Ecrits allemands — I Fichte site : www.librairicharmattan.com [email protected] e.mail : [email protected] CO L'Harmattan, 2005 ISBN : 2-7475-9811-x EAN : 9782747598118 Georges Gurvitch hcrits allemands - I Fichte Textes traduits et édités par Christian Papilloud et Cécile Rol L'Harmattan 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris FRANCE L'Harmattan Hongrie Espace L'Harmattan Kinshasa L'Harmattan Italia L'Harmattan Burkina Faso Kényvesbolt Fac des Sc Sociales, Pol. et Via Degli Artisti, 15 1200 logements villa 96 Adm. ; BP243, }OEN XI 10124 Torino 12B2260 Université de Kinshasa — RDC ITALIE Ouagadougou 12 Kossuth L. u. 14-16 1053 Budapest Sociologies Européennes Série dirigée par Christian Papilloud et Cécile Rol L'Europe hante la sociologie. Elle est sa mauvaise conscience et sa tradition, son horizon et son mythe. Sociologies Européennes l'interroge. Cette série se consacre à la connaissance des transformations qui ont affecté et affectent les sociétés et les cultures de l'Europe. Elle accorde une large place à la recherche fondamentale en histoire et en théorie des sciences de la société et de la culture. Elle soutient le développement innovant d'outils de contextualisation et de conceptualisation basés sur les discours et les pratiques socio-culturelles en Europe. Elle accueille des travaux contemporains à dominante universitaire qui portent sur le problème plus général du changement social, tout en aménageant des passerelles pour l'essai ou le témoignage. Avant-Propos « Un des sociologues Ies plus en vue d'Europe » « Gurvitch was an extremely modest man and left us little information on his personal background » (Simirenko, 1973 : 86). « Je sais que je mourrai sans héritiers spirituels, et c'est bien ainsi » confiait Georg Simmel, le père fondateur de la sociologie allemande, peu avant de s'éteindre. Plus encore que la guerre, les révolutions russes et allemandes avaient précipité la chute de l'égérie des mouvements estudiantins de gauche. Près de cinquante ans plus tard, et bien qu'il fut l'un de ses farouches détracteurs, Gurvitch devait partager le même sort. Il « a forgé les instruments de recherche, grâce auxquels la sociologie française contemporaine a pu progresser, s'affiner et finalement triompher. Elle ne l'oubliera pas » avançait Bastide en concluant sa notice nécrologique pour L 'Année sociologique (Bastide, 1965-67 : XII). Son « enthousiasme était contagieux ; il le reste au-delà de la mort » renchérissait Balandier (Balandier, 1966 : 3). Force est pourtant de constater qu'une fois l'heure des funérailles passée, 1968 aidant (Bosserman, 1981 : 116), l'oubli s'est rapidement normalisé, faisant de Gurvitch un « laissépour-compte » dans l'histoire de la sociologie française (Marcel, 2001 : 98). On pourrait même étendre ce constat outre-Rhin, voire outre-Atlantique. « Gurvitch n'a pas laissé grand chose dans son sillage » avouait ainsi Parsons dix ans après sa mort (Parsons, 1975, in Swedberg, 1982a : 66), sinon quelques livres abscons d'un « exclu de la horde » « qu'on lit aujourd'hui comme des documents historiques » (Marcel, 2001 : 98), presque insipides. Quarante ans de silence Pourquoi donc en revenir à Gurvitch, en proposant la traduction et la réédition de certains de ses écrits, dont ce premier volume inaugure la parution ? Certes, Gurvitch s'éteignait il y a quarante ans, le dimanche 12 décembre 1965 à l'hôpital Laènnec, 42 rue de Sèvres, « après une crise cardiaque qui le prît sur les deux heures du matin » (Durry, 1966 : 183) 1 . Célébrer une « forte et courageuse personnalité» (Schuhl, 1967 : 331), passionnée et tenace, raviver le souvenir d'une oeuvre abondante et d'un verbe sonore constitue, après quelques quarante ans de silence, un hommage symbolique. Mais cet anniversaire ne suffit pas à lui seul pour justifier ce travail de publication et de traduction. Plus profondément, il constitue l'occasion d'interroger le surprenant oubli qui entoure Gurvitch depuis sa disparition. Car en 1 Les obsèques eurent lieu le jeudi 16 suivant, à 10 heures 15 dans la chambre funéraire de l'hôpital, 57 rue Vaneau. Elles furent sobres. « Selon les volontés de la famille, il n'y aura pas de délégation en robe. Prendront la parole le Doyen, M. Braudel, M. Balandier » (AN, Dossier AJ16 6015). effet, avec lui s'éteignait non seulement « le pape de la sociologie » française du lendemain de la Seconde Guerre mondiale (Lévi-Strauss, in Farrugia, 2000 : 261), mais encore une entreprise aussi originale que complexe : la réorientation profonde de la discipline et de sa tradition. « C'est lui qui relance la construction d'une