hermétiquement fermées à toute influence de l’extérieur, car, depuis le début de la modernité,
l’Occident, sous les forces diverses de la globalisation délimite la place économique , politique et
culturelle de l’Autre. Et Talal Asad est particulièrement intéressant sur ce point:
“ What first attracted me to anthropology was that it encouraged one to think of human
beings as having different kinds of possibility. One of the things modernity has done…is to
extinguish various possibilities ” ( Talal Asad, The Trouble of Thinking, dans, Powers of the
Secular Modern. Talal Asad and His Interlocutors, Stansford University Press, Stansford,
2006, p. 274.)
L’argument que Talal Asad développe dans son livre tend a suggérer que la modernité -
projet Occidental par excellence - s’impose et réduit les autres possibilités. C’est à dire la
modernité élimine de l’espace public les identités culturelles qui s’opposent à celle(s) de la nation
en se définissant comme identités alternatives. On voit dans cette perspective que le pouvoir
politique et économique jouent un rôle prépondérant dans ce que l’on pourrait appeler le champ
culturel, et surtout ce qui concerne la question de l’identité culturelle. Je veux suggérer donc que
l’identité de l’(im)migrant est circonscrite par late modern Western society: l’(im)migrant doit
réconcilier son identité au carrefour du pouvoir politique, économique et culturel de l’Occident, et
sur le territoire qui est défini comme faisant partie intégrale de l’identité nationale .
A partir du milieu de années 1980, les écrits anthropologiques sur l’identité en général
avaient bien changés, surtout par rapport aux monographies classiques de Malinowski, Radcliffe-
Brown et leurs disciples. L’identité n’était plus considérée comme étant réductible à une liste de
traits culturels ou traduisible à partir d’une analyse structurelle des institutions; l’identité n’était
plus conceptualisée en termes essentialistes. L’identité était devenu plus complexe, modulable,
transformable, ouverte à diverses influences et d’emblée, multiple dans ses formes et sources. En
anthropologie, la plus grande influence dans ce que l’on appelle postmodern anthropology était la
publication du livre, Writing Culture , basé sur une colloque international . La problématique
centrale était celle de l’interprétation de la culture en général, et la traduction culturelle de l’Autre ,
en particulier. L’impact de Writing Culture sur la question de l’identité a été radical et a eu un
impact direct sur l’analyse des populations (im)migrants en Europe. Talal Asad (avec Dixon) a
réorienté le débat spécifiquement vers l’Europe et l’Autre lors d’un autre colloque international qui
a réuni anthropologues et littéraires autour des questions d’identité au sein d’une Europe moins
sure d’elle-même et face à des minorités venues d’ailleurs, et principalement des ex-colonies. Ces
deux colloques ont signalé l’émergence d’une approche inter-disciplinaire par rapport à l’identité,
avec des échanges entre des perspectives anthropologiques et littéraires. L’acteur en tant
qu’individu était au centre des discours d’identité, interprété par la pensée post-moderne
anthropologique et littéraire. Les vieilles certitudes de la modernité devaient être déconstruites, et
l’identité devait être conçue - de la part de l’individu - comme étant multi-layered , basée sur de
multiples possibilités, et comme une autobiographie toujours “en chantier”. On y voit souvent
l’individualisme idéologique à l’Occidentale, le culte de l’individu, et souvent le discours sur
l’identité de l’(im)migrant qui en résulte conçoit le contact avec l’Occident comme source de
libération, source d’une hybridité culturelle. L’Occident contresigne l’Autre, et par conséquent, lui
confère une légitimité.
Mais comme Barnard l'indique, et comme Talal Asad le souligne à travers son oeuvre , le
post-modernisme a trop souvent tendance à abstraire le pouvoir de tout discours sur l’identité. Mais
puisque depuis la modernité le pouvoir est omniprésent dans tous les rapports -politiques,
économiques et culturels - entre l’Occident et le monde non-Occidental, il me paraît inconcevable