des siècles passés ? S’agit-il vraiment de simple
sémantique ? L’interrogatoire, s’il n’est pas poli-
cier, est encore celui du médecin paternaliste tra-
ditionnel ; le mot même ne devrait-il pas être rem-
placé par écoute et entretien ? L’examen intègre
aujourd’hui information et explications : la déci-
sion ne peut être réellement partagée que si
cette information est claire et objective, à défaut
d’être toujours et immédiatement exhaustive. La
prescription devrait être conçue comme un
conseil qui sera souvent difficile à suivre et qui
demande explication et dialogue. Reste l’obser-
vance : le mot lui-même dans le petit Robert 2008
se limitait à l’exécution des règles de la pratique
religieuse, l’obéissance à ces règles. Nos confrè-
res suisses et anglo-saxons, cherchant un mot
plus adapté, ont d’abord proposé celui de
compliance, mais il évoque tout autant une obéis-
sance passive du patient. Le terme adhérence
qu’ils proposent maintenant implique peut-être
mieux une démarche positive d’adhésion, subs-
tituant un accompagnement à la surveillance tra-
ditionnelle du médecin, passant d’une relation pa-
ternaliste à une relation de partenariat [8]. Quant
au terme de prise en charge, qui, dans le Robert,
signifie que celui qui prend en charge se met à
la place de l’autre pour ce qu’il ne peut faire, ne
résume-t-il pas toute une tradition paternaliste ?
Ne faudrait-il pas le remplacer par un autre témoi-
gnant de l’échange indispensable dans toute ren-
contre soignante ?
Une médecine centrée
sur le patient
L’apparition il y a quelques décennies déjà dans
le langage médical du mot patientèle préféré à
celui de clientèle traduisait une évolution impor-
tante à l’initiative de militants généralistes qui re-
fusaient que leur métier soit assimilé à un
commerce. Encore absent du petit Robert 2008
et des vieux Larousse, le mot fait son apparition
dans le petit Larousse 2012. Ce n’est sans doute
pas une révolution, mais redisons-le : « le patient
a de nouveaux droits. Ils concernent d’abord la
manière de l’informer, particulièrement quand il
s’agit de mauvaises nouvelles. Ils concernent
aussi son autonomie, de l’automédication au par-
tage de la décision. Ils concernent encore la place
des associations de patients dans le partenariat
médecin-patients [...] Cette place du patient est
un phénomène de société. Elle reflète tous les
aspects de la « société de l’information » que
nous vivons, avec ses dérives, souvent autour
des excès du consumérisme. Mais elle est aussi
notre façon de respecter et d’aider ce patient »
[9]. N’oublions pas que les jeunes ont été formés
dans une société dominée par la technique ;
maintenir un langage privilégiant le mesurable et
le profit ne les aidera pas à adopter une médecine
centrée autant sur le malade que sur la maladie.
Il ne s’agit pas là d’humanisme, mais de qualité
et d’efficacité des soins. Commençons par le lan-
gage : cela pourrait traduire une évolution en pro-
fondeur des mentalités.
Références :
1. Hartzband P et Groopman J. The new language of Medicine. NEJM. 2011;365(15):1372-3.
2. O’Connor PJ. Adding value to evidence-based clinical guidelines. JAMA. 2005;294:331-2 et741-3
3. Krahn M, Naglie G. The next step in guidelines development. Incorporating patient preference. JAMA. 2008;300:436-8.
4. Gallois P, Charpentier JM, Drahi E, Le Noc Y, Vallée JP. Médecine au quotidien... Montreuil: Unaformec; 2009 (pp. 452-4).
5. Sackett DL, Rosenberg WMC, Muir Gray JA, Haynes RB, Richardson WS. Evidence-based Medicine: what it is and what it is’nt. It’s about integrating individual clinical expertise and
the best external evidence. BMJ. 1996;312:71-2.
6. Gallois P, Charpentier JM, Drahi E, Le Noc Y, Vallée JP. Médecine au quotidien... Montreuil: Unaformec; 2009 (pp. 33-40).
7. Gallois P, Vallée JP, Le Noc Y. Pratiques professionnelles : quelle évaluation ? Médecine. 2009;5(3):120-5.
8. Osterberg L, Blaschke T. Adherence to medications. N Engl J Med. 2005;335:487-97.
9. Gallois P, Charpentier JM, Drahi E, Le Noc Y, Vallée JP. Médecine au quotidien... Montreuil: Unaformec; 2009 (pp. 78 et 477-80).
54 MÉDECINE février 2012
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