sociologie française démantelée par une guerre qui lui a ravi une partie de ses maîtres et son esprit » (Balandier, 1966 : 4) insistait Balandier. Or, si ce projet fut soumis à de houleuses discussions que les anicroches personnelles et le tempérament passionné de Gurvitch ne manqueront pas d'aiguiser, la discipline en reste, malgré un long silence, le dépositaire. Héritage à la fois vivant et muséographique, la question de savoir comment Gurvitch a conduit ce projet de réorientation conserve ainsi toute son acuité. Les échanges, les transferts et diverses retraductions ont joué un rôle important dans ce projet de grande envergure et la littérature secondaire est riche de matériel concernant les influences et les années américaines de Gurvitch (cf., entre autres, Marcel, 2004 ; Jeanpierre, 2004 ; Blondiaux, 1991 ; Chapoulie, 1991 : 321-364). Les ouvrages de caractère auto-biographique de ses anciens élèves, les protocoles et documents d'archives relatifs à la période 1945-1965 constituent également autant de témoignages relativement accessibles en France. Souvent mentionnés, mais à la hâte ou de manière éparpillée, les séjours et les emprunts allemands et russes que Gurvitch effectua dans son projet restent par contre bien moins travaillés. La langue a-t-elle constitué un obstacle déterminant ' On peut d'autant plus en douter que si bien de ses écrits russes ou allemands ne ne furent jamais traduits, nombre de ses collègues et de ses étudiants connaissaient son livre sur Fichte, sinon son mémoire en russe sur Rousseau. Sans aucun doute bien plus décisive ici est l'attitude que Gurvitch a lui-même adoptée, tant envers sa propre histoire qu'à l'égard des sources allemandes et russes de son programme. Faite « alternativement de discrédits et d'emprunts » (Marcel, 2001: 101), profondément ambivalente, cette attitude ne doit pourtant pas oblitérer le fait que Gurvitch doit son ticket d'entrée pour la scène académique française comme étasunienne à ses ressources européennes. Ainsi, loin de traduire le rôle secondaire que ces ressources auraient exercé dans le programme de Gurvitch, cette ambivalence atteste plutôt d'une relation complexe, faite d'une vive concurrence et d'une convergence tout aussi forte entre les racines allemandes et les racines russes de son projet intellectuel. Son terrible accent, dont on se souvint longtemps, ne trompera jamais. Nombreuses sont les nécrologies qui rappelaient que Gurvitch travaillait, à la veille de sa mort, à une sociologie de la révolution russe qui devait clôturer sa carrière. Il en va autrement de l'Allemagne et de la sociologie allemande, qu'il parviendra plus aisément à maquiller. « Son expérience de la révolution en poche, il quitta la Russie, séjourna brièvement à Prague et s'établit définitivement en France » (Bosserman, 1968 : 1415). On ne sait effectivement guère plus des premiers pas de Georges Gurvitch dans l'exil, entre 1920 et 1925. Une sorte de halo mystérieux entoure les années maudites de cet « inépuisable travailleur solitaire » (Balandier, 1966 : 4). Or ce mythe, c'est d'abord Gurvitch qui l'a construit, en se souvenant vaguement de Prague puis, « dès 1925 », de la France (Gurvitch, 1969: 83). Auprès de ses étudiants, il prendra comme une traînée de poudre. « Prague est sa première étape à l'Ouest » (Bosser8 man, 1995 : 351). Gurvitch y aurait enseigné, selon les sources, soit dès 1920 «à l'Institut russe de l'Université Charles » (Duvignaud, 1969: 184), soit « de 1921 à 1924 à la Section russe de l'Université de Prague » (Toulemont, 1955 : 6) avant d'arriver à Paris en 1924 voire même « 1928 » (Schuhl, 1967 : 331). Pourtant, le premier hiatus est que « l'université rouge » (Duvignaud, 1970 : 38), cette Faculté russe de droit où Gurvitch va effectivement enseigner, n'ouvre ses portes qu'au printemps 1922. En fait, sans compter les trois semestres de 1912 à 1914, « passés en Russie l'hiver, en Allemagne l'été » (Gurvitch, 1969 : 81), « de 1920 à 1922 puis de 1924 à 1925, [Gurvitch] vécut à Berlin » (Serkov, 2001 : 282). Il ne restera que l'année scolaire 1922/1923 à Prague (Schlfigel, 1999 : n° 2624). L'enjeu de cette édition consiste ainsi à combler cette étrange lacune, en remontant directement à la source : les textes de Gurvitch, et particulièrement ceux qui sont restés jusque-là inaccessibles au public français. Le détour par l'Allemagne : une parenthèse russe ? Déçu par l'échec de la Révolution, menacé par Lénine pour avoir critiqué «dans un article courageux » (Durry, 1966: 184) la signature du traité de Brest-Litovsk, Gurvitch fuit Pétrograd en 1920. Il choisit Berlin comme refuge. La