Cours d’algèbre linéaire 2 de S. Paños FMdKdD fmdkdd [à] free.fr Université du Havre Année 2008–2009 Table des matières 1 Dualité 2 2 Formes bilinéaires et formes quadratiques 7 2.1 Formes bilinéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 2.2 Formes quadratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 2.3 Propriétés particulières aux espaces vectoriels de dimension finie 16 3 Espaces euclidiens 22 3.1 Adjoint d’un endomorphisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 4 Espaces hermitiens 33 4.1 Propriétés des formes hermitiennes non dégénérées . . . . . . . . 40 4.2 Espaces pré-hilbertiens et espaces hermitiens . . . . . . . . . . . . 41 1 Chapitre 1 Dualité Définition 1.1. Soit E un K-espace vectoriel. L’espace vectoriel des applications linéaires de E dans K, LK (E, K) s’appelle l’espace dual de E et se note E∗ . Les éléments de E∗ s’appellent les formes linéaires sur E. Le dual de E∗ s’appelle le bidual de E et se note E∗∗ . Notation. Au lieu de noter ϕ(x) l’image d’un vecteur x de E par la forme linéaire ϕ, les physiciens notent < x, ϕ > l’application E × E∗ → K : (x, ϕ) 7→< x, ϕ > telle que ∀x 1 , x 2 ∈ E, ∀ϕ1 , ϕ2 ∈ E∗ , ∀λ ∈ K, < x 1 , ϕ1 + ϕ2 > =< x 1 , ϕ1 > + < x 1 , ϕ2 > < x 1 + x 2 , ϕ1 > =< x 1 , ϕ1 > + < x 2 , ϕ1 > λ < x 1 , ϕ1 > =< λx 1 , ϕ1 >=< x 1 , λϕ1 > On l’appelle la forme bilinéaire canonique sur E × E∗ . Pour le reste de ce chapitre, on suppose que E est un K-espace vectoriel de dimension finie n. Théorème 1.1. Soit {e1 , . . . , en } une base de E. Les formes e1∗ , . . . , en∗ définies par ∀i ∈ N∗n , ∀ j ∈ N∗n , ei∗ (e j ) = δi j 1 forment une base de E∗ appelée base duale de {e1 , . . . , en }. Démonstration. Soit λ1 e1∗ + · · · + λn en∗ = 0∗E . ∀x ∈ E, (λ1 e1∗ + · · · + λn en∗ )(x) = 0∗E (x) = 0K λ1 e1∗ (x) + · · · + λn en∗ (x) = 0K 1 Notation de Kronecker : δi j = 1 ⇐⇒ i = j et δi j = 0 ⇐⇒ i 6= j. 2 CHAPITRE 1. DUALITÉ 3 En remplaçant successivement x par e1 , . . . , en , on obtient λ1 e1∗ (e1 ) + · · · + λn en∗ (e1 ) = 0K | {z } | {z } δ11 =1 δn1 =0 D’où λ1 = 0K et de même pour λ2 , . . . , λn . Donc {e1∗ , . . . , en∗ } est une famille libre de E∗ . Or dimK E∗ = dim LK (E, K) = dimK E × dimK K. Théorème 1.2. Si E est un K-espace vectoriel de dimension n finie, alors dim E∗ = dim E∗∗ = dim E. Théorème 1.3. L’application J :E → E∗∗ x 7→ e x : E∗ → K ϕ 7→ ϕ(x) est un isomorphisme. Si E est de dimension finie, J est seulement un homomorphisme injectif. Démonstration. J est une application linéaire (voir notation des physiciens). J est injective car Ker J = {0E }. En effet, supposons que x ∈ E et x 6= 0, alors on peut compléter x dans E par (n − 1) vecteurs pour obtenir une base de E : {e1 = x, e2 , . . . , en }. Soit {e1∗ , . . . , en∗ }, par définition on a < e1∗ , J(x) >=< x, e1∗ >=< e1 , e1∗ >= 1. Nous savons (1.2) que dans E∗∗ = dim E, comme J est injective et linéaire, J est bijective. On appelle J l’isomorphisme canonique de E dans E∗∗ . Remarque. À l’aide de J, on peut identifier E et E∗∗ . Ce résultat est important car toute propriété de dualité montrée pour le couple (E, E∗ ) nous donne une propriété analogue pour le couple (E∗ , E∗∗ ), c’est à dire (E∗ , E) car appliquée à E∗∗ elle nous donnera la même propriété pour le couple (E∗ , E∗∗ ). Comme on a identifié E et E∗∗ , on a cette propriété pour (E∗ , E) : lorsque E est de dimension finie, on a une parfaite symétrie entre les rôles de E et de E∗ . Définition 1.2. Soit A une partie non vide de E. On appelle annihilateur (ou orthogonal) de A dans E∗ : A0 = {ϕ ∈ E∗ /∀x ∈ A, ϕ(x) = 0} Soit A une partie non vide de E∗ . On appelle annihilateur de A dans E : A0 = {x ∈ E/∀ϕ ∈ A, ϕ(x) = 0} CHAPITRE 1. DUALITÉ 4 Théorème 1.4. 1. Pour toute partie A de E (resp. de E∗ ), A0 est un sous espace vectoriel de E∗ (resp. de E). 2. Quelques soient A et B ∈ P (E), A ⊆ B ⇒ B0 ⊆ A0 et A ⊆ A00 . 3. (A ∪ B)0 = A0 ∩ B0 − → − → 4. V (A)0 = A0 , où V (A) est le sous espace vectoriel de E engendré par A. Théorème 1.5. Soit H un sous espace vectoriel de E et H0 son annihilateur. Alors dim H + dim H0 = dim E. Démonstration. Soit n = dim E et p = dim H. Soit {e1 , . . . , en } une base de E telle que {e1 , . . . , e p } soit une base de H. Alors H0 = {ϕ ∈ E∗ /∀x ∈ H, ϕ(x) = 0}. Si ϕ ∈ H0 , ϕ annule tous les éléments de la base {e1 , . . . , e p } : ϕ(e j ) = 0 pour tout j ∈ N∗p . Soit {e1∗ , . . . , en∗ } la base duale deP la base {e1 , . . . , en } de E, ϕ admet une n décomposition dans cette base : ϕ = i=1 λi ei∗ . Or ∀ j ∈ N∗p , ϕ(e j ) = 0 = n X ! λi ei∗ (e j ) = i=1 n X λi ei∗ (e j ) = λ j i=1 − → − → D’où ϕ = λ p+1 e∗p+1 +· · ·+λn en∗ . ϕ ∈ V ({e∗p+1 , . . . , en∗ }) et H0 ⊆ V ({e∗p+1 , . . . , en∗ }). − → Réciproquement ∀ψ ∈ V ({e∗p+1 , . . . , en∗ }), ∀x ∈ H ψ(x) = n X i=1 ! ei∗ p X ! µi ei =0 j=1 − → et ψ ∈ H0 . D’où l’égalité H0 = V ({e∗p+1 , . . . , en∗ }). − → Or dim V ({e∗p+1 , . . . , en∗ }) = n − p d’où p + (n − p) = n, et dim H + dim H0 = dim E. Remarque. La symétrie entre E et E∗ nous donne la propriété duale : si H est un sous espace vectoriel de E∗ et H0 son annihilateur dans E, alors dim H + dim H0 = dim E∗ . Corollaire 1.1. Soit E un K-espace vectoriel de dimension finie n et H un sous espace vectoriel de E. Alors H00 = H (de même si H est un sous espace vectoriel de E∗ ). Démonstration. Le théorème 1.4 nous donne H ⊆ H00 . De plus dim H+dim H00 = dim E. D’où dim H = dim H00 . Comme H ⊆ H00 , H = H00 . CHAPITRE 1. DUALITÉ 5 Remarque. Le résultat reste vrai si E est de dimension infinie et H de dimension finie. Définition 1.3. Soient E et F deux K-espaces vectoriels, E∗ et F∗ leurs espaces duaux. Soit f ∈ LK (E, F). On appelle transposée de f et on note t f l’application linéaire de F∗ dans E∗ définie par : ∀ϕ ∈ F∗ t f (ϕ) = ϕ ◦ f Alors < x, t f (ϕ) >=< f (x), ϕ > où x ∈ E. Théorème 1.6. Soient E, F et G des K-espaces vectoriels de dimensions finies : si f ∈ L (E, F) et g ∈ L (F, G) alors t (g ◦ f ) = t f ◦ t g et t IdE = IdE∗ L’application T : L (E, F) → L (F∗ , E∗ ) définie par f 7→ t f est une application linéaire. Démonstration. ∀ϕ ∈ G∗ , t (g ◦ f )(ϕ) = ϕ ◦ (g ◦ f ) = (ϕ ◦ g) ◦ f = t f (ϕ ◦ g) = t f ( t g(ϕ)) = ( t f ◦ t g)(ϕ) Ceci étant vrai pour tout ϕ ∈ G∗ , t (g ◦ f ) = t f ◦ t g. t IdE : ∀ϕ ∈ E∗ , t IdE (ϕ) = ϕ ◦ IdE = ϕ = IdE∗ (ϕ) D’où l’égalité t IdE = IdE∗ . ∀ f , g ∈ L (E, F), T( f + g) = t ( f + g). Or pour tout ϕ de F∗ , t ( f + g)(ϕ) = ϕ ◦ ( f + g) = ϕ ◦ f + ϕ ◦ g = t f (ϕ) + t g(ϕ) = [ t f + t g](ϕ) Donc t ( f + g) = t f + t g. ∀λ ∈ K, [T(λ f )](ϕ) = t (λ f )(ϕ) = ϕ ◦ (λ f ) = λ(ϕ ◦ f ) = (λ t f )(ϕ) = λT( f ) Donc ( t λ f ) = λ t f . Théorème 1.7. Soient E et F deux K-espaces vectoriels de dimensions finies et f ∈ L (E, F). Alors Ker( t f ) = (Im f )0 . CHAPITRE 1. DUALITÉ 6 Démonstration. Ker( t f ) = {ψ ∈ F∗ / t f (ψ) = 0E∗ } = {ψ ∈ F∗ /ψ ◦ f = 0E∗ } Or ψ ◦ f = 0 implique ∀x ∈ E, (ψ ◦ f )(x) = 0, ou encore ψ[ f (x)] = 0. Donc ψ annule tout élément de fb(E) = Im f et ψ ∈ (Im f )0 . La réciproque est immédiate. Théorème 1.8. Soient E et F deux K-espaces vectoriels de dimensions finies et f ∈ L (E, F). Alors rg( f ) = rg( t f ). Démonstration. Posons N = Ker t f . Alors le théorème 1.7 donne N = (Im f )0 et 1.5 donne dim N + dim Im f = dim F. Or d’après le L1, dim N + dim Im t f = dim F∗ = dim F. D’où dim Im f = dim Im t f , c’est-à-dire rg( f ) = rg( t f ). Définition 1.4. Soit E un K-espace vectoriel de dimension n. On appelle hyperplan vectoriel de E tout sous espace vectoriel de E de dimension (n − 1). Remarque. C’est un sous espace maximal dans l’ensemble des sous espaces propres de E ordonné par l’inclusion. Théorème 1.9. Soient ϕ et ψ deux éléments de E∗ , où ϕ 6= 0E∗ . Si la forme ψ s’annule partout où la forme ϕ s’annule, alors il existe λ ∈ K tel que ψ = λϕ. Démonstration. ∀x ∈ E, ϕ(x) = 0 ⇐⇒ ψ(x) = 0. Soit D = Kϕ le sous espace vectoriel engendré dans E∗ par ϕ. D0 est le noyau de ϕ et aussi de tout élément de D\{0E∗ }. Or dim D = 1 et dim D+dim D0 = dim E = n. Donc dim D0 = n−1. C’est un hyperplan vectoriel. De plus D00 = D donc toute forme linéaire nulle sur D0 appartient à D et est donc de la forme λ f (λ ∈ K). Corollaire 1.2. Tout hyperplan vectoriel H d’un K-espace vectoriel E admet au plus une équation de la forme ϕ = 0 où ϕ ∈ E∗ \{0E∗ }. Autrement dit, les éléments x de H vérifient ϕ(x) = 0 et ceux de ûH, ϕ(x) 6= 0. Théorème 1.10. Si H1 , . . . , H p sont des hyperplans vectoriels de E, d’équations Tp respectives ϕ1 = 0, . . . , ϕ p = 0, alors toute forme linéaire ϕ nulle sur i=1 Hi est une combinaison linéaire de ϕ1 , . . . , ϕ p . Tp − → Démonstration. Soit H = V (ϕ1 , . . . , ϕ p ). Il suffit de montrer que H0 = i=1 Hi car H est l’ensemble des combinaisons linéaires de ϕ1 , . . . , ϕ p . Or, si x ∈ H0 , Tp ∀i ∈ N∗p on a ϕi (x) = 0. Donc ∀i ∈ N∗p , x ∈ Hi . D’où x ∈ i=1 Hi . D’où Tp H0 ⊆ i=1 Hi . Tp Réciproquement, si x ∈ i=1 Hi alors ∀i ∈ N∗p , ϕi (x) = 0K . Or ∀ψ ∈ H, Pp Tp Pp Pp ψ = i=1 λi ϕi . Donc ∀x ∈ i=1 Hi , ψ(x) = i=1 λi ϕi (x) = i=1 λi 0K = 0K . Donc x ∈ H0 . Tp D’où l’égalité H0 = i=1 Hi . Chapitre 2 Formes bilinéaires et formes quadratiques 2.1 Formes bilinéaires Définition 2.1. Soient E, F et G trois K-espaces vectoriels. On dit que f est une application bilinéaire de E × F dans G si elle vérifie les axiomes suivants : 1. ∀x, x 0 ∈ E, ∀ y, y 0 ∈ F, f (x + x 0 , y) = f (x, y) + f (x 0 , y) f (x, y + y 0 ) = f (x, y) + f (x, y 0 ) 2. ∀x ∈ E, ∀ y ∈ F, ∀α ∈ K, f (αx, y) = α f (x, y) = f (x, α y) Autrement dit, f est bilinéaire si et seulement si les applications partielles x 7→ f (x, y) de E dans G et y 7→ f (x, y) de F dans G sont toutes deux linéaires. Notation. L’ensemble des applications bilinéaires de E × F dans G se note LK (E, F; G). Théorème 2.1. L’ensemble LK (E, F; G) muni de l’addition des applications et de la multiplication des applications par un scalaire possède une structure d’espace vectoriel sur K. Définition 2.2. Dans le cas où G = K, on parle de formes bilinéaires. Théorème 2.2. Soient E, F deux K-espaces vectoriels de dimensions respectives n et p. Alors pour toute base B = {e1 , . . . , en } de E et C = {u1 , . . . , u p } de F, il 7 CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 8 existe une bijection de LK (E, F; K) sur MK (n, p) : f 7→ (ai j )i∈N∗n , j∈N∗p où ai j = f (ei , u j ). Cette bijection est un isomorphisme d’espaces vectoriels. On en déduit donc dimK L (E, F; K) = dimK M (n, p) = np. Pn Démonstration. Si x est un élément quelconque de E, x = x e , si y est i=1 i i Pp un élément quelconque de F, y = j=1 y j u j . Soit f ∈ LK (E, F; K). ! p n X X f (x, y) = f x i ei , yjuj i=1 = n X j=1 ei , xi f = i=1 = ! yjuj j=1 i=1 n X p X xi p X y j f (ei , u j ) j=1 p n X X x i y j f (ei , u j ) i=1 j=1 En posant ai j = f (ei , u j ) on obtient une matrice de MK (n, p). Réciproquement, à toute matrice A = (ai j ) de MK (n, p) correspond une forme bilinéaire f définie par f (x, y) = p n X X x i y j ai j i=1 j=1 Théorème 2.3. Soient E et F deux K-espaces vectoriels de dimensions finies n et p. Si, relativement aux bases B de E et C de F, A est la matrice de la forme bilinéaire sur E×F, et si X et Y désignent respectivement les matrices colonnes des coordonnées de x dans B et y dans C, alors f (x, y) = t XAY Pn Pp Démonstration. Si x = i=1 x i ei et y = j=1 y j u j , alors f (x, y) = p n X X i=1 j=1 x i y j ai j = n X i=1 xi p X ! ai j y j j=1 x y1 1 .. , AY est une matrice à n lignes et une .. , Y = Si on considère X = . . yp xn Pp colonne, l’élément de rang i étant j=1 y j ai j . Le produit de t X par AY est une CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 9 matrice (1, 1) qui a pour unique élément n X xi i=1 p X ! y j ai j = f (x, y) j=1 Donc f (x, y) = t XAY. La transposée d’une matrice (1, 1) étant elle même, on peut écrire également que f (x, y) = t Y t AX. Théorème 2.4 (Action d’un changement de bases). Soient B et B0 deux bases de E, C et C0 deux bases de F, P la matrice de passage de B à B0 , Q la matrice de passage de C à C0 . Alors la matrice associée à f ∈ LK (E, F; K) par rapport à B0 et C0 est A0 = t PAQ si A est la matrice associée à f par rapport à B et C. Démonstration. Soient X et X0 les vecteurs colonnes de x dans les bases B et B0 , Y et Y0 les vecteurs colonnes de y dans les bases C et C0 . Alors X = PX0 , Y = QY0 et f (x, y) = t X0 A0 Y0 = t XAY. f (x, y) = t XAY = t (PX0 )A(QY0 ) = t X0 ( t PAQ)Y0 On en déduit que A0 = t PAQ. Définition 2.3. Soit E un K-espace vectoriel. On appelle forme bilinéaire sur E toute forme bilinéaire de E × E dans K. Notation. On note B(E) l’ensemble des formes bilinéaires sur E. Sa dimension sur K est n2 . Définition 2.4. Soit A un anneau unitaire d’élément " pour sa seconde loi. On appelle caractéristique de A le plus petit entier positif n (s’il existe) tel que n" = 0 Si un tel entier strictement positif n’existe pas, on dit que A est de caractéristique nulle. Z , +, ·) est de caractéristique Exemples. (Z, +, ·) est de caractéristique nulle. ( 6Z 6. Définition 2.5. 1. On dit que f ∈ B(E) est symétrique si : ∀x, y ∈ E, f (x, y) = f ( y, x) CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 10 2. On dit que f ∈ B(E) est antisymétrique si : ∀x ∈ E, f (x, x) = 0 Remarque. On peut trouver comme définition de l’antisymétrie f (x, y) = − f ( y, x). Si ∀x ∈ E, f (x, x) = 0 alors f (x, y) = − f ( y, x). La réciproque n’est vraie que si la caractéristique de K est différente de 2. Notation. On note Bs (E) l’ensemble des formes bilinéaires symétriques sur E et Ba (E) l’ensemble des formes bilinéaires antisymétriques sur E. Théorème 2.5. Bs (E) et Ba (E) sont deux sous espaces vectoriels de B(E) et de plus, si K n’est pas de caractéristique 2, B(E) = Bs (E) ⊕ Ba (E) Démonstration. Aux étudiants. Remarque. Si E est de dimension finie, la matrice d’une forme de Bs (E) est symétrique et celle d’une forme de Ba (E) antisymétrique. 2.2 Formes quadratiques Définition 2.6. Soit f ∈ Bs (E). On appelle forme quadratique ϕ associée à f l’application de E dans K définie par : ∀x ∈ E, ϕ(x) = f (x, x) Notation. L’ensemble des formes quadratiques sur E sera noté Q(E; K). L’application de Bs (E) dans Q(E; K), qui à tout f de Bs (E) associe ϕ de Q(E; K), sera notée h. Remarque. Propriétés des formes quadratiques. ∀ϕ ∈ Q(E; K), ∀x ∈ E, ∀α ∈ K, ϕ(αx) = α2 ϕ(x) En particulier, si α = 0K , ϕ(0E ) = 0K . Théorème 2.6. Si K n’est pas de caractéristique 2, l’application h définie cidessus est bijective. Son application réciproque est alors h−1 : ϕ 7→ f :E × E → K 1 ϕ(x + y) − ϕ(x) − ϕ( y) (x, y) 7→ 2 CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 11 Démonstration. h est surjective par construction. Soit ϕ un élément quelconque de Q(E; K) et g l’un de ses antécédents par h. Alors ∀x ∈ E, g(x, x) = ϕ(x). Considérons f : E × E → K, f (x, y) = 12 [ϕ(x + y) − ϕ(x) − ϕ( y)] alors 1 f (x, y) = [g(x + y, x + y) − g(x, x) − g( y, y)] 2 1 = [g(x, x) + g(x, y) + g( y, x) + g( y, y) − g(x, x) − g( y, y)] 2 1 = [g(x, y) + g( y, x)] 2 = g(x, y) On en déduit que f = g et que h est injective. Définition 2.7. L’application f définie par ϕ s’appelle forme polaire de ϕ. Théorème 2.7. Si K n’est pas de caractéristique 2, la bijection h permet de transporter la structure d’espace vectoriel de Bs (E) sur Q(E; K) en définissant les