B.1. Une mémoire patriotique
a. Une France d'après-guerre divisée
La population française a vécu la Seconde Guerre mondiale de multiples façons, ce qui donne des
mémoires multiples et parfois adverses.
Typologie des mémoires
Côté vainqueurs, il y a les résistants communistes (le PCF se surnomme alors le « parti des
75 000 fusillés »)5, les résistants socialistes, les résistants catholiques, les résistants gaullistes, les résistants
nationalistes, etc. (il y eu des luttes intestines au sein de la Résistance) ainsi que les militaires de l'armée de
la Libération, divisés entre les gaullistes des FFL, les giraudistes de l'Armée d'Afrique et les combattants
indigènes.
Parmi les victimes, il y a les populations déplacées (exode de 1940 et expulsions allemandes), les
déportés résistants et politiques6, les déportés juifs7, les déportés du travail (requis du STO)8, ceux qui ont
subi les bombardements anglo-saxons, les tziganes, les homosexuels, les enfants d'Allemands9, les
« malgré-nous » d'Alsace-Moselle10 et les femmes tondues lors de la Libération (les « collaboratrices à
l'horizontale »). S'y rajoute la masse de ceux qui ont subi les privations (de nourriture, de chauffage, de
médicaments, etc.), au bénéfice des profiteurs du marché noir.
Côté vaincus, il y a les républicains espagnols réfugiés, les militaires de la « débâcle » de 1940,
notamment ceux qui ont été prisonniers en Allemagne11, les pétainistes qui ont soutenu l'État français12, les
combattants collabo (membres de la Milice, de la LVF13 ou de la division Charlemagne14), ainsi que les
prisonniers de guerre allemands en France15.
Très nombreux sont ceux qui ont changé de camps pendant le conflit, par conviction, par peur ou
par intérêt. Les principaux corps de métiers (policiers, cheminots16, enseignants17, administration publique,
etc.) veulent à partir de la Libération cacher leur participation à la collaboration et insistent sur leurs actes
de résistance.
5 Regroupés au sein de l'« Association nationale des anciens combattants de la Résistance » : http://www.anacr.com/
6 Regroupés au sein de la « Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes » : http://www.fndirp.asso.fr/
7 Regroupés au sein de l'« Association des anciens déportés juifs de France ». L'« Amicale des déportés d'Auschwitz et des
camps de Haute-Silésie » est dominée par les déportés résistants communistes.
8 Regroupés au sein de l'« Association pour la mémoire de la déportation du travail forcé » : http://www.requis-deportes-
sto.com/
9 Cf. l'« Association franco-allemande des enfants de la Seconde Guerre mondiale » : http://www.coeurssansfrontieres.com/
10 Regroupés au sein de l'« Association des déserteurs, évadés et incorporés de force » ainsi que l'« Amicale
interdépartementale des anciens de Tambow et camps assimilés » : http://www.malgre-nous.eu/
11 Représentés par l'« Union fédérale des associations françaises d'anciens combattants » et par la « Fédération nationale des
anciens prisonniers de guerre ».
12 Regroupés au sein de l'« Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain » : http://www.admp.org/
13 La « Légion des volontaires français contre le bolchevisme » ; cf. le meeting au Vel' d'Hiv' le 21 avril 1944 :
http://www.ina.fr/
14 Cf. le « Cercle des descendants et amis des vétérans français du front de l'Est (1941-1945) » : http://www.cdvfe-
divisioncharlemagne.com/
15 « Entre juin 1944 et décembre 1948, plus d'un million de soldats allemands ont vécu en France en tant que prisonniers de
guerre, d'abord sous l'autorité américaine et britannique, ensuite sous contrôle de l'armée française ». Valentin Schneider,
Un million de prisonniers allemands en France, Vendémiaire, 2011, p. 11. 24 178 moururent et 30 000 restèrent en France.
16 Tel que l'association « Rail et mémoire » : http://railetmemoire.blog4ever.com/
17 « Association des anciens combattants de la résistance de l'Éducation nationale ».
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