Karol Wojtyla PERSONNE ET ACTE Traduction par Gwendoline

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Repères
pliquer la loi à des situations nouvelles
qui appellent un travail d’ajustement,
mais il se voit souvent contraint d’inventer des réponses moins guidées par
le droit que par l’éthique « descendue
sur la place publique ». Que répondre
à la personne qui, plongée dans la
détresse par le divorce entre son sexe
génétique et son sexe psychologique,
réclame un changement d’état civil ?
Quelle suite donner à la demande du
jeune Perruche qui exige indemnisation de son handicap dont une juste
appréciation de son état par le laboratoire chargé du diagnostic prénatal lui
aurait épargné de supporter le poids ?
Dans tous ces cas, on voit bien que
le juge, privé de repères certains, n’a
d’autre choix que de tâtonner en direction de la juste réponse. Et cette
conjoncture qui se retrouve ailleurs fait
bien ressortir l’allure inductive de jugements dans lesquels la conviction de la
solution à donner précède la construction de l’argumentation juridique qui la
justifiera. Comme l’écrit l’auteur, « les
questions nouvelles que doit résoudre
le juge révèlent les limites de notre
modèle classique d’interprétation du
droit » fondé, pour l’essentiel, sur le
modèle du syllogisme déductif. Or, ce
que confirme la pratique, c’est souvent
la réalité d’un raisonnement inductif
appuyé sur ce que Georges Gurvitch
appelait le « droit intuitif ».
En nul autre domaine ne se dévoile
avec plus d’évidence la prise de risque
que constitue l’acte de juger. Ce n’est
pas le moindre mérite de cet ouvrage
que d’en convaincre par l’exploration
de l’un des grands champs d’inventivité juridique.
Karol Wojtyla
PERSONNE ET ACTE
Traduction par Gwendoline
Jarczyk, avertissement,
introduction et annotations
de Aude Suramy
Saint-Maur, Parole et silence,
coll. « Collège des Bernardins »,
2011, 358 p., 32 €
Réédition un peu révisée d’une traduction parue dès 1983 au Centurion,
Personne et acte est un essai philosophique publié en 1969 en polonais par
le futur Jean-Paul II. Il y a une polémique (présentée dans l’avertissement)
sur la traduction américaine de cet
ouvrage, intitulée The Acting Person,
sortie en 1979 et récusée par l’auteur,
devenu pape depuis peu et ne reconnaissant pas son texte. La version française ici présentée a été traduite,
semble-t-il, de l’allemand, considéré
comme fidèle à la version approuvée
par l’auteur. Quoi qu’il en soit, si Karol
Wojtyla n’était pas devenu Jean-Paul II,
on peut douter du destin de ce livre,
« difficile » de lecture, assez lourd et
redondant, sec, souvent apodictique et
déductif. Mais peu d’acteurs politiques
et religieux de cette envergure peuvent
se targuer d’avoir écrit un tel livre, et
il est donc intéressant de le connaître.
Il frappe surtout par son insistance
presque unilatérale sur l’acte ou l’action libre de la personne, dont on pourrait même penser qu’elle n’est rien sans
sa manifestation dans l’acte. Dans l’acte
se réalise ou se « déroule » pour ainsi
dire la « transcendance » de la personne. Il serait naturellement exagéré
de prétendre qu’on est dans l’existentialisme. Wojtyla n’est pas Sartre ; il raisonne toujours dans les catégories aristotéliciennes et thomistes, en leur
donnant une inflexion existentielle, très
dynamique. Pour des raisons qui
m’échappent, l’introductrice veut trou-
Jacques Le Goff
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