du
DOTS exigent souvent l'auto-administration des
médicaments au cours de la phase de continuation.
Ceci entraîne un risque réel de non-adhésion, le
programme relâchant sa position en matière de
traitement (passage du TDO à l'autoadministration)
juste au moment les symptômes du patient lui
suggèrent qu'il n'a plus besoin de traitement. Un
aspect positif, HE étant pris sous observation
directe ou auto-administré pendant la phase de
continuation, est que l'on ne doit pas trop craindre
d'introduire une résistance à la rifampicine puisque
l'utilisation de ce dernier médicament se limite à la
phase initiale directement observée.
En utilisant 2HRZE/6HE dans le contexte d'une
résistance à l'isoniazide, il existe un conflit
intrinsèque que nous avons jusqu'ici préféré
ignorer dans notre empressement à renverser la
marée montante de la TB et à prévenir la résistance
à la rifampicine dans les pays à faibles revenus :
dans une région le taux de résistance à
l'isoniazide est de 15% ou davantage, nous offrons
un régime qui ne guérit pas à 15% des patients ou
davantage. Est-ce que ceci ne contredit pas
immédiatement le but que nous avons fixé, en
2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
l'occurrence obtenir un taux de guérison d'au moins
85% ? Nous nous justifions en disant que la
majorité des patients pourraient être guéris par ce
régime pourvu qu'ils soient adhérents, parce qu'ils
sont sensibles à l'isoniazide et que certains de ceux
qui sont porteurs de souches résistantes à
l'isoniazide guériront spontanément ou guériront
avec des régimes « non curatifs » 2(H)RZE/6(H)E
parce que le niveau de résistance (c'est à dire la
concentration minimale inhibitrice de l'isoniazide)
est plus bas dans les résistances primaires que dans
les résistances acquises.7 De plus, nous
argumentons que la création d'une résistance à
l'ethambutol serait limitée et serait le prix
acceptable à payer pour guérir beaucoup de cas
incurables autrement. Mais cette position est-elle
défendable d'un point de vue médical ou éthique,
particulièrement en présence des taux de
séroprévalence pour le VIH existant chez les
patients TB dans les régions à faibles revenus ?
Dans quelle mesure 2HRZE/6HE n'est-il pas un
traitement médiocre et au long cours n'est-il pas
pire que l'absence de traitement ?
L'introduction du régime 2HRZE/6HE dans une
région devrait être idéalement guidé par le profil
local de résistance. En présence de taux de
résistance à l'isoniazide de 15% ou davantage, il
faut prendre sérieusement en considération soit 1)
l'introduction de la culture et du test de sensibilité à
l'isoniazide8 soit 2) l'administration, du début à la
fin, d'un régime totalement supervisé comprenant
la rifampicine. Si un tel régime est administré dès
le début trois fois par semaine, les ressources qui
auraient été consacrées autrement à l'hospita-
lisation durant la phase initiale peuvent être
affectées à la mise en œuvre, du début à la fin, d'un
programme DOTS basé sur la collectivité. Dans
ces circonstances, on ne devrait pas s'attendre à
voir apparaître une résistance à la rifampicine.9
RICHARD LONG, MD*
MARCELLA SALCINI, MD
* University of Alberta, Edmonton, Canada
Hôpital Albert Schweitzer, Haiti
Références
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P, Spinaci S, Harries A, eds. Treatment of tuberculosis:
guidelines for national programmes. 2nd ed. Geneva:
WHO, 1997: pp 25-31.
2. Mitchison D A, Nunn A J. Influence of initial drug
resistance on the response to short-course chemotherapy
of pulmonary tuberculosis. Am Rev Respir Dis 1986;
133: 423-430.
3. East African/British Medical Research Council.
Controlled trial of four 6-month regimens of
chemotherapy for pulmonary tuberculosis. Second study.
Second report. Am Rev Respir Dis 1976; 114: 471-475.
4. East African/British Medical Research Council.
Controlled clinical trial of four short-course regimens of
chemotherapy for two durations in the treatment of
pulmonary tuberculosis. Third study. Second report.
Tubercle 1980; 61: 59-69.
5. Iseman M D, Madsen L A. Drug resistant tuberculosis.
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6. Norval P-Y, San K K, Bakhim T, Rith D N, Ahn D I,
Blanc L. DOTS in Cambodia. Int J Tuberc Lung Dis
1998; 2: 44-51.
7. Crofton J, Chaulet P, Maher D, et al. Guidelines for the
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WHO, 1997.
8. Heifets L, Lindholm-Levy P. Dilemmas and realities in the
laboratory diagnosis of tuberculosis in low income
countries. [Editorial] Int J Tuberc Lung Dis 1999; 3: 88-89.
9. Chaisson R E, Coberly J S, De Cock K M. DOTS and
drug resistance: a silver lining to a darkening cloud.
[Editorial] Int J Tuberc Lung Dis 1999; 3: 1-3.
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