La voie vaginale dans le traitement de l`incontinence

TECHNIQUE OPÉRATOIRE Progrès en Urologie (1995), 5, 1012-1021
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La voie vaginale dans le traitement de l’incontinence urinaire d’effort
Bernard LOBEL, Frédéric STAERMAN, François GUILLÉ
Service d’Urologie, Centre Hospitalier Universitaire, Rennes
RESUME
L’incontinence urinaire d’effort chez la femme peut
toujours être traitée par voie vaginale.Elle s’associe
souvent à un prolapsus génital dont la cure doit être
contemporaine de celle de l’incontinence.
Les patientes peuvent être classées en 4 groupes
tenant compte de la position du col vésical, de la
valeur sphinctérienne et du prolapsus génital asso-
cié. A chacun de ces groupes sont rapprochées des
techniques opératoires capables de contrôler à la
fois l’incontinence et le prolapsus génital.
La pratique de la voie vaginale doit être aussi fami-
lière à l’urologue pour traiter l’incontinence urinai-
re d’effort et les troubles de la statique pelvienne
que l’urodynamique et la cystoscopie le sont aujour-
d’hui au gynécologue chirurgical.
Mots clés : Incontinence urinaire, chirurgie, prolapsus génital,
voie vaginale.
Progrès en Urologie (1995), 5, 1012-1021.
L’incontinence urinaire d’effort (IUE) chez la femme
peut toujours être traitée par voie vaginale, pourvu que
l’on y associe une incision sus pubienne courte restant
sus-aponévrotique et un contrôle endoscopique vésical
per opératoire.
Le type de la chirurgie vaginale dépend de 3 éléments
facilement appréciés avant l’intervention:
• La position du col vésical et de l’urèthre par rapport à
la symphyse pubienne en retenue et en poussée.
• La valeur sphinctérienne liée au sphincter externe, au
col vésical, à la compliance uréthrale.
• Le prolapsus génital associé et particulièrement l’hys-
téroptose.
Lenqte clinique apprécie lensemble de ces éments.
La cystomanotrie s’impose pourtant pour éliminer une
instabilité sicale à l’origine des pertes d’urines.
Les autres explorations: UIV, cystoscopie, profil urétral
et vidéo-cystourétrogramme sont affaire de cas. L écho-
graphie pelvienne simpose en cas d’hystérectomie par
voie vaginale pour s’assurer du volume utérin, de lab-
sence de tumeur ovarienne ainsi que les frottis vaginaux.
Les IUE sont divisées en 4 groupes. Chacun d’entre
eux bénéficie d’une intervention par voie vaginale
appropriée et adaptée au status uro-génital.
Groupe 1: malposition isolée du col vésical, sphincter
compétent et prolapsus génital absent. Intervention de
Raz.
Groupe 2: malposition du col vésical et de l’urèthre,
sphincter compétent, cystocèle stade I ou II.
Intervention de Raz II.
Groupe 3: malposition du col vésical et de l’urèthre,
sphincter inefficace et cystocèle stade I-II. Intervention
de Raz III ou de Blaivas.
Groupe 4 : malposition du col et de l’urèthre, sphinc-
ter altéré ou non, cystocèle stade III avec hystéroptose.
Intervention de Bologna avec ou sans hystérectomie
par voie vaginale.
TECHNIQUES OPERATOIRES
COMMENTAIRES
Généralités
Les interventions par voie vaginale sont peu agressives
et conviennent aux femmes âgées. Les contre indica-
tions à cette voie sont exceptionnelles: atrophie vagi-
nale extrême, irradiation locale par curiethérapie pour
tumeur utérine, multiples chirurgies vaginales sont des
conditions peu favorables. Le blocage des hanches par
coxarthrose rend impossible l’accès au vagin.
La préparation vaginale est simple :
Avant une intervention:
Vérifier l’absence de prothèse interne. En cas de port
d’un pessaire, celui-ci sera enlevé et le vagin largement
irrigué pendant une semaine.
Une préparation par oestrogènes locaux (crème ou
ovules) assouplit les tissus et favorise la cicatrisation.
