Texte grec, édition de H.S. Jones and J.E. Powell, Thucydidis historiae, 2 vols. Oxford: Clarendon Press, 1:1942 XX. 1. Τὰ μὲν οὖν παλαιὰ τοιαῦτα ηὗρον, χαλεπὰ ὄντα παντὶ ἑξῆς τεκμηρίῳ πιστεῦσαι. Οἱ γὰρ ἄνθρωποι τὰς ἀκοὰς τῶν προγεγενημένων, καὶ ἢν ἐπιχώρια σφίσιν ᾖ, ὁμοίως ἀβασανίστως παρ’ ἀλλήλων δέχονται. §1 : εὑρίσκω : à l’aoriste, c’est le verbe employé par Th. pour désigner le résultat de son enquête et de sa recherche, cf. 1, 2. Il est construit avec l’accusatif τὰ παλαιὰ et l’attribut de ce dernier τοιαῦτα . - χαλεπὰ ὄντα…πιστεῦσαι : passage difficile pour lequel plusieurs hypothèses de construction ont été émises. H1 : Nous comprenons χαλεπὰ ὄντα comme un accusatif absolu, c’est-à-dire une tournure impersonnelle (normalement χαλεπὸν ὂν); le neutre pluriel est dû à la proximité du groupe nominal τὰ παλαιὰ, qui a suscité par attraction un glissement au pluriel. Trad. : bien qu’il soit difficile d’ajouter foi à chaque indice qui se présente. H2 : χαλεπὰ ὄντα est apposé à τὰ παλαιὰ et πιστεῦσαι est un infinitif dit « epexégétique » (infinitif de relation) ; dans ce cas, la construction est personnelle. Trad. ces faits anciens… bien qu’ils soient difficiles pour ce qui est d’ajouter foi à … - Τὰς ἀκοάς : selon Gomme, ne pas donner un sens limititatif ici (« par ouï-dire »), mais « tout ce qui a été dit et écrit sur le passé », par opposition à ce que nous savons par notre propre expérience. L’expression annonce le passage sur les différents critères de la connaissance (22, 1-3) - ἐπιχώρια : attribut d’un sujet à tirer de τῶν προγεγενημένων. - σφίσιν : pronom réfléchi indirect (renvoie à οἱ ἄνθρωποι) : datif éthique 2. Ἀθηναίων γοῦν τὸ πλῆθος Ἵππαρχον οἴονται ὑφ’ Ἁρμοδίου καὶ Ἀριστογείτονος τύραννον ὄντα ἀποθανεῖν, §2: γοῦν : « par exemple » ( cf Denniston, The Greek Particles, p. 451-452 ) - οἴονται : accord pluriel avec un singulier collectif (syllepse) καὶ οὐκ ἴσασιν ὅτι Ἱππίας μὲν πρεσβύτατος ὢν ἦρχε τῶν - τύραννον ὄντα : Exemple de phrase où le sens est porté par le participe apposé τύραννον ὄντα. Trad. : Ainsi, la plupart des Athéniens s’imaginent qu’Hipparque était tyran lorsqu’il fut tué par Harmodios et Aristogiton… Πεισιστράτου - τῶν Πεισιστράτου υἱέων : génitif partitif C. du superlatif πρεσβύτατος υἱέων, Ἵππαρχος δὲ καὶ Θεσσαλὸς ἀδελφοὶ ἦσαν αὐτοῦ, ὑποτοπήσαντες δέ [τι ἐκείνῃ τῇ ἡμέρᾳ καὶ παραχρῆμα Ἁρμόδιος καὶ Ἀριστογείτων ἐκ τῶν ξυνειδότων σφίσιν Ἱππίᾳ μεμηνῦσθαι] τοῦ μὲν ἀπέσχοντο ὡς προειδότος, βουλόμενοι δὲ πρὶν ξυλληφθῆναι δράσαντές τι καὶ κινδυνεῦσαι, τῷ Ἱππάρχῳ περιτυχόντες περὶ τὸ Λεωκόρειον καλούμενον τὴν - le schéma de la