métropole allemande est déjà en effet, avant même que le fameux « bateau des philosophes » ne quitte la Russie pour l'Allemagne (1922), la destination privilégiée des exilés de la révolution. Pour une grande partie, ils en avaient d'ailleurs foulé le sol bien avant la guerre, profondément attirés par un havre où ils pouvaient poursuivre leurs études ainsi que leurs activités politiques de manière moins exposée que chez eux (Weill, 1979 : 203-225). Entre 1912 et 1914, Gurvitch faisait toutefois figure de privilégié. L'afflux des étudiants russes en Allemagne atteignait son apogée au semestre d'hiver 1912-1913, et une forte vague russophobe émanant des étudiants incite l'état à appliquer des mesures drastiques de limitations. Numerus clausus, équivalences, droits d'inscription ou avis de la police du Tsar sont autant de mailles du filet à travers lesquelles Gurvitch, aidé de ses parents et d'aînés déjà installés en Allemagne, réussira à passer. Débarquant en Allemagne à la fin de 1920, Gurvitch retrouvait ainsi non seulement un sol qu'il connaissait bien, mais encore un réseau de sociabilité russe important, dont les membres seront pour lui bien plus que des compagnons d'infortune. A la tête de cette « élite méconnue » que fut le parti des constitutionnels-démocrates en exil (KD ou Kadetten ; cf. Weiss, 2001 : 510-525) il faut nommer Josif Vladimirovitch Hessen, le père de son ami de toujours Sergius Hessen, ainsi que Auguste Isaakovitch KaminIca 2. Vient ensuite son professeur, le père 2 Passés par la Finlande en 1918, ces deux KD s'étaient déjà établis à Berlin pour fonder la revue Rul' lorsque Sergius Hessen, son fils, les rejoint accompagné de Gurvitch (Walicki, 1987 : 410 ; Williams, 1972 : 184). Que Gurvitch n'ait pas appartenu au même bord politique, puisqu'il fut social-révolutionnaire, coule de source. Le Tait que Prague, traditionnellement considérée comme le havre des exilés rouges, soit hâtivement opposée à Berlin, habituellement décrite comme le terreau des exilés blancs n'est d'ailleurs probablement pas étranger au mythe que Gurvitch a construit. S'ajoute aussi la stigmatisation profonde de l'étiquette de cadet dans la littérature soviétique, véritable « symbole du Mal » (Beller, 1979: 139). Mais il faut prendre cette opposition avec quelques pincettes. Comme Berlin, Prague et Paris seront également le centre de figures importantes des KD. 9 de « l'école juridique de Moscou », Pavel Novgorodcev, arrivé en Allemagne à bord du Krim le 20 août 1920 (Schlôgel, 1999 : n° 69). Lorsqu'il foule le sol allemand, Gurvitch s'intègre ainsi rapidement au sein du « Berlin russe » fort, entre 1922 et 1923, de plus de 360000 réfugiés. Le 10.03.1921, il donne une conférence auprès d'une des nombreuses associations scientifiques russes et libérales dont regorge la ville, la Akademiceskaja gruppa, qu'il intitule « L'Idée du droit écrit de l'individu dans les doctrines politiques du 17 et du 1 8ème siècles ». A partir du mois de mai 1921, il offre un séminaire au sein l'association des étudiants russes sur « l'histoire des idées politiques » tous les samedis, de 17 à 19 heures (ibid. : n° 642). Enfm, ce sont encore ces mêmes KD en exil qui mettent sur pieds l'Institut Scientifique Russe de Berlin, financé à plus de deux millions de Marks par la Nordische Bank fir Handel und Industrie et la Deutsche Nordische Bank (Boobyer, 1995: 125-126) 3 . Sur 446 inscrits, 260 étudiants appartiennent à la faculté de philosophie. Malgré son succès, la déflation allemande pousse l'institut à délocaliser rapidement cette unité à Prague, où la cours de la couronne est meilleur (Boobyer, 1995: 126 ; Williams, 1972: 131). Toutefois, la faculté de droit reste à Berlin, au 6 Schinckelplatz. Gurvitch s'y rendra souvent, participant doublement à la vie de la faculté. D'une part, faisant partie du personnel enseignant, il y donne des cours de droit public aux semestres d'hiver 1923-1924 et d'été 1925 (Schlôgel, 1999 : n° 3151 ; n° 4144). D'autre part, Gurvitch s'y est aussi inscrit pour soutenir sa thèse de doctorat, intitulée Fichtes System der konkreten Ethik, le 6 avril 1925 à 18 heures 30 avec pour membres principaux du jury Nicolas N. Alekseiev et Simon L. Frank (ibid. : n° 4085). L'Allemagne de Gurvitch fut donc particulière, un Pétersbourg en miniature au sein duquel il fréquentait sinon ses anciens professeurs, du moins des visages familiers, qu'ils fussent libéraux ou social-révolutionnaires, cadets ou eurasistes. Gurvitch y parfaisait sa formation de juriste tout en continuant de parler sa propre langue. L'espoir que la révolution ne durerait pas était encore