POLYNOMES
Le but de ce complément est d’approfondir et de systématiser vos connaissances sur les polynômes. Jusqu’à présent, et
notamment dans le chapitre 34 de "Toutes les mathématiques" (TLM1), les polynômes ont été vus comme des fonctions de
Rdans R:Ici, nous les considérons d’un point de vue plus algébrique, comme des objets mathématiques sur lesquels sont
dé…nies des opérations (addition, multiplication, division euclidienne...). On parle alors de polynômes formels. Ce point de vue
permet de mieux mettre en valeur la parenté des propriétés des polynômes formels avec celles d’autres objets mathématiques
(entiers relatifs par exemple).
Pour indiquer qu’il s’agit de polynômes formels, la variable sera notée Xau lieu de x: On remarquera que les propriétés des
polynômes formels ne remplacent pas celles des fonctions polynômes, bien au contraire ; les deux points de vue s’enrichissent
mutuellement.
1 Polymes formels
Dans tout ce chapitre, Kdésigne Rou C. Un polynôme de l’indéterminée X; àcoe¢ cients dans K=Rou C;est une
expression de la forme
P=a0+a1X+a2X2+   +anXn(1)
où les ai2K. On note K[X]l’ensemble des polynômes à co cients dans K:
La dé…nition théorique d’un polynôme est un peu plus compliquée, puisqu’un polynôme est une suite (ak)k2N(dite des
co cients) nulle à partir d’un certain rang. Ce qu’il faut comprendre dans cette dé…nition, c’est que l’on peut toujours
ajouter des termes dans un polynôme. Par exemple P=1+2X +3X2peut aussi s’écrire P=1+2X +3X3+0X4+0X5;
etc. Cela permet d’écrire deux polynômes Pet Qsous forme condensée, avec le même domaine de sommation :
P=
n
X
k=0
akXk;Q=
n
X
k=0
bkXk;(2)
Cela signi…e que Pet Qsont de degré au plus n. On note Kn[X]l’ensemble des polynômes de degré au plus n:
Si Pest un polynôme, on dé…nit son degré, noté deg Pcomme l’indice du dernier co cient non nul. Plus précisément, si
la suite des co cients de Pest (ak)k2N, alors dest le degré de Psi et seulement si ad6=0et si ak=0pour k>d.
Par dé…nition, le co cient adn’est pas nul. Ce coe¢ cient est dit coe¢ cient dominant de P. Lorsque le co cient
dominant vaut 1; on dit que Pest unitaire ou normalisé.
Par convention, le degré du polynôme nul est -1;et on convient que pour tout entier n; -1< n; -1+n= -1et
que (-1)+(-1)= -1.
Nous dé…nissons maintenant, du point de vue formel, les premières opérations sur les polynômes. Si Pet Qsont deux
polynômes formels écrits comme en (2);et si 2K;on pose
P =
n
X
k=0
(ak)Xk;P+Q=
n
X
k=0
(ak+bk)Xk(3)
Puisque les termes dominants de Pet Qpeuvent s’annuler lorsqu’on les ajoute, il est clair que
deg (P+Q)max (deg P; deg Q):(4)
avec égalité si deg P6=deg Q: De plus, si 6=0; on a
deg (P)=deg P: (5)
TLM1 Compléments sur les polynômes 2
Exemple 1 Soit P=(X+1)net Q=(X-1)npour n2N. En développant par la formule du binôme de Newton, on
voit que
P+Q=
n
X
k=0n
k1+(-1)n-kXk:
Le terme en facteur de Xnest donc 2: Ainsi deg (P+Q)=deg P=deg Q:
Par contre on voit que P-Q=
n
P
k=0n
k1-(-1)n-kXk:
Ainsi deg (P-Q)<max [deg P; deg (-Q)] ; les termes de plus haut degré de Pet Qs’éliminent dans ce cas.
Si Pet Qsont deux polynômes formels écrits comme en (2), on dé…nit leur produit PQ en distribuant les coe¢ cients de
Psur ceux de Qcomme lorsqu’on calcule dans R;c’est-à-dire
PQ =a0+a1X+a2X2+   +anXnb0+b1X+b2X2+   +bnXn
=(a0b0)+(a0b1+a1b0)X+   +(a0bn+a1bn-1+   +anb0)X2n:
De manière condensée, on a
n
X
k=0
akXk! n
X
k=0
bkXk!=
2n
X
i=0
ciXi, avec ci=
i
X
k=0
akbi-k:(6)
On notera que, dans l’expression du coe¢ cient ci;la somme des indices ket i-kest constante et égale à i: En e¤et,
pour obtenir le co cient de Xidans le produit PQ; on additionne tous les produits akXkbi-kXi-k=akbi-kXi:
L’expression (6)du co cient du produit peut être utile dans certains cas.