lois de la façon classique : ∀ϕ, ϕ 0 ∈ Q(E; K), ∀α ∈ K, ϕ + ϕ 0 = h[h−1 (ϕ) + h−1 (ϕ 0 )] αϕ = h[αh−1 (ϕ)] h est alors un isomorphisme d’espaces vectoriels. Théorème 2.8 (de caractérisation). Soient E un K-espace vectoriel (avec caractéristique de K 6= 2) et ϕ : E → K une application. Alors ϕ est une forme quadratique sur E si et seulement si : 1. ∀x ∈ E, ϕ(x) = ϕ(−x) 2. L’application f de E2 dans K définie par : ∀x, y ∈ E, 1 f (x, y) = [ϕ(x + y) − ϕ(x) − ϕ( y)] 2 est bilinéaire. ϕ est alors la forme quadratique associée à f . Démonstration. Si ϕ est une forme quadratique. Alors, si f est la forme polaire de ϕ, ∀x ∈ E, ϕ(−x) = f (−x, −x) = f (x, x) = ϕ(x) De plus, 1 2 [ϕ(x + y) − ϕ(x) − ϕ( y)] CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 12 est la forme polaire de ϕ d’après le théorème 2.6. Donc c’est bilinéaire. On a 1 1 f ( y, x) = [ϕ(x + y) − ϕ( y) − ϕ(x)] = [ϕ(x + y) − ϕ(x) − ϕ( y)] = f (x, y) 2 2 Donc l’application f est symétrique. Par hypothèse, cette application est bilinéaire. Si l’on prouve que pour tout x de E, ϕ(x) = f (x, x) ceci prouvera que ϕ est la forme quadratique associée à f . ∀x, y ∈ E, 2 f (x, y) = ϕ(x + y) − ϕ(x) − ϕ( y) (2.1) en remplaçant y par x + y, on obtient 2 f (x, x + y) = ϕ(2x + y) − ϕ(x) − ϕ(x + y) (2.2) Et (2.1) − (2.2) = 2[ f (x, x + y) − f (x, y)] = 2 f (x, x) = ϕ(2x + y) − ϕ(x) − ϕ(x + y) − ϕ(x + y) + ϕ(x) + ϕ( y) = ϕ(2x + y) − 2ϕ(x + y) + ϕ( y) En remplaçant x par −x on obtient : 2 f (x, x) = ϕ(x) − 2ϕ(0) + ϕ(−x) Par hypothèse, ϕ(−x) = ϕ(x) et si on remplace y par 0 dans 2.1 on obtient ϕ(0) = 0. D’où 2 f (x, x) = 2ϕ(x). Comme caract K 6= 2, on en déduit que f (x, x) = ϕ(x). Définition 2.8. Soient ϕ ∈ Q(E; K) et f sa forme polaire associée. Si A = (ai j ) est la matrice de f par rapport à une base B de E, on dit que A est la matrice de ϕ par rapport à B. Le déterminant de A s’appelle le discriminant de la forme quadratique ϕ. Remarque. Si X est le vecteur colonne de x ∈ E dans la base B, on a ϕ(x) = t XAX = n X n X ai j x i x j i=1 j=1 = n X X aii x i2 +2 ai j x i x j i=1 1¶i< j¶n | {z } | termes carrés {z } termes rectangles ϕ(x) s’écrit donc sous la forme d’un polynôme homogène de degré 2 à n variables. CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 13 Définition 2.9. On dit que deux vecteurs x et y de E sont orthogonaux (ou conjugués) relativement a une forme bilinéaire symétrique f , ou encore par rapport à la forme quadratique associée ϕ, si f (x, y) = 0. Notation. On note alors x ⊥ y ou x ⊥ f y. Théorème 2.9. Soit E un K-espace vectoriel et A ⊆ E. Si un vecteur x de E est orthogonal à tout vecteur de la partie A, alors il est orthogonal à tout vecteur du sous espace vectoriel engendré par A. − → Démonstration. Soit x ∈ E tel que ∀ y ∈ A, f (x, y) = 0. Soit z ∈ V (A), le sous espace vectoriel engendré par A. ∃ y1 , . . . , y p ∈ A, ∃λ1 , . . . , λ p ∈ K, z = λ1 y1 + · · · + λ p y p Alors f (x, z) = f (x, p X λi yi ) i=1 = = p X i=1 p X λi f (x, yi ) λi 0 i=1 =0 Donc x ⊥ z. Définition 2.10. On dit que deux parties A et B sont orthogonales par rapport à une forme bilinaire symétrique f sur l’espace vectoriel E qui les contient si tout vecteur de A est orthogonal à tout vecteur de B, relativement à f . Théorème 2.10. Soit E un K-espace vectoriel. L’ensemble F des vecteurs de E orthogonaux à une partie A de E relativement à une forme bilinéaire symétrique f est un sous espace vectoriel de E. On le note A⊥ et on l’appelle sous espace orthogonal de A. Démonstration. Aux étudiants. Définition 2.11. On dit que deux sous espaces vectoriels F et G de E sont totalement orthogonaux si et seulement si G = F⊥ et F = G⊥ . Définition 2.12. Soient E un K-espace vectoriel et f ∈ Bs (E). On appelle noyau de f le sous espace vectoriel E⊥ . E⊥ = {x ∈ E/∀ y ∈ E, f (x, y) = 0} CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 14 Définition 2.13. Soit f ∈ Bs (E). On désigne par f x• l’application partielle y 7→ f (x, y), et par f•x l’application partielle x 7→ f (x, y). Ce sont des applications de E∗ . Soit fb : E → E∗ définie par y 7→ f• y (elle coïncide avec x 7→ f x• ). fb est appelée le morphisme associé à f ( fb est bien sûr linéaire). Théorème 2.11. Le noyau de fb est égal au noyau de f . Démonstration. Par définition, Ker fb = {x ∈ E/ fb(x) = 0E∗ } = {x ∈ E/ f x = 0E∗ } = {x ∈ E/∀ y ∈ E, f x ( y) = 0K } = {x ∈ E/∀ y ∈ E, f (x, y) = 0} = E⊥ Définition 2.14. On dira qu’une forme f de Bs (E) est non dégénérée si son noyau est réduit à {0E }. On dira qu’une forme quadratique ϕ sur E est non dégénérée si le noyau de sa forme polaire est réduit à {0}. Dans le cas contraire, on dit que f (ou ϕ) est dégénérée. Remarque. f ∈ Bs (E) est non dégénérée s’il n’existe pas de vecteur non nul de E orthogonal à tous les autres vecteurs de E. Théorème 2.12. Pour qu’une forme f ∈ Bs (E) soit non dégénérée, il faut et il suffit que son morphisme associé fb soit injectif. Démonstration. Aux étudiants. Définition 2.15. Soit f ∈ Bs (E) et x un vecteur de E. On dit que x est isotrope relativement à f (ou encore à ϕ, sa forme quadratique associée) si f (x, x) = 0(= ϕ(x)). Remarques. 1. 0 est toujours isotrope. 2. Tout élément du noyau est isotrope : comme il est orthogonal à tout vecteur de E, il l’est en particulier à lui même. 3. Il peut exister des vecteurs isotropes même si la forme est non dégénérée. Par exemple : soient f ∈ Bs (C2 , C), x = (x 1 , x 2 ), y = ( y1 , y2 ) et f (x, y) = x 1 y1 + x 2 y2 . On a Ker f = C2⊥ = {x ∈ C2 /∀ y ∈ C2 , f (x, y) = 0} CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 15 en particulier, si y = (1, 0), f (x, y) = 1x 1 + 0x 2 = 0 d’où x 1 = 0, et si x = (0, 1), f (x, y) = 0x 1 + 1x 2 = 0 d’où x 2 = 0. Alors Ker f = C2⊥ = {(0, 0)}. Soit z = (z1 , iz1 ), f (z, z) = z12 + i 2 z12 = 0. z est isotrope alors que f est non dégénérée. 4. L’ensemble des vecteurs isotropes de E pour f s’appelle le cône isotrope de f et se note C (ou C f ). On a toujours Ker f ⊆ C f , et en général C f n’est pas un sous espace vectoriel. Définition 2.16. On dit qu’un sous espace vectoriel d’un K-espace vectoriel. E est isotrope s’il existe un vecteur non nul x de F orthogonal à tout vecteur de F. Autrement dit : F isotrope ⇐⇒ F ∩ F−1 6= {0}. Définition 2.17. Soit E un K-espace vectoriel, f ∈ Bs (E), u ∈ L (E). On dit que u est un f -endomorphisme de E si : ∀x ∈ E, ∀ y ∈ E, f (u(x), u( y)) = f (x, y) On dit aussi que u est un endomorphisme orthogonal par rapport à f . Remarques. 1. Si x et y sont orthogonaux par rapport à f , alors u(x) et u( y) le sont aussi. 2. Si A et B sont deux parties orthogonales de E, u(A) et u(B) le sont aussi. (Vérifier) Théorème 2.13. Soient E un K-espace vectoriel et f ∈ Bs (E). Alors un élément u de L (E) est un f -endomorphisme si et seulement si t u ◦ fb ◦ u = fb Démonstration. Considérons le schéma suivant : u t fb u ∗ E →E− → → E}∗ {zE − |− g= t u◦ fb◦u Alors ∀x, y ∈ E, [g(x)]( y) = ( t u ◦ fb ◦ u)(x) = t u fb(u(x)) ( y) = [ fb(u(x))](u( y)) = fu(x)• (u( y)) = f (u(x), u( y)) = f (x, y) CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 16 Donc [g(x)]( y) = f (x, y) = f x• ( y) = [ fb(x)]( y) Ceci étant vrai pour tout y de E, on a ∀x ∈ E, g(x) = fb(x) d’où g = fb. La réciproque se fait facilement dans l’autre sens. Théorème 2.14. Soient E un K-espace vectoriel et f ∈ Bs (E). L’ensemble O f (E) des f -automorphismes de E est un sous groupe de (GL(E), ◦). On le nomme groupe orthogonal relatif à f . Démonstration. Aux étudiants. 2.3 Propriétés particulières aux espaces vectoriels de dimension finie Théorème 2.15. Soient E un K-espace vectoriel et B une base de E. Pour toute f ∈ Bs (E) de matrice A par rapport à la base B, les propriétés suivantes sont équivalentes : 1. f est non dégénérée. 