Au moment de l’intervention:
Préparation vaginale la veille au soir par instillation
abondante d’antiseptiques locaux, rasage de tout le pel-
vis.
L’installation opératoire se fait en position de lithoto-
Manuscrit reçu le 21 mai 1995 , accepté : septembre 1995.
Adresse pour correspondance : Pr. B. Lobel, CHRU de Rennes, Service d’Urologie,
rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex.
mie, les jambes reposant sur des appuis. La patiente est
sous anesthésie loco-régionale ou générale.
Le champ opératoire découvre la vulve, le pubis et la
partie basse de l’abdomen.
Un accès pour toucher rectal est prévu en cas de répa-
ration du périnée postérieur ou d’hystérectomie par
voie vaginale.
Le matériel pour endoscopie vésicale est inclu dans le
champ opératoire. Un cathéter sus pubien sera inséré au
moment de l’endoscopie.
Une valve à poids ouvre la cavité vaginale, les grandes
lèvres sont écartées latéralement par des fils de suture.
Une sonde vésicale orthostatique vide la vessie et per-
met la diurèse pendant l’opération. Une pince de Pozzi
saisit le col utérin pour apprécier la mobilité utérine et
repérer la distance entre méat uréthral, col vésical posi-
tionné par le ballonnet de la sonde et col utérin.
La réfection du périnée postérieur sera toujours prati-
quée lorsque s’associe au prolapsus antérieur et à l’in-
continence urinaire un rectocèle. La réparation du péri-
née postérieur termine l’intervention en fermant la
vulve. Elle complète la stabilité du périnée.
Elle ne s’impose toutefois que lorsque le rectocèle est
important (stade II ou III). Elle a pour inconvénient
d’être longtemps douloureuse et cause de dyspareunies.
En fin d’intervention:
Mise en place dans le vagin d’une mèche inhibée d’oes-
trogène en crème pour 48 heures. L’oestrogène favori-
se la cicatrisation et diminue la sensibilité vaginale.
Au décours de l’intervention:
La reprise mictionnelle est contrôlée par le cathéter sus-
pubien laissé en place tant que le résidu post-miction-
nel est supérieur à 100cm3
CHIRURGIE DES GROUPES I ET II
Intervention de Raz [5-7]
R
AZ
a décrit plusieurs techniques opératoires, nous uti-
lisons la technique dite Raz I ou «Raz 4 coins». Elle cor-
rige l’incontinence urinaire et les cystocèles modérées.
La patiente est anesthésiée et positionnée selon la des-
cription sus jacente.
Temps vaginal (Figure 1)
Traction douce sur la sonde de Foley pour localiser le col
sical. Injection de rum salé, de xylocaïne 1% ou de
Xylocaïne adrénalinée sous la muqueuse du vagin anté-
rieur pour coller les plans et faciliter la dissection.
1013
Figure 1. Raz II - Préparation de l’incision vaginale.
Figure 2. Raz II - Décollement de l’espace latéro-vésical et
traversée de l’aponévrose pelvienne.
Mise en place de 3 fils repères. Le premier sur la ligne
médiane à mi-distance entre le méat uréthral et le col
vésical, les deux autres à 3 ou 4 cm en arrière sur la par-
tie latérale droite et gauche du vagin au moment où
celle-ci se réfléchit sur le pubis. Les incisions vaginales
sont menées d’avant en arrière au bistouri incisant fran-
chement toute l’épaisseur du vagin. L’incision droite
puis gauche commence à 5 mm en dehors du repère
antérieur tendu pour se terminer sur le repère posté-
rieur.
Perforation de l’aponévrose pelvienne (Figure 2)
Les ciseaux de Mayo longs sont introduits dans l’inci-
sion pour ouvrir l’espace et la berge vaginale externe
est saisie par une pince de Babcok. Les ciseaux peuvent
alors perforer l’aponévrose pelvienne en les dirigeant à
la face postérieure du pubis vers l’épine iliaque antéro-
supérieure.
Lorsque l’espace rétro-pubien est ouvert, I’opérateur
introduit son index dans l’incision pour libérer l’urèthre
des attaches résiduelles. Ce décollement permet de
mobiliser l’urèthre et le col vésical et il crée ultérieure-
ment les conditions d’adhérences en bonne position du
col vésical.