Remarque 1 (K[X];+;)est un anneau commutatif (voir le complément de cours "Anneaux et corps").
Exemple 2 Soit P=Q=(X+1)n. Alors on a
PQ =(X+1)2n =
2n
X
i=02n
iXi:(7)
Mais en développant Pet Qpar la formule du binôme, on a aussi par (6):
PQ = n
X
k=0n
kXk! n
X
k=0n
kXk!=
2n
X
i=0"i
X
k=0n
k n
i-k#Xi;(8)
avec la convention n
p=0si p > n: En comparant les termes de degré idans (7)et (8);on obtient
i
X
k=0n
k n
i-k=2n
i:(9)
Si nous nous intéressons au degré du produit de deux polynômes, nous voyons immédiatement que
deg (PQ)=deg P+deg Q: (10)
On notera que cette propriété demeure vraie si P=0: En e¤et, dans ce cas, on a dé…ni deg P= -1;et -1+deg Q= -1:
On en déduit le
Théorème 1 Soient Pet Qdans K[X]. Alors
PQ =0() (P=0ou Q=0):(11)
On traduit ce résultat en disant que l’anneau K[X]est intègre (voir le complément de cours "Anneaux et corps").
Démonstration Si P=0ou Q=0; il est clair que PQ =0: Réciproquement, par contraposition, si P6=0et Q6=0
alors deg P0et deg Q0car le polynôme nul est le seul qui ait un degré négatif (égal à -1):Donc deg (PQ)0. Ainsi
PQ 6=0.
TLM1 Compléments sur les polynômes 3
2 Divisibilité dans K[X]
Cette section est à mettre en parallèle avec le chapitre 28 de TLM1, où on étudie les propriétés arithmétiques des entiers.
On peut faire de même avec les polynômes car il existe une division euclidienne dans K[X]. L’outil fondamental qui permet
d’arithmétiser K[X]est le degré.
2.1 Multiples et diviseurs
Dé…nition 1 Soient Aet Bdans K[X]:On dit que Bdivise A; ou que Best un diviseur de A; s’il existe Q2K[X]tel
que A=BQ.On note alors BjA. On dit également que Aest un multiple de B.
Exemple 3 Le polynôme A=X-1divise le polynôme B=Xn-1pour n1. En e¤et
Xn-1=(X-1)Xn-1+Xn-2+   +1:(12)
Cette formule se véri…e aisément en développant le membre de droite, et doit être connue.
Remarque 4 Si B=0dans la dé…nition 1, alors A=0et Qest quelconque. Si B6=0; le polynôme Qest unique. En
et si BQ1=BQ2alors B(Q1-Q2)=0. Par intégrité de K[X], si B6=0; on a Q1=Q2.
Remarque 5 Le degré d’un produit est la somme des degrés ; on en déduit que si Bdivise Aet si A6=0; alors
deg Bdeg A. Par contraposition, il vient : si deg B > deg Aet si Bdivise Aalors A=0: On mettra cette remarque en
parallèle avec la remarque 28.2, page 340 de TLM1. On se convaincra alors que le degré joue, pour les polynômes formels,
un rôle analogue à celui de la valeur absolue dans Z.
Dé…nition 2 On dit que que les polynômes Aet B2K[X]sont associés s’il existe 2Ktel que A=B.
Théorème 2 Aet B2K[X]sont associés si et seulement si AjBet BjA:
Démonstration Si Aet Bsont associés, il existe 2Ktel que A=B.Donc BjAcar 2Kest un polynôme de
degré 0. De même B=1
A; donc AjB:
Réciproquement, supposons que AjBet BjA: Alors il existe deux polynômes Pet Qtels que B=AP et A=BQ:
En prenant les degrés, il vient deg B=deg A+deg Pet deg A=deg B+deg Q: Par addition de ces deux égalités, il vient
deg P+deg Q=0: La seule valeur négative du degré étant -1;ceci implique deg P=deg Q=0: Donc Qest un polynôme
de degré 0; c’est-à-dire Q=2K:Ainsi Aet Bsont associés.