2. Le morphisme associé fb (∈ L (E, E∗ )) est bijectif. 3. La matrice A est inversible. Démonstration. 1 ⇐⇒ 2. D’après le théorème 2.12, f est non dégénérée si et seulement si fb est injectif. Or en dimension finie, f injectif ⇐⇒ f bijectif (car dim E = dim E∗ ). 2 ⇐⇒ 3. Montrons que la matrice de fb par rapport à la base B et à sa base duale B∗ est précisément la matrice A. Posons C = M ( fb; B, B∗ ) = (ci j ) et A = (ai j ). Alors n X b f (e j ) = ck j ek∗ ∀e j ∈ B k=1 CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 17 Or fb(e j ) = f•e j d’où ai j = f (ei , e j ) = f•e j (ei ) n X = ck j ek∗ (ei ) k=1 = n X ck j δki k=1 = ci j Donc le théorème est démontré. Théorème 2.16. Soit f une forme bilinéaire symétrique non dégénérée (f.b.s.n.d.) sur un K-espace vectoriel de dimension finie. Alors pour tout sous espace vectoriel F de E : dim F + dim F⊥ = dim E = n Démonstration. On a F⊥ = { y ∈ E/∀x ∈ F, f (x, y) = 0} Grâce à la bijection (voir 2.15) fb de E dans E∗ , on obtient fb(F⊥ ) = {g ∈ E∗ /∀x ∈ F, g(x) = 0} Soit {e1 , . . . , e p } une base de F (p ¶ n). On peut la prolonger en une base B = {e1 , . . . , e p , e p+1 , . . . , en } de E. Soit B∗ la base duale de B. Nous allons montrer que {e∗p+1 , . . . , en∗ } est une base de fb(F⊥ ). En effet, pour tout g ∈ E∗ , g = α1 e1∗ + · · · + α p e∗p + α p+1 e∗p+1 + · · · + αn en∗ Pour que g ∈ fb(F⊥ ) il faut que g(ei ) = 0 pour tout i de N∗p . Or ei∗ (e j ) = δi j , donc il faut que α1 = · · · = α p = 0. Alors g = α p+1 e∗p+1 + · · · + αn en∗ . Réciproquement, tout g s’écrivant α p+1 e∗p+1 + · · · + αn en∗ vérifie que ∀x ∈ F, g(x) = 0 donc il appartient à fb(F⊥ ). {e∗ , . . . , e∗ } engendre donc fb(F⊥ ) et p+1 n comme e∗p+1 , . . . , en∗ sont éléments de la base B, il sont libres et {e∗p+1 , . . . , en∗ } est une base de fb(F⊥ ). F⊥ et fb(F⊥ ) étant isomorphes, dim F⊥ = dim fb(F⊥ ) = n− p, d’où dim F + p = n, c.-à-d. dim F + dim F⊥ = dim E. CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 18 Théorème 2.17. Si E est un K-espace vectoriel de dimension finie n sur K et forme bilinéaire symétrique non dégénérée sur E, alors pour tout sous espace vectoriel F de E, (F⊥ )⊥ = F Démonstration. ∀x ∈ F, ∀ y ∈ F⊥ , f (x, y) = 0 donc x ∈ (F⊥ )⊥ et F ⊆ (F⊥ )⊥ (cette démonstration est valable pour toute partie F de E). Il reste à montrer que (F⊥ )⊥ ⊆ F. ∀x ∈ (F⊥ )⊥ , ∀ y ∈ F⊥ , f (x, y) = 0. Pour tout g ∈ fb(F⊥ ) il existe y ∈ F⊥ tel que g = fb( y). Alors g(x) = [ fb( y)](x) = f• y (x) = f (x, y) =0 Si {e1 , . . . , e p } est une base de F, on la complète en une base B de E, et on a vu au théorème 2.16 que {e∗p+1 , . . . , en∗ } est une base de fb(F⊥ ). D’où si x = Pn x e , e∗p+1 (x) = x p+1 = 0, . . . , en∗ (x) = x n = 0. D’où x = x 1 e1 +· · ·+ x p e p ∈ i=1 i i F. Donc (F⊥ )⊥ ⊆ F. On en déduit l’égalité F = (F⊥ )⊥ . Définition 2.18. On appelle base orthogonale d’un K-espace vectoriel E par rapport à une forme bilinéaire symétrique f toute base {e1 , . . . , en } de E telle que ∀i ∈ N∗n , ∀ j ∈ N∗n , 1 ¶ i < j ¶ n ⇒ f (ei , e j ) = 0 Remarque. La matrice A de f par rapport à une telle base est alors diagonale et la forme quadratique associée ϕ s’écrit : ∀x ∈ E, ϕ(x) = n X ai x i2 i=1 Théorème 2.18. Soit E un K-espace vectoriel. Alors pour toute forme bilinéaire symétrique f sur E, non nulle, il existe dans E des vecteurs non isotropes. Démonstration. Montrons la contraposée. Supposons que tout les x de E sont isotropes pour f : ∀x ∈ E, f (x, x) = 0. Alors ∀x, y ∈ E, f (x + y, x + y) = 0 f (x, x) + 2 f (x, y) + f ( y, y) = 0 D’où 2 f (x, y) = 0, et comme la caractéristique de K est différente de 2, f (x, y) = 0. Donc f est l’application nulle de E × E dans K. CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 19 Théorème 2.19. Soit E un K-espace vectoriel de dimension finie. Alors relativement à toute forme bilinéaire symétrique f de E, il existe dans E une base orthogonale pour f . Démonstration. Si f = 0, toute base de E est orthogonale pour f . Si f 6= 0, si dim E = 1 le problème ne se pose pas. Si dim E = 2, on sait (théorème 2.18) qu’il existe dans E un vecteur e1 non isotrope. Soit F = Ke1 le sous espace vectoriel de E engendré par e1 . Alors F est supplémentaire de l’hyperplan orthogonal F⊥ . Pour tout e2 ∈ F⊥ , la base {e1 , e2 } est orthogonale. Supposons le théorème vrai si dim E = n. Si dim E = n+1, soit e1 un vecteur non isotrope de E (théorème 2.18). F = Ke1 a pour supplémentaire F⊥ de dimension n. Par hypothèse de récurrence, F⊥ possède une base orthogonale {e2 , . . . , en+1 }. Alors {e1 , e2 , . . . , en } est une base orthogonale de E. Définition 2.19. On appelle rang d’une forme bilinéaire symétrique f sur E, le rang du morphisme associé fb. Remarques. 1. rg( f ) = dim E − dim E⊥ 2. f non dégénérée ⇐⇒ dim E = rg( f ). Théorème 2.20. Soit E un K-espace vectoriel de dimension finie avec caractéristique de K 6= 2. Pour toute base B orthogonale par rapport à f , la partie de B constituée des vecteurs isotropes engendre le noyau de f , E⊥ , et le rang de f est égal au cardinal de la partie de B constituée des vecteurs non isotropes. Démonstration. Soit B une base orthogonale de E, B = {e1 , . . . , e r , e r+1 , . . . , en } où l’on suppose, en changeant éventuellement la numérotation, que e1 , . . . , e r sont non isotropes et e r+1 , . . . , en sont isotropes. Alors ∀i ∈ N∗r , f (ei , eP i ) = ai 6= n 0 et ∀i P ∈ {r + 1, . . . , n}, f (ei , ei ) = 0. La forme f s’écrit donc, si x = i=1 x i ei n et y = i=1 yi ei : r X f (x, y) = ai x i yi i=1 Soit F le sous espace vectoriel de E engendré par {e1 , . . . , e r }. Alors E = F ⊕ F⊥ car nous isotrope. En effet, si x ∈ F ∩ F⊥ , il faut que P r savons que F est non x = i=1 x i ei et que x ∈ F⊥ , c’est à dire qu’il soit orthogonal à tout ei pour i ∈ N∗r : f (x, ei ) = 0 r X i=1 x i f (ei , ei ) = 0 CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 20 Comme f (ei , ei ) 6= 0 on doit avoir x i = 0. Donc x = 0 et F ∩ F⊥ = {0}. Montrons à présent que F⊥ coïncide avec le sous espace vectoriel G engendré par {e r+1 , . . . , en }. Nous savons que E = F ⊕ F⊥ = F ⊕ G, donc F⊥ et G sont isomorphes. D’autre part, chacun des ei de G appartient à F⊥ puisqu’il est orthogonal à tous les vecteurs d’une base de F. Donc G ⊆ F⊥ . Nous sommes en dimension finie, donc G ' F⊥ et G ⊆ F⊥ donc G = F⊥ . Il reste à montrer que le noyau de f est engendré par {e r+1 , . . . , en }, c’est à dire que E⊥ = F⊥ . Or F ⊆ E donc E⊥ ⊆ F⊥ . ∀x ∈ F⊥ , ∀ y ∈ E, f (x, y) = a1 x 1 y1 + · · · + a r x r y r mais x ∈ F⊥ donc x 1 = · · · = x r = 0 et f (x, y) = 0. Donc x ∈ E⊥ et F⊥ ⊆ E⊥ . D’où l’égalité E⊥ = F⊥ . Corollaire 2.1. Pour que f ∈ Bs (E) soit non dégénérée, il faut et il suffit qu’il existe une base orthogonale de E constituée de vecteurs tous non isotropes. Définition 2.20. Soient E un K-espace vectoriel de dimension finie n et f ∈ Bs (E). On dit que la base {e1 , . . . , en } de E est orthonormale pour f (ou pour ϕ la forme quadratique associée) si elle est orthogonale et si ∀i ∈ N∗n , f (ei , ei ) = 1K Théorème 2.21. Soit E un K-espace vectoriel de dimension finie, avec caractéristique de K 6= 2. Supposons que tout élément de K soit un carré dans K. Alors il existe des bases orthonormales dans E par rapport à toute f ∈ Bs (E) non dégénérée. Démonstration. f est non dégénérée donc d’après 2.1, il existe dans E une base orthogonale constituée de vecteurs tous non isotropes : {e1 , . . . , en } avec ∀iN∗n , f (ei , ei ) = ai 6= 0. Puisque tout élément de K est un carré dans K, pour tout i ∈ N∗n , ∃λi ∈ K tel que λ2i = ai . Posons ui = λ−1 ei . Alors {u1 , . . . , un } est i encore une base orthogonale de E et f (ui , ui ) = f (λ−1 ei , λ−1 ei ) i i = (λ−1 )2 f (ei , ei ) i = (λ2i )−1 ai = (λ2i )−1 λ2i =1 CHAPITRE 2. FORMES BILINÉAIRES ET FORMES QUADRATIQUES 21 Remarque. Si le corps K est algébriquement clos, il vérifie l’hypothèse du théorème 2.21. Donc C vérifie l’hypothèse, alors que R ne la vérifie pas. Définition 2.21. Une matrice M ∈ GL(n, K) est dite orthogonale si t M = M−1 . Le groupe O (n, K) des matrices orthogonales se nomme groupe orthogonal à n variables sur K. Théorème 2.22. Soit E un K-espace vectoriel de dimension finie. Pour toute f ∈ Bs (E) non dégénérée, le groupe O f (E) est isomorphe à O (n, K) des matrices orthogonales de GL(n, K). Cela signifie que pour toute g ∈ Bs (E) non dégénérée, O f (E) est isomorphe à O g (E). Chapitre 3 Espaces euclidiens Définition 3.1. Soit E un R-espace vectoriel, f ∈ Bs (E) et ϕ sa forme quadratique associée. On dit que f (ou ϕ) est positive si ∀x ∈ E, ϕ(x) = f (x, x) ¾ 0. On dit que f (ou ϕ) est négative si ∀x ∈ E, ϕ(x) ¶ 0. Théorème 3.1 (Inégalité de Schwarz). Soient f ∈ Bs (E) positive et ϕ la forme quadratique associée. Alors, ∀x ∈ E, ∀ y ∈ E, p | f (x, y)| ¶ ϕ(x)ϕ( y) Démonstration. Pour tout λ ∈ R, et pour tous x, y ∈ E, f (λx + y, λx + y) ¾ 0 λ ϕ(x) + 2λ f (x, y) + ϕ( y) ¾ 0 2 1er cas ϕ(x) 6= 0 (x non isotrope). Le membre de gauche est un trinôme du second degré toujours positif (quelque soit λ) puisque f est positive. Le discriminant de ce trinôme est donc négatif ou nul. D’où [ f (x, y)]2 ¶ ϕ(x)ϕ( y) 2e cas ϕ(x) = 0 (x isotrope). On a ϕ(λx + y) = 2λ f (x, y) + ϕ( y) ¾ 0 Le second membre ne change pas de signe quand λ varie donc le coefficient directeur de la droite est nul : f (x, y) = 0. L’inégalité s’écrit alors 0 ¶ 0. 22 CHAPITRE 3. ESPACES EUCLIDIENS 23 Théorème 3.2 (Inégalité de Minkowski). Soit ϕ une forme quadratique réelle positive sur E. Alors, ∀x, y ∈ E, p p p ϕ(x + y) ¶ ϕ(x) + ϕ( y) Démonstration. Si f est la forme polaire de ϕ, pour tous x et y de E, on a ϕ(x + y) = ϕ(x) + 2 f (x, y) + ϕ( y) Or, | f (x, y)| ¶ p p ϕ(x) ϕ( y) Donc p p p p ϕ(x + y) ¶ ϕ(x) + ϕ( y) + 2 ϕ(x) ϕ( y) = ( ϕ(x) + ϕ( y))2 Théorème 3.3. Si f ∈ Bs (E) est positive alors son noyau est égal à son cône isotrope. Démonstration. Soit C l’ensemble des vecteurs isotropes pour f . Nous savons que E⊥ ⊆ C. Réciproquement, soit x un vecteur isotrope de E pour f : ϕ(x) = 0. Alors d’après Schwarz, pour tout y ∈ E, p p | f (x, y)| ¶ ϕ(x) ϕ( y) ¶0 Donc f (x, y) = 0 et x ∈ E⊥ . D’où C ⊆ E⊥ . On en déduit l’égalité. Définition 3.2. On appelle espace euclidien tout espace vectoriel sur R muni d’une forme bilinéaire symétrique non dégénérée positive. Cette forme prend le nom de produit scalaire. Remarque. Sur un même R-espace vectoriel, il existe plusieurs structures d’espaces euclidiens. Notation. f (x, y) se notera x. y (ou < x| y >). Définition 3.3. Dans un espace euclidien, on appelle norme de tout x ∈ E, et p on note kxk, le nombre réel positif égal à x.x. Remarques. – Le produit scalaire étant bilinéaire, ∀α ∈ R, ∀x ∈ E, kαxk = |α| kxk CHAPITRE 3. ESPACES EUCLIDIENS 24 – Le produit scalaire étant non dégénéré positif, kxk = 0 ⇐⇒ x = 0 – Schwarz : ∀x, y ∈ E, |x y| ¶ kxk y – Minkowski : ∀x, y ∈ E, x + y ¶ kxk + y 2 Théorème3.4. Soit E un espace euclidien. L’application d : E → R+ définie par d(x, y) = x − y pour tous x, y ∈ E est une distance sur E. Démonstration. 1. d(x, y) = 0 ⇐⇒ x − y = 0 d’où x − y = 0 et x = y. 2. d(x, y) = x − y = |−1| x − y = (−1) y − x = y − x = d( y, x) 3. d(x, z) = kx − zk = x − y + y − z ¶ x − y + y − z ¶ d(x, y) + d( y, z) Remarque. On appelle cette distance la distance associée à la norme de E, ou encore distance euclidienne. Elle a les propriétés suivantes : ∀x, y, z ∈ E, ∀α ∈ R, d(x + z, y + z) = d(x, y) d(αx, α y) = |α| d(x, y) Théorème 3.5 (Théorème de Pythagore). Pour que deux vecteurs x et y d’un espace euclidien E soient orthogonaux, il faut et il suffit que x + y 2 = kxk2 + y 2 2 2 Démonstration. Dans le cas général, x + y = kxk2 + y + 2 f (x, y). Si 2 2 2 2 x ⊥ y, f (x, y) = 0 et x + y = kxk2 + y . Si x + y = kxk2 + y alors 2 f (x, y) = 0 et x ⊥ y. Théorème 3.6. Si E est un espace euclidien, somme directe de deux sous espaces F et G, le sous espace vectoriel orthogonal à F est G (et le sous espace vectoriel orthogonal à G est F). Démonstration. Ceci revient à montrer que F et G sont totalement orthogonaux. Soit z un élément quelconque de E : ∃x ∈ F, ∃ y ∈ G, z = x + y. Si de plus z ∈ F⊥ zx = 0 (x + y)x = 0 xx + yx = 0 Or x ∈ F et y ∈ G donc x y = 0. D’où x x = 0 et x = 0. Par conséquent, z = y ∈ G. Donc F⊥ ⊆ G. Comme par hypothèse G ⊆ F⊥ on a G = F⊥ . On montre de même que F = G⊥ . CHAPITRE 3. ESPACES EUCLIDIENS 25 Définition 3.4. Soient E et F deux espaces euclidiens. On appelle isométrie de E dans F toute application linéaire f ∈ L (E, F), telle que : ∀x ∈ E, f (x)F = kxkE Théorème 3.7. Toute isométrie est injective. Démonstration. Soit f une isométrie de E dans F. Alors Ker f = {x ∈ E/ f (x) = 0}. Or f (x) = 0 ⇒ f (x) = 0 d’où kxk = 0 et x = 0. D’où Ker f = {0}. Théorème 3.8. Pour que f ∈ L (E, F) soit une isométrie, il faut et il suffit que f conserve le produit scalaire. Démonstration. Supposons que f conserve le produit 2 scalaire2 : c’est à dire que ∀x, y ∈ E, f (x) f ( y) = x y. Pour x = y on a f (x) = kxk . Donc f est une isométrie. Supposons que f est une isométrie. Alors : ∀x, y ∈ E, x + y 2 = kxk2 + y 2 + 2x y f (x + y)2 = f (x) + f ( y)2 = f (x)2 + f ( y)2 + 2 f (x) f ( y) 2 2 Or f étant une isométrie, f (x + y) = x + y d’où 2 kxk2 = f (x) 2 y = f ( y)2 et donc 2x y = 2 f (x) f ( y). Comme la caractéristique de R n’est pas 2, on a x y = f (x) f ( y). Théorème 3.9. Soit E un espace euclidien. Les isométries bijectives de E dans E constituent un sous groupe du groupe linéaire GL(E). Si E est de dimension finie, toute isométrie est bijective. Démonstration. Aux étudiants. Théorème 3.10. Tout espace euclidien de dimension n ¾ 2 possède des bases orthogonales. Démonstration. Soit B = {e1 , . . . , en } une base de E. Nous allons construire, à partir de B, une base C = {u1 , . . . , un } de E orthogonale grâce au procédé d’orthogonalisation de Schmitt. CHAPITRE 3. ESPACES EUCLIDIENS 26 Ce procédé consiste à calculer les coefficients αi j réels tels que : u1 = e 1 u2 = α1,2 u1 + e2 u3 = α1,3 u1 + α2,3 u2 + e3 .. . un = α1n u1 + α2n u2 + · · · + αn−1n un−1 + en On détermine d’abord α1,2 grâce à u1 u2 = 0 α1,2 u1 u1 + u1 e2 = 0 Or e1 = u1 6= 0 donc e1 e1 6= 0. D’où α1,2 = − e1 e2 . e12 α1,2 est unique et parfaitement déterminé. On calcule ensuite α1,3 et α2,3 grâce aux conditions u1 u3 = 0 et u2 u3 = 0 compte tenu de u1 u2 = 0. u1 u3 = α1,3 u21 + u1 e3 = 0 u2 u3 = α2,3 u22 + u2 e3 = 0 Or u21 6= 0 et u2 6= 0 (sinon e1 et e2 seraient liés). On en tire α1,3 = − α2,3 = u e − u2 2 3 . 2 u1 e3 u21 et Donc u3 est parfaitement déterminé. On remarque que u3 6= 0, sinon u1 et u2 s’exprimant en fonction de e1 et e2 , e3 intervenant avec un coefficient égal à 1 dans la combinaison linéaire qui définit u3 , on aurait une combinaison linéaire nulle de e1 , e2 , e3 dont un coefficient ne serait pas nul. B ne serait donc pas une base de E. Supposons par récurrence que l’on ait obtenu les (n − 1) premiers vecteurs de C et qu’on les ait trouvé tous non nuls. Alors on détermine un grâce aux (n − 1) relations ui un = 0 et αin u2i + ui en , où i ∈ N∗n−1 (en utilisant ui u j = 0 pour i 6= j, 1 ¶ i, j ¶ n − 1). Comme u2i 6= 0, αin est parfaitement déterminé. De plus, un 6= 0 sinon on aurait une combinaison linéaire de e1 , . . . , en nulle avec en qui aurait un coefficient non nul (égal à 1). Alors B ne serait pas une base de E. Donc C est une famille de vecteurs orthogonaux deux à deux dont aucun n’est nul. Montrons que cette famille est libre. CHAPITRE 3. ESPACES EUCLIDIENS 27 Soit λ1 u1 + · · · + λn un = 0. ∀i ∈ N∗n , ui n X k=1 n X ! λk uk = ui 0 = 0 λk ui uk = 0 k=1 λi ui ui = 0 2 λi ui = 0 2 Comme ui 6= 0, ui 6= 0 et λi = 0. Donc C est une famille libre à n éléments dans un espace de dimension n. D’où C est une base de E. Remarques. 