Actes du colloque « Nouvelles tendances en communication organisationnelle »,
77ème Congrès de l’ACFAS, Université d’Ottawa, 14-15 mai 2009.
de la coordination susceptibles d’assurer une action coordonnée de manière efficace et sans heurt
avec des individus, des groupes et sous ensembles organisationnels qui n’avaient aucune
antériorité dans la collaboration, de même qu’il s’agit de pouvoir découpler les sous-systèmes
d’action en place selon les choix stratégiques effectués.
La fabrique de cette interchangeabilité mobilise tant des valeurs, des idéologies, que des
méthodes, des processus de communication, et des situations de communication ; elle en travaille
tant le cadre que le contenu. Pour explorer cette fabrique, sa dynamique et les contradictions
qu’elle suscite ou réactive, il apparaît nécessaire de reconstruire la notion de ‘technologies de
l’information et de la communication’. Les organisations dans nos sociétés contemporaines sont
caractérisées par le développement de ce que Daniel Bell proposait d’appeler des ‘technologies
intellectuelles’ (Bell, 1977), que nous désignons en termes de techniques intellectuelles pour nous
situer en cohérence avec les fondements établis par Simondon (2005). Ces techniques
intellectuelles mettent en forme les activités de diagnostic et de mise en œuvre de solution
caractéristiques des ‘travailleurs du savoir’ (Valenduc et alii, 2008), ou de ce qui peut être
désigné comme les ‘professionnels’, dans le sens retenu par Boussard (2008) : ce qui fonde un
groupe professionnel par un savoir institutionnalisé sans qu’il y ait nécessairement des cadres
règlementaires délimitant l’exercice et ses modalités. A ces techniques intellectuelles qui mettent
en forme les activités s’articulent des techniques organisationnelles, ce que Bazet et de Terssac
ont proposé d’appeler ‘technologies d’accompagnement de la coopération’ (2007) : démarche
qualité, gestion des risques, démarche processus, intégration des systèmes d’information… Ces
dispositifs socio-techniques convergent pour participer à une dynamique d’ensemble, que nous
désignons en termes de rationalisation des organisations, et qui concerne de façon certes
spécifique mais convergente tant les entreprises que le secteur non marchand (Mayère, 2004 ;
Bouillon, 2005). La montée en puissance des techniques intellectuelles et organisationnelles est
facilitée et accentuée par leur imbrication étroite aux machines informationnelles et
communicationnelles (les ‘TIC’ au sens commun) qui contribuent à la formalisation des
processus et des activités.
La rationalisation avec et imbriquée dans les artefacts renouvelle la question du pouvoir, et ce
d’autant plus qu’il s’agit au moins en partie de professions intellectuelles supérieures, qui
bénéficiaient de marges conséquentes dans la conduite des activités. Ce qui est redessiné dans le
processus de rationalisation interroge sur la conception des activités, des territoires
professionnels, des modes de coordination et sur la distribution du pouvoir.
Questionner la rationalisation par et avec les techniques et les artefacts conduit à interroger les
interactions entre humains et non humains par lesquels prennent forme des orientations dans le
développement des objets techniques, qui deviennent des actions et des contraintes pour d’autres
(Bruni, 2005 ; Leonardi, Barley, 2008). L’intérêt qu’il y a à se poser la question de l’agentivité et
de la matérialité des technologies de l’information et de la communication tient à ce que nous
nous proposons de comprendre comment, par la circulation des humains et non humains, leurs
rencontres, leurs empêchements, se réarticule la question du pouvoir. La question est celle de
savoir comment se régule l’initiative, au travers de quels sujets, de quels objets, par quels
langages, textes et figures (Cooren, 2009). C’est au-delà la question des nouvelles formes de
sociabilité et de construction des identités qui est en jeu, et le cadre des activités professionnelles
peut être envisagé comme terrain d’expérimentation et d’observation particulièrement pertinent
(Knorr Cetina K., 1997).
La communication est constitutive de l’action organisée qui donne forme à des organisations et
des actants, en mobilisant différentes figures institutionnelles, et en étant de plus en plus
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