entier. Swedberg concluait ainsi qu'au « début des années vingt, la vision du monde de Gurvitch restait en somme celle de l'intelligentsia russe ; il avait quitté son pays natal mais en conservait les idées » (Swedberg, 1982a : 71), si ce n'est le milieu L'Allemagne, dont il « connaît les heures troubles » des années vingt (Balandier, 1966 : 3) n'aurait été qu'une parenthèse russe. Une première question permet toutefois de nuancer considérablement cette hypothèse : pourquoi avoir écrit son ouvrage de 1924 en allemand et non en russe ? Comme les diplômes de l'Institut n'étaient de toute façon pas reconnus par les autoQuelles que furent les étapes de son exil, Gurvitch partagera d'ailleurs une certaine proximité politique et intellectuelle avec l'aile gauche des KD, et les frontières devenaient d'autant plus poreuses qu'ils appartenaient, indépendamment de leur obédience politique, à deux autres groupes communs aux solidarités très fortes. Le premier, nous y reviendrons, est la franc-maçonnerie politique russe, un groupe de sociabilité dans lequel Gurvitch s'inscrit avant même que la Révolution de 1917 n'éclate. Le second est la judaïté. Sous le régime du tsar, ce groupe était déjà considérablement menacé, et nombre de Juifs se convertiront à l'orthodoxie par souci de s'éviter les ennuis. 3 Dès son ouverture, le 17 février 1923, l'Institut s'impose comme le fleuron de toutes les associations russes de Berlin, rassemblant les meilleurs professeurs de l'intelligentsia en exil : Nicolas Berdiaev, Simon L. Frank, Ivan lljin, Leo Karsavin, Nicolas Lossky, Boris Vyscheslavtsev, S. N. Prokopovitch, Petr Struve, ou encore Jasinski. 10 rités allemandes, la thèse de l'enjeu académique semble ici peu plausible. La question reste d'autant plus ouverte qu'elle en appelle une série d'autres dans son sillage : pourquoi ce livre portait-il sur Fichte et non pas Soloviev ou Tolstoï ? Et pourquoi le premier écrit russe que Gurvitch avait consacré à Théophane Prokopovitch portait-il déjà sur les « sources européennes » de sa doctrine, de Grotius à Puffendorf (Hobbes étant, non sans parti-pris, soigneusement mis à l'écart) ? Le cloisonnement national est assurément une perspective trop étroite pour comprendre les cinq premières années d'exil de Gurvitch. Ni allemandes ni russes, ou plutôt à la fois l'une et l'autre, elles furent au premier chef européennes, et c'est aussi en ce sens que Gurvitch tentera plus tard de réformer la sociologie française. Il convient ici de verser deux éléments importants à ce dossier. Premièrement, au début du XX° siècle, la Russie tsariste bannissait tout autant la sociologie que l'Allemagne impériale. A Pétersbourg, il faut s'inscrire en droit ou en économie pour pouvoir en faire (Johnston, 1995 : 8-9). Or le milieu académique de juristes au sein duquel évolue alors le jeune Gurvitch s'avère particulièrement réceptif à la sociologie et la philosophie sociale allemande. Novgorodcev, Frank, Hessen, Kistiakovsky en sont autant de figures marquantes qui, tout aussi distantes envers le marxisme radical que le pur idéalisme, cherchaient à réaliser de manière conjointe en Allemagne et en Russie, le projet d'une culture philosophique concrète comme acte politique critique. La revue Logos, qui parut simultanément dans les deux langues avant que la Grande Guerre n'éclate, en sera la plate-forme principale. Gurvitch n'y écrira que bien plus tard. Mais c'est déjà en tant que membre de cette intelligentsia qu'il se rendit à Heidelberg et Leipzig écouter les ténors du néokantisme entre 1912 et 1914. Le mariage de schèmes de pensée russes et allemands fut certes houleux pour tous ces exilés de l'intelligentsia qui reprochaient notamment aux étudiants, comme au monde académique allemand en général, d'avoir oublié la tradition de 1848. Mais il fut sans aucun doute un mariage passionné et profond, de sorte que lorsque Gurvitch coupera progressivement avec l'un du fait de la montée du nazisme, il devait aussi se détacher de l'autre, s'éloignant définitivement du Berlin russe et fréquentant de moins en moins la communauté russe de Paris. Deuxièmement, l'exil berlinois de Gurvitch fut loin d'être un strict repli sur la communauté russe. En parallèle, le jeune thésard n'économisera pas ses forces pour s'intégrer dans le paysage académique allemand. Les références dont il parsème ses publications, qu'il fait d'ailleurs paraître comme la majorité de ses acolytes en allemand, corroborent du moins ce point de vue. Fichte, Gierke, Lask et Jellinek pour le droit, Simmel et Weber pour la sociologie, le néo-kantisme de Rickert et Windelband, puis la phénoménologie de