suite de la phrase est le suivant : Ἁρμόδιος καὶ Ἀριστογείτων (sujet) ὑποτοπήσαντες (1er participe apposé) + infinitive [τι…μεμηνῦσθαι] 1ère conséquence : τοῦ μὲν ἀπέσχοντο (1er verbe principal) 2ème conséquence : βουλόμενοι δὲ (2ème part. apposé) κινδυνεῦσαι … ἀπέκτειναν (2ème verbe ppal) - ἐκείνῃ τῇ ἡμέρᾳ καὶ παραχρῆμα : à rapprocher de μεμηνῦσθαι (ce jour-là à ce moment précis) - σφίσιν : réfléchi indirect (Harmodios et Aristogiton) et se construit avec ξυνειδότων. ἐκ τῶν - τοῦ μὲν : pronominal renvoie à Hippias, au génitif car ἀπέχομαι +génitif Παναθηναϊκὴν πομπὴν διακοσμοῦντι ἀπέκτειναν. ξυλληφθῆναι : inf. aor. P. de συλλαμβάνω - δράσαντες τι καὶ κινδυνεῦσαι : l’infinitif complète le participe βουλόμενοι, mais le sens principal est porté par le participe aoriste δράσαντες. Il faut en français rendre la corrélation nécessaire entre les deux actions : l’exposition au danger ne se conçoit pas sans la réalisation préalable d’une action, d’où la traduction par la double négation « ne pas …sans » (car ils ne voulaient pas s’exposer au danger sans avoir, avant d’être arrêtés, accompli rien qui vaille). Le pronom indéfini τι a ici un sens emphatique : « quelque chose d’important ». - τῷ Ἱππάρχῳ: est à la fois C. du part. περιτυχόντες (qui se construit avec le datif) et du verbe ἀπέκτειναν (qui réclamerait plutôt un accusatif). 3. Πολλὰ δὲ καὶ ἄλλα ἔτι καὶ νῦν ὄντα καὶ οὐ χρόνῳ ἀμνηστούμενα καὶ οἱ ἄλλοι Ἕλληνες οὐκ ὀρθῶς οἴονται, ὥσπερ τούς τε Λακεδαιμονίων βασιλέας μὴ μιᾷ ψήφῳ προστίθεσθαι ἑκάτερον, ἀλλὰ δυοῖν, καὶ τὸν Πιτανάτην §3 : ὥσπερ : suivi d’une infinitive : « par exemple », « comme le fait que » - μὴ μιᾷ ψήφῳ προστίθεσθαι: “donner son opinion” (on attendrait, il est vrai, l’acc. ψῆφον, comme dans Euménides, 738 [ψῆφον δ’Ὀρέστῃ τήνδ’ἐγὼ προσθήσομαι], mais le sens ici est « non pas donner son opinion avec un seul vote ») - τρέπονται : le sujet est à tirer de τοῖς πολλοῖς. λόχον αὐτοῖς εἶναι, ὃς οὐδ’ ἐγένετο πώποτε. Οὕτως ἀταλαίπωρος τοῖς πολλοῖς ἡ ζήτησις τῆς ἀληθείας καὶ ἐπὶ τὰ ἑτοῖμα μᾶλλον τρέπονται. XXI. 1. Ἐκ δὲ τῶν εἰρημένων τεκμηρίων ὅμως τοιαῦτα ἄν τις νομίζων μάλιστα ἃ διῆλθον οὐχ ἁμαρτάνοι, καὶ οὔτε ὡς ποιηταὶ ὑμνήκασι περὶ αὐτῶν ἐπὶ τὸ μεῖζον κοσμοῦντες μᾶλλον πιστεύων, οὔτε ὡς λογογράφοι ξυνέθεσαν ἐπὶ τὸ προσαγωγότερον τῇ ἀκροάσει ἢ ἀληθέστερον, ὄντα ἀνεξέλεγκτα καὶ τὰ πολλὰ ὑπὸ χρόνου αὐτῶν ἀπίστως ἐπὶ τὸ μυθῶδες ἐκνενικηκότα, ηὑρῆσθαι δὲ ἡγησάμενος ἐκ τῶν ἐπιφανεστάτων σημείων ὡς παλαιὰ εἶναι ἀποχρώντως. XXI . §1 : ἄν… οὐχ ἁμαρτάνοι : vb ppal, les part. νομίζων, πιστεύων, ἡγησάμενος sont apposés au sujet τις et expriment le moyen