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se limiter à un seul taux cible de LDL-C (< 100 mg/dl pour le
risque haut, et rien pour le risque bas) mais d’adopter des cibles
plus nuancées et pondérées selon le risque. Entre autre, un taux
cible très bas (>70mg/dl) de LDL-C pour les patients à risque le
plus élevé, puisque les études tendent à indiquer que c’est la
condition pour obtenir la régression des plaques d’athérome,
autrement dit « un rajeunissement » des artères.
Retenons aussi dés à présent que lorsque le taux de LDL-C est
indisponible (parce que non calculable, c’est le cas si le taux de
TG est > 400 mg/dl), nous nous baserons non plus sur le taux
de cholestérol total, comme cela était suggéré auparavant mais
sur le taux de cholestérol non HDL (voir §4).
2.1. Trois cibles
Pour chaque catégorie de risque, les cibles thérapeutiques sont
les suivantes : cholestérol LDL < 70 mg/dl si le risque est « très
élevé », < 100 mg/dl si le risque est « élevé », et < 115 mg/dl si
le risque est « modéré ». Pour certains patients « à risque très
élevé », où la cible de 70 mg/dl ne peut être atteinte (parce que
le LDL-C est trop élevé au départ), on recommandera de réduire
le taux de LDL-C d’au moins 50%. Dans la majorité des cas,
ceci exigera de prescrire une statine puissante (rosuvastatine,
atorvastatine), à dose appropriée ou l’association d’une statine
avec l’ezetimibe (Ezetrol
®
).
2.2. Quelle statine, à quelle vitesse et à quelle dose
La statine sera toujours le traitement de première intention
(même en cas de dyslipidémie mixte avec élévation du choles-
térol et des triglycérides, comme nous le verrons plus bas (§4)).
On commencera par la prescription de la statine à la dose la
plus effi cace compte tenu du taux de base et du taux cible de
LDL-C. On ajustera ensuite le traitement d’autant plus vite que
le risque est élevé. L’idéal serait en effet d’intensifi er, si cela
est nécessaire, le traitement rapidement pour obtenir la cible
souhaitée dans les plus brefs délais. L’observance et la satis-
faction du patient et du médecin en dépendent.
2.2.1. Aspects scientifi ques dans le choix de la statine
Scientifi quement, le choix et la dose de la statine doivent être
basés sur un critère quasi mathématique : la réduction du LDL-C
à obtenir. Le pourcentage de réduction nécessaire est facilement
estimable par l’écart entre le taux de départ du LDL-C et la valeur
cible à atteindre (fonction du niveau de risque) divisé par le taux
de départ du LDL-C.
C’est en fonction de ce pourcentage qu’on choisira la statine et
son dosage ? La fi gure 3 montre la puissance de réduction du
LDL-C de chaque traitement qui, pour les statines, est par ordre
croissant : fl uvastatine<pravastatine<simvastatine< atorvastatine
<rosuvastatine (
9
). Un doublement de la dose de statine conduit,
en moyenne, à une diminution supplémentaire du taux de LDL-C
de 4 à 6 %. Une autre manière d’intensifi er le traitement est d’as-
socier à la statine un des autres médicamentsanti-dyslipidémiants
(voir les indices de multiplications dans la fi gure 2). On verra
dans notre exemple comment la prise en compte du HDL-C et
d’autres facteurs peut modifi er, parfois de manière importante,
le calcul du risque à l’échelle individuelle.
Autre nouveauté : on ne classera plus les patients selon une
seu le « frontière de risque » (en dessous ou au dessus de 5%),
mais sur base de trois « frontières de risque », 1%, 5% et 10 %.
Ainsi, si le risque SCORE est inférieur à 1%, il sera dit « bas »,
entre 1 et 5%, on parlera de risque « modéré », entre 5 et 10%,
de risque « élevé », et au dessus de 10%, de risque « très élevé ».
On voit comment d’un risque « modéré » de 4%, on peut passer à
un risque plus élevé mais plus réaliste de 15% en affi nant avec le
taux d’HDL-C, les antécédents familiaux, et les autres FR.
Si on veut connaître le risque total (fatal et non fatal), il suffi t de
multiplier par 3 pour les hommes, par 4 pour les femmes, par un
peu moins pour les personnes plus âgées (soit pour notre patient
de 59 ans, par 3, et donc ici un risque global de ~45%). Cette autre
façon d’exprimer le risque total (avec un chiffre plus élevé !!!) peut
être un moyen de mieux sensibiliser le patient pour qu’il soit plus
motivé à suivre son régime et à prendre ses médicaments.
2.
DEUXIÈME QUESTION (FIGURE 1), COMMENT
TRAITER LE CHOLESTÉROL DE CE PATIENT ?
Le taux de LDL-C reste la cible primaire. Toujours pour mieux
nuancer la prévention cardiovasculaire, il n’est plus question de
Pour notre patiente qui n’a ni histoire cardiovasculaire, ni
diabète, ni facteur de risque extrêmement sévère, nous
devons calculer le risque SCORE.
Compte tenu de son sexe, âge, pression artérielle
systolique et taux de cholestérol total, nous voyons
que le risque SCORE est de 4 % (fi gure 2).
Compte tenu du cholestérol HDL proche de 30 mg/
dl, nous pouvons multiplier ce risque par le facteur de
correction spécifi que ( X 1,8 ; voir fi gure 2), soit 7,2%.
Compte tenu de son antécédent familial (chez sa
sœur, une femme avant 60 ans) nous pouvons aussi
le multiplier par 1,7 (voir fi gure 2), soit un SCORE réel
de 12,2%.
Outre ces deux-ci, la présence d’autres facteurs de
risque (taux élevés de triglycérides, obésité, séden-
tarité, …, cfr fi gure 2) justifi e que l’on considère le
risque plus élevé que calculé (ici pas de correction
quantitative, mais juste une modulation vers le haut).
Ainsi, au total, on peut estimer que le risque de cette
patiente de mourir de maladie cardiovasculaire dans
les 10 ans approche vraisemblablement les 15%
1
(tableau I), soit donc dans la catégorie de risque dit
« très élevé ».
1 Pour justifi er le passage d’un risque SCORE de 12% à un risque SCORE
d’au moins 15% (>15%) suite à la présence de trois facteurs de risque
(taux élevés de triglycérides, obésité, sédentarité), il faut se rappeler
qu’un facteur peut être considéré comme facteur de risque indépendant
et signifi catif sur le plan clinique à la condition qu’il augmente au minimum
le risque de 10% après ajustement des autres facteurs de risque (soit
on multiplie le risque par un facteur multiplicatif de 1,1) (Nordestgaardet
al. JAMA. 2007;298:309–316). Soit ici pour trois facteurs de risque (taux
élevés de triglycérides, obésité, sédentarité), 1,1 x 1,1 x 1,1 = 1,33. On
peut ainsi multiplier 12% par 1,3 (ce qui donne 16% ; nous avons pris
15% comme base pour faciliter les calculs par la suite).