D O S S I E R La voie transobturatrice dans le traitement chirurgical par voie vaginale de l’incontinence et des prolapsus urogénitaux Transobturator tape for surgery of guenine stress incontinence and urogenital prolaps ● E. Delorme*, G. Eglin** ÉTUDE ANATOMIQUE L du trou obturé dans le traitement chirurgi‘ utilisation cal de l’incontinence urinaire d’effort et des prolap- sus s’est imposée car elle permet de reconstituer un hamac rétro-urétral et rétrovésical dont les points de fixation reproduisent le niveau d’attache du fascia sous urétrovésical. L’étude anatomique (1) démontre l’absence de risque viscéral ou vasculaire lors de l’utilisation de la voie transobturatrice, si la technique chirurgicale est rigoureuse. Au niveau sous lévatorien du trou obturé, il n’y a aucune structure vasculaire ou nerveuse (photo 1). Le nerf clitoridien supérieur, branche antérieure du nerf pudendal, est le seul élément proche du trajet de ponction transobturatrice, cependant sa situation en dedans de la branche osseuse ischiopubienne le protége tel un bouclier de tout risque traumatique dans la mesure où le tunneliseur est introduit de dehors en dedans (photo 2). Dès l’introduction du tunneliseur, de dehors en dedans, celui-ci s’éloigne des structures vasculonerveuses qui sont en dehors (pédicule obturateur, pédicule iliofémoral, veine saphène). Le trajet transobturateur antérieur du tunneliseur est différent selon que l’on ait à traiter une incontinence ou une cystocèle (photo 3). Le trajet emprunté lors de la cure d’incontinence est périnéal, se situant en dessous de l’aponévrose du muscle releveur. Il n’y a donc aucun risque vésical puisque la vessie est au-dessus de l’aponévrose du releveur. Le tunneliseur est horizontal. Le trajet du tunneliseur, lors de la cure de prolapsus, est suslévatorien donc il est périnéopelvien. Comme la vessie est libérée de l’arc tendineux et protégée par le doigt introduit derrière le muscle obturateur, elle est protégée de tout risque de perforation. Le tunneliseur, dans ce cas, est orienté à 45° en arrière de la patiente (photo 3). * Cabinet d’urologie, 24, rue Jean-Jaures 71100 Chalon-sur-Saone. ** Service de chirurgie gynécologique, clinique Champeau, 32, avenue Enseigne Albertini, 34535 Béziers Cedex. La Lettre du Gynécologue - n° 288 - janvier 2004 Photo 1. Anatomie. Photo 2. Rapports du nerf pudendal et de la branche ischiopubienne. 17 D O S S I E R INCONTINENCE URINAIRE D’EFFORT (IUE) ET VOIE TRANSOBTURATRICE Prothèse Nous utilisons une bandelette de polypropylène soudée à chaud (OBTAPE) car, de part sa faible élasticité, cette bandelette permet un réglage très précis de sa position par rapport à l’urètre Technique chirurgicale • L’incision rétro-urétrale intéresse toute l’épaisseur de la paroi vaginale ; elle doit être assez grande pour admettre le doigt. À partir de l’incision, on libère latéralement le vagin de part et d’autre de l’urètre. La dissection s’arrête contre la branche ischio-pubienne. La dissection doit se situer dans le plan profond anatomique entre fascia de Halban et urètre et non pas dans le plan chirurgical trop superficiel entre fascia de Halban et peau vaginale. Ainsi la bandelette ne sera pas perçue par le doigt à travers la paroi vaginale, une fois la cicatrisation accomplie. • Une incision cutanée punctiforme est réalisée 15 mm en dehors de la branche ischio-pubienne au niveau d’une ligne horizontale passant par le capuchon clitoridien. Le tunneliseur est tenu par la main homo-latérale du côté où travaille l’opérateur. Le tunneliseur est introduit par l’incision cutanée et traverse la membrane obturatrice. Cette traversée est perçue par une résistance particulière facile à reconnaître. • Le tunneliseur est horizontalisé. La pointe du tunneliseur est conduite en dedans vers l’urètre en visant au-dessus du méat urétral sous l’auvent pubien osseux. Le plus sûr est de contourner, avec le tunneliseur, la branche ischiopubienne