2.2 Division euclidienne
Théorème 3 Soient Aet Bdans K[X]avec B6=0; alors il existe un unique couple (Q; R)dans K[X]tel que A=BQ+R
et deg R < deg B.
Démonstration On commence par l’unicité. Supposons l’existence de deux couples (Q1; R1)et (Q2; R2). Alors :
A=BQ1+R1=BQ2+R2=)B(Q1-Q2)=R2-R1:
On en déduit que Bdivise R2-R1. Mais deg (R2-R1)max (deg R1;deg R2)<deg B. On en déduit (remarque 5) que
R2-R1=0; puis par intégrité (B6=0) que Q1=Q2.
Prouvons maintenant l’existence, ce qui donnera l’algorithme de la division euclidienne dans K[X].
Si deg A < deg Balors A=B0+Ace qui fournit le couple (0; A).
Si maintenant deg Adeg B, posons A=anXn+   et B=bqXq+   .
Alors le polynôme
A1=A-an
bq
Xn-qB=anXn+   -an
bq
Xn-q(bqXq+   )(13)
est de degré strictement plus petit que npuisqu’on s’est arrangé pour éliminer les termes de degré n. Si deg A1<deg B; la
division euclidienne est terminée ; en e¤et, d’après (13)on a A=an
bqXn-qB+A1=1X1B+A1:
TLM1 Compléments sur les polynômes 4
Sinon, on recommence le procédé avec A1:On élimine le terme de plus haut degré de A1en multipliant Bpar un facteur
2X2et en dé…nissant donc A2tel que deg A2<deg A1et A1=2X2B+A2:
En poursuivant de même, on dé…nit une suite Ande degré strictement décroissant telle que An-1=nXnB+An:
Puisque deg Anest une suite d’entiers qui décroît strictement, il existe un entier Ntel que deg AN<deg B: On a alors
A=1X1B+A1=1X1B+2X2B+A2=  
=1X1+2X2+   +NXNB+An:
Le théorème de division euclidienne est démontré.
On notera que la démonstration proposée ici traduit très exactement, dans le cas général, le procédé pratique de division
euclidienne tel qu’il a été exposé dans l’exemple 34.5 de TLM1, auquel on se reportera. La formule 13 exprime, en fait, que
l’on multiplie Bpar un facteur convenable de façon à éliminer, par soustraction, le terme de plus haut degré de A: On répète
ensuite le procédé jusqu’à obtenir un reste de degré plus petit que celui du diviseur B:
Remarque 6 Bdivise Asi et seulement si R=0.
Remarque 7 On notera l’analogie avec la division euclidienne dans Z. De nouveau, le degré joue dans K[X]le même
rôle que la valeur absolue dans Z.
2.3 Arithmétique des polynômes
De la même manière que pour les entiers relatifs, on dé…nit les notions de pgcd et de ppcm. Le théorème 3 de la division
euclidienne des polynômes prouve que les diviseurs communs à Aet Bsont ceux communs à Bet R, où Rest le reste de
la division de Apar B(comparer avec le théorème 28.3 de TLM1, page 343). Si on réitère le procédé en divisant Bpar R;
on obtient un nouveau reste R1; en notant (A; B)l’ensemble des diviseurs communs à Aet B; on a (A; B)=(R; R1).
Puisque deg R1<deg R < deg B; au bout d’un nombre …ni d’étape (le degré diminue d’une unité au moins à chaque étape)
on obtient un reste nul. Si on note Dle dernier reste non nul, on a (A; B)=(D; 0);ensemble des diviseurs de D.
Le polynôme obtenu en normalisant D(c’est-à-dire en le divisant par son coe¢ cient dominant) est appelé le pgcd de A
et Bet se note A^B. On a donc
PjAet PjB() Pj(A^B):(14)
et on dispose d’un procédé pratique pour déterminer D: Ce procédé, que l’on vient d’exposer, est l’algorithme d’Euclide.
Exemple 4 Déterminons le pgcd de A=8X4-26X3+21X2-X-2et de B=X3-2X2. On e¤ectue la division euclidienne
de Apar B:
A=B(8X -10)+X2-X-2:
On a donc R=X2-X-2: On divise ensuite Bpar Ret on obtient
B=(X-1)R+(X-2):
En…n la division de Rpar X-2donne R=(X-2) (X+1)+0.
Le dernier reste non nul est le polynôme unitaire X-2; qui est le pgcd de Aet B.