• Mise en place des fils de suspension (Figure 3)
Un fil de prolène 0 est placé sur la berge interne du
vagin aux deux extrémités de l’incision. Chaque fil
prend à 3 reprises depuis l’angle de l’incision le fascia
pubo-vésical, les tissus péri-uréthraux et la paroi vagi-
nale à l’exception de la muqueuse. La solidité de la
prise est testée immédiatement.
Temps sus pubien (Figure 4)
Incision cutanée au bord supérieur du pubis de 2 cm
allant jusqu’à l’aponévrose des grands droits. Celle-ci
est libérée sur 3 ou 4 cm de chaque côté.
La double aiguille de Raz ou le passe fil de Merle
d’Aubigné (dont le passage se fera alors deux fois de
chaque côté) va depuis l’étage sus pubien aller cher-
cher les fils vaginaux. L’index gauche de l’opérateur
est introduit dans le décollement latéro-vésical par voie
vaginale jusqu’au contact de la face postérieure du
muscle grand droit. L’aiguille est perçue à l’étage sus
pubien en dehors du col vésical et va perforer le muscle
grand droit guidée par le doigt intravaginal pour rame-
ner les fils vaginaux homolatéraux à l’étage sus pubien.
1014
Figure 3. Raz III - Passage des fils de Prolène 0 aux 2 extré -
mités de l’incision prenant fascia pubo-vésical, tissus péri-uré -
thraux et paroi vaginale.
Figure 4. Raz II - Passage des fils vaginaux à l’étage sus-
pubien avec l’aide de l’aiguille de Raz guidée par l’index de
l’opérateur.
L’aiguille passe le plus près possible du col vésical et
du pubis pour ramener les fils afin d’éviter les douleurs
post opératoires induites par des fils s’appliquant sur la
partie mobile des muscles grands droits.
Temps endoscopique
La sonde vésicale est retirée et le cystoscope est intro-
duit pour contrôler l’absence de transfixion vésicale par
les fils et le bon positionnement du soulèvement du col
lors de la traction sur les fils sus pubiens. En cas de per-
foration vésicale par un fil, celui-ci est retiré et replacé
en bonne position (plus externe), sans inconvénient.
Profitant du cystoscope, un cathéter sus pubien est
introduit dans la vessie sous contrôle de la vue.
Fermeture
Elle commence au niveau vaginal avant la fixation
des fils à l’étage sus pubien, par un surjet de vicryl
2/0. Une mèche vaginale imbibée dun gel doestro-
gène est laissée en place 48 h. Les fils sus pubiens
sont alors noués entre eux de façon homolarale
entraînant une ascension de la face anrieure du
vagin en arrière du pubis. Fermeture de l’incision sus
p u b i e n n e .
Les soins post opératoires
Ils sont limités et la qualité de la reprise des mictions
est contrôlée par le cathéter sus pubien.
Commentaires
Lintervention de Raz comme les suspensions vaginale
par voie sus-pubienne donne 70 à 80% de bons résultats
à moyen terme. Les échecs surviennent surtout la pre-
mière année. Lintervention est simple, mais dysectasian-
te et la reprise mictionnelle se fait entre 7 et 30 jours.
Seule la régression du résidu post mictionnel en dessous
de 100 cm
3
autorise lablation du catter sus pubien.
115 patientes ont été opérées entre 1987 et 1994 et 62
ont été revues avec un recul de 3 ans. Dans le post-opé-
ratoire immédiat 40% ont une rétention d’urine supé-
rieure à 1 semaine et 5% au delà d’un mois (6 cas). 4
patientes dans ce groupe récupèrent progressivement
sous cathétérisme intermittent, une accepte l’auto-son-
dage, et l’autre est réopérée (voie endoscopique).
Dans le groupe revu à trois ans, 72% des patientes esti-
ment avoir un excellent résultat et 11% être améliorés,
mais 24% présentent une dysurie ou une instabilité
vésicale tolérable.