Husserl et Scheler qui lui semblait si proche de l'intuitionnisme russe de Lossky et de Frank (Gurvitch, 1930: 152). Viennent enfin ses relations avec Heinrich Rickert, Richard Kroner, Fritz Medicus, Max Scheler avec lequel il se liera d'amitié, Karl Lôwith qui lui présentera René Kônig (Kônig, 1999 : 367), Nikolaï Hartmann, Hans Freyer, Arthur Liebert (Gurvitch à Siebeck, Lettres du 29.09.1924 et du 30.09.1924, n° 26078 et 24826 — AMS), puis plus tard Radbruch, Lulcàcs, Mannheim et Horkheimer alors qu'il continue de faire quelques sauts outre-Rhin bien qu'il soit déjà en France. Autant de figures éminentes qui en 11 sont un second indice. Si Gurvitch n'en récoltera pas les fruits qu'il escomptait, force est de constater que cet effort ne restera pas sans écho. Face à l'exigence de renouvellement qui s'imposait à elle au début des années vingt, la sociologie allemande de l'époque, avec à sa tête Scheler et Wiese, s'enrichira considérablement au contact des exilés russes. L'aura de Gurvitch fut à cet égard considérable sur des sociologues du droit comme Wilhelm Sauer et Friedrich Darmsadter. En somme, et jusqu'en 1925 au moins, Gurvitch aura visé tant le Berlin russe dans lequel il se meut que l'université allemande. Cet effort se soldera toutefois par un échec qui le conduira de l'autre côté du Rhin, en France, où il arrive entre octobre et décembre 1925. Mais s'il préfigure un changement important dans la pensée de Gurvitch au cours des années trente, alors que l'Allemagne et l'Italie sombrent dans le fascisme, ce second exil ne marquera pourtant pas la fin de ses relations avec l'Allemagne. Il faut d'une part conserver à l'esprit l'impact de la crise économique allemande, qui rendait le quotidien des exilés russes particulièrement difficile. Leurs mouvements migratoires d'abord vers Prague, où le financement de « l'Action russe » fut considérable jusqu'en 1925, puis vers Paris où le gouvernement tchèque et les fondations américaines prirent le relais, sont indissociables des politiques économiques et universitaires mises en place pour leur soutien (Bobrinskoy, 1995: 153-175). 11 n'est pas étonnant que Gurvitch parte pour la France précisément lorsque Masaryk, à qui il dédiait sa thèse secondaire de 1931, incapable de continuer sa politique d'asile, organise une «action de migration » en fmançant les candidats au départ vers la France. D'autre part, Gurvitch continue ses voyages et sa correspondance allemande lorsqu'il arrive à Paris, certain qu'il n'y devait pas rester plus d'un an. Mieux, il parviendra à s'imposer en défmitive sur la scène académique française en tant que spécialiste de la philosophie germanique (Aron, 1981 : IX), comme l'un des « premiers et des meilleurs interprètes de la sociologie allemande, celle de Litt, Scheler et Weber » (Toulemont, 1955 : 6). Dans l'esprit tout du moins, cet attachement résistera d'ailleurs malgré tout à la guerre. Dans son récent recueil d'entretiens auprès de ses anciens élèves, disciples ou critiques, Farrugia résumait leur point de vue d'ensemble dans le même sens : « Georges Gurvitch défend une sociologie fortement enracinée dans le théorique, héritière de la philosophie de l'histoire (plus précisément de la philosophie allemande), soucieuse de visées sociales, gardant soigneusement ses distances avec toute instrumentalisation et professionnalisation, revendiquant une prudence critique permanente à l'égard de toute fonction de service entachée de fonctionalisme, vers laquelle la sociologie était, selon lui, en train de dériver » (Farrugia, 2000 : 212). L'Allemagne fut bien plus qu'une simple parenthèse. Perspectives Pourtant Gurvitch ne le reconnaîtra jamais explicitement. Symboliquement d'abord, le mythe de Prague sera tenace, puisqu'il durera quasiment jusqu'à la fm de sa vie. Recevant le 6 novembre 1961 une première lettre de menace de l'OAS qui lui reprochait d'être un « métèque, venu du fin fond de la Mer Noire, et par-dessus le 12 marché, Juif, Juif errant qui a traîné sa besace dans tous les pays d'Europe, Fuyard en Amérique pendant la guerre » au lieu de se battre et de résister, Gurvitch ajoutait ainsi en note, pour se défendre : « N'a jamais vécu qu'en Russie (jusqu'à la fin 4=92=1 1920 ; en Tchécoslovaquie [1921-1923], et en France de 1924 jusqu'à aujourd'hui) » (Fonds Gurvitch, Lettre du 6.11.1961, Carton 1). De Berlin, de Heidelberg ou de Leipzig, il n'est nullement question. Sa profonde ambivalence à l'égard de l'Allemagne, que la montée du nazisme et l'expérience de la Seconde Guerre mondiale ne manqueront pas de renforcer, prendra alors un second visage. De même que Gurvitch gommera