Comme pour les entiers, on peut ”remonter”l’algorithme d’Euclide et en déduire l’existence de deux polynômes Uet V
tels que AU +BV =D: Ce résultat porte encore le nom de théorème de Bézout.
Exemple 5 On reprend les polynômes de l’exemple 4: On a
A=B(8X -10)+X2-X-2;B=(X-1)X2-X-2+(X-2):
On en déduit que
X-2=B-(X-1)X2-X-2=B-(X-1) (A-B(8X -10))
= - (X-1)A+8X2-18X +11B:
TLM1 Compléments sur les polynômes 5
Si le pgcd de Aet Best le polynôme constant égal à 1; on dit que Aet Bsont premiers entre eux. Alors le théorème de
Bézout s’écrit :
Théorème 4 Les polynômes Aet Bsont premiers entre eux si et seulement si il existe deux polynômes Uet Vtels que
AU +BV =1.
Remarque 8 Si Aest premier avec Bet C; alors Aest premier avec BC (voir corollaire 28.1). On en déduit l’important
résultat suivant :
Théorème 5 Soient aet b2K;avec a6=b; et soient n; p 2N:Alors les polynômes (X-a)net (X-b)psont
premiers entre eux.
Démonstration D’abord on a 1
b-a(X-a)-1
b-a(X-b)=1:
Donc X-aet X-bsont premiers entre eux en vertu du théorème de Bézout.
Par la remarque 8; on obtient par récurrence sur pque X-aet (X-b)psont premiers entre eux, puis par récurrence
sur nque (X-a)net (X-b)psont premiers entre eux.
Le théorème de Gauss est encore valable pour les polynômes :
Théorème 6 Si Aet Bsont premiers entre eux, et si AjBC ; alors AjC.
Pour la démonstration, voir le théorème 28.7 de TLM1.
Pour …nir, dé…nissons le ppcm de deux polynômes. Soit (A; B)est l’ensemble des multiples communs à Aet B; et M
l’ensemble des degrés des polynômes non nuls de (A; B), c’est-à-dire M=fdeg P; P 2M(A; B)et P6=0g:Mest une partie
non vide de N(elle contient deg A+deg Bcar AB 2(A; B)). Elle admet donc un plus petit élément m: Soit Mun polynôme
de (A; B)de degré m. Alors 82K; M est encore un multiple commun à Aet Bde degré m: On dé…nit le ppcm de A
et Ben normalisant M; on le note A_B.
Soit Pun multiple commun à Aet B: En divisant Ppar A_B; on a P=(A_B)Q+Ravec deg R < deg (A_B). Puisque
Aet Bdivisent Pet (A_B);ils divisent aussi R. Ainsi Rest un multiple commun à Aet B; de degré plus petit que celui de
A_B; par dé…nition de A_B; on a R=0. On a donc prouvé que tout multiple commun à Aet Best un multiple de A_B.
La réciproque étant immédiate, on a :
AjPet BjP() A_BjP: (15)
Remarque 9 Dans ”pgcd”et ”ppcm”les termes ”grand”et ”petit”doivent donc être compris au sens de la divisibilité :
Pest plus ”petit”que Qsi Pdivise Q.
Les propriétés du pgcd et du ppcm vues au chapitre 28 de TLM1 s’étendent aux polynômes. Les théorèmes 33:2; 33:6 et
33:8 donnent des théorèmes aux formulations identiques pour les polynômes. En revanche, le théorème 28.9 s’énonce ainsi :
Théorème 7 Soient Aet B2K[X]. Alors AB et (A^B) (A_B)sont associés (c’est-à-dire sont égaux à une constante
multiplicative près).
En particulier, si Aet Bsont premiers entre eux, leur ppcm est A_B=AB est l’inverse du produit des co cients
dominants de Aet B(n’oublions pas que le ppcm est un polynôme unitaire).
3 Formule de Taylor
Dans cette section, nous montrons comment exprimer un polynôme à l’aide de ses dérivées successives en un point.
Cependant, puisque nous travaillons sur des polynômes formels, nous ne pouvons pas utiliser la notion usuelle de dérivée, qui
utilise les propriétés de Ret notamment la notion de limite (dé…nition 10.1 de TLM1). Nous devons donc donner d’abord
une dé…nition de la dérivée formelle d’un polynôme. Celle-ci s’obtient par ”dérivation terme à terme”et redonne bien sûr la
dérivée de la fonction polynôme correspondante de Rdans R:
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