1. On peut associer à C une base orthonormale ) ( u u n 1 C0 = , . . . , u u 1 n 2. Si {eP 1 , . . . , en } est une base Pn orthonormale de E, le produit scalaire de n x = i=1 x i ei et de y = i=1 yi ei s’écrit xy = n X x i yi i=1 Pn 3. Rn muni du produit scalaire canonique (x y = i=1 x i yi par rapport à la base canonique) se nomme espace euclidien canonique. Définition 3.5. On dit qu’une matrice carrée inversible d’ordre n est orthogonale si t M = M−1 . Le groupe O (n, K) des matrices orthogonales se nomme groupe orthogonal à n variables sur K. Pn Remarque. De t AA = In on déduit que, si A = (ai j ), i=1 ai2j = 1 pour tout Pn Pn j ∈ N∗n (de même, j=1 ai2j = 1 pour i ∈ N∗n ) et i=1 aki a ji = 0 pour tous les k 6= j. Autrement dit, une matrice est orthogonale si et seulement si la famille de ses n vecteurs colonnes (resp. vecteurs lignes) est une base orthonormale de Rn . Théorème 3.11. Si A est une matrice orthogonale, alors det A = ±1. CHAPITRE 3. ESPACES EUCLIDIENS 28 Démonstration. t AA = In donc det( t A) det A = det In , d’où (det A)2 = 1 et donc det A = ±1. Théorème 3.12. Soient E, F deux espaces euclidiens de même dimension finie. Pour tout morphisme f ∈ LR (E, F), les propriétés suivantes sont équivalentes : 1. f est une isométrie. 2. Si B est une base orthonormale de E, son image par f est une base orthonormale de F. 3. La matrice de f par rapport à une base orthonormale de E et une base orthonormale de F est orthonormale. Démonstration. 1) ⇒ 2) : soit f une isométrie et soit B = {e1 , . . . , en } une base orthonormale de E. Alors ∀i, j ∈ N∗n , ei .e j = δi j . Alors f (ei ) f (e j ) = δi j . Donc C = { f (e1 ), . . . , f (en )} est une base orthonormale de F. 2) ⇒ 1) : soient f ∈ LR (E, F), B = {e1 , . . . , en } une base orthonormale de E et C = { f (e1 ), . . . , f (en )} qui est aussi une base orthonormale de F. ∀x ∈ E, x= f (x) = n X i=1 n X x i ei x i f (ei ) i=1 f (x)2 = f (x) f (x) = x 12 + · · · + x n2 = x.x = kxk2 D’où f conserve la norme et f est une isométrie. 1) ⇒ 3) : soit f une isométrie de E dans F. Soit B = {e1 , . . . , en } une base orthonormale de E, C = {u1 , . . . , un } une base orthonormale de F et Pn ∗ A = (ai j ) = M ( f ; B, C). On a alors, ∀i ∈ Nn , f (ei ) = j=1 ai j u j . La base C étant orthonormale, n 2 2 X 1 = e = f (e ) = a2 i i ij i=1 et 0 = e j .ek = f (e j ) f (ek ) = n X a ji aki i=1 pour 1 ¶ j 6= k ¶ n. Donc (d’après la remarque qui suit la définition ??), A est une matrice orthogonale. CHAPITRE 3. ESPACES EUCLIDIENS 29 3) ⇒ 2) : supposons que la matrice de f par rapport à deux bases orthonormales B et C soit orthogonale. Alors, ∀i ∈ N∗n , f (ei ) f (ei ) = 1 = n X ai2j i=1 f (ei ) f (ek ) = 0 = n X a ji aki si j 6= k i=1 Donc { f (e1 ), . . . , f (en )} est une base orthonormale de F. Corollaire 3.1. Deux espaces euclidiens de même dimension finie sont isomorphes. En particulier, deux produits scalaires sur le même espace vectoriel E de dimension finie définissent sur E deux structures d’espaces euclidiens isomorphes. Corollaire 3.2. Dans un espace euclidien, la matrice de passage d’une base orthonormale à une autre base orthonormale est orthogonale. 3.1 Adjoint d’un endomorphisme Théorème 3.13. Soit E un K-espace vectoriel, soit f une forme bilinéaire symétrique non dégénérée sur E, et soient u et v deux endomorphismes sur E. Alors ∀x, y ∈ E, f (x, u( y)) = f (x, v( y)) ⇒ [u = v] Démonstration. Supposons que ∀x, y ∈ E, f (x, u( y)) = f (x, v( y)) f•u( y) (x) = f•v( y) (x) pour tout x donc f•u( y) = f•v( y) fb(u( y)) = fb(v( y)) fb(u( y) − v( y)) = 0 Or f est non dégénérée, donc fb est injectif et ker fb = {0}. D’où u( y) = v( y) pour tout y, donc u = v. Théorème 3.14. Soit E un K-espace vectoriel de dimension finie, u ∈ L (E) et f une forme bilinéaire symétrique non dégénérée sur E. Alors il existe un endomorphisme u∗ de E tel que ∀x, y ∈ E, f (u(x), y) = f (x, u∗ ( y)) CHAPITRE 3. ESPACES EUCLIDIENS 30 Démonstration. ∀x, y ∈ E, f (u(x), y) = f ẏ (u(x)) = fb( y) (u(x)) = ( fb( y) ◦ u)(x) = ( t u ◦ fb)( y) (x) = fb ◦ fb−1 ◦ t u ◦ fb (x) = f˙( fb−1 ◦ t u◦ fb)( y) (x) = f x, ( fb−1 ◦ t u ◦ fb)( y) On pose u∗ = fb−1 ◦ t u ◦ fb et on l’appelle adjoint de u. Théorème 3.15. Soit E un R-espace vectoriel, et soient u, v ∈ L (E) et f une forme bilinéaire symétrique non dégénérée. Alors : 1. (u + v)∗ = u∗ + v ∗ 2. (u ◦ v)∗ = v ∗ ◦ u∗ 3. ∀λ ∈ R, (λu)∗ = λu∗ 4. (u∗ )∗ = u 5. Si u est inversible, u∗ l’est aussi et (u∗ )−1 = (u−1 )∗ 6. Si H = M ( f , B) où B est une base orthogonale de E, et si A = M (u, B) et A∗ = M (u∗ , B), alors A∗ = H−1 t AH Si de plus f est positive et B est orthogonale, A∗ = t A 7. rg(u∗ ) = rg(u) 8. det(u∗ ) = det(u) Démonstration. 1. ∀x, y ∈ E, f (u + v)(x), y = f x, (u + v)∗ ( y) = f u(x) + v(x), y = f u(x), y + f v(x), y = f x, u∗ ( y) + f x, v ∗ ( y) = f x, u∗ ( y) + v ∗ ( y) = f x, (u∗ + v ∗ )( y) Donc le théorème ?? donne (u + v)∗ = u∗ + v ∗ . CHAPITRE 3. ESPACES EUCLIDIENS 31 2. ∀x, y ∈ E, f (u ◦ v)(x), y = f x, (u ◦ v)∗ ( y) = f u(v(x)), y = f v(x), u∗ ( y) = f x, v ∗ (u∗ ( y)) = f x, (v ∗ ◦ u∗ )( y) Donc le théorème ?? implique (v ∗ ◦ u∗ ) = (u ◦ v)∗ . 3. ∀x, y ∈ E, f (λu)(x), y = f x, (λu)∗ ( y) = f λu(x), y = λ f u(x), y = λ f x, u∗ ( y) = f x, λu∗ ( y) = f x, (λu∗ )( y) Donc le théorème ?? implique (λu)∗ = λu∗ . 4. ∀x, y ∈ E, f u∗ (x), y = f x, (u∗ )∗ ( y) = f y, u∗ (x) = f u( y), x = f x, u( y) Le théorème ?? donne (u∗ )∗ = u. 5. Si u est inversible (u ∈ GL(E)), il existe u−1 ∈ GL(E) tel que u ◦ u−1 = IdE . Alors d’après le 2), (u ◦ u−1 )∗ = (u−1 ◦ u)∗ = (IdE )∗ . Or f (x, y) = f IdE (x), y = f x, IdE ( y) = f x, (IdE )∗ ( y) Le théorème 13 donne (IdE )∗ = IdE . D’où (u ◦ u−1 )∗ = (u−1 )∗ ◦ u∗ = (IdE )∗ = IdE = u∗ ◦ (u−1 )∗ D’où (u∗ )−1 = (u−1 )∗ . CHAPITRE 3. ESPACES EUCLIDIENS 32 6. Soient x, y ∈ E, et X et Y leurs vecteurs colonnes dans la base B. f (u(x), y) = f (x, u∗ ( y)) s’écrit de façon matricielle : ( t AX)HY = t XH(A∗ Y) t X( t AH)Y = t X(HA∗ )Y d’où t AH = HA∗ et A∗ = H−1 t AH (H−1 existe car f est non dégénérée). Si f est positive, on peut trouver une base orthonormale pour f . Dans t ce cas, H = In , alors A∗ = I−1 AIn = t A. n 7. rg(u∗ ) = rg(A∗ ) = rg(H−1 t AH) = rg( t A) = rg(A) = rg(u) 8. det(u∗ ) = det(A∗ ) = det(H−1 t AH) = det(H−1 det( t A) det(H) 1 = det(A) det(H) det(H) = det(A) = det(u) Chapitre 4 Espaces hermitiens Définition 4.1. Soit E un C-espace vectoriel. On appelle forme sesquilinéaire sur E toute application f : E × E → C vérifiant les conditions suivantes : 1. ∀ y ∈ E, l’application x 7→ f (x, y) est linéaire. 2. ∀x ∈ E, l’application y 7→ f (x, y) est linéaire. Autrement dit, ∀x, x 0 , y, y 0 ∈ E, ∀λ ∈ C, f (x + x 0 , y) = f (x, y) + f (x 0 , y) f (x, y + y 0 ) = f (x, y) + f (x, y 0 ) f (λx, y) = λ f (x, y) f (x, λ y) = λ f (x, y) Exemple. E = C2 , x = (x 1 , x 2 ) et y = ( y1 , y2 ), f (x, y) = x 1 y2 + i x 2 y1 Remarque (Représentation matricielle). Il existe un isomorphisme entre Sq (E; C), le C-espace vectoriel des formes sesquilinéaires sur le C-espace vectoriel E de dimension n, par rapport à toute base B de E, et Mn (C). f 7→ (ai j ), ai j = f (ei , e j ) On a f (x, y) = t XAY si X est le vecteur colonne des composantes de x dans B, et Y le vecteur colonne des composantes de y dans B. Définition 4.2. Soit E un C-espace vectoriel. Une forme sesquiliéaire f sur E est dite hermitienne si ∀x, y ∈ E, f (x, y) = f ( y, x) 33 CHAPITRE 4. ESPACES HERMITIENS 34 Définition 4.3. On appelle forme quadratique hermitienne associée à la forme hermitienne f l’application ϕ de E dans R définie par : ∀x ∈ E, ϕ(x) = f (x, x) Remarques. 