CHIRURGIE DU GROUPE III
Elle se justifie en cas de malposition du col sical et de
lurèthre, alors que le sphincter est inefficace mais le cys-
tocèle encore moré. Le traitement chirurgical de l’in-
s u ffisance sphincrienne nécessite plus que le simple
souvement du col sical - bandelettes et sphincter arti-
ficiel sont classiques. Nous crirons deux interventions
que nous réalisons de première intention: intervention de
Raz III et bandelette sous cervicale type Blaivas.
Intervention de Raz III [5-8]
Temps vaginal
Il est proche de celui décrit antérieurement. Seule la
forme du lambeau varie.
Incision vaginale (Figure 5)
Lincision est réalie à la face anrieure du vagin en U
inversé, la base du lambeau large de 3 cm est située à la
hauteur du col sical, le sommet à 15 mm en arrière du
at uréthral. La dissection laro-vésicale est mee
comme précédemment en respectant le lambeau vaginal
en U et ses adhérences à lurèthre. Le lambeau en U isolé,
est sectionné en deux parties transformant le U en A.
Mise en place des fils sur le lambeau vaginal qui serv i -
ra de fronde (Figure 6)
La partie antérieure (au moins 2 cm) est laissée appliquée
sur lurèthre alors que la partie postérieure du lambeau
est largement disséquée d’avec le col sical et la vessie
pour retrouver les décollements vaginaux laraux. 4 fils
de prolène n° 1 sont passés aux angles du lambeau vagi-
nal antérieur, chaque fil prenant largement fascia péri-
uréthral et vagin à lexception de la muqueuse.
1015
Figure 5. Raz III - Incision vaginale en U inversé et recoupe
du lambeau en A.
Temps sus pubien - Endoscopique et Fermeture
Les 4 fils seront passés à l’étage sus pubien, le lambeau
vaginal servant de fronde au col vésical. Endoscopie et
Fermeture sont identiques aux interventions précé-
dentes. La partie postérieure du lambeau en U large-
ment décollée est refixée au bord de l’incision en pas-
sant en avant de la fronde.
Commentaire
La fronde ainsi réalisée est d’excellente qualité et
remonte efficacement le col vésical en jouant son rôle
dysectasiant. Cependant 2 difficultés apparaissent: la
remise en place du lambeau postérieur en arrière du
méat uréthral raccourcit la profondeur du vagin et
donne à sa face antérieure un aspect inhabituel. Enfin le
risque infectieux lié à l’enfouissement du lambeau
vaginal antérieur est réel.
5 patientes ont subi cette intervention. 2 ont présenté
une infection vaginale post-opératoire qui a nécessité
des lavage vaginaux prolongés à la Bétadine avant que
la cicatrisation complète soit obtenue. 4 patientes ont
un résultat excellent sur la continence et la statique
vaginale, une est améliorée avec un recul de 1 à 4 ans.
Intervention de Blaivas [3]
Elle réalise un équivalent de l’intervention de Goebbel
Stoeckell. La bandelette aponévrotique libre est préle-
vée dans la région sus pubienne et passée par voie vagi-
nale. Le contrôle endoscopique vérifie la bonne posi-
tion de la fronde.
Temps sus pubien (Figure 7)
Incision horizontale sus pubienne de 10 cm permettant
de libérer la partie basse de l’aponévrose des grands
droits. Une bandelette aponévrotique de 10 cm de long
et de 2 cm de large est prélevée horizontalement à la
partie basse de l’aponévrose. Les deux berges de l’apo-
névrose restante sont immédiatement resserrées par un
surjet de Prolène n°l.
Temps vaginal (Figure 8)
Deux fils repères sont placés de part et d’autre de la
ligne médiane à 15 mm en arrière du méat urétral sur la
paroi vaginale antérieure. L’ouverture vaginale est cette
1016
Figure 7. Intervention de Blaivas. Prélèvement de la bandelet -
te libre aponévrotique sus-pubienne et passage de celle-ci à
partir du vagin sous le col vésical vers l’étage sus-pubien.
Figure 6. Raz III - Les 4 fils de Prolène 0 sont placés aux
angles du lambeau vaginal qui servira de fronde sous-cervi -
cale.
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