UN PROGRAMME D’INTERVENTION INDIVIDUELLE CENTRÉE SUR
L’HÉTÉRORÉGULATION DE L’ATTENTION CONJOINTE CHEZ DE JEUNES ENFANTS AVEC AUTISME
A.N.A.E. N° 115 – DÉCEMBRE 2011 475
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vocalisations et la production des gestes de pointage) desti-
nés à indiquer des objets sont présents avant la production
de mots et de phrases, et facilitent l’apprentissage ultérieur
des aspects sémantiques et syntaxiques du langage. Mundy
et al., (1997), Mundy et al., (1993), Werner et Kaplan
(1963) suggèrent que le processus d’attention conjointe
avec autrui pourrait contribuer au développement des capa-
cités symboliques, langagières (Baldwin,1995 ; Bates et al.,
1979 ; Bruner, 1975 ; Tomasello, 1988), et au développe-
ment général des processus sociocognitifs (Baron-Cohen,
1995 ; Bruner, 1975, Mundy, 1995, Tomasello, 1995) chez
l’enfant.
À partir de telles données neuropsychologiques associées à
l’observation clinique, nous avons élaboré un programme
d’intervention individuelle centrée sur l’hétérorégulation de
l’attention conjointe en nous inspirant du programme d’in-
tervention précoce de la thérapie d’échange et de dévelop-
pement (Barthélémy, Hameury, Lelord, 1995).
Le programme (TED) a pour objet le développement de
fonctions déficientes par le biais de jeux et d’échanges
divers basé sur l’analyse des déficiences les plus marquées
et sur les capacités qui peuvent dans une certaine mesure
suppléer à ces déficiences. Cette thérapie par le jeu structuré
implique une relation de confiance entre l’enfant, le théra-
peute et la famille dans une ambiance chaleureuse. Ce pro-
gramme repose sur des principes que sont la sérénité, la dis-
ponibilité, la réciprocité qui visent à améliorer les défi-
ciences observées dans les syndromes autistiques.
HÉTÉRORÉGULATION DE L’ATTENTION
CONJOINTE
L’attention conjointe initialement décrite par J. Bruner
(1983), est la capacité à partager avec autrui un événement,
à attirer et à maintenir son attention vers un objet, une per-
sonne. La première phase d'attention conjointe appelée
attention partagée est celle d'un regard prolongé entre la
mère et le nourrisson. Plus tard la mère introduit un objet
entre elle et le nourrisson comme cible d'attention conjointe
en modifiant son expression pour lui donner une intonation
caractéristique et codifiée, comme par exemple: « regarde la
jolie poupée ». Ce format est basé sur la répétitivité, la sta-
bilité de certains éléments et la variabilité de certains autres,
complexifiant les formats primaires en formats secondaires
puis tertiaires. Le modèle développemental des « formats »
de Bruner (1983 a) représente le contexte d’apprentissage et
de fonctionnement du langage. Il permet à l'enfant l'appren-
tissage des règles d'usage du langage au cours des interac-
tions avec l'adulte qui interprète les comportements de l'en-
fant et standardise certaines formes d'actions conjointes. Au
cours de ces interactions sociales le processus d’hétérorégu-
lation de l’enfant par l’adulte s’appuie sur le processus
d’étayage de l’adulte qui induit chez l’enfant l’intériorisa-
tion des schèmes, des concepts et processus de raisonne-
ment (Bruner, 1983, 1987 ; Vygotsky, 1978). Pour optimiser
les processus d’apprentissage, Vygotsky met l’accent sur la
nécessité de situer la zone proximale de développement qui
représente la distance entre le niveau autonome de résolu-
tion de problème de l’enfant et le niveau qu’il atteint en
bénéficiant de l’étayage de l’adulte. L’adulte aura pour fonc-
tion d’orienter l’activité mentale de l’enfant en adaptant le
niveau de difficulté des tâches, en maintenant son attention
mais en aucun cas, il ne fait à sa place.
Dans le modèle théorique du développement de l’intelli-
gence de Piaget (1963, 1967), les capacités perceptives,
chez l’enfant typique, sont à la base de tout processus d’ap-
prentissage car elles conditionnent la façon dont l’enfant
peut sélectionner et organiser des stimuli afférents. La
notion « d’équilibration » permet à l’enfant de s’adapter
progressivement aux contingences de l’environnement phy-
sique et social. L’enfant assimile son environnement à tra-
vers ses schèmes acquis mais aussi peut accommoder ses
schèmes en fonction des propriétés de son environnement.
Ces deux mécanismes vont peu à peu être régulés, stabilisés
et mener à une phase de stabilisation. Cet apprentissage
reste cependant chez l’enfant typique très sensible à l’antici-
pation (l’enfant prépare les schèmes appropriés), l’inhibi-
tion (l’enfant empêche l’action inefficace) et à la planifica-
tion de l’activité (l’enfant organise dans le temps et dans
l’espace ses différentes actions) ce qui lui permet de s’adap-
ter au mieux à son environnement.
Différentes stratégies autorégulatrices cognitives, socio-
communicatives et motivationnelles permettent à l’enfant
d’identifier l’objectif, planifier et explorer les moyens à dis-
position, contrôler ses actions, son attention, sa motivation
et évaluer les effets de ses actions afin de les ajuster (Nader-
Grosbois, 2007a). En effet, la capacité à planifier des actions
en référence à un but apparaît quand l'enfant devient capa-
ble de représentation mentale autour de l'âge de 2 ans puis
se développe dans les périodes postérieures de la vie. Dans
des contextes divers, même dans des scénarios quotidiens,
l'enfant vise des buts de plus en plus complexes ; sa planifi-
cation devient plus systématique et varie selon les condi-
tions de la tâche (Bronson, Chang et Burns, Friedman et
Scholnick, Gardner et Rogoff, Gauvain, Hudson et Fivush,
Hudson et al., Nader-Grosbois, Parrila et al., Prevost et al.,
Sethi et al., St-Laurent et Moss, cités dans Nader-Grosbois,
2011, p. 246).
Modèle intégré de l’autorégulation et de
l’hétérorégulation
En référence au modèle triadique de l’autorégulation décrite
par Zimmerman (2000, cité par Nader-Grosbois, 2007) et au
concept d’hétérorégulation, un modèle intégratif et dyna-
mique a été élaboré (Nader-Grosbois, 2002). Ce modèle est
représenté dans le schéma de la figure 1.
L’enfant avec autisme éprouve des difficultés à initier une
activité, à maintenir cette activité. Selon Hughes (1994) ces
anomalies pourraient être rattachées à un déficit du contrôle
exécutif. Ces difficultés semblent minorées lorsque l’enfant
se trouve en situation de jeu de motricité fine. Il peut alors
déployer des actions plus complexes et plus socialisées. Plu-
met (1998) souligne l’importance pour la compréhension de
l’autisme d’adopter une conception dynamique des liens
développementaux entre déficits exécutifs, déficits des
interactions sociales et de la communication, et de la cogni-
tion sociale. La fonction d’intentionnalité, qui s’exerce tant
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