1. ∀x ∈ E, ∀λ ∈ C, ϕ(λx) = f (λx, λx) = λλ f (x, x) = |λ|2 ϕ(x) d’où ϕ(0) = 0, ϕ(−x) = ϕ(x) et ϕ(i x) = ϕ(x). 2. On a la relation : ∀x, y ∈ E, f (x, y) = ϕ(x + y) − ϕ(x − y) 4 +i ϕ(x + i y) − ϕ(x − i y) 4 D’où, si f et g ont même forme quadratique associée, f = g. Théorème 4.1 (de caractérisation). Soit E un C-espace vectoriel et ϕ : E → R une application. Alors f est une forme quadratique hermitienne si et seulement si : 1. ϕ(0) = 0 et ∀x ∈ E, ϕ(x) = ϕ(−x) = ϕ(i x). 2. L’application f : E × E → C définie par : ∀x, y ∈ E, f (x, y) = 1 ϕ(x + y) − ϕ(x − y) + iϕ(x + i y) − iϕ(x − i y) 4 est sesquilinéaire. Démonstration. Nous avons vu dans la remarque précédente que ces conditions sont nécessaires. Montrons qu’elles sont suffisantes, c’est à dire que si 1) et 2) sont vérifiées, f est une forme hermitienne et ϕ sa forme quadratique hermitienne associée. On a 4 f ( y, x) = ϕ(x + y) − ϕ(x − y) + iϕ(x + i y) − iϕ(x − i y) Or, par hypothèse : ϕ( y − x) = ϕ(−(x − y)) = ϕ(x − y) ϕ( y + i x) = ϕ(i(x − i y)) = ϕ(x − i y) ϕ( y − i x) = ϕ(−i(x + i y)) = ϕ(x + i y) CHAPITRE 4. ESPACES HERMITIENS 35 D’où 4 f ( y, x) = ϕ(x + y) − ϕ(x − y) + iϕ(x − i y) − iϕ(x + i y) = ϕ(x + y) − ϕ(x − y) + iϕ(x − i y) − iϕ(x + i y) = ϕ(x + y) − ϕ(x − y) + iϕ(x + i y) − iϕ(x + i y) = 4ϕ(x, y) D’où f ( y, x) = f (x, y), donc f est une forme hermitienne. De plus, 2 f (x, y) + 2 f ( y, x) = ϕ(x + y) − ϕ(x − y) u u u u ∀u ∈ E, 2 f , + 2f , = ϕ(u) − ϕ(0) 2 2 2 2 2 2 f (u, u) + f (u, u) = ϕ(u) − ϕ(0) 4 4 = ϕ(u) d’où f (u, u) = ϕ(u). Corollaire 4.1. Soient E un C-espace vectoriel et ϕ : E → R une application. Alors ϕ est une forme quadratique hermitienne si et seulement si ϕ(0) = 0 et si l’application f de E2 dans C définie par : ∀x, y ∈ E, f (x, y) = 1 ϕ(x + y) − ϕ(x − y) + iϕ(x + i y) − iϕ(x − i y) 4 est une forme hermitienne. Démonstration. Aux étudiants. Définition 4.4. Toute matrice A de Mn (C) telle que t A = A est dite hermitienne. Remarque. Si f est une forme hermitienne sur le C-espace vectoriel E de dimension finie, et si B = {e1 , . . . , en } est une base de E, alors la matrice de f par rapport à B est hermitienne : A = (ai j ) = M ( f ; B) ai j = f (ei , e j ) = f (e j , ei ) = a ji D’où A = t A et A = t A. Théorème 4.2. Le polynôme caractéristique de toute matrice hermitienne de Mn (C) (donc en particulier de toute matrice réelle symétrique) appartient à R[X] et a toutes ses racines réelles. CHAPITRE 4. ESPACES HERMITIENS 36 Démonstration. Il suffit de prouver que toutes les racines de ce polynôme à coefficients a priori dans C sont réelles, alors en le mettant sous sa forme canonique, cela prouvera que tous ses coefficients sont réels. Soit E un C-espace vectoriel de dimension n et f une forme hermitienne sur E. Si A est la matrice hermitienne de f dans une base B de E, on a f (x, y) = t XAY et ϕ(x) = t XAX. Soit λ une valeur propre de A, et soit x un vecteur propre associé à λ. Si X est le vecteur colonne des composantes de x dans B, AX = λX ⇒ AX = λX et t AX = t (λX). A étant hermitienne, A = t A d’où t X t AX = λ t XX. Or t X t AX = t (AX)X = t (λX)X = λ t XX Or x 6= 0 ⇒ t XX 6= 0, d’où λ = λ et λ ∈ R. Définition 4.5. Soit f une forme hermitienne sur un C-espace vectoriel E. On dit que deux vecteurs de E, x et y, sont orthogonaux par rapport à f si f (x, y) = 0. Propriétés. 1. Si x est orthogonal à tout vecteur de la partie non vide A, il − → est orthogonal à tout vecteur de V (A). 2. On note A⊥ = {x ∈ E/∀ y ∈ A, f (x, y) = 0}. C’est un sous espace vectoriel de E. Définition 4.6. 1. Soit E un C-espace vectoriel et f une forme hermitienne sur E. On appelle noyau de f le sous espace vectoriel E⊥ . 2. On appelle morphisme associé à f , et on note fb, l’application de E dans E∗ qu ià tout y ∈ E associe l’application f y définie par f ẏ (x) = f (x, y), ∀x ∈ E. Remarques. 1. Comme dans le cas des formes bilinéaires symétriques, le noyau de f , E⊥ , coïncide avec le noyau de fb. 2. fb ne coïncide pas avec l’application de E dans C qui à tout y associe f (x, y), mais avec celle qui à tout y associe f ( y, x) = f (x, y). Définition 4.7. On dit qu’une forme hermitienne est non dégénérée si son noyau est réduit au sous espace vectoriel nul {0}. Théorème 4.3. Soit E un C-espace vectoriel de dimension n et soit B une base de E. Pour toute forme hermitienne f sur E, de matrice A par rapport à B, les propriétés suivantes sont équivalentes : 1. f est non dégénérée 2. le morphisme associé fb est bijectif CHAPITRE 4. ESPACES HERMITIENS 37 3. la matrice A est inversible Théorème 4.4. Soit E un C-espace vectoriel de dimension finie, et f une forme hermitienne sur E non dégénérée. Alors pour tout sous espace vectoriel F de E, on a dim F + dim F⊥ = dim E et (F⊥ )⊥ = F. Démonstration. Comme sur les formes bilinéaires symétriques. Définition 4.8. Soit E un C-espace vectoriel et f une forme hermitienne sur E. On dit qu’un vecteur x de E est isotrope relativement à f si f (x, x) = 0. (x est orthogonal à lui-même). On dit qu’un sous espace vectoriel F de E est isotrope s’il existe un vecteur non nul x de F orthogonal à tout vecteur de F, c’est à dire si F ∩ F⊥ 6= {0}. En particulier, E est isotrope si E⊥ 6= {0}. Théorème 4.5. Soit E un C-espace vectoriel de dimension finie et f une forme hermitienne sur E. Les propriétés suivantes sont équivalentes : 1. Si F est un sous espace vectoriel de E, F est non isotrope. 2. Si F est un sous espace vectoriel de E, la restriction de f à F est non dégénérée (forme hermitienne). 3. Si F est un sous espace vectoriel de E, F ⊕ F⊥ = E. Démonstration. Aux étudiants. Corollaire 4.2. Si E est un C-espace vectoriel de dimension finie et si f est une forme hermitienne sur E, les propriétés suivantes sont équivalentes : 1. ∀x ∈ E, f (x, x) = 0 ⇒ x = 0 2. Pour tout sous espace vectoriel F de E, F ⊕ F⊥ = E. Démonstration. 1) ⇒ 2) : 1) signifie qu’il n’y a pas de vecteurs isotropes non nuls, donc F ∩ F⊥ = {0}. D’après le théorème ??, F ⊕ F⊥ = E. 2) ⇒ 1) : ∀x ∈ E, désignons par F x le sous espace vectoriel engendré par x (F x = C.x). Alors par hypothèse, F x ⊕ F⊥x = E. Donc F x ∩ F⊥x = {0}, donc x n’est pas isotrope. Définition 4.9. On appelle base orthogonale par rapport à une forme hermitienne f sur E, un C-espace vectoriel de dimension n, toute base {e1 , . . . , en } de E telle que ∀i, j ∈ N∗n , i 6= j ⇒ f (ei , e j ) = 0 CHAPITRE 4. ESPACES HERMITIENS 38 Remarque. Dans une telle base, la matrice A = (ai j ) de f est diagonale, et si Pn Pn x = i=1 x i ei , et y = i=1 yi ei , on a f (x, y) = n X aii x i yi i=1 La forme quadratique associée ϕ s’écrit alors : ϕ(x) = n X i=1 aii x i x i = n X 2 aii x i i=1 Théorème 4.6. Soit E un C-espace vectoriel de dimension finie. Alors relativement à toute forme hermitienne f sur E, il existe dans E une base orthogonale. Démonstration. Il suffit de montrer que si f 6= 0, il existe dans E des vecteurs non isotropes pour f . Le reste de la démonstration est analogue à celle sur les formes bilinéaires symétriques. Supposons que tous les vecteurs de E sont isotropes pour f : ∀x, y ∈ E, f (x + y, x + y) = f (x, x) + f ( y, y) + f ( y, x) + f (x, y) = 0 Comme