en gardant le contact osseux. L’objectif de ce geste est de tracer avec l’instrument un trajet périnéal en restant en dessous du fascia supérieur de l’élévateur de l’anus. Un doigt dans l’incision contrôle que le tunneliseur ne transfixie pas le vagin et passe bien au-dessus de la gouttière vaginale latérale à distance de celle-ci. L’index introduit dans l’incision vaginale refoule vers le haut l’urètre et le protège de l’aiguille. Le doigt va ainsi trouver sous l’auvent pubien, latéralement, le contact avec l’extrémité du tunneliseur. Celui-ci est alors guidé par le doigt dans l’incision vaginale. • Une fois ce geste réalisé, il est prudent de contrôler que le vagin et l’urètre n’ont pas été transfixiés par le tunneliseur. L’extrémité de la bandelette est introduite dans le chas de l’aiguille puis mise en place. Deux points sont importants lors du réglage de la position de la bandelette, pour réduire le risque de compression urétrale, source de dysurie : – laisser un espace visible entre bandelette et urètre (de quelques millimètres) ; – éviter de faire le réglage avec la patiente en position de Trendelenburg, car, dans cette position, la région cervico-urétrale se situe au plus haut. Il est donc préférable de mettre la patiente en position horizontale, voire en proclive, pour faire le réglage de l’urètre au plus bas, mimant la situation anatomique de l’urètre en orthostatisme. • Les orifices cutanés sont fermés après avoir sectionné l’excé18 Photo 3. TOT/IUE : intervention périnéale & TO/prolapsus : intervention pelvipérinéale. Photo 4. Prothèse : hamac vésical. Photo 5. Hamac vesical. dent de bandelette. L’incision vaginale est fermée par quelques points séparés de fil résorbable. La Lettre du Gynécologue - n° 288 - janvier 2004 D O S S I E R Résultats Notre série comprend 285 patientes. L’étude de la morbidité opératoire met en évidence : – deux incidents opératoires (une plaie de l’urètre, une perforation du cul-de-sac vaginal) ; – deux bandelettes transvésicales dans les 45 premiers cas qui correspondent à une mauvaise maîtrise de la technique ; Une étude multicentrique avec un recul d’un an minimum fait apparaître (2) : – des résultats sur l’incontinence similaires à ceux observés par les bandelettes rétropubiennes ; – la bandelette transobturatrice semble moins dysuriante que la bandelette rétrobubienne. PROLAPSUS UROGÉNITAL ET VOIE TRANSOBTURATRICE (CHIRURGIE MINI-INVASIVE : CHIRURGIE VAGINALE PERCUTANÉE ET INCISIONS RÉDUITES) Prothèse (photos 4 et 5) Il s’agit d’un hamac rétrovésical de 9 cm* 6 cm muni de 6 stabilisateurs (stabilisateurs transobturateurs [STO] antérieurs, transobturateurs postérieurs [latéraux], stabilisateurs postérieurs ou transutérosacrés [STUS], voire trans-sacroépineux [TSE]). Technique chirurgicale Cette technique a été mise au point par E. Delorme et G. Eglin. Une pince de Muze exerce une traction sur le col utérin à fin d’exposer le cul-de-sac vaginal antérieur. L’incision vaginale est pratiquée sur la face antérieure du col utérin transversalement sur le versant cervical du cul-de-sac vaginal. La tranche de section vaginale antérieure est saisie en totalité (peau vaginale et fascia de Halban) et tractée vers le haut exposant le plan vésicovaginal. Le décollement vésicovaginal est conduit progressivement en éversant la paroi vaginale antérieure et sans colpotomie complémentaire. Cela évite tout contact entre prothèse et cicatrice vaginale. Ce décollement est arrêté en bas et au milieu juste au-dessus du col vésical ; en bas et latéralement il est conduit jusqu’à l’arc tendineux qui est ouvert très largement libérant latéralement la vessie. Un doigt est introduit au-dessus du muscle puborectal derrière le muscle obturateur. Passage des stabilisateurs transobturateurs antérieurs (photo 6) Le tunneliseur est conduit à travers le foramen obturé par une incision punctiforme située 15 mm en dehors de la branche ischipubienne au niveau horizontal