soigneusement de sa mémoire la première étape de son exil, de même la philosophie sociale et la sociologie allemandes hanteront son oeuvre tout en en constituant l'étrange « repoussoir » (Marcel, 2001: 101). Les séquelles de deux douloureuses guerres, sinon d'une révolution manquée que les activistes russes attendaient de longue date, ont indiscutablement joué un rôle dans l'attitude de Gurvitch. Qu'on songe à la réaction de Vladimir Jankélévitch, son ami et collègue à la Sorbonne, en guise de contrepoint. Mais pourquoi Gurvitch avait-il entamé son savant maquillage avant 1933 ? En recensant la Vocation actuelle de la sociologie, Braudel esquissait une première piste, précisant combien « Gurvitch adore détruire. Il le fait avec une sorte d'enthousiasme. Trop vite, sans doute. Tels ces professeurs de philosophie dont le jeu est de passer en revue la longue théorie des prédécesseurs, heurtés aux mêmes éternels problèmes. Exécuter ces philosophes les uns par les autres, puis achever les survivants... Le livre de Georges Gurvitch commence donc par une série de meurtres que nous considérerons comme bénéfiques, même s'ils ont déjà été perpétrés par d'autres que notre auteur. Il y a des morts qu'il faut tuer deux fois » (Braudel, 1953 : 348). Simmel, Weber, Hegel, Wiese, Scheler, Husserl, de Wundt au néokantisme — tout le panthéon des sciences humaines allemandes passera à ses accusations sans procès, à la notable exception de Litt. La légendaire et sanguine humeur de Gurvitch ne sera toutefois pas la seule rumeur à se propager pour justifier d'une telle amnésie. Dans les colonnes du journal hebdomadaire « Arts » éclatait ainsi en 1958 une discrète polémique qui mettait l'accent sur les enjeux académiques. Si la réponse de Gurvitch ne se fera pas attendre, elle n'en dissipera pas les soupçons : «M. Gurvitch veut bien reconnaître que notre affirmation `Economie et Société' n'est toujours pas traduit est vraie. Nous sommes heureux d'apprendre que c'est en 4 «Dans l'article : 'Nos conclusions. Des amphithéâtres, des professeurs : pour quoi faire ?' (n° 701 de l'hebdomadaire ARTS des 17-23 décembre 1958), un auteur anonyme me met en cause dans les termes suivants : 'On parle de Max Weber, mais on n'a toujours pas traduit son 'Economie et Société'. M. Gurvitch n ÿ était pas, dit-on, favorable... On devine que ces veto ne sont pas toujours désintéressés." Je donne un démenti catégorique et formel à ces affirmations et allégations. Jamais je ne me suis opposé à la traduction de Economie et Société de Weber, ni dans la collection Bibliothèque de Sociologie Contemporaine que je dirige aux Presses Universitaires, ni nulle part ailleurs. Tout au contraire, j'ai cherché à organiser cette traduction. Et si j'ai dû refuser l'offre de service d'un traducteur, c'est, tout simplement, que je le connaissais comme non qualifié. Par ailleurs, tout lecteur de mes livres sait que je dois très peu à Max Weber dont j'expose cependant et critique les idées en détail. En quoi mon attitude pourrait-elle être qualifiée comme "Pas toujours désintéressée'» (Cf. volume 3 des écrits allemands). 13 dépit de ses efforts qu'il ne l'a pas été. Mais faut-il donc tant d'efforts pour trouver un traducteur 'qualifié' et est-il si difficile 'd'organiser' une traduction ? » (Fonds Gurvitch, coupure de la revue Arts, Carton 7). Dans ses travaux sur les « usages français de la 'philosophie allemande' » au cours des années trente (Pinto, 2002: 33), Pinto poursuivra l'hypothèse de l'enjeu académique soulevée, non sans pointes, par la rédaction des « Arts ». La référence à l'Allemagne a servi dans l'entre-deux-guerre à la fois une « lutte contre l'objectivisme présumé des sciences » sociales, tout en permettant à une pépinière de « prétendants » à la succession des anciens de la Sorbonne sur le déclin de faire valoir un capital légitimant (ibid. : 31). Tandis que Jankélévitch optera pour Simmel et Schelling, Gurvitch recourrait quant à lui à Husserl et Scheler. Mais peut-on dénoncer dans les « usages » socio-philosophiques allemands de Gurvitch une « révolution conservatrice » (ibid. : 25), tant intellectuelle que politique, qui se caractérisait par « une humeur anti-objectiviste incitant à refuser l'assimilation du réel à l'objet construit par la science au moyen du classement et de la mesure » (ibid. : 25) ? Au coeur de la logique d'attraction-répulsion qui caractérisait déjà l'attitude de Gurvitch envers la philosophie sociale allemande, notons du moins une exception au tableau de ses nombreuses références-repoussoirs et de ses « meurtres » : Fichte. Celle-ci permet de dégager une piste