plutôt que la condition comme l’indique la négation οὔτε (sinon on aurait μήτε). - τοιαῦτα attribut de ἃ διῆλθον via νομίζων : c’est en considérant, d’après les indices dont j’ai parlé, que les faits que j’ai racontés étaient bien ainsi, que l’on ne saurait se tromper. - μάλιστα nuance τοιαῦτα. - οὔτε ὡς ποιηταὶ …μᾶλλον πιστεύων : le participe est construit avec deux complétives successives introduites par ὡς : et non pas en se fiant plutôt à la façon dont les poètes les ont célébrés… - ἐπὶ τὸ μεῖζον : complète le participe κοσμοῦντες (valeur finale d’ ἐπὶ + acc., cf. Bizos p.99) - ἐπὶ τὸ προσαγωγότερον …ἢ ἀληθέστερον : en grec, quand deux adjectifs sont comparés entre eux, le second se met aussi au comparatif (cf. Ragon-Dain, §240 Rq II). προσαγωγός: “séduisant”, “qui charme”: ni à la façon dont les logographes les ont réunis pour qu’ils soient plaisants à entendre plutôt que vrais. - ὄντα: apposé à un αὐτά sous-entendu C. de ξυνέθεσαν, qui reprendrait l’idée de τὰ παλαιὰ. αὐτῶν (le pronom qu’on attendait pour sujet de ὄντα ) = gén. partitif de τὰ πολλὰ. - ἐκνενικηκότα : « ayant réussi (à se frayer une voie) vers le fabuleux » + valeur consécutive de l’adverbe ἀπίστως, « jusqu’à en être incroyables ». - ὡς παλαιὰ εἶναι : infinitif absolu à valeur restrictive, « considérant leur ancienneté ». - ἀποχρώντως : l’adverbe porte sur ηὑρῆσθαι … mais en jugeant (ἡγησάμενος) d’après les signes les plus manifestes, qu’ils sont, pour des faits anciens, suffisamment établis. 2. Καὶ ὁ πόλεμος οὗτος, [καίπερ τῶν ἀνθρώπων ἐν ᾧ μὲν ἂν πολεμῶσι τὸν παρόντα αἰεὶ μέγιστον κρινόντων, παυσαμένων δὲ τὰ ἀρχαῖα μᾶλλον θαυμαζόντων], ἀπ’ αὐτῶν τῶν ἔργων σκοποῦσι δηλώσει ὅμως μείζων γεγενημένος αὐτῶν. §2 : ἐν ᾧ μὲν ἂν πολεμῶσι : a pour antécédent τὸν παρόντα (πόλεμον) ; l’éventuel (ἂν + subj. dans la relative) marque la répétition, comme le montre aussi l’adverbe αἰεὶ. - παυσαμένων δὲ a pour complément implicite τὸν παρόντα (πόλεμον) et il est apposé (avec une valeur d’antériorité car il est à l’aoriste) à τῶν ἀνθρώπων sujet de θαυμαζόντων (2ème vb du génitif absolu) : bien que les hommes considèrent toujours que la guerre qui est en cours (τὸν παρόντα [πόλεμον]), pendant qu’ils la mènent, est la plus importante, et que, une fois qu’ils ont cessé (de combattre), ils admirent davantage les événements passés - σκοποῦσι : part. dat. plur., apposé à un τισι sous-entendu, C. de δηλώσει. - δηλώσει + part. γεγενημένος qui se rapporte au sujet ὁ πόλεμος οὗτος : construction personnelle. - αὐτῶν : C. du comp. μείζων, ce pronom reprend τὰ ἀρχαῖα (au sens de τοὺς ἀρχαίους πολέμους).