par rapport au capuchon clitoridien. Le doigt glissé derrière le trou obturé va recevoir la pointe du tunneliseur et conduire celui-ci dans l’incision vaginale antérieure. Le stabilisateur antérieur est fixé sur le tunneliseur et tracté à travers le foramen obturé, le même geste est fait de l’autre côté. Les stabilisateurs sont positionnés sans aucune traction pour prévenir l’effet dysuriant de la prothèse qui est posée juste au-dessus et en arrière du col vésical. Passage des stabilisateurs transobturateurs postérieurs ou stabilisateurs latéraux (photo 6) La Lettre du Gynécologue - n° 288 - janvier 2004 Photo 6. Cure de cystocèle Photo 7. Hamac vésical : stabilisateurs postérieurs. Le tunneliseur est conduit à travers le trou obturé puis le releveur. Le point de ponction est juste en dehors de la branche ischiopubienne au-dessus de la tubérosité ischiatique. Le doigt placé contre la face supérieure du releveur en avant et à distance de l’épine sciatique reçoit la pointe du tunneliseur et la conduit jusque dans l’incision vaginale antérieure. La traction peut être plus forte sur les stabilisateurs latéraux sans risque dysuriant. Passage des stabilisateurs transutérosacrés ou stabilisateurs postérieurs (photo 7) Après incision rétrocervicale horizontale, les stabilisateurs postérieurs sont passés grâce au tunneliseur en latérocervical à travers les ligaments utérosacrés. Les stabilisateurs passés à travers les ligaments utérosacrés peuvent être : – soit fixés à la face postérieure de l’isthme si on ne veut traiter que la cystocèle ; – soit fixés à la prothèse prérectale dans sa partie haute ; – soit (en l’absence de prothèse postérieure) ils peuvent transfixiés le petit ligament sacro-iliaque assurant la suspension du dôme vaginale et du col utérin. L’incision vaginale antérieure est fermée par un surjet de fil résorbable. L’intervention nécessite, le plus souvent, un temps postérieur 19 D O S S I E R pour lequel la voie transobturatrice est utilisée par certains. Personnellement nous n’en avons pas l’expérience et préférons la voie trans-sacroépineuse par voie transglutéale. Résultats Notre série (prospective de E. Delorme et G. Eglin) comprend 104 patientes avec un recul moyen de 6 mois ; la morbidité opératoire est négligeable (1 plaie de vessie, un hématome, un abcès, 14 rétentions aiguës d’urine supérieures à 48 heures, favorisées par l’association cure de prolapsus et bandelette sous urétrale dans le même temps). On observe 3 cystocèles récidivantes, cela nous a conduit à préférer la fixation de la prothèse par des stabilisateurs postérieurs plutôt que de la fixer par quelques points au col utérin. On note 3 érosions au niveau de la cicatrice qui ont été traitées par résection localisée sous anesthésie locale avec succès. Le matériel prothétique utilisé est du polypropylène, dans la moitié des cas celui-ci était tissé dans l’autre moitié soudé à chaud. Il n’y a eu aucune différence significative liée au matériel entre les deux séries. CONCLUSION Les voies transobturatrices, grâce aux suspensions sans tension des prothèses, permettent une approche chirurgicale mini-invasive dans la pathologie fonctionnelle pelvienne. Elles permettent de reproduire les fascias de soutien des organes pelviens. Cette chirurgie peu invasive, dont l’apprentissage est rapide, répond bien aux impératifs d’une chirurgie fonctionnelle. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Delmas V, Hermieu JF, Dompeyre P et al. Éléments anatomiques concernés par la bandelette transobturatrice (uratape) dans le traitement de l’incontinence urinaire chez la femme. Institut d’Anatomie, UFR biomédicale, université Paris V, service d’urologie, hôpital Bichat, Paris, AFU 2001. 2. De Tayrac. Clinical results of a french multicenter study. Département de gynécologie obstétrique, hôpital Antoine-Béclère, Clamart, France ; Buenos Aires IUGA 2003. quadri 20 La Lettre du Gynécologue - n° 288 - janvier 2004