complémentaire. En effet, même au faîte de la tourmente et de la montée du nazisme, c'est bien l'une des rares affinités allemandes que Gurvitch ne reniera jamais. Sa recension du livre de DamistMter, Rechtstaat oder Machtstaat, paru en 1932, en est un exemple patent. Louant une « défense hardie de la constitution républicaine de Weimar et de ses principes de démocratie politique et sociale qui l'inspirent contre l'assaut des adversaires théoriques et pratiques qui, hélas depuis lors, ont réussi à la faire sombrer » (Gurvitch, 1933 : 246), ce livre, continuait Gurvitch, « conserve cependant toute son importance, non seulement par ses analyses théoriques fort poussées [...] de l'histoire politique de l'Allemagne au XIX° siècle, mais aussi, par le fait qu'il est impossible d'admettre que la démocratie allemande qui a sa propre et assez longue tradition nationale, depuis J. G. Fichte et la révolution de 1848, ne ressuscitera tôt ou tard » (ibid. : 246). Passeur franco-allemand invétéré d'une philosophie sociale démocratique, Gurvitch avait découvert en Allemagne une problématique souterraine du social et du politique qu'il faisait remonter à Fichte et à laquelle il ne cessera jamais de croire. De même que c'est elle qui lui permit de participer aux activités des bolcheviques sans perdre son esprit critique, de même il cherchera à l'instiller en France — avec d'autant plus de ténacité qu'il reprochait à l'Allemagne de ne pas assumer cette tradition. Qu'il se soit pensé comme son héritier et son passeur suffit pour évoquer les transformations que Gurvitch opérait durant ce transfert. A l'instar des interprétations ou recours à Husserl et Bergson dans le cercle des révolutionnaires russes puis dans le cercle de Prague qui restaient redevables de schèmes issus de la philosophie russe (Cf. Dermes, 1997 : 47-50; également Nethercott, 1995), l'Allemagne de Simmel chez Jankélévitch, et plus encore celle de Lask ou de Fichte chez Gurvitch portaient un parfum russe. Le but de la présente édition des écrits allemands de Gurvitch consiste ainsi à proposer les matériaux premiers qui rendent compte des multiples facettes de ce 14 « détour par l'Allemagne », à la fois passage et transfert, à la fois académique et théorique. Ces textes permettront, peut-être, de mieux comprendre la complexité de son oeuvre, partagée entre le passé et l'avenir d'une discipline dont il savait l'impulsion profondément européenne. L'Europe. C'est en ce nom que Guéroult, avant même de mentionner le bêlant patriotisme de Gurvitch, demandait au ministre de l'Instruction une dérogation pour lui épargner le retrait de son poste le premier août 1940. 15 Table des matières Notice éditoriale 19 Kant et Fichte interprètes de Rousseau 23 Le système de l'éthique concrète de Fichte 43 Fichte, Johann Gottlieb (1762-1814) 313 L'Evolution de la 'Doctrine de la Science' chez Fichte, d'après M. Guéroult 315 Textes originaux 323 Rapport éditorial 325 Annexes au volume I 343 Sigles et bibliographie 363 Notice éditoriale Le présent ouvrage inaugure la publications en trois volumes des écrits allemands de Georges Gurvitch. Ils contiennent la traduction française des contributions majeures de l'auteur en langue allemande, publiées durant son exil méconnu à Berlin, puis en France. Nous les avons complétées d'articles écrits en français que Gurvitch consacre aux intellectuels et aux courants de pensée allemands, ainsi que d'articles en langue anglaise correspondants, que nous traduisons également. Chaque volume contient un rapport éditorial reconstruisant le contexte à l'origine de ces publications. Les sigles et la bibliographie utilisés sont donnés en fin de chaque volume, qui s'achèvent par un canevas de matériaux bio-bibliographiques. Ces éléments visent à donner au spécialiste un outil de recherche exploitable. Enfin, un index des auteurs figure dans le troisième et dernier volume des écrits allemands de Gurvitch. * * Le premier volume des écrits allemands de Georges Gurvitch rend compte de son travail sur le philosophe allemand Johann G. Fichte. Il contient : a) un écrit préparatoire à sa thèse de doctorat sur Kant, Fichte et Rousseau ; b) la thèse de doctorat de Gurvitch sur Fichte, dont nous donnons la pagination originale entre crochets ; c) son article sur Fichte pour l'Encyclopédie des Sciences Sociales d'Alvin Johnson et d'Edwin Seligman ; d) une recension d'un livre de Marcel Guéroult sur Fichte. Chaque traduction se base sur l'écrit original dont nous donnons la mention bibliographique complète en fin de volume. La façon de citer de Gurvitch, qui de l'aveu de ses proches comme de ses ennemis