Revue Méd. Vét., 2009, 160, 2, 79-83
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cardiaque unique qui s’infléchit progressivement sur lui-
même. La compartimentation du cœur en 4 cavités commence
à ce moment. De l’oreillette commune émerge un septum
primum qui définit l’ostium primum et permet la séparation
des deux oreillettes. Un second bourrelet ou septum secundum
définit l’ostium secundum. La superposition des deux ostia
met en évidence une fente oblique entre les oreillettes : le
foramen ovale. Une multiplication cellulaire intense au sein
des bourrelets atrio-ventriculaires autorise le cloisonnement
du canal atrio-ventriculaire commun avec l’aide d’un bour-
relet émergeant de l’apex du futur cœur et qui constitue le
futur septum inter-ventriculaire. Les anomalies lors de cette
phase du développement sont à l’origine de la communication
inter ventriculaire et de la communication inter atriale observées
lors de tétralogie ou pentalogie de Fallot. L’ébauche des
troncs aortique et pulmonaire naît au sein du cône artériel
(truncus arteriosus) ou chambre de chasse ventriculaire d’où
émerge un bourrelet aortico-pulmonaire. Ce tube va ensuite
subir une torsion sur son grand axe associée à une division
en 2 structures distinctes: l’aorte et le tronc pulmonaire. Une
division inégale du cône est à l’origine du chevauchement
aortique dorsalement aux deux ventricules lors de tétralogie
de Fallot [24]. Ce phénomène explique également les degrés
divers d’hypoplasie, ou atrésie du tronc et des valvules pul-
monaires chez les bovins atteints de cette cardiopathie [14, 19].
L’examen échocardiographique est un moyen de plus en
plus accessible à la ferme et en conditions hospitalières afin
de diagnostiquer, de façon non invasive, les maladies car-
diaques bovines [1, 3-7, 9]. La sensibilité de cet examen est
excellente lors de cardiopathies congénitales simples comme
les communications inter ventriculaires [6]. Néanmoins, lors
de cardiopathies plus complexes comme la tétralogie / pen-
talogie de Fallot, le diagnostic échocardiographique précis
devient souvent difficile [9, 11 - 13, 15, 17]. L’association la
plus fréquemment rencontrée, comme dans le cas clinique
rapporté, consiste en une hypertrophie ventriculaire gauche,
une communication inter ventriculaire et une dextroposition
aortique [13, 17, 19]. Cet ensemble d’anomalies est facilement
mis en évidence par la réalisation d’une coupe échographique
longitudinale grand axe, dite « 5 cavités » ou « coupe du
cœur gauche» [1, 4, 5]. La visualisation du tronc pulmonaire
présentant des degrés divers d’atrophie reste plus délicate
par échographie. La dilatation aortique, associée au rétrécis-
sement pouvant aller jusqu’à l’atrésie du tronc et/ou des val-
vules pulmonaires peut limiter la capacité de visualisation de
cette anomalie [19].
Il existe d’autres examens complémentaires susceptibles
de déceler des anomalies cardiaques congénitales chez les
bovins. La cathétérisation artérielle, associée à une mesure
des gradients de pression, permet de mettre en évidence des
hypertensions pulmonaires. De plus, l’injection intraveineu-
se d’un produit de contraste associée à une angiocardiogra-
phie permet de visualiser des anomalies intracardiaques.
Néanmoins, cet examen est coûteux et inadéquat dans les
conditions de la pratique courante du fait de son caractère
invasif. Récemment, le dosage des troponines sanguines a
été proposé pour évaluer l’intensité des lésions du myocarde
chez les bovins [2, 16, 22]. Les troponines C, T et I sont des
protéines spécifiques du myocarde, liées à différents compo-
sants du système contractile des cardiomyocytes. Ces protéi-
nes peuvent être libérées dans la circulation lors d’ischémie
ou d’inflammation du myocarde. Comme les concentrations
de troponines dans le sang sont faibles chez les animaux
sains, toute augmentation de la troponinémie est spécifique
d’une affection cardiaque et serait proportionnelle à l’inten-
sité des lésions tissulaires, ce qui confère à ce dosage un inté-
rêt pronostic [21]. La troponine I semble être la troponine la
plus sensible et la plus fiable chez la plupart des espèces ani-
males d’intérêt vétérinaire. Néanmoins, la validation du
dosage des troponines chez les bovins n’a pas été encore
complètement réalisée. Dans le cas clinique présenté, les
concentrations sanguines de troponine T et I de la génisse
étaient considérées comme normales, suggérant l’absence de
dommages myocardiques ischémiques aigus.
Le pronostic de l’anomalie de Fallot est toujours mauvais
du fait de l’hypoxémie générale qui l’accompagne et du
défaut d’oxygénation global de l’organisme majoré, par la
suite, lorsqu’un syndrome d’hyperviscosité secondaire à une
polycythémie réactionnelle est observé. Chez l’homme, une
chirurgie correctrice doit être entreprise rapidement dans
l’enfance [24]. Malheureusement, chez les grands animaux,
de telles mesures correctrices sont actuellement impossibles.
Les différents cas reportés dans la littérature n’ont que rare-
ment dépassé la première année de vie [8, 12 - 14, 17, 19,
23]. Il existe seulement 2 cas décrits [11, 15] dans lesquels
l’animal a vécu 2 ans, sans pouvoir être fécondé et présen-
tant un défaut de croissance notable par rapport à ses
contemporains. Par conséquent, lorsque le diagnostic est
posé chez un bovin, la gravité de l’affection doit toujours être
discutée avec le propriétaire.
En conclusion, la tétralogie de Fallot doit faire partie du
diagnostic différentiel des problèmes cardiorespiratoires
chroniques chez un animal en croissance, surtout lorsque ce
dernier présente un défaut de croissance relativement impor-
tant par rapport aux autres animaux du même âge. La visua-
lisation échocardiographique de l’hypertrophie ventriculaire
droite, associée à une communication inter ventriculaire et
une dextroposition aortique sont faciles à mettre en évidence
et doivent orienter le praticien vers ce diagnostic, même si la
sténose pulmonaire ne peut pas être directement visualisée.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier le Dr J. Lavoie de l’institut
de cardiologie de Montréal pour son expertise et le dosage
des troponines sanguines.
Bibliographie
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3. - BUCZINSKI S., BELANGER A.M.: Cardiologie chez le veau. Approche
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4. - BUCZINSKI S., BELANGER A.M., FRANCOZ D. : Diagnostic
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