f (x, x) = f ( y, y) = 0 par hypothèse, on a f (x, y) + f ( y, x) = f (x, y) + f (x, y) = 0 f étant non nulle, il existe un élément a 6= 0 tel qu’il existe un couple (x, y) avec f (x, y) = a. Alors f (a−1 x, y) = a−1 f (x, y) = a−1 a = 1 f (a−1 x, y) + f (a−1 x, y) = 1 + 1 = 2 6= 0 Condradiction. Définition 4.10. On appelle rang d’une forme hermitienne f sur E le rang du morphisme associé fb ∈ L (E, E∗ ). On le note rg( f ) et on a rg( f ) = dim E − dim E⊥ Théorème 4.7. Soit E un C-espace vectoriel de dimension n, pour toute base B orthogonale par rapport à une forme hermitienne f sur E, la partie de B constituée des vecteurs isotropes engendre le noyau E⊥ de f , et le rang de f est le cardinal de la partie de B constituée des vecteurs non isotropes. CHAPITRE 4. ESPACES HERMITIENS 39 Démonstration. Comme pour les formes bilinéaires symétriques. Corollaire 4.3. Pour que f , forme hermitienne sur le C-espace vectoriel E de dimension n, soit non dégénérée, il faut et il suffit q’il existe une base de E, orthogonale pour f , constituée de vecteurs tous non isotropes. Définition 4.11. Soit E un C-espace vectoriel de dimension n et f une forme hermitienne sur E. On dit qu’une base {e1 , . . . , en } est orthonormale pour f si elle est orthogonale et si de plus, pour tout i ∈ N∗n , f (ei , ei ) = 1. Remarque. Si pour une forme hermitienne f il existe une telle base, f est non dégénérée et f (x, y) = x 1 y1 + · · · + x n yn 2 2 ϕ(x) = x 1 + · · · + x n Définition 4.12. On dit qu’une forme hermitienne f sur le C-espace vectoriel E est positive si ∀x ∈ E, ϕ(x) = f (x, x) ¾ 0 Théorème 4.8. Soit E un C-espace vectoriel. Pour que, relativement à une forme hermitienne f sur E, il existe une base orthogonale, il faut et il suffit que f soit non dégénérée positive. Démonstration. La remarque précédente nous dit que la condition est nécéssaire. Montrons qu’elle suffit. Puisque f est non dégénérée, il existe une base {e1 , . . . , en } orthogonale de E, constituée de vecteurs tous non isotropes. De plus, comme f est positive, ∀i ∈ N∗n , f (ei , ei ) = ai > 0. L’égalité a 0 ne peut avoir lieu car f étant non dégénérée, aucun ei ne peut être isotrope. Posons, pour tout i ∈ N∗n : 1 ui = p ei ai Alors f (ui , ui ) = car p ai = p 1 ai f (ei , ei ) = 1 ai ∈ R. Donc la base {u1 , . . . , un } est orthonormale. CHAPITRE 4. ESPACES HERMITIENS 4.1 40 Propriétés des formes hermitiennes non dégénérées Théorème 4.9 (Inégalité de Schwarz). Si f est une forme hermitienne positive sur un C-espace vectoriel E, et si ϕ est sa forme quadratique associée, alors p p ∀x ∈ E, ∀ y ∈ E, f (x, y) ¶ ϕ(x) ϕ( y) Démonstration. Posons a = ϕ(x), b = f (x, y), c = ϕ( y). On a a ∈ R+ , c ∈ R+ et b ∈ C. Alors ∀x, y ∈ E, ∀λ ∈ C, ϕ(x + λ y) = ϕ(x) + λ f (x, y) + λ f ( y, x) + λλϕ( y) = a + λb + λb + λλc 1er cas : a et c non simultanément nuls. Supposons c 6= 0. ϕ est une forme positive donc ∀x, y ∈ E, ∀λ ∈ C, ϕ(x + λ y) ¾ 0 a + λb + λb + λλc ¾ 0 En particulier, pour λ = − bc on a λb + λb = −2 = −2 et ϕ(x − b |b|2 bb c |b|2 c |b|2 y) = a − 2 + 2 c¾0 c c c 2 C’est à dire, puisque c > 0 : ac − |b| ¾ 0, c’est l’inégalité de Schwarz. 2e cas : supposons a = c = 0. Alors ∀λ ∈ C, ϕ(x + λ y) = λb + λb ¾ 0 En prenant λ = −b, on obtient −2|b|2 ¾ 0, donc b = 0. L’inégalité est vérifiée sous la forme 0 ¶ 0. Théorème 4.10 (Inégalité de Minkowski). Si f est une forme hermitienne positive sur un C-espace vectoriel E, et si ϕ est sa forme quadratique associée, alors p p p ∀x ∈ E, ∀ y ∈ E, ϕ(x + y) ¶ ϕ(x) + ϕ( y) CHAPITRE 4. ESPACES HERMITIENS 41 Démonstration. ∀x, y ∈ E, ϕ(x + y) = ϕ(x) + ϕ( y) + f (x, y) + f (x, y) = ϕ(x) + ϕ( y) + 2 Re( f (x, y)) Or Re( f (x, y)) ¶ | f (x, y)|, et d’après Schwarz, p p | f (x, y)| ¶ ϕ(x) ϕ( y) D’où p p ϕ(x + y) ¶ ϕ(x) + ϕ( y) + 2 ϕ(x) ϕ( y) p 2 p ¶ ϕ(x) + ϕ( y) Théorème 4.11. Soit E un C-espace vectoriel. Pour qu’une forme hermitienne positive soit non dégénérée, il faut et il suffit qu’il n’existe pas pour f de vecteur isotrope autre que 0. Démonstration. Supposons qu’il existe dans E un vecteur isotrope autre que 0, x. Alors f (x, x) = ϕ(x) = 0 et ∀ y ∈ E, p p | f (x, y)| ¶ ϕ(x) ϕ( y) ¶0 D’où | f (x, y)| = 0 et f (x, y) = 0 car f est positive. Donc x 6= 0 est dans le noyau de f , et f est dégénérée. Contradiction. Réciproquement, si f est dégénérée alors E⊥ 6= {0} et ∃x ∈ E⊥ , x 6= 0. Cet x est un vecteur isotrope non nul. 4.2 Espaces pré-hilbertiens et espaces hermitiens Définition 4.13. Tout espace vectoriel complexe sur lequel est définie une forme hermitienne positive non dégénérée se nomme espace pré-hilbertien 1 . Si sa dimension est finie, on le nomme espace hermitien. p Théorème 4.12. L’application x 7→ ϕ(x) est une norme sur E. On note kxk = p ϕ(x). 1 Les espaces de Hilbert sont les espaces pré-hilbertiens complets. CHAPITRE 4. ESPACES HERMITIENS Démonstration. isotrope. 42 1. ∀x ∈ E, si kxk = 0 alors x = 0 car 0 est le seul vecteur 2. ∀x ∈ E, ∀λ ∈ C, kλxk = p = p ϕ(λx) |λ|2 ϕ(x) p = |λ| ϕ(x) = |λ| kxk 3. ∀x, y ∈ E, x + y ¶ kxk + y vient de l’égalité de Minkowski. Définition 4.14. Dans un espace pré-hilbertien E, on nomme produit scalaire de deux vecteurs x et y le nombre complexe f (x, y). On choisit de p le noter x. y. On appelle carré scalaire de x, ϕ(x) = x.x = x 2 . Alors kxk = x 2 . Propriétés. 1. ∀x, y, z ∈ E, x( y + z) = x y + xz ( y + z)x = y x + z x Distributivité du produit scalaire par rapport à l’addition, à gauche et à droite. 2. ∀x, y ∈ E, x y = y x. 3. ∀x, y ∈ E, ∀α, β ∈ C, (αx) y = α(x y) x(α y) = α(x y) (αx + β y)2 = |α|2 x 2 + αβx y + αβx y + |β|2 y 2 Théorème 4.13 (Pythagore). Soit E un espace pré-hilbertien. Si deux vecteurs x et y sont orthogonaux, on a : x + y 2 = kxk2 + y 2 Démonstration. ∀x, y ∈ E, x + y 2 = kxk2 + x y + x y + y 2 Or, x ⊥ y implique x y = 0 = x y, d’où l’égalité. Si x 6= 0 et y = i x alors x y + x y = 0 avec x y 6= 0 (x 6⊥ y). CHAPITRE 4. ESPACES HERMITIENS 43 Théorème 4.14. Dans un espace hermitien, le procédé d’orthonormalisation de Schmitt est valable. Démonstration. Voir celle des espaces euclidiens. Définition 4.15. Soient E et F deux espaces pré-hilbertiens. On appelle morphisme unitaire de E dans F toute application linéaire u ∈ L (E, F) telle que ∀x ∈ E, ku(x)k = kxk. Théorème 4.15. Pour que u ∈ L (E, F) soit unitaire, il faut et il suffit que ∀x, y ∈ E, u(x)u( y) = x y. Démonstration. Si u conserve le produit scalaire, en prenant y = x on obtient ku(x)k = kxk, donc u est unitaire. xy = 1 1 i i x + y 2 − x − y 2 + x + i y 2 − x − i y 2 4 4 4 4 u étant linéaire, u(x)u( y) = 1 i i 1 u(x + y)2 − u(x − y)2 + u(x + i y)2 − u(x − i y)2 4 4 4 4 Comme u est unitaire, les normes sont égales deux à deux et u(x)u( y) = x y. Théorème 4.16. L’ensemble des automorphismes unitaires d’un espace pré-hilbertien E est un sous groupe de GL(E), le groupe linéaire de E. On le nomme groupe unitaire de E et on le note U(E). Démonstration. Aux étudiants. Définition 4.16. On dit qu’une matrice A de Mn (C) est unitaire si t AA = In . Propriétés. n X aki ai j = 0 pour 1 ¶ j 6= k ¶ n i=1 n X |αi j |2 = 1 i=1 Donc A est une matrice unitaire si et seulement si la famille de ses n vecteurs colonnes (resp. lignes) est une base orthonormale de Cn . CHAPITRE 4. ESPACES HERMITIENS 44 Théorème 4.17. Si E et F sont des espaces hermitiens de même dimension n, si u ∈ L (E, F), les propriétés suivantes sont équivalentes : 1. u est unitaire. 2. Toute base orthonormale de E est transformée par u en une base orthonormale de F. 3. La matrice de u par rapport à toute base orthonormale de E et toute base orthonormale de F est unitaire. Démonstration. Comme pour les espaces euclidiens.