restera sa vie durant très « personnelle » (Hessen, 1932 : 244 ; Renard, 1934 : 55 ; Cuvillier, 1953 : 123), a été conservée, bien que nous ayons marginalement harmonisé son système. Nous avons opté pour une numérotation continue des notes par texte ou chapitre d'ouvrage. L'harmonisation du système de référencement que Gurvitch utilise suit également ce principe. Les ouvrages et articles que Gurvitch mentionne sont donnés dans leur titre original à l'exception des titres russes que nous rendons en français. Lorsque nous avons voulu vérifier les fragments de textes cités par Gurvitch, nous avons été pris en défaut par sa manière d'« arranger » les citations, qui n'est pas étrangère à la mode intellectuelle de l'époque. Impossible donc de procéder à cette vérification sans construire une table systématique des correspondances confrontant les citations utilisées par Gurvitch et le passage dans le texte original duquel il les tire. Ce travail sort très largement du cadre de cette publication, dont le but est plus modeste : donner accès au public francophone à une partie jusqu'alors inaccessible de l'oeuvre de l'auteur, contextualiser sa fonction dans la pensée de Georges Gurvitch, son rôle pour les sciences sociales de l'époque et sa signification pour la sociologie européenne aujourd'hui. Voilà pourquoi nous avons également traduit les citations que Gurvitch utilise pour soutenir son argumentation. Mentionnons enfin deux enjeux qui, sinon, pourraient déstabiliser la lecture de ces textes. D'une part, dans les notes, Gurvitch référence la pagination des oeuvres qu'il cite de manière étrange. En effet, les numéros de pages sont la plupart du temps donnés dans le plus grand désordre. Ce détail trouve une explication prosaïque : ayant souvent publié dans l'urgence, constamment en déplacement à l'époque, Gurvitch n'a tout simplement pas toujours eu le temps nécessaire pour harmoniser ses contributions. Il envoyait ses corrections à la maison d'édition, qui se contentait de juxtaposer l'ajout à l'existant. D'autre part, « L'intensité difficilement communicable» avec laquelle Gurvitch rédigea son Fichte n'est pas la seule raison qui fait de ce texte un opus difficile (Swedberg, 1982a : 70). De manière plus profonde encore, sa façon de favoriser la polysémie des concepts qu'il utilise pose sans cesse la question de les traduire dans un sens plutôt que dans un autre. Les « malentendus terminologiques et les querelles verbales » ont d'ailleurs souvent constitué l'arrièrefond de ses nombreux conflits intellectuels sur les scènes académiques française et allemande. Ils plongent certainement leurs racines dans ces polysémies multiples. Pour ne citer qu'un exemple, nous avons traduit le terme « Ich » par « Je » plutôt que par « Moi », contrairement au choix de Gurvitch jusqu'en 1930. En effet, après bien des polémiques, la rédaction finale de ses Tendances a « conduit M. Gurvitch à modifier légèrement son vocabulaire (il dit maintenant 'Je pur' au lieu de 'Moi pur') » (Berger, 1930/33 : 150). ** Nous exprimons nos très sincères remerciements à la Fritz-Thyssen Stiftung pour avoir pris en charge une partie des coûts liés à cette recherche sur Georges Gurvitch. Nous tenons également à remercier les Presses Universitaires de France et la Revue de Métaphysique et de Morale pour avoir bien voulu nous autoriser la reproduction des articles en langue française contenus dans cet ouvrage. Les rapports éditoriaux et les annexes nous ont confronté à divers obstacles. Honnis l'éparpillement des données, diverses portes de fonds et d'archives nous sont restées fermées. Nous remercions donc vivement la maison d'édition Mohr & Siebeck, les archives de l'Université d'Heidelberg et de l'Université de Melbourne, les Archives Nationales de France, la BDIC, la division des manuscrits occidentaux de la BNF, les fonds Jacques Maritain, John L. Brown, René Kônig et Roger Bastide pour leur complet concours. L'accès au fonds Georges Gurvitch nous a été particulièrement précieux pour la rédaction des rapports éditoriaux. Etant actuellement en cours de traitement par le service d'archives de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, les côtes que nous utilisons dans les commentaires sont donc provisoires. Nous exprimons une reconnaissance toute particulière à Mmes Yamina Irid, Brigitte Mazon, Marie-Annick Morrisson pour leur accueil et leur soutien, ainsi qu'à Mmes Paulette Braudel, Heidi Rubenstein et MM. Serge Aslanoff, Sacha Goriounov, Serge Jonas, Henri Raymond, Jean-Louis Vieillard-Baron, Eugeni Novikov et André Petitat. Nous